LE CHRIST CHEZ MARTHE ET MARIE -
S’il n’y avait pas la signature de Vermeer sur
le tabouret de Marie on aurait difficilement attribué ce tableau à Vermeer car ce
grand tableau sombre au sujet biblique ne correspond pas à l’idée que l’on se fait
de son style.
L’épisode illustré est la visite du Christ dans la maison de deux sœurs,
Marthe et Marie.
On raconte que pendant que Marthe s’affairait pour recevoir leur
hôte, Marie s’était assise aux pieds du Sauveur pour écouter ses paroles dans une
attitude de dévotion. A Marthe qui se plaignait le Christ répondit “ Tu t’inquiètes
et t’agites pour beaucoup de choses ! Pourtant une seule est nécessaire.”
Le thème
est celui de l’opposition entre la vie active et la vie contemplative, entre les
biens terrestres et les biens spirituels. Ce thème était traditionnellement prétexte
à peindre une scène de cuisine avec des morceaux de nature morte.
Vermeer abandonne
l’environnement domestique pour se concentrer sur les personnages. Le Christ est
au centre du tableau par ses gestes et par l’auréole de lumière douce qui lui entoure
la tête. La pénombre qui enveloppe l’arrière plan met en valeur l’unité du groupe.
Vermeer
réduit au minimum l’évocation du cadre et limite à une petite niche de pain la représentation
de la nourriture.
Cette référence au thème de l’Eucharistie permet d’apprécier différemment
la signification du tableau.
Selon la doctrine catholique, en effet, le salut ne s’obtient
pas seulement par la foi (de Marie) mais aussi par les œuvres et les actes de miséricorde
(de Marthe) : cela pourrait expliquer l’attitude de rapport intime entre les trois
personnages.
L’apologie de la vie contemplative correspond aux idéaux des Jésuites
et fait partie des Exercices Spirituels écrits par Ignace de Loyola. Le choix d’un
tel sujet reflète les sympathies de Vermeer pour l’Eglise catholique au milieu du
17ème siècle.
La dimension de la toile, le caractère imposant des figures, l’exécution
technique, les tons ocres des fonds et le type italianisant du Christ sont très éloignés
des caractéristiques de la production de maturité de Vermeer.
Les dimensions de la
toile ( 160*142 ) permettent de supposer qu’elle lui fut commandée.
DIANE ET SES NYMPHES -
L’attribution de cette œuvres reste controversée.
Le sujet
de la toile fait référence au mythe de Diane qui est simplement représentée dans
un paysage, avec quelques unes de ses nymphes.
La déesse est assise, pensive, cependant
qu’une de ses compagnes lui lave les pieds.
On ne relève aucun élément qui fasse référence
à sa nature de chasseresse (sauf le chien ?). Les peintres hollandais représentaient
surtout Diane sous les traits de la déesse de la chasse.
Il semble plutôt que le peintre
ait voulu la représenter comme une divinité nocturne, puisque son unique attribut
évident est le croissant de lune porté en diadème sur la tête.
La lumière chaude et
dorée suggère que la scène se déroule à la tombée du jour.
L’atmosphère rêveuse et
mélancolique est accentuée par l’attitude des personnages qui paraissent absorbés.
Ils sont représentés la tête basse, de dos ou dans l’ombre comme accablés par un
immense chagrin.
Le peintre utilise une palette sombre où les jaunes, les oranges,
les bleus et le pourpres dominent.
On a voulu suggérer pour cette œuvre une lecture
symbolique, fondée sur l’association entre la nuit et la mort, voire une interprétation
christologique : le rite du lavage des pieds peut être rapproché d’une thématique
chrétienne – ce qui en ferait un lavement.
En tant que déesse de la Nuit, Diane est
aussi associée à la mort. Le chagrin des personnages souligne cet aspect de la déesse.
Il se peut que l’explosion d’une poudrière à Delf en 1654 soit à l’origine de la
représentation de ce tableau.
La technique picturale à couleurs denses suggère Rembrandt.
