Nous allons découvrir l’œuvre de
Nicolas POUSSIN
Nous commençons par une brève biographie
Et les pages suivantes vous présentent 134 tableaux commentés
Nicolas Poussin (1594-
Poussin est né à Villers près des Andelys en 1594
Malgré l'opposition de ses parents il décide de partir à Paris
Il a accès aux collections royales grâce à Alexandre Courtois, valet de chambre de Marie de Medicis
Il découvre la sculpture antique et les tableaux de maîtres italiens
De 1613 à 1923 ( de 19 à 29 ans ) la modicité de ses ressources ne lui permet pas de se rendre à Rome
En 1621 il gagne un concours ouvert par les jésuites de Paris pour la décoration de leur collège
Ses travaux attirent l'attention du Cavalier Marin, le poète italien installé depuis 1615 à la cour de France et tenu pour un arbitre du bon goût
Il prend Poussin sous sa protection, le loge décemment, lui apprend l'italien, lui fait connaître la poésie latine
Poussin étend sa culture par les lectures les plus variées sur l'Antiquité, la perspective et l'anatomie
En 1622-
En 1623 il part pour Rome. Il passe par Venise afin d'y étudier Titien et se retrouve au printemps 1624 parmi la colonie française de Rome groupée autour de Simon Vouet
Il étudie les Carrache comme c'était la mode parmi les peintres romains
Il accuse le Caravage d'avoir assassiné la peinture
Il étudie les Stanze de Raphaël au Vatican et sa Galatée à la Farnésine
Il étudie les bas-
En 1625 se deux tableaux "La victoire de Josué" (sur les Amalécites et les Amorrhéens) présentent de subtils jeux de lumière sur des structures qui évoquent le marbre antique
Il étudie les Bacchanales de Titien
Après la mort du Cavalier Marin (1625) il connaît une période difficile bien que son protecteur l'ait recommandé à la petite cour du cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VII
Deux commandes vont lui assurer la célébrité : La mort de Germanicus, exécuté pour la famille Barberini et le Martyre de Saint Erasme, destiné à Saint Pierre de Rome
Grand amateur de livres, Poussin se plonge dans la lecture et l'analyse des ouvrages théoriques de Leonard de Vinci et de Dürer
Il étudie l'optique, la géométrie et la perspective
Épuisé par son labeur il tombe malade
Rétabli, il décide d'épouser la fille de Jacques Dughet, le pâtissier-
Il décide de se fixer définitivement en Italie et de ne plus suivre que sa propre inspiration dans le choix de ses sujets ce qui est courageux sur le plan financier
Il est exploité par des hommes peu scrupuleux comme le sicilien Valguarnera auquel
il livre pour des sommes dérisoires deux chefs d'œuvres : La peste d'Ashod (1630)
et L'empire de Flore (1630-
Un commensal des Barberini devient son mécène et l'un de ses plus fidèles amis : Cassiano del Pozzo
En 1631 il est admis à l'Académie de Saint-
Sa célébrité s'étend
En 1636 Richelieu lui passe commande d'un "Triomphe de Neptune" puis de Bacchanales : Le Triomphe de Bacchus et le Triomphe de Pan
Après des scènes mythologiques il traite un thème nouveau : les Sept Sacrements
Il peint des tableaux pour le cardinal Respigliosi (le futur pape Clément IX) et les italiens voient en lui le successeur de Raphaël
Tancrède et Hermine (Ermitage) -
Richelieu invite Poussin à rentrer en France (1638) en lui offrant les avantages attachés à la charge de Premier peintre du roi
Poussin multiplie les conditions : on ne l'obligera pas à peindre des plafonds ou des voûtes, par exemple
Il reçoit même une lettre autographe de Louis XIII et la visite d'un haut fonctionnaire qui doit l'accompagner en France et qui demeura toujours son défenseur et son admirateur
Il est reçu de manière fastueuse et logé aux Tuileries. Il reçoit une pension de 1.000 livres
Mais surgissent les difficultés qu'il redoutait : on lui demande sans cesse des "bagatelles" : peintures d'autels, tableaux de cabinets, dessins de cheminées
Les peintres parisiens comme Simon Vouet ne cessent d'intriguer contre lui
Sous prétexte d'aller chercher sa femme en novembre 1642 Poussin réussit à repartir pour Rome laissant ses décorations à peine esquissées
Il n'a donné à Richelieu qu'un seul tableau de commande : "Le buisson ardent" (1641-
A Rome Poussin retrouve avec plaisir l'atmosphère qui lui convient
