L'adoration des mages 1633 (Londres)
Ce tableau qui est à Londres a été peint avant un autre sur le même thème qui est à Dresde
Une des rares œuvres que Poussin ait signée
A l'arrière-
Sur le devant deux bergers, une bergère et une femme portant un plateau de fruits se tournent vers l'Enfant et la Vierge
Derrière ce groupe, Saint Joseph, l'âne et le bœuf semblent n'avoir guère inspiré l'artiste, plus à l'aise avec les chevaux
Format en hauteur inhabituel pour Poussin
L'artiste a porté son effort sur l'architecture qui évoque plus Rome que Bethléem et sur les cinq angelots qui animent la partie haute de la toile
Les différents plans de la composition, l'architecture, le balancement des figures, l'agencement des colonnes et des arcades, des droites et des courbes, des horizontales et des verticale visent à l'équilibre parfait au détriment du sujet, abordé comme avec détachement
Poussin accorde la priorité à la construction rigoureuse de sa toile, à l'étude des gestes et des attitudes, à la fois en mouvement et comme à l'arrêt
Il transcrit les sentiments de surprise, d'étonnement, d'émerveillement, de respect et de bonheur qu'éprouvent les participants à la scène
L'adoration des Mages 1633 (Dresde)
Poussin réutilise le schéma d'une composition de Raphaël aux Loges du Vatican
Mais il diversifie les réactions des rois et de leurs suites devant la naissance du Sauveur : étonnement, respect, silence, humilité
Toutes les figures du premier plan présentées de profil sont liées entre elles par le réseau serré des gestes et des postures
Une ruine à l'antique sur la gauche et l'échappée du paysage à droite donnent toute son ampleur à la scène
Le triomphe de David 1633
Entre les colonnes du temple la figuration prend des allures de foule de théâtre
Toute action historique prend chez Poussin, du fait de la mise en situation comme un film à grand spectacle, un caractère solennel et souvent grandiose
Tableau scandé par l'architecture et construit sur deux registres superposés
Distinction des plans
Nette délimitation des groupes
Souci de trouver pour chaque figure le geste et l'expression exacts
A cette époque Poussin se convertit lentement au classicisme
Le triomphe de Pan 1634
Autour de la statue du dieu cornu et laid dansent les satyres et les nymphes séduits par sa flûte
Le rythme et les mouvements de franche empoignade peuvent faire penser à Rubens
Le dieu Pan est le bienfaiteur des bergers et le garant de la fécondité des troupeaux
Pan est un acteur important de la Nature qui se métamorphose sans cesse : le principe de la métamorphose est matérialisé par la présence de masques au premier plan
Organisation en profondeur
Peu à peu Poussin dispose ses figures parallèlement à la surface du tableau
Les personnages et les groupes n'entretiennent entre eux que des liens formels et non psychologiques ou dramatiques
Combinaison de mouvements violents et divergents dont le balancement se résout en immobilité
Le jeune Pyrrhus sauvé 1634
Tableau entré en 1665 dans la collection de Louis XIV
Poussin évite l'effet linéaire de la frise et recourt à une tonalité cuivrée pour renforcer le coloris
Le sujet est tiré de Plutarque
Pyrrhus, né en 319 av JC, fils du roi Eocide, menacé au cours d'une sédition est emporté par les fidèles de son père, jeunes gens sûrs et robustes, Androcléion, Hippias et Néandros, qui voulaient mettre l'enfant de deux ans en sécurité à Mégare
Le soleil était déjà couché
Un fleuve les séparait de la ville (fleuve représenté allongé vu de dos sur la gauche de la toile)
A l'entrée de la ville on voit un terme en Mercure
L'ennemi approchait, repoussé difficilement sur la droite
Les sauveteurs de Pyrrhus aperçurent des gens du pays sur l'autre rive
Ils poussèrent des cris mais ne furent pas entendus à cause du courant
Ils firent alors passer un message écrit sur deux morceaux d'écorce fixés, l'un à une pierre, l'autre à un javelot