La
position et l’attitude absorbée de la déesse évoquent aussi la Bethsabée de Rembrandt
de 1654
La lumière et les personnages ont quelque chose d’italien
Teintes chaudes et
profondes de la palette de l’artiste, qui s’inspira sans doute de Carel Fabritius
qui périt dans l’explosion de la poudrière.
Fabritius fut parmi les disciples de Rembrandt
l’un des rares à comprendre la charge émotionnelle intense de l’oeuvre du maître.
VUE DE DELFT – 1660
Ce tableau est peut-
Le spectateur sent bouger le ciel au-
Les maisons plongées dans l’ombre au premier plan ou
éclaboussées de soleil au second plan forment une mosaïque compacte de formes et
de couleurs disparates.
Vermeer condensa le paysage urbain pour en faire une sorte
de frise en simplifiant le profil de la ville et en étalant ses formes.
Il articule
le paysage en distribuant les clairs et les ombres et en plaçant sur l’eau des reflets
sélectifs.
Il augmenta la grandeur du tableau en opposant l’horizontalité de la ville
à l’immensité du ciel et aux nuages qui la dominent.
Ce tableau (96*118 cm) est en
effet plus grand que les autres peintures du Vermeer de la maturité.
Il offre une
vue panoramique de la ville du côté du port.
On reconnaît les murailles, la porte
de Schiedam avec son horloge, la porte de Rotterdam avec ses deux tours jumelles
et au centre le clocher de la Nieuwe Kerk.
Ce sont les caractéristiques expressives
qui déterminent la singularité de cette veduta : l’artiste a retravaillé les données
réelles en les simplifiant et en redistribuant les volumes des édifices qui restent
toutefois reconnaissables.
Il a obtenu une sorte de frise horizontale à laquelle s’opposent
l’ampleur et le relief du ciel nuageux.
Recherche des effets de clair-
Au premier plan de la ville situé dans l’ombre d’un banc de nuages
s’opposent les toits éclairés des arrière-
A l’instar de « La Ruelle », la Vue
de Delft dégage et transmet une ambiance sereine
LA COURTISANNE – 1656
Les tons chauds, oranges, jaunes et rouges qui dominent ce tableau
lui donnent une force suggestive. Les personnages sont serrés les uns contre les
autres dans un espace limité derrière un tapis qui drape une balustrade.
Malgré le
titre qui lui est conventionnellement attribué, certains inclinent à voir dans la
Courtisane un tableau inspiré par un épisode du Nouveau Testament : Il s’agirait
d’un moment de la parabole du Fils Prodigue, et plus précisément de celui où le jeune
homme dilapide sa part d’héritage dans une taverne, en compagnie de femmes de mauvaise
vie. Hypothèse renforcée par le contraste voulu entre le gentilhomme de gauche et
le soldat en habit rouge.
Le personnage de gauche pourrait être également un autoportrait.
Il regarde droit devant lui comme étranger à la scène qui se déroule à ses côtés,
attitude caractéristique de ce type de portrait. Son habit bourguignon et non pas
hollandais du 17ème siècle renforce l’hypothèse d’une représentation du passé plutôt
que d’une scène contemporaine.
Dans l’oeuvre de Vermeer ce tableau représente le passage
des scène mythologiques et bibliques aux scènes de genre.
Ce sujet unissait une leçon
moralisante à la représentation d’une scène courante dans l’art hollandais, inspirée
par la vie quotidienne.
Dans le tableau apparaissent, outre la fille et le client,
une vielle femme (l’entremetteuse) et un jeune musicien qui regarde le spectateur
et qui pourrait être un autoportrait du peintre.
Malgré la richesse incontestable
des couleurs ce tableau n’est pas parfait. Le personnage à gauche du tableau reste
isolé par rapport aux autres personnages. Les effets spatiaux sont obscurs et confus.
On ne sait pas s’il faut placer le tableau au niveau du regard ou légèrement au-
On relève des échos de l’œuvre
de Rembrandt dans les clairs-
Ce tableau est fort par
les tensions créées par l’artiste et par la richesse des couleurs.
SOLDAT ET JEUNE FILLE RIANT – 1658
Ce tableau est un des plus lumineux de Vermeer.