Il peut compter sur une double clientèle française et romaine
La mort de Richelieu puis de Louis XIII le libère des comptes qu'il pouvait avoir à rendre
Poussin a toujours montré un désir d'ordre poussé jusqu'à la minutie : sur sa palette les couleurs sont disposées de manière à reproduire le spectre solaire
Le soir sur la place de la Trinité des Monts il tient des sortes de conférences où se pressent amis et inconnus
On le présente comme un véritable philosophe qui aurait choisi de s'exprimer par la peinture
Grâce à sa ténacité il va obtenir une indépendance qui va lui permette de vieillir en paix et de donner libre cours à ses tendances les plus profondes
En 1657 il est élu président de l'Académie de Saint-
Il souffre du tremblement de ses mains
La mort de sa femme (1664) ne précédera que de peu la sienne (1665)
Travailler implique pour lui que le cœur participe à l'œuvre. Il faut "se remplir l'esprit de pensées affligeantes et sérieuses" pour traiter un sujet triste
Il est d'un caractère bienveillant et plutôt fier qu'orgueilleux
Il entend apprécier lui-
Il a refusé les effets de clair-
Sa définition de la peinture : "C'est une imitation faite avec lignes et couleurs en quelque superficie de tout ce qui se voit sous le soleil. Sa fin est la délectation"
Poussin ne s'est pas donné pour but de conquérir une clientèle bourgeoise mais de s'exprimer par le biais de narrations le plus souvent mythologiques, à tendance méditative et dont la pure jouissance n'est pas exclue
Il ressuscitait les divinités païennes dans les paysages des environs de Rome
On ne possède de lui que 340 tableaux
Ses intentions moralisantes peuvent paraître conformistes mais elles sont conformes à l'esprit général de son époque : le style Louis XIII affectionne le stoïcisme et confond volontiers Socrate avec le Christ
Après 1645 le paysage a pris de plus en plus de place dans l'œuvre de Poussin
Aussi longtemps qu'il pourra se rendre sur le motif "hors les murs" (à cheval avec Claude Lorrain), il rapportera à son atelier des pierres des fleurs et des herbes
Les figures humaines, qu'elles soient bibliques ou mythologiques, se fondent dans un paysage immense à la fois vrai et inventé
Midas rendant grâce à Bacchus 1624
Midas rend grâce au dieu, entouré de sa suite
Equilibre et repos
L'ivresse est la cause de cette tranquilité méditative
La grâce élancée des corps, le dessin qui en souligne avec complaisance la beauté sont les marques de l'influence sur Poussin de "L'Ecole de Fontainebleau" dont il ne se détachera que progressivement
Midas, roi de Phrygie, s'est attiré la faveur de Bacchus pour avoir su traiter avec bienveillance le vieux Silène trouvé ivre par des paysans
Silène est un satyre censé détenir le secret de la sagesse
Cephale et l'Aurore 1625
Aurore est la sœur d'Hélios, le soleil, et de Séléné, la lune
Vénus, jalouse, la punit de s'être unie à Mars, en faisant d'elle une éternelle amoureuse
Elle est ainsi éprise de Cephale qu'elle poursuit en vain et qui lui préfère Procris
Devant un paysage encore baigné de nuit, les personnages sont répartis en deux groupes : les deux amants et les Heures qui viennent chercher l'Aurore
Le thème est celui de l'amour impossible entre les dieux et les mortels
Vénus et Adonis 1625
Poussin inscrit avec grâce le corps humain dans l'espace naturel sans compromettre le caractère solennel du paysage
Myrrha a mécontenté Vénus
Vénus pour se venger la rend amoureuse de son père et Myrrha s'unit à lui sans qu'il la reconnaisse
Quand il s'en rend compte il veut la tuer mais elle s'enfuit et les dieux la métamorphosent en arbre à myrrhe
C'est de cet arbre que naît Adonis
Beau comme les amours il séduit Vénus elle-
La victoire de Josué sur les Amorites 1625
Au cours de la bataille opposant les Israélites aux Amorites, Dieu arrêta le soleil afin de permettre aux Israélites de parachever leur victoire
"Soleil, arrête toi sur Gabaon et toi, lune, sur la vallée d'Ayalon"
Et le soleil s'arrêta et la lune se tint immobile jusqu'à ce que le peuple fut vengé de ses ennemis (Josué)
Sur la gauche du tableau le soleil brille de ses derniers éclats alors que la lune sur la droite est déjà haut dans le ciel. La victoire des Israélites ne semble guère faire de doute.