Poussin rassemble les personnages sur un même plan et résume l'action en isolant les corps et en répétant par trois fois une même attitude selon les principes du Traité de Léonard de Vinci qui l'occupait à cette époque
Nous retrouverons ce principe dans le David du Serment des Horaces
Poussin adoucit la rigueur de la composition par le groupe des nourrices qui rappellent Raphaël, une des sources d’inspiration constantes de l'artiste
Poussin a souhaité exprimer les diverses étapes qui vont du danger sur la droite au salut à gauche en passant par l'effroi et la crainte (les deux femmes qui se retournent), l'appel (le soldat qui soulève Pyrrhus, son voisin qui le montre), l'espérance qui naît
Poussin a placé Pyrrhus éclairé par un rayon de lumière en plein centre de sa toile et au point de rencontre de la tension que créent les deux pôles d'intérêt de la composition
Beauté formelle de la nature morte avec les boucliers, la gourde et le sac d'étoffe bleue
Confirmation 1636
Un prêtre oint le front d'un enfant à l'aide de l'huile sacrée qu'un acolyte lui présente sur un plateau
Au second plan un autre prêtre debout oint le front d'un enfant qui a déjà reçu la confirmation
Sur la gauche une fillette poussée par sa mère semble hésiter à se diriger vers le prêtre
Une autre mère, à genoux vue de dos, au premier plan, se tourne vers la fillette en tenant par l'épaule son enfant
Les figures disposées harmonieusement se détachent devant l'architecture
Poussin faisait usage de figurines de cire qu'il déplaçait dans une boîte afin de composer sa toile
Le mariage 1636
Un des premiers tableaux de la série des sacrements
Poussin pour symboliser ce sacrement a choisi de représenter le mariage de la Vierge : le grand prêtre pose ses mains sur les épaules des époux agenouillés devant lui, se touchant l'un l'autre la main droite
Verge fleurie de saint Joseph qu'un assistant désigne avec émerveillement
Poussin choisit l'ordre corinthien pour exprimer l'agréable et le gracieux
L'extrême-
L'agonisant est oint d'huile par un prêtre qui lui soulève la paupière
Sa mère lui soutient délicatement la tête tandis que son épouse assise au pied du lit pleure en se dissimulant le visage
Chaque assistant participe à la scène en fonction de son degré d'intimité avec l'agonisant
Qualité de la lumière venant de la fenêtre de gauche qui baigne la composition et lui donne son unité
Les courbes et les droites, les ombres et les lumières sont agencées avec recherche
Élégance de la jeune servante sur sa droite qui franchit une porte et se retourne comme amusée vers le spectateur
L'enlèvement des Sabines 1637 (Louvre)
Il existe une autre version de l'Enlèvement des Sabines (1638) qui est à New York
La population de Rome, ville nouvellement fondée, était essentiellement militaire
Les soldats se devaient de trouver des épouses
Romulus invita ses voisins, les Sabins, à une fête
A son signal chaque romain devait s'emparer d'une Sabine
Romulus est au second plan, sur la gauche, accompagné de deux sénateurs, donnant le signal de l'enlèvement
A gauche une Sabine qu'emporte un vigoureux guerrier, tire d'une main les cheveux de son ravisseur et lève l'autre vers le ciel qu'elle semble implorer
A droite un romain arrête une Sabine qui veut fuir avec son mari
Le couple qui court à gauche rime avec le couple qui court à droite
La vielle femme agenouillée rime avec la vieille femme assise
Romulus n'est que l'instrument du Destin, le futur triomphe de Rome
L'arrière-
Composition toute en profondeur
Poussin multiplie les groupes convergents ou divergents et insistes sur le mouvement
L'adoration du veau d'or 1637
Moïse (en haut à gauche) redescend du Sinaï où les Tables de la Loi lui ont été remises
Il trouve son peuple en adoration (danses, invocations) devant un veau d'or confectionné à partir de tous les bijoux d'or qui ont été fondus par Aaron, le frère de Moïse, à qui le peuple a demandé de "faire des dieux qui marchent à note tête"