La lumière qui inonde le coin de la pièce où le couple est assis resplendit d’autant
plus qu’elle s’oppose à la silhouette sombre de l’officier dont le chapeau noir et
la veste rouge contrastent vivement avec l’arrière plan brillamment éclairé et la
nappe vert-
La scène représentée se déroule dans une pièce où un soldat et une
jeune femme devisent ensemble, assis à une table ; l’homme est vu de trois quarts
arrière, dans une posture très informelle, tandis que la jeune femme arbore une expression
avenante, rare dans les œuvres de Vermeer.
Les personnages se tiennent près d’une
fenêtre ouverte : la lumière vive qui inonde la pièce se refléte sur le mur du fond,
le plateau de la table, le visage et les habits de la jeune femme.
Au mur du fond
de la pièce est accrochée une carte de la Hollande et de la Frise.Vermeer représente
très fréquemment dans ses tableaux des cartes géographiques, forme de décoration
très répandue à son époque. Cette carte de la Hollande et de la Frise occidentale
fut dessinée en 1620 par Florisz.
Au premier plan, le soldat joue un rôle essentiel
dans la composition : la tonalité sombre du contre-
Il peint le soldat de dos si bien que le spectateur
découvre la scène par dessus son épaule ce qui donne du naturel au tableau.
Le traitement
même de l’espace, avec la disproportion évidente entre le premier et le deuxième
plan, semble découler de l’utilisation d’un instrument d’optique déformant ; aujourd’hui
on dirait un grand angle d’appareil photographique.
Vermeer constuit son tableau en
appliquant les lois de la perspective linéaire. Les lignes orthogonales fuyantes
du cadre de la fenêtre donnent de la profondeur au tableau. Le point de fuite de
la fenêtre se trouve entre l’homme et la femme au niveau de leur regard.
GENTILHOMME ET DAME BUVANT DU VIN – 1659
Vermeer dépeint ici un intérieur spacieux
et place ses personnages vers l’arrière plan. Il respecte les lois de la perspective
linéaire.
Le comportement des personnages est guindé et on peut douter d’une relation
intime malgré la présence du luth et du verre de vin.
Pour donner une représentation
appropriée de la bourgeoisie Vermeer renonce aux coups de brosse vigoureux et francs;
ici, ils sont relativement doux et lisses en particulier sur les étoffes et les visages.
Le
tableau représente l’angle d’une pièce dans une demeure cossue, dont on aperçoit
deux fenêtres, une table recouverte d’un tapis d’Orient et un tableau richement encadré.
A
la table est assise une jeune femme qui vide un verre de vin : son visage reste cachée
par sa coiffe blanche, il est donc impossible d’en saisir l’expression.
L’attitude
de l’homme debout à sa droite est aussi ambiguë : il tient encore en main la cruche
avec laquelle il a versé du vin.
Malgré le style raffiné du tableau et l’attitude
un peu guindée des personnages, le peintre a-
Le tableau est à déchiffrer d’un point de vue moral : dans le décor du
vitrail apparaît une femme qui tient des rênes, symbole de la tempérance et de l’exhortation
à la modération.
LA JEUNE FILLE AU VERRE DE VIN – 1659
On reconnaît les scènes de genre de Vermeer
grâce aux fenêtres décorées, aux carrelages et aux murs.
Dans une pièce semblable
à celle du Gentilhomme et dame buvant du vin sont figurés trois personnages.
Au premier
plan est assise une jeune fille élégamment vêtue qu’un galant invite à boire dans
le verre qu’elle tient de sa main droite ; l’homme la regarde avec une intensité
flagorneuse, tandis que la demoiselle est tournée vers le spectateur avec un étrange
rictus qui a été interprété de plusieurs façons.
Ce pourrait être le signe d’une légère
ébriété ou bien l’expression du plaisir un peu naïf qu’elle prend aux attentions
de son chevalier servant.
La situation du troisième personnage en arrière-
Le tableau du fond représente un gentilhomme plein de dignité. Vermeer l’a
peut-
La connotation moralisante est manifeste : elle s’exprime par les
allusions du vitrail décoré dont le médaillon central montre une figure féminine
qui est une allégorie de la Tempérance.
LA RUELLE – 1657
La Ruelle est l’un des tableaux les plus enchanteurs de Vermeer.