Peu après son arrivée à Rome (1625) Poussin se trouva sans ressource et réalisa deux tableaux de batailles avec de nombreuses figures pour "à peine sept écus chacun"
Poussin a été ébloui par la découverte du monde de Raphaël, particulièrement de la Chambre de Constantin
Tourbillon des piques et des épées qui accompagnent les gestes des soldats au second plan
Masque terrorisé du soldat fuyant à l'extrême droite
Tête ensanglantée qui gît sur le sol à l'extrême gauche
L'enchevêtrement savant des formes indique une volonté de démonstration de la part d'un artiste qui ignore encore que son génie réside dans la clarté et la simplicité
Un ami avec lequel il contemplait "La bataille de Constantin" a témoigné que "lui plaisait cette âpreté qui était en accord avec la férocité d'un grand combat et avec l'impétuosité et la fureur des combattants"
La bataille de Josué contre les Amalécites 1625
Il s'agit de la bataille qui dans la Bible oppose les Amalécites aux Israélites conduits par Josué
Comme Moïse en avait informé Josué, les Israélites l'emporteraient tant qu'il tiendrait ses mains levées
"Quand il les laissait retomber … Amalec l'emportait"
On voit au second plan au centre Moïse réfugié sur une colline. Aaron et Hur soutiennent ses bras assurant à Israël la victoire
On note les chevaux qui se cabres en toutes directions et que souvent Poussin aimera peindre
Têtes hirsutes et farouches des Amalécites vaincus sur la gauche
Geste du soldat tenant à deux mains au-
Gestes répétés à l'identique des trois Israélites sur la droite qui tirent à l'arc ou lancent un javelot
Un Amalécite vu de dos fuit le combat
Poussin aborde le thème, cher à la Renaissance, de la bataille, de l'héroïsme, mais aussi de la violence et de la cruauté des hommes
On sent dans cette œuvre pleine de rythme et de pulsion, l'ambition d'un jeune homme inspiré, stimulé par les exemples d'une Rome dont il venait de découvrir les richesses
La bataille de Gédéon contre les Madianites 1626
Composition encombrée de corps à corps crispés traitée avec un sens sculptural des formes et une recherche des contrastes lumineux qui lui confère une certaine âpreté
Les tableaux de bataille ont été considérés comme des œuvres alimentaires
L'histoire de Gédéon, cinquième juge d'Israël, retrace l'installation des Hébreux en Canaan
Prenant par surprise les Madianites, leurs ennemis, les Hébreux sonnent du cor et brandissent des feux cachés dans des jarres
Gédéon, ceint d'une étoffe rouge qui tient lieu de baudrier, semble surgir du halo de lumière qui sculpte les corps
Enchevêtrés les corps creusent l'espace
La disposition en frise des combattants rappelle l'art du bas-
La lamentation sur le Christ mort 1626
La Vierge, Madeleine, Saint Jean et deux anges pleurent le Christ mort que Joseph d'Arimathie s'apprête à porter au tombeau
Rares les œuvres de Poussin où les personnages exposent leurs sentiments d'une manière aussi directe, aussi peu contrôlée
Contrepoint des attitudes de Joseph et de Marie
Utilisation du clair-
La fraîcheur du regard de Poussin ne manqua pas de séduire rapidement les amateurs romains
Adonis pleuré par Vénus 1627
Poussin est fidèle au récit d'Ovie
Du nectar versé par Vénus sur le corps d'Adonis, tiré par un sanglier, jaillissent les anémones, symbole du retour annuel à la vie du jeune chasseur
Sur la gauche le personnage endormi représente le fleuve Adonis, dont l'eau rougissait chaque année à la date de la célébration de la mort d'Adonis
Similitude de la position d'Adonis avec celle du corps du Christ de la Lamentation
Poussin était conscient des analogies entre le mythe d'Adonis, symbole de la mort suivie de résurrection, et la vie du Christ
On note l'attitude de Vénus, sorte de Madeleine laïque
Le syncrétisme ente l'antiquité païenne et le monde chrétien fascinera toujours Poussin
La nourriture de Bacchus 1627
Ovide conte l'histoire de Bacchus : fils de la princesse Sémélé et de Jupiter il fut confié à peine sorti de sa cuisse aux nymphes du mont Nysa pour qu'il échappe à la vengeance de Junon, l'épouse de Jupiter
La source de ce tableau est une commande d'une série de dessins pour illustrer les Métamorphoses d'Ovide. Cette commande provenait du Cavalier Marin, poète italien présent à la cour de France qui animait un cercle libertin et érudit et qui fut le premier amateur d'art de Poussin
Paysage foncé mais luxuriant évoqué par quelques grandes masses
Bonheur sensuel de vivre dans une nature généreuse
Bébé joufflu endormi sur la belle figure de bacchante qui est inspirée du Titien
Allégresse marquée par le chromatisme hérité de Venise où l'artiste séjourna quelques mois
La mort de Germanicus 1627
Ce tableau est parmi les plus admirés de Poussin
Le tableau a été commandé en octobre 1626 par le cardinal Barberini, neveu du pape francophile Urbain VIII.