Colère de Moïse qui détruira les Tables et brûlera le Veau d'or
Le groupe réunit de nombreux personnages dans des attitudes diversifiées
Poussin utilise des éléments venus d'autres œuvres :
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Paysage avec Saint Jérôme 1637
Ce tableau est une commande de Philippe IV d'Espagne pour son palais Buen Retiro
L'anachorète est immergé dans une nature touffue
Sur la gauche une échappée introduit de la lumière dans cette austère thébaïde
Le thème du saint méditant dans un paysage sera repris plus tard (Saint Jean à Patmos et Saint Mathieu et l'ange)
Le passage de la Mer Rouge 1637
Poussin peint l'instant qui suit l'injonction de Dieu "Et toi, lève ton bâton, étends
la main sur la mer, fends-
Du premier plan jusqu'au pied du piton rocheux le peuple s'égrène comme une guirlande ponctuée de vives taches colorées
Moïse, à la jonction de la mer et de la terre, aux trois quarts tourné vers le ciel, s'adresse à Dieu dans une sorte d'action de grâces
Derrière Moïse, le peuple Hébreux est très animé
Les uns s'appliquent à récupérer armes et boucliers des Egyptiens, engloutis eux dans la mer, les autres remercient le Seigneur
Camille et le maître d'école de Faleries 1637
Poussin lisait les histoires grecques et latines
Il annotait les sujets puis à l'occasion s'en servait
Camille, le général romain qui a assiégé Faleries (39 av JC) renvoie le maître d'école de la cité étrusque, venu proposer ses élèves en otages "Je livre Faleries aux romains en leur livrant ces enfants dont les pères gouvernent la ville"
C'est au contraire lui, que Camille abandonne à la vindicte des enfants
A la gesticulation désordonnée du maître aux prises avec les jeunes gens s'oppose le statisme du groupe réuni autour du général
Dans une attitude noble que souligne le rouge de la toge, il semble rendre une sentence
De son visage se dégage une certaine sérénité, comparé à celui grimaçant du maître d'école
Un soldat valeureux est un homme de devoir et de vertu. Il peut se montre aussi généreux et digne que les héros des pièces de Corneille
Moïse sauvé des eaux 1638
Moïse, le prophète qui conduira les Hébreux hors d'Egypte est abandonné sur les eaux du Nil par Jocabed, sa mère, qui le soustrait ainsi à la mort
Il est sauvé par Thermusis, la fille du pharaon qui persécutait le peuple juif
Poussin approfondit le thème des hasards de la Destinée et des desseins de la Providence
Rythme des formes d'une sérénité antique
Le geste de la fille de pharaon dont la taille surprend, s'appuyant sur sa compagne, est inspiré de plusieurs groupes romains
Clarté du coloris dominé par le gris (une certaine dureté et froideur ?)
Beauté du paysage auquel Poussin accorde une place importante
Reflets dans l'eau du fleuve des promeneurs, de la pyramide, du passeur et de sa barque
Volonté "monumentale" qui indique une nouvelle orientation de l'art de Poussin
Composition "frigide" : les sculptures sont disposées savamment le long du Nil figuré sur la gauche de la toile
La frise se déploie en une digne simplicité et une majestueuse noblesse
Le sourire grave qui se lit sur le visage de la fille de pharaon, qui n'ignore rien de l'importance de sa découverte, vient tempérer l'effet de distanciation souligné par Poussin
La reine Zénobie trouvée sur les bords de l'Araxe 1638
Le sujet est tiré des Annales de Tacite
Zénobie, reine d'Arménie, et son époux Rhadamiste sont poursuivis par les Parthes
Prise des douleurs de l'enfantement elle supplie son mari de l'abandonner afin qu'il puisse échapper à l'ennemi
Il lui donne un coup de hache et la jette dans les eaux du fleuve Araxe "pour ravir ainsi son corps à l'ennemi"
Des bergers la recueillent "et jugeant à la noblesse de ses traits qu'elle n'était pas de basse extraction", la sauvent
L'un d'eux pointe le doigt vers les poursuivants