Il est à la fois pittoresque et plein de retenue.
Il ne nous conduit pas le long de
la rue mais nous invite à la traverser.
Le spectateur placé devant la façade plate
des maisons peut observer tout à loisir la variété de la scène et son unité.
La scène
est dominée par la lumière grise du ciel nuageux ; de l’autre côté de la ruelle pavée
qui a donné son titre à l’œuvre, le peintre a cadré une partie d’une grande maison,
le corridor d’accès à une cour intérieure, la porte et la fenêtre d’une maison voisine.
Le
sens de la profondeur de champ est donné par l’échelonnement d’autres maisons en
arrière-
Dans cet espace
resserré se répartissent quelques personnages à peine esquissés, vaquant à leurs
occupations : le tableau paraît représenter les idéaux de sobriété et d’application
qui devaient présider, selon la morale hollandaise au bon déroulement de la vie domestique.
L’atmosphère
d’intimité tranquille est en effet celle qui règne dans les tableaux de Vermeer représentant
des scènes d’intérieur.
On ne sait pas encore vraiment si le peintre a figuré un lieu
réellement existant ou bien s’il s’agit d’un mélange d’éléments réels et d’éléments
inventés.
Une tradition non vérifiée identifie l’édifice principal au siège de la
guilde des peintres.
L’usage de la technique « pointilliste » est ici limitée à la
plante grimpante sur la gauche.
L’artiste montre une grande sensibilité à la lumière
et à la couleur : grande virtuosité dans le traitement des murs de briques.
LA LAITIÈRE – 1659
La force, la simplicité et la netteté de cette oeuvre incarnent
désormais l’essence du caractère holllandais.
Le personnage qui se détache sur un
mur blanc nu donne pratiquement à lui seul toute la force du tableau.
Vermeer souligne
les contours du dos de son personnage d’un trait blanc très fin. Ce procédé fait
ressortir le personnage et met en valeur ses couleurs.
Cette œuvre a toujours été
saluée comme l’une des meilleures de Vermeer. C’est par un vote spécial du Parlement
hollandais qu’elle a été acquise pour les collections nationales.
La présence des
éléments de décor est ici réduite au minimum : l’attention se concentre sur la figure
d’une robuste servante qui verse du lait dans une marmite.
Généralement Vermeer peint
des personnages appartenant à un milieu social plus élevé.
Les coups de pinceau sont
hardis et vigoureux: le modelé est assez sommaire.
Les couleurs : jaunes, bleus, verts
et rouges , sont fortes et terreuses.
La lumière entrant par la fenêtre, à gauche,
éclaire cette femme, le mur qui se trouve derrière elle et la table du premier plan.
Sur
celle-
Sur la corbeille comme sur le pain et le pichet en bronze,
on relève la technique à pointillés de lumière déjà utilisée par Vermeer pour certaines
toiles et qui donne ici des résultats magistraux.
Sont traités de la même façon le
corsage et le tablier de la domestique, le récipient de laiton accroché au mur du
fond.
Le tableau de Vermeer se distingue de la tradition hollandaise des « scènes
de cuisine » : l’atmosphère en est déterminée par le caractère du personnage.
L’attitude
concentrée de la femme et son application à travailler aux besoins de la famille
illustrent bien l’idéal hollandais des vertus domestiques.
Cette signification est
renforcée par la présence d’un brasero sur le sol et de carreaux décorés d’amours
sur la plinthe qui sont autant d’allusions symboliques à l’affection.
LA DENTELLIERE -
Faire de la dentelle requiert une grande concentration et Vermeer dépeint l'intensité de cet effort.