C'était la première fois que Poussin abordait l'histoire romaine
Le sujet est tiré des Annales de Tacite
Tiberius Drusus Nero ( 15 av -
Son père adoptif, l'empereur Tibère, l'envoya ensuite en Orient où il se heurta à l'hostilité du gouverneur de Syrie, Calpurnius Pision, et de sa femme, Plancine
Il tomba gravement malade à Antioche, sans doute empoisonné par Pison, sur ordre de Tibère, jaloux de ses succès
Avant de mourir il s'adressa à ses amis " qui jurèrent en touchant la main droite du mourant qu'ils renonceraient plutôt à la vie qu'à la vengeance"
Il supplia son épouse, Agrippine l'Ancienne, de plier son âme aux cruautés de la fortune
En un premier temps Poussin n'avait pas eu l'idée du soldat levant la main droite en signe de vengeance et au lieu de la trouée centrale qui donne sa profondeur à l'architecture il avait prévu de peindre à gauche un escalier
La composition en frise marque le souci d'évoquer le monde antique
Deux groupes encadrent le héros mourant, couché sur un lit de fortune :
-
-
Beauté formelle au service de l'évocation des grands thèmes de la destinée humaine : la mort, la souffrance, la douleur, l'injustice du sort, la vengeance, la compassion, la solidarité
Aujourd'hui le tableau apparaît trop chargé en personnages et en intentions, trop héroïque et trop historique
Echo et Narcisse
ou La Mort de Narcisse 1627
Poussin s'inspire des Métamorphoses d'Ovide
Tirésias avait prédit une existence éternelle à Narcisse "s'il ne se connaît pas", parole qui longtemps parut dénuée de tout sens
Jeune homme d'une incomparable beauté, il se consacrait à la chasse, qu'il pratiquait dans la solitude
La nymphe Echo, condamnée par Junon à ne pas pouvoir parler autrement qu'en répétant les mots qu'elle entendait, tomba passionnément amoureuse de Narcisse
Mais celui-
La déesse Némésis voulut la venger et exauça le vœu d'Echo : "qu'il aime donc à son tour et ne puisse posséder l'objet de son désir"
Un jour qu'il chassait, Narcisse se désaltérait près d'une fontaine ombrageuse
Il tomba amoureux de sa propre image et se reconnut
C'est sa mort que nous peint Poussin alors que Narcisse donne naissance à la fleur au cœur d'or et aux feuilles blanches qui porteront désormais son nom
Le putto avec sa torche enflammée (torche qui éclairait les convois funèbres) fait allusion à la mort du jeune chasseur
Le triomphe de Flore 1627
Ce tableau entra en 1685 dans les collections de Louis XIV
Une longue marche de figures masculines et féminines habilement articulées entre elles
Mouvement retenu comme si le récit auquel l'artiste souhaite nous faire participer supposait l'arrêt du temps et le recueillement
Flore, déesse du printemps, assise sur son char est entourée de trois paires d'amours ailés d'or
Ajax, en armure et casqué, vu de dos, lui offre des fleurs dans son bouclier
Il cache Narcisse qui lui présente les siennes dans une corbeille
Au-
Au premier plan sur la droite, Clythie qui cueille un tournesol
De l'autre côté du char Smilax qui offre des liserons à Flore
Devant eux une nymphe termine une couronne de fleurs
Un couple de dieux est allongé au premier plan à gauche
La déesse tient entre ses jambes une cruche d'où l'eau jaillit
L'eau est source de vie à l'image de Vénus, évocation du printemps
Les fleurs sont une allusion à la fécondité, aux cycles de la nature
En 1631 Poussin peindra "L'empire de Flore"
Midas se lavant dans le Pactole 1627
Il s'agit du premier Poussin acquis par un musée des Etats-
Le sujet est tiré des Métamorphoses d'Ovide (XI)
Midas, roi de Phrygie, avait sauvé Silène
Silène est un satyre, père adoptif du dieu Dionysos (Bacchus) qui l'accompagne sans cesse
Pour le remercier Bacchus laissa Midas choisir la récompense qu'il souhaitait recevoir
"Fais que tout ce que j'aurai touché de mon corps soit converti en or"