Le tableau est resté à l'état d'ébauche
La Manne ou Les israélites recueillant la manne dans le désert 1638
C'est le premier tableau peint par Poussin pour Chantelou, son principal mécène français et son plus proche confident
Achevé à la veille du départ de Rome pour Paris
Le sujet est tiré de l'exode durant la traversée du désert
"Le matin il y eut une couche de rosée autour du camp qui s'éleva et devint une mince croute comme le givre sur la terre … Moïse leur dit " C'est le pain que Jahvé vous a donné en nourriture"
Poussin " J'ai trouvé certaines attitudes naturelles qui font voir dans le peuple juif la misère et la faim où il était réduit et aussi la joie et l'allégresse où il se trouve"
Plusieurs groupes :
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Poussin réunit :
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Tout "honnête homme" du 17ème siècle reconnaissant dans le miracle de la manne la préfiguration de l'Eucharistie
Paysage avec Saint Jean à Patmos 1640
Poussin peignit ce tableau dans les mois qui précédèrent son départ pour la France en novembre 1640
Le paysage classique : un genre qui allait occuper une place de plus en plus importante dans sa production
Avant 1640 la nature accompagnait la scène mythologique, se fondait au récit, ornait la composition
Maintenant la nature est prépondérante
L'évangéliste est comme immergé dans la nature, non pas une campagne sauvage mais au contraire domestiquée, recréée par l'œil du peintre
L'obélisque, le temple, les fûts de colonne sont là pour symboliser les ruines du monde antique sur lequel se construit le Nouveau Testament
Poussin a choisi un point de vue qui surplombe les scènes, les domine
Nous les contemplons comme de l'extérieur; nous en sommes les spectateurs
Aucun souffle ne vient agiter les arbres, l'eau du fleuve paraît immobile
Le bloc de pierre aux arêtes nettes, les tronçons de colonne lisse rythment l'espace
La lumière exalte les couleurs éclatantes, cisèle les draperies, magnifie les reliefs des rochers
Paysage avec Saint Matthieu et l'ange 1640
On voit la tour des Milices et le Tibre près d'Acqua Acetosa
La lumière magnifie les reflets des nuages dans l'eau dormante et cisèle la draperie posée devant Matthieu
L'évangéliste, comme un relief sculpté, participe au spectacle grandiose d'une nature ensoleillée et sereine, hors du temps, idéale, éternelle
Poussin s'intéresse particulièrement à la lumière, un lumière claire et vive qui enveloppe les compositions et leur confère une unité
Poussin se refuse à décrire la campagne; il la recrée sans lui ôter sa poésie; il invente le genre du paysage idéal
La continence de Scipion 1640
Tableau acheté par la Grande Catherine en 1779
Scipion, le vainqueur de Carthagène, renonce à sa part de butin et rend une belle captive à son fiancé
Allucius, le fiancé, s'incline devant le héros et le remercie de son acte généreux
Briseis porte la main à sa poitrine dans un geste de gratitude et de reconnaissance
Sur la gauche une victoire couronne de lauriers Scipion tandis que sur la droite ses soldats le regardent avec respect
Le héros est maître de lui et sait contrôler ses passions. Il sait renoncer avec
magnanimité. Vainqueur sur le champ de bataille, il sait encore maîtriser ses désirs,
se vaincre lui-
Cette leçon de stoïcisme serait une référence au théâtre contemporain de Corneille
Poussé et pressé de toutes parts de se rendre à Paris où tous les honneurs lui sont
promis, Poussin veut peut-
L'œuvre s'impose par sa dignité et sa calme grandeur
Sévérité et rigueur de la mise en page : une longue frise qui se déploie devant un paysage composé
Noblesse et réserve des attitudes et des expressions
La danse de la vie humaine 1640
Le thème est le sentiment de la fuite du temps et de la précarité de tout bonheur
Gamme colorée assourdie où se détachent des notes claires de bleu, de jaune et de blanc