Il place la jeune fille devant un mur blanc pour éviter que l'oeil ne se perde sur des détails
Penchée sur son travail elle déplace ses fuseaux et ses épingles pour faire de la dentelle
Au premier plan des fils rouges et blancs coincés sous un gros coussin bleu s'étalent sur la table
Le format réduit du tableau met en valeur le sujet. Pourtant Vermeer emploie autant de soin à rendre chaque détail que dans les compositions plus grandes
En plaçant le spectateur légèrement en dessous de la dentellière Vermeer met l'accent plus sur son travail que sur la technique du métier
Il crée des zones de couleurs floues au tout premier plan qui marquent différentes profondeurs de champ
Les fils blancs et rouges forment des taches de couleur abstraites
Vermeer trace des contours nets et précis comme l'ovale du visage
Le cadre est réduit au minimum : la vision de l'artiste est très rapprochée
Au premier plan se trouve l'angle d'une table sur lequel est posé un coussin à broder d'où sortent des fils blancs et rouges que le peintre a tracé de la pointe du pinceau
La lumière arrive par la droite et met en valeur le jaune du corsage de la dentellière mais aussi son front et ses doigts ce qui souligne sa concentration sur son travail manuel
Le personnage de la brodeuse est un symbole de vertu domestique. Cette interprétation moralisante est soulignée par la présence du petit livre qui est probablement un bible ou un ouvrage de piété
Vermeer "floute" les objets du tout premier plan : on le remarque dans l'écheveau des fils rouges et dans les pompons du coussin : ainsi le regard est focalisé sur le deuxième plan où se trouve la dentellière
LA FEMME A LA FENÊTRE – 1664
La scène est construite selon les modalités habituelles
: la lumière entre par la gauche et éclaire l’angle d’une pièce.
La position des objets,
la couleur, les reflets et les ombres dénotent une intuition artistique qui distingue
Vermeer de ses contemporains.
Le tableau d’une grande simplicité représente une femme
vêtue d’une robe bleue et jaune ornée d’un grand col blanc portant une coiffure également
blanche.
Elle entr’ouve légèrement une fenêtre d’une main tandis que dans l’autre
elle tient un pot en cuivre posé sur une table.
Malgré la simplicité du sujet cette
image produit un effet vigoureux inattendu. La douce tranquilité du personnage s’étend
sur toute chose. Son attitude fait pense à ses moments où absorbés par nos pensées
nous perdons la notion du temps et de l’espace.
La femme légèrement en retrait de
la fenêtre crée un lien entre les deux parties du tableau.
Les courbes gracieuses
de sa silhouette contrebalancent les formes géométriques plus dures de la fenêtre,
de la carte, de la cuvette et du pot.
Les ombres sur le mur contribuent à fondre le
personnage dans son environnement tout en assurant la continuité de l’image.
La lumière
douce donne à la scène un caractère irréel comme si le temps n’existait plus.
Vermeer
applique un fond chaud ocre clair qui met en valeur toutes les nuances de couleur
et qui lui permet d’exprimer les ombres de façon saisissante.
Le côté ombré de la
veste de la jeune femme ne présente qu’une légère trace de pigment jaune: c’est le
fond qui devient couleur. Pour marquer l’ombre des plis il applique au contraire
de la peinture bleue qui accroît l’éclat satiné des étoffes.
Il souligne les contours
de la robe bleue en appliquant une ombre blanche tré légère.
L’attitude méditative
est soulignée par les yeux baissés qui paraissent regarder vers l’extérieur.
Aucune
action précise n’est indiquée sur la toile : le broc, la cuvette et le mantelet de
la jeune femme pourraient suggérer le moment de la toilette, mais aucun autre élément
ne le confirme.
Dans la tradition des emblèmes le thème du lavage est associé à l’idée
de la pureté et de l’innocence.
Dans plusieurs tableaux de Vermeer on a l’impression
que l’objectif principal est de représenter l’effet de la lumière à travers la vitre
bleutée d’une fenêtre.
En effet, la lumière est traitée avec une grande sensibilité
: on le remarque dans la tonalité violâtre des reflets sur le mur et dans les passages
en demi-
Le bord de la robe est nuancé de légères
touches de pinceau, de façon à adoucir l’incidence de la lumière sur la courbe du
tissu.
Le peintre avait songé à faire figurer une chaise de profil sur la gauche :
son élimination permet à la lumière d’arriver sur le personnage entier, presque isolé
dans un espace immobile.
JEUNE FEMME ASSOUPIE – 1657
Il est impossible de définir avec précision la condition
de la jeune fille représentée.