Le vœu de Midas fut immédiatement exaucé
Mais tout ce qu'il voulait boire devenait "or liquide" et tout ce qu'il voulait manger se recouvrait d'une feuille d'or
Midas s'en retourna auprès de Bacchus qui annula la faveur qu'il lui avait faite. Il lui ordonna de se rendre à la source du Pactole afin de laver son corps. Depuis le fleuve roule dans son cours des paillettes d'or
Le fleuve est symboliquement représenté au centre de la composition tandis que le roi sur la gauche se baigne dans les eaux purificatrices
Sur la droite deux putti versent de l'eau chargée de paillettes
L'œuvre est une allégorie de la futilité des richesses, de la vanité des biens de ce monde, de la concupiscence et du désir par opposition à la raison
Contraste des verts des bois et de la lumière du soleil couchant
Acis et Galatée 1628
Il s'agit des amours d'Acis et de Galatée telles que les conte Ovide dans les Métamorphoses (XII)
Sur la gauche Acis et la néréide Galatée abritent leurs amours sous un grand rideau rouge que déploient deux putti
Le cyclope Polyphène, également amoureux de la néréide, joue de la flûte et tourne le dos à la scène
Sur la droite tritons et néréides s'ébattent voluptueusement et des amours jouent avec des dauphins
Couleurs soutenues et saturées
Note de nostalgie exprimée par le baiser "presque hésitant" des deux jeunes gens et l'attitude détachée et comme indifférente du cyclope
Mélancolie accentuée par le contraste entre d'une part les ébats joyeux des néréides et des tritons et la délicate concentration du jeune couple et d'autre part la solitude inspirée de Polyphène
Vingt ans plus tard Poussin abordera le même sujet avec "Paysage avec Polyphène"
Le triomphe de David 1628
L'instrument de musique qu'on voit sur la gauche n'est pas une harpe traditionnelle mais une harpe éolienne
La main élégamment posée sur l'épée de Goliath, David contemple rêveusement la tête ensanglantée du vaincu, son armure, son bouclier
Une victoire à qui un amour tend une couronne d'or s'apprête à poser sur son front une guirlande de feuilles de chêne
Un amour fait sonner la harpe d'Eole
La tonalité grise de la composition surprend
Expression concentrée et mélancolique du héros
En dépit de sa victoire et de sa double couronne David ne se laisse pas aller à la joie. Absorbé dans sa réflexion le héros semble s'interroger sur sa destinée
Poussin perd de sa spontanéité pour s'orienter vers une formule plus romantique
Quelques années plus tard Poussin abordera à nouveau le sujet avec une composition à très nombreux personnages
Bacchanale à la joueuse de guitare
ou les Andriens 1628
Influence de la toile de Titien "Les Andriens"
Grâce à Bacchus l'île d'Andros était riche en vin qui coulait à flot en une rivière
A l'extrême gauche Bacchus est couché sur un lit de grappes
Le peintre choisit une gamme de couleurs chaudes et privilégie les orange, les bleus et les rouges
Il retient un sujet sensoriel où il réunit et mêle la musique et la danse, le vin et l'amour, la joie et le divertissement à une nostalgie rêveuse
La composition est une frise harmonieuse
Mars et Vénus 1629
Mars se prépare-
Les deux putti sur la droite lui présentent-
Leur compagnon a-
Un amour vide le carquois de Mars tandis que son compagnon aiguise une flèche destinée à une blessure d'amour au héros
Poussin joue de l'ambiguïté de l'instant et nous laisse libre d'interpréter la scène à notre convenance
Poussin n'a pas représenté le sexe de Mars : ce serait une référence à la maladie vénérienne qui avait frappé Poussin dans les années où il peignait son tableau et dont il souffrit pour le reste de son existence
Est-
Ou l'usure du tableau aurait-
Sur la droite de la composition un dieu fleuve et une belle nymphe allongée dont la silhouette se reflète dans l'eau contemplent passivement la scène