A gauche un terme (statue) de Janus et un putto qui souffle des bulles de savon
A droite, assisté d'un enfant tenant un sablier, est assis le Temps en personne qui joue de la lyre
Au centre un homme et trois femmes, vêtus et coiffés différemment, dansent au son de la musique
Il s'agit des quatre états que traverse l'humanité dans son histoire :
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Le Temps soustrait la Vérité aux astreintes de l'Envie et de la Discorde 1641
Ce tableau est une des quatre commandes officielles qui occupent entièrement Poussin
durant son malheureux séjour parisien (1640-
Le tableau était à l'origine de format rectangulaire : il fut coupé et arrondi pour être placé en plafond
Tableau peint pour Richelieu
Il s'agit du seul plafond exécuté par Poussin
Poussin ne se sentait pas de dispositions pour exécuter ce genre d'œuvre à destination décorative
L'insistance du cardinal l'obligea à accepter. C'est Richelieu qui lui imposa le sujet qui est une allusion à la destinée du cardinal, calomnié et haï de tous et dont l'histoire saurait découvrir les mérites, comme sur le tableau le Temps vient en aide à la Vérité
La Vérité, un des rares nus de Poussin, est enlevée au ciel par le Temps dont un génie tient les attributs
A l'Envie sur la gauche qui tient un poignard et un flambeau, répond la Discorde avec sa chevelure de serpents et sa grimace
Gamme chromatique puissante et contrastée
Vert profond, orange, bleu céleste et azur
Tableau inspiré par le tableau de Marie de Medicis de Rubens "Le triomphe de la Vérité"
Le miracle de François Xavier 1641
Tableau commandé pour le grand autel de la chapelle du noviciat des jésuites à Paris (actuellement rue Bonaparte)
Sublet de Noyers, surintendant des bâtiments du roi, voulait prouver que Paris pouvait rivaliser avec Rome
Nous sommes au Japon mais Poussin s'est montré discret sur la couleur locale
Saint François Xavier rend grâce au Christ d'avoir exaucé son vœu et d'avoir rendu la vie à la fille d'un habitant de Cangoxima, tandis que son compagnon, frère Juan Fernandez, devant l'évènement extraordinaire plie le genou et se tourne vers le ciel
Une femme soutient la tête de la jeune fille
Chaque membre de la famille exprime un sentiment différent : l'étonnement, la gratitude, la surprise, la douleur, l'émerveillement
Ce tableau est le plus grand que Poussin ait peint (444*234)
On reprocha au Christ d'avoir trop de fierté et de ressembler plutôt à un Jupiter tonnant qu'à un Dieu de Miséricorde
Poussin, rebuté d'avoir toujours à se défendre de ses ennemis et des envieux de sa gloire demande congé pour faire un voyage à Rome. Il ne devait plus revenir à Paris
Beauté du coloris et qualité des accords chromatiques : l'or du lit, le safran de la robe de la femme sur la droite, les robes jaune, blanche et verte des anges et du Christ
Poussin se souvient de Raphaël et de sa Transfiguration
L'artiste a voulu que chaque témoin expose son sentiment : alors que certains sont encore plongés dans le désespoir, d'autres déjà manifestent leur reconnaissance et leur joie
Ces mouvements ne sont pas simultanés
C'est par une synthèse intellectuelle que le peintre rapproche un personnage dans l'attente et tel autre dans l'allégresse
L'artiste n'offre pas une image ressemblante à ce qui se passe mais décompose la durée de l'histoire pour en retenir les divers moments dans une représentation où le principe de vérité est malmené
En brisant la cohérence temporelle, Poussin donne à son image une intelligibilité qui fait sa force
Bacchanale devant un terme 1633
Terme était le dieu qui présidait aux bornes et aux limites des propriétés
Les couronnes de fleurs du premier plan et les guirlandes qui ornent le terme sur la droite sont les attributs habituels de Priape, dieu des jardins et de la fête
Deux bacchantes et deux faunes dansent en rond
Une bacchante presse le jus d'une grappe qu'un putto recueille dans un bol.