La femme est assise, les yeux clos, la tête appuyée
sur la main, derrière une table recouverte d’un somptueux tapis d’Orient relevé sur
le devant. Une chaise au premier plan délimite l’espace et augmente la distance entre
le spectateur et la jeune femme.
L’attitude de la femme endormie correspond à la représentation
de la Paresse et contient une morale implicite : il faut toujours agir avec tempérance
et modération.
La femme endormie sous l’effet du vin symbolise aussi la Tristesse
: on peut donc supposer tout aussi bien que l’état d’âme de la jeune femme est causé
par une déception amoureuse.
Cette hypothèse trouverait une confirmation dans le tableau
représenté derrière la jeune femme. Ce tableau est peu visible mais il s’agit de
l’Amour. L’étude de ce tableau aux rayons X renforce cette interprétation. Ce tableau
fait référence à un livre publié en 1608 : Amorum Emblemata; l’emblème qui s’intitule
“L’Amour requiet la Sincérité”, symbolise l’amour trompé.
Cette toile partage avec
la Courtisane un premier plan défini par un tapis d’Orient.
On remarque une incertitude
de la définition des rapports spatiaux dans la perspective de siège et de la table,
ce qui rattache ce tableau à la production de jeunesse de Vermeer.
LE COLLIER DE PERLES -
La scène représente une jeune femme qui met son collier
de perles devant un miroir.
Debout derrière une table sa silhouette se détache sur
un mur blanc inondé de lumière.
Elle est vêtue d’une élégante veste de satin jaune
bordée d’hermine et ses cheveux s’ornent d’une rosette rouge.
Sur la table devant
elle sont posés une houpette à poudre et une cuvette.
La scène – comme toutes celles
de cette période -
Les mouvements du personnage sont réduits au minimum mais son regard expressif
fixé sur le miroir fait vivre l’espace.
Les critiques divergent sur la signification
de cette scène.
Pour certains, le thème de la vanité, traditionnellement associé à
ce genre d’images, est en opposition avec l’atmosphère même du tableau : la figure
de la femme n’est ni sensuelle, ni séduisante mais pudique et comme absorbée.
Pour
d’autres, la jeune femme personnifie plutôt des valeurs positives telles que la pureté
et la vérité.
La présence du miroir devrait alors être interprétée comme le reflet
authentique de la vérité.
La construction du tableau est celle de La Peseuse de perles
mais la gamme chromatique est plus soutenue et plus intense.
LA PESEUSE DE PERLES – 1664
Dans cette toile Vermeer a représenté une femme qui tient
en équilibre un trébuchet ; sur la table devant elle sont posés des coffrets à bijoux
et des colliers de perles.
Elle porte une veste d’intérieur bleue bordée de fourrure
blanche et un foulard blanc dont les bords dénoués tombent sur ses épaules encadrant
son visage pensif et serein en même temps.
La scène est éclairée par la lumière diffuse
qui filtre à travers un rideau orangé.
Sur le mur du fond est suspendu un tableau
terrifiant représentant le Jugement dernier. Le cadre noir rectangulaire aux lignes
horizontales et verticales accentuées crée un fond stable sur lequel se détache le
personnage.
Ce dernier élément, joint à la présence des bijoux et de la balance, a
donné naissance à diverses interprétations allégoriques.
La jeune femme et le tableau
retracent des thèmes parallèles: en effet juger signifie peser.
On a cru aussi que
la femme était la personnification de la Vanité ou bien de la caducité des biens
de ce monde : l’attachement aux choses matérielles est contraire aux principes de
la religion, rappelés par la présence menaçante du Jugement.
Inversement, la peseuse
pouvait être une figure positive, voire une transposition de la Vierge qui intercéda
en faveur des pécheurs lors de ce même Jugement, les perles seraient alors des allusions
à sa pureté.
Une analyse radiographique a révélé que les plateaux du trébuchet ne
contiennent pas de perles : ils sont entièrement vides.
On a donc supposé que la scène
constitue une exhortation à la tempérance : la femme « soupèse » ses propres actions
avec la même sévérité que celle du Christ jugeant les hommes.
Les bijoux étalés sur
la table n’ont pas l’air de tenter la jeune femme: elle n’a d’yeux que pour la balance.