Les bergers d'Arcadie 1629 (Chatsworth)
Tableau agrandi sur la gauche ce qui déséquilibre la composition
Allégorie sur la fragilité du bonheur et sur la vanité du désir
Ce tableau annonce "Les Bergers d'Arcadie" du Louvre
Deux pâtres et leur compagne se tournent vers un sarcophage et déchiffrent une inscription en lettres capitales "et in arcadia ego" ( = et même en Arcadie il y a la mort )
Au-
Les poètes décrivaient une Arcadie idyllique peuplée de bergers, que le fleuve Alphée, sur la droite, traversait
Aux bergers Poussin ajoute une bergère et le dieu fleuve Alphée. Il accorde au crâne une place modeste
Les bergers ont une expression mélancolique et rêveuse
La composition est d'une poésie délicate teintée de nostalgie
Conscience de la fragilité du bonheur et de la présence de la mort même dans les terres les plus heureuses
Renaud et Armide 1629
Le sujet est tiré de "La Jérusalem délivrée" du Tasse (1581), un ouvrage auquel Poussin aura souvent recours
Nous sommes au temps de la première croisade : Renaud, le légendaire héros chrétien, a été enchanté par son adversaire sarrasine, la belle Armide, bien décidée à le tuer
"La perfide s'élance vers lui, ivre de vengeance. Mais quand elle pose son regard sur lui et qu'elle le voit respirer, tranquillement assoupi avec un doux sourire, elle reste interdite … et d'ennemie qu'elle était elle devint son amante"
Poussin est préoccupé par la description attentive des émotions et des passions humaines dans ce qu'elles ont de violent mais aussi de changeant
Poussin a donné l'aspect d'un groupe sculpté à ses deux héros
Accord heureux des ailes bleu lavande du putto qui se détachent sur la blanche draperie flottante d'Armide
Le martyre de Saint Erasme 1629
Erasme de Gaète, évêque d'Antioche, fut martyrisé sous Dioclétien en 303
"Après lui avoir enfoncé une alène sous chaque ongle des doigts … les bourreaux l'auraient brûlé au fer rouge et arrosé d'huile bouillante
La légende des intestins dévidés aurait été forgée à Gaète au 14ème siècle où se trouvait son tombeau
Poussin retient le moment où le prêtre païen exhorte Erasme à renoncer à sa foi en lui montrant du doigt "L'idole d'Hercule"
Tous les protagonistes de la scène sont suspendus à la réponse du martyr
Poussin ne recevra plus de commandes officielles
Tancrède et Herminie 1629 (Ermitage)
Le grand cheval blanc au regard compatissant, intelligent et humain exprime le génie poétique de Poussin
Œuvre peinte sur une toile à gros grains
Le sujet est tiré de "La Jérusalem délivrée" du Tasse
Herminie et Vafrin étaient parvenus non loin de la ville au coucher du soleil quand ils virent sur la terre noire de sang un guerrier mort, la face tournée vers le ciel : c'est Tancrède l'amant d'Herminie
Mais Tancrède n'était pas mort
Elle soigne ses plaies et espère en sa guérison
Elle essuie ses plaies avec ses cheveux et les bande avec ces mêmes cheveux qu'elle choisit de couper
Elle coupe ses cheveux avec l'épée de son amant qu'elle tient comme si elle voulait se suicider
A droite du cheval blanc le corps d'Argant que Tancrède vient de tuer
Couleurs comme électriques
Ciel crépusculaire
Effet du soleil couchant qui éclaire armures et casques et fait scintiller l'épée
Diane et Endymion 1630
La déesse Diane découvre dans sa course nocturne quotidienne un mortel, le bel Endymion, endormi sur le mont Latmos et tombe amoureuse du berger
Est-
La déesse quitte au matin le pâtre comblé et reconnaissant, à genoux dans une attitude suppliante d'attente afin que l'immortalité lui soit accordée
A droite la nuit semble tire le voile nocturne vers elle
Le tableau présente les teinte blondes, lumineuses et vaporeuses propres aux œuvres des années 1630
Retenue éloignée de la sensibilité plus directe des premières toiles de l'artiste