Un troisième enfant est endormi sur le sol, victime du redoutable breuvage
Sur la droite, devant Priape souriant, un satyre poursuit de ses ardeurs une bacchante qu'une compagne tente de libérer et qui s'apprête à frapper le satyre avec une cruche
La composition en friche se développe comme un film au ralenti : les gestes s'enchaînent dans une séquence harmonieuse pleine d'allant et de vie
Les corps ne sont plus confondus mais nettement délimités et dessinés, ciselés avec soin
Les couleurs sont claires et franches
La lumière apporte à la composition sa dynamique
L'harmonie de la danse et du rythme se veut hors du temps
Tancrède et Herminie 1634 (Birmingham)
Même sujet que le tableau de l'Ermitage, antérieur de cinq ans
Plus grande clarté dans l'exposition du sujet
Herminie est à genoux et non plus debout
Vafrin soutient le corps de Tancrède blessé plus qu'il ne le soulève
Dans le premier tableau une exécution plus négligée, un paysage approximatif et des effets lumineux crépusculaires
Ici des couleurs plus intenses : des rouges et des jaunes orangés juxtaposés, des formes soigneusement délimitées, des détails (bouclier, armure, casque) dessinés avec précision, des plans plus nettement répartis et une composition construite avec rigueur
Mais la toile de l'Ermitage est plus lyrique : on passe de la poésie pure à une prose ciselée avec grand soin
Saint Jean baptisant le peuple 1635 (Louvre)
Poussin a peint à quelques années d'écart deux Saint Jean baptisant le peuple de formats comparables (Louvre et musée Paul Getty)
Cette version du Louvre est la première
Poussin a conçu sa composition comme une frise qui se détache devant un paysage, les bords du Jourdain, qui a un rôle de décor
Les attitudes de chacun des participants sont analysées
La composition d'un équilibre classique marque une volonté de simplification
Sur la droite le groupe de femmes fait contrepoint aux hommes sur la gauche (l'un porte un turban, allusion à l'Orient où se déroule la scène)
Grande attention de la mère à genoux, accompagnée de son enfant
Les deux hommes qui se dévêtent sur la gauche sont pour Poussin l'occasion de peindre des nus à l'image ses sculptures antiques
Poussin a pris un soin particulier du beau cheval blanc
Harmonie des couleurs franches et éclatantes accordées aux effets de la lumière
Le triomphe de Vénus 1634
Ce tableau aurait été peint pour le cardinal de Richelieu
Poussin garde à l'esprit "Le triomphe de Galatée" de Raphaël (La Farnesine)
Le putto juché sur un dauphin en bas au centre est une copie littérale
L'adjonction sur la gauche de la toile d'un dieu marin oblige l'artiste à développer considérablement sa composition
A l'aide du grand nuage gris qui surplombe le groupe principal il met en valeur les putti
Œuvre des plus lumineuses de Poussin
Le soleil baigne les corps nus des dieux, éclaire les draperies, fait scintiller les corps humides des beaux chevaux marins et des dauphins
Volonté marquée de brise l'élan et d'immobiliser les gestes, de figer la composition dans l'instant et de l'éterniser
L'eucharistie 1636
Pour peindre la Cène, Poussin nous montre le Christs qui d'une main tient le pain
au-
Les figures sont de petites dimensions par rapport à la taille de celles des autres sacrements
Trois sources de lumière artificielle : les deux flammes de la lampe et la chandelle posée sur le coffre, qui multiplient les effets d'ombre et de lumière et accentuent les angles qui s'entrecoupent et donnent un aspect "cubiste" à la composition
Atmosphère dramatique de la composition
L'ordre 1636
Pour symboliser l'Ordre, Poussin nous montre le Christ remettant les clefs à saint Pierre
Tout en s'inspirant de Raphaël, Poussin s'attache à individualiser chacun des participants à la scène et à varier leurs attitudes et leurs expressions
La nourriture de Jupiter
ou l'Enfance de Jupiter 1636 (Londres)
selon Ovide, le jeune Jupiter fut élevé parmi les nymphes du mont Ida et nourri :
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Poussin a réalisé un autre tableau sur le même thème (au musée de Berlin)
Beau paysage qu'un soleil matinal vient réchauffer