Elle respire la paix intérieur et la sérénité et ne craint pas le jugement dernier.
La balance signifie qu’elle pèse et mesure ses actions.
Le miroir qui lui fait face
représente la recherche de la connaissance de soi. Bien qu’elle n’ait à se reprocher
aucune de ses actions, elle sait sans le redouter qu’elle devra se soumettre au jugement
dernier.
L’ASTRONOME -
Avec le Géographe, ces deux tableaux représentent des personnages
masculins.
Il s’agit de deux scientifiques, figurés avec précision parmi leurs instruments.
Ces
caractéristiques insolites chez un peintre qui aimait peindre des personnages féminins
occupés à de simples activités quotidiennes font supposer l’existence d’un commanditaire
spécifiquement intéressé par ce genre de sujet.
La scène est construite selon les
modalités typiques des portraits d’intellectuel.
L’astronome est représenté à l’intérieur
de son cabinet de travail.
Autour de lui sont disposés ses instruments : livres, graphique,
astrolabe et compas.
Le savant est assis à sa table sur laquelle est posée une sphère
céleste qui reproduit avec fidélité celle publiée par Hondius en 1600.
L’interprétation
théologique de l’Astronome se fonde sur la présence d’un tableau à sujet biblique
figurant Moïse sauvé des eaux, sujet associé au motif de la Divine Providence qui
guide le destin des hommes.
Le scientifique est debout et fait tourner le globe, comme
pour vérifier quelque chose.
Ce geste naturel confère à l’œuvre une qualité narrative.
Ce
tableau est avec « La Courtisane », le seul qui soit daté et signé par Vermeer.
LE GÉOGRAPHE -
Comme pour l’Astronome, dont il constituait le pendant, on suppose
pour le Géographe un commanditaire de haute culture.
On a évoqué Leeuwenock, savant
de Delft, célèbre pour ses recherches au microscope qui affectionnait l’astronomie
et soutint en 1669 une thèse de topographie.
La scène est semblable à celle qui est
peinte dans l’Astronome : le personnage est représenté dans le cadre de la même pièce
lumineuse, meublée d’une table et d’une armoire.
Autour sont disposés négligemment
les cartes et les livres utilisés pour l’étude ; d’autres volumes s’entassent au-
Le géographe est penché sur sa table
et tient dans sa main droite un compas ; il semble qu’il vienne juste de lever les
yeux de ses cartes pour regarder par la fenêtre.
On a supposé que l’Astronome et le
Géographe renferment une signification symbolique : celui-
Leur attitude traduit la confiance dans
leurs recherches : le premier touche la sphère céleste, le second regarde vers la
lumière et le monde réel.
L’atmosphère n’est plus celle des année antérieures, tranquille
et méditative, mais elle se ressent du dynamisme et de l’action concentrée dans le
personnage.
La lumière se projette sur le mur avec des ombres et la robe de chambre
du savant a des plis nets et contrastés.
LA JOUEUSE DE GUITARE – 1672
Cette toile est la deuxième donnée en 1676 au boulanger
pour solder les dettes de Vermeer.
Cette toile à la même immédiateté que « La Dentellière
» : dans un cadrage rapproché et apparemment informel est assise une jeune femme,
occupée à jouer de la guitare.
Cette jeune personne vêtue de la liseuse de satin jaune
bordée d’hermine, déjà vue dans de nombreuses œuvres, a un visage ouvert et souriant.
La
direction de son regard, tourné vers l’extérieur de la composition, accentue l’effet
dynamique obtenu en décalant la figure vers le bord gauche de la toile ;
La coiffure
de la jeune femme est la même que celle de la Dentellière.
L’artiste est éloigné de
tout intérêt pour le rendu des effets de matière de la veste ; il se concentre sur
la couleur comme instrument pour modeler les plans et les figures.
Grande luminosité
en certains endroits de la robe et dur les reliefs de l’encadrement doré du tableau
accroché au mur.
LA JOUEUSE DE LUTH -
Ce tableau est en mauvais état de conservation.
La scène est située dans l’angle du pièce éclairée par la gauche : derrière une table est assise une jeune musicienne qui porte la même veste que la jeune fille du Collier de perles ou que la Jeune femme écrivant une lettre.
La musicienne est saisie dans un moment de tension artistique, comme si elle était en train de vérifier le bon accord de l’instrument.
Sur le mur du fond est suspendue une grande carte géographique de l’Europe : il s’agit de celle du géographe Hondius publiée en 1613.
La profondeur de champ n’est pas suggérée à l’aide des ressources typiques de la perspective, mais par la seule juxtaposition des objets proches et lointains.
GENTILHOMME ET DAME JOUANT DE L’EPINETTE – 1662
Le tableau représente l’angle d’une
vaste pièce inondée par la lumière du soleil : contre le mur du fond une jeune femme
vue de dos joue de l’épinette tandis qu’un gentilhomme debout à sa droite la regarde
avec attention.
Les deux figures sont immobiles comme si la musique s’était arrêtée
subitement.
Les éléments du tableau apparaissent comme des motifs et des formes colorés
ce qui donne à la composition un caractère abstrait qui caractérise l’art du xxème
siècle.
Cette composition est en effet orchestrée selon des règles géométriques rigoureuses.
Le
dessin des poutres, la répétition des formes noires sur le mur du fond, la position
de la table, la chaise et la cruche, chaque objet est parfaitement à sa place.
Le
couvercle est moins net sur la droite de la jeune fille pour éviter que le regard
ne s’attarde trop à reconstituer le dessin dont il est orné.
Le visage de la femme,
légèrement tourné vers la droite, se reflète dans un miroir suspendu au-
On
suppose que Vermeer a voulu, de cette façon, attirer l’attention sur son propre rôle
d’auteur.
Initialement le jeune homme se trouvait plus près de la jeune fille qui
tournait la tête vers lui comme en témoigne encore l’image dans le miroir.
A travers
un jeu serré de renvois, Vermeer illustre la comparaison entre la musique et l’amour,
se fondant sur le principe de l’harmonie et offrant consolation et réconfort.
Sur
l’épinette est peinte une maxime en latin « La musique est compagne de la joie –
La médecine, des douleurs »
La présence d’une viole suggère aussi que cet instrument
vibre par sympathie en écho au son de l’épinette, comme l’écho des sentiments de
deux personnes qui s’aiment.
Et de fait, l’attitude de l’homme semble dictée par une
harmonie semblable.
La consistance particulière des différentes matières est rendue
par le traitement pictural comme les veinures du marbre sur le carrelage.
LE CONCERT – 1665
La musique qui représente l’amour et la séduction est un thème classique
de la peinture hollandaise.
Similitudes évidentes avec le Gentilhomme et dame jouant
de l’épinette : les personnages sont disposés dans une pièce, meublée d’une table
partiellement recouverte d’un tapis.
L’instrument de musique, un clavecin cette fois,
est installé contre le mur du fond ; on aperçoit dans les premiers plans des feuilles
de musique, un instrument à cordes mal défini (sur la table) et une viole (posée
au pie de la table).
Les personnages sont disposés dans le fond de la scène : une
jeune femme est assise au clavecin, un homme vu de dos l’accompagne au luth et une
seconde jeune femme, debout à droite, chante en battant la mesure.
Le gentilhomme
élégamment vêtu ressemble plus à un visiteur qu’à un maître de musique.
Sur le mur
du fond sont accrochés deux tableaux : celui de gauche représente un paysage de forêt
et celui de droite un tableau de Baburen, « l’Entremetteuse », également reproduit
dans la « Femme assise devant son virginal » ; ce tableau de Baburen figurait dans
l’inventaire des biens de la famille dressé après la mort du peintre.
Selon la tradition
la scène aurait une valeur symbolique : celle de l’association entre la musique et
l’amour sensuel.
Toutefois l’attitude des personnages ne fait aucune allusion à des
liens de ce type. Au contraire, l’harmonie tacite qui les unit renvoie plutôt à des
significations spirituelles. La musique n’est-
En plaçant la jeune fille de profil Vermeer réussit à la mettre
dans l’ombre et à supprimer toute relation avec le personnage masculin.
Le tableau
de l’Entremetteuse du fond aurait donc plutôt une signification de contraste.