1868 – Le Déjeuner
En été 1868 un amateur de Monet, M. Gaudibert, leur permet par son aide financière de vivre confortablement dans une petite maison près de Fécamp
Tableau exprimant un naturalisme social
La servante a mis le couvert d’un déjeuner français typique
Camille exprime son affection pour son fils Jean
Malgré l’absence de Monet sa personnalité domine la pièce : sa place est marquée par le verre, le couvert, la serviette dans le rond, les œufs à la coque et son numéro du Figaro
Variété de blancs dans la lumière et l’ombre
Exact vert printanier de la laitue, brun du bois verni, croûte enfarinée du pain
1868 – La rivière, Bennencourt
Camille est assise de dos, au bord de la Seine à Bennencourt, petit village près de Paris
Grand thème de l’impressionnisme : le rapport entre les objets et leur reflet sur l’eau
Les grandes branches latérales du premier plan à gauche créent un écran qui empêche de voir ce qui se trouve sur la rive en face : le peintre choisit de n’offrir que le reflet de cette réalité à l’envers sur l’eau
Le monde apparaît souvent à l’envers chez Monet
Monet ne définit aucune hiérarchie entre les choses et leur reflet : tous les éléments ont la même valeur visuelle
Concentrer l’attention sur la surface de l’eau en perpétuel mouvement permet de souligner l’instantanéité de l’image proposée
Touche rapide et spontanée dans laquelle on sent le geste du peintre
Palette claire pour traduire avec précision l’effet passager de la lumière du soleil sur la réalité
Absence de toute connotation narrative ou psychologique : Camille est vue de dos et son visage se limite à quelques coups de pinceau
Les surfaces de couleurs sont plates et simples
Les troncs et les arbres sont des barres plates plutôt que des colonnes
La plus petite unité du feuillage est une touche de pinceau plutôt qu’une feuille isolée
La barque est décrite avec précision mais peu d’attention aux autres détails comme les vêtements sur les genoux de Camille
Pour la première fois Monet donne aux reflets un rôle structural
Composition contrôlée par des horizontales puissantes et par les troncs des arbres
La figure du premier plan est contrebalancée par les bâtiments de droite
1869 – La pie
Tableau peint au cours de l’hiver 1868/1869 aux environs d’Etretat
Monet faute d’argent séjournait dans sa famille qui lésinait sur sa pension et Camille pendant ce temps vivait dans la misère à Paris
Cette toile fut refusée au Salon
Monet pour réagir organisa une exposition de ses dernières toiles chez le marchand Latouche et demanda un secours à M. Gaudibert ce qui lui permit de s’installer dans une maison paysanne près de Bougival
Monet avait du goût pour la solitude et la volonté de supporter l’inconfort
Maupassant « J’ai souvent suivi Claude Monet à la recherche d’impressions. Ce n’était plus un peintre en vérité mais un chasseur »
En dépit de la ferme et des empreintes de pas devant la barrière, l’air semble trop froid et trop raréfié pour l’habitation humaine
La lumière glaciale qui tombe sur la couche poudreuse trace sur sa surface des ombres géométriques
Sur la droite les branches alourdies
Les horizontales des maisons intensifient le sentiment de calme
Perspective des arbres qui s’éloignent
Les barreaux de la barrière complètent le thème horizontal
1869 – Le pont à Bougival
Bougival est un petit village rural des bords de la Seine
Composition structurée : le point de vue de face constitue un axe fort de l’articulation de l’image
Touche fragmentée, notamment au niveau de la partie consacrée à l’eau
Impression de lumière naturelle marquée dans les longues ombres portées des arbres sur la chaussée du pont et dans la grande plage de ciel nuageux
Pas de connotation narrative : les rares figures des passants aux lignes mal définies se déplacent sur le plan intermédiaire de la composition
On dirait une étude peinte par Corot près de ville d’Avray
Sur le pont huit figures indiquent la profondeur. Elles conduisent l