Pour avoir aimé une déesse (on note le petit cupidon sur son épaule) Endymion devra faire un choix : soit dormir et rester éternellement jeune et beau, soit vivre et aimer mais vieillir et mourir
Choix difficile entre l'Immortalité et l'Amour
La course du temps est un thème cher à Poussin
Il décrit le déroulement des heures du jour et la brièveté du bonheur
Le massacre des Innocents 1630
Poussin veut s'imposer par une toile de grand format à l'attention des romains
Le peintre joue sur de forts contrastes d'échelle qui lui sont inhabituels
Dans un cadre architectural rigoureux, un groupe vue en gros plan d'en bas, sculptural et fortement éclairé
En arrière une femme vue de profil court avec son enfant mort
Poussin isole un épisode d'un ensemble que nous ne faisons que deviner : le soldat qui écrase l'enfant sous son pied et retient par les cheveux la mère hurlante à la bouche grande ouverte comme un masque de tragédie
La Vierge apparaissant à Saint Jacques le Majeur 1630
Le duc de Richelieu possédait 13 Poussin dans sa collection. En 1665 le duc perdait à l'occasion d'une partie de paume contre Louis XIV l'essentiel de sa collection
La Vierge serait apparue à Saint Jacques le Majeur à Saragosse assise sur un pilier de marbre entourée d'un essaim d'anges
Elle ordonne à Jacques de convertir l'Espagne lui communiquant l'inspiration divine sous la forme d'un vent qui fait refluer les voiles
Un rai de lumière frappe le visage modestement levé et respectueux de l'apôtre, la main droite appliquée sur le cœur
Au premier plan un compagnon de Jacques aux pieds nus et poussiéreux pousse l'humilité jusqu'à l'anéantissement de soi
Insistance sur les diagonales ce qui donne une composition instable
Pas de plans nettement définis
Forte impression de flux et de mouvement
Distribution morcelée des ombres et des lumières
Sensation de poids et de puissance malgré l'impression dominante d'instantané et de mouvant
Poussin abandonne la voie dans laquelle il semblait s'engager : fougue de l'exécution, puissance monumentale de la composition et somptuosité du coloris
L'inspiration du poète 1630
Ce tableau provient des collections du cardinal Mazarin qui le possédait dès 1653
Il s'agit d'un Parnasse : au centre Apollon, dieu de la lumière, de la poésie et de la musique (la lyre sans corde y fait allusion) couronne le poète Virgile (?) qui, la plume à la main, lève les yeux au ciel, source de toute inspiration
Influence de Titien pour la lumière et les couleurs et de la sculpture antique pour les grandes figures
En célébrant Apollon, Poussin développait l'idée de l'égale dignité de la peinture et de la poésie, l'équivalence de l'invention dans l'ordre des images et l'invention dans l'ordre du langage
Apollon accordant la conduite de son char à Phaéton 1630
Poussin s'inspire des Métamorphoses d'Ovide (II)
Phaéton à genoux et montrant du bras gauche l'objet de sa requête, prie Apollon-
Entre eux, vêtu de vert, une couronne de fleurs à la main, le Printemps se détache devant le cercle du Zodiaque, sur lequel se distinguent les signes
Au centre de la composition, un miroir à la main, l'Eté
A droite, assoupi, l'Automne
A gauche l'Hiver se chauffe à un brasier
Le Temps (Saturne muni de grandes ailes grises) présente à Apollon le miroir de la vérité
Belles trouvailles de couleur et raffinement de lumière
Phaéton périra, précipité de son char pour avoir provoqué un incendie qui menace de détruire le monde
Le mariage mystique de Sainte Catherine 1630
Tableau peint sur un panneau de bois
Coloris intense et raffiné
Expression tendre et enjouée
En août 1830 Poussin se voir refuser la décoration d'une chapelle
A partir de cette date il se détourne des commandes officielles et de la décoration monumentale
Il se consacre à des tableaux destinés à des personnes privées, à des amateurs sensibles à la rigueur et à la poésie
Sa conception de l'art et un rythme de travail assez lent s'accordent à une vie personnelle réglée et retirée
En 1630 il épouse Anne-
La Peste d'Asdod (ou d'Azoth)
ou Les Philistins frappés par la peste
ou Le miracle de l'Arche 1630
Le tableau fut d'abord acquis par Valguarnera, un aventurier sicilien, qui venait d'écouler des diamants volés en Espagne pour se procurer des tableaux
Après un procès le tableau fut vendu aux enchères et acquis par le duc de Richelieu qui le perdit au jeu de paume au profit de Louis XIV
A cette époque (1631) une redoutable épidémie de peste ravageait l'Italie du Nord
Le sujet est tiré du livre de Samuel : les Philistins ayant vaincu les Israélites s'emparent de l'Arche d'Alliance
Ils la placent à Asdod dans le temple de Dagon
Le lendemain les Asdodites vinrent au temple et voilà que Dagon gisait par terre devant l'Arche
Ils le remirent en place mais le lendemain Dagon était retombé … Et la main du Seigneur s'appesantit sur les Asdodites … Il sortit des champs et des villages une multitude de souris et l'on vit dans toute la ville une confusion de mourants et de morts
Grand succès du tableau car Poussin a réussi l'étude des expressions
Le groupe du centre de la composition fut particulièrement remarqué : un Philistin écarte un nouveau né du sein de sa mère morte, tout en se bouchant le nez
Caractère lugubre établi par une lumière faible, des teintes sombres et une langueur qui paraît dans le mouvement de chaque figure
L'effroi nous envahit : les rats qui rôdent, les agonisants, les cadavres, les corps en putréfaction
L'actualité de la peste aux portes de Rome ne doit pas faire oublier la morale de l'œuvre : Dieu se venge de qui ose l'affronter
L'empire de Flore 1631
Le tableau pourrait avoir pour titre "L'origine des fleurs"
Sur la gauche le guerrier Ajax, casqué, se perce de son épée : de son sang, jaillit un œillet
Sur sa droite, Narcisse, les bras ouverts, contemple son image : devant lui une nymphe qui tient une jarre (identifiée à Echo) fait allusion à l'eau qui donne vie aux fleurs (au second plan une vasque)
Derrière Narcisse, Clythie, (le tournesol), se tourne vers le ciel, vers son amant Apollon, dont l'éclat l'éblouit
Sur la droite au premier plan, Crocus et Smilax (le liseron) sont enlacés
Derrière eux Adonis, le chasseur armé d'une lance et accompagné de ses chiens, se penche sur sa blessure à la cuisse, causée par un sanglier, et Hyacinthe touche sa blessure mortelle à la tête et admire la fleur à laquelle il donnera son nom
Trois dieux règnent sur ces mortels qu'unit une fin tragique : Pan (ou Priape), dieu de la fertilité, Apollon sur son char, source de la vie des plantes et des fleurs, et Flore dansant avec des amours, symbole du printemps toujours renaissant
Allégorie du retour annuel de la vie, symbole aussi bien de la réincarnation que de la résurrection
Cette peinture lumineuse de gaité et de joie de vivre est le contre-
Ce tableau marque l'entrée de Poussin dans le monde de la peinture claire et des bacchanales païennes
Apollon et les Muses 1632
Tableau dominé par des bleus vifs et des ors
Il célèbre les arts et tout particulièrement les vertus de la poésie
Influence de la fresque de Raphaël dans la Chambre de la Signature au Vatican
Poussin rend hommage à Raphaël et veut se proclamer son successeur
Apollon est entouré des neuf muses, de gauche à droite :
Thalie -
Uranie -
Clio -
Melpomène -
Terpsichore -
Erato -
Polymnie -
Euterpe -
Calliope -
Neuf poètes entourent Apollon
Apollon tend une coupe au poète couronné
A ses pieds une nymphe des eaux et une source à laquelle deux pitti viennent puiser l'eau inspiratrice
A gauche, Homère, Le Tasse et Virgile
Toile d'une allégresse juvénile et d'une grande fraîcheur d'inspiration