Accord entre les tons dorés de la nymphe Adraspée et de la robe bleue de la nymphe Nélissa
Le miel et le lait évoquent la fertilité et la fécondité de la nature
L'enlèvement des Sabines 1638 New York
Romulus soucieux de fournir à ses sujets les épouses qu'il leur fallait estime commode de faire enlever les femmes de ses voisins, les Sabins
Poussin reprend le tableau du Louvre
L'espace est allégé et éclairci
Le caractère déclamatoire est plus volontariste
Poussin met en opposition la "furia" des foules et l'espace strictement balisé par l'architecture
Nulle manifestation de cruauté dans cette foule furieuse, animale
Point d'armes qui menacent mais de furieuses empoignades
Climat d'une fête, d'un rite païen, d'une bacchanale
Les bergers d'Arcadie 1638
Poussin avait déjà abordé le thème en 1627
Monumentalité des figures disposées comme autant de sculptures
Sur le sarcophage, au centre de la composition, se lit l'inscription latine "Et in Arcadia ego", ("Même en Arcadie, moi, la mort, je règne"
Poussin peint la rencontre dramatique entre les bergers et la mort. La réflexion se tourne vers le passé. Les bergers ne sont pas en présence d'un mort mais méditent sur la mort"
Pour Claude Levy-
Poussin s'est attaché aux expressions de chacun des bergers qui déchiffrent l'inscription : celui qui la lit sans en avoir compris la portée comme celui qui la montre interrogativement à sa compagne; la pensée de la mort suspend la joie de son visage
Une prenante impression de calme et de silence se dégage de la composition
La destruction du temple de Jérusalem 1638
Tableau commandé par Francesco Barberini pour être remis au nom du pape Urbain VIII à Ferdinand III
Poussin s'est inspiré des antiquités judaïques de Flavius Josèphe
Devant la colonnade du temple de Jérusalem, que pillent les vainqueurs, les romains emmènent les juifs en captivité
Le sol est jonché des têtes et des troncs des victimes (civiles et non des soldats)
Sur la droite Titus suivi de ses généraux se tourne vers le temple
Titus avait tenté de sauver le temple du pillage et de l'incendie mais quand il arriva il était trop tard
Equilibre de la composition
Goût des architectures
Etude savante des perspectives
Clarté de la composition en dépit du grand nombre des participants
La lucide rigueur mathématique de la mise en page est tempérée par une note de cruauté
Vénus montrant ses armes à Enée 1639
Poussin présente un épisode de l'Enéide
Parvenu dans le latium, Enée doit pour accomplir son destin fonder Rome
Mais il faut d'abord combattre les Rutules opposés à son entreprise
Vénus, sa mère, apparaît pour lui montrer les armes qu'elle a fait faire à son intention par Vulcain, son époux
Enée, surpris, est intimidé et respectueux
La déesse est décidée mais veille avec affection sur celui qui a été choisi pour conduire les destinées de son peuple
Les trois figures assises sont les personnification fluviales ( à droite le Tibre )
Atmosphère sereine de ce paysage
A droite les armes sont disposées à la manière des butins et trophées des reliefs antiques et forment une belle nature morte
Pan et Syrinx 1640
Poussin met en scène l'échec du désir physique
La beauté fuit qui la poursuit
Mais c'est parce que Syrinx lui échappe et se transforme en roseau que Pan pourra inventer la flûte, donc la musique
Balancement des corps et des arbres
La rythmique gestuelle qui enveloppe la femme évoque l'Enlèvement des Sabines
Pan est renommé pour sa lubricité
Un jour qu'il poursuivait la nymphe Syrinx celle-
Pan en cueillit une poignée et en fit l'instrument qui porte le nom de la nymphe, une syrinx (flûte)
Paysage avec un homme buvant 1640
Un critique a évoqué la grandeur des paysages de Poussin "Ils sont comme arrêtés dans une immobilité éternelle … une refuge, le lieu solitaire où cette grande âme blessée par l'humanité et presque incapable d'amour, hormis pour l'art et la grandeur pratique de la nature, vient se réfugier"
Les arbres sont hauts et puissants
Ils sont sacrés. Pline a écrit "Les arbres furent les premiers temples"
Corot retrouvera cette calme grandeur de la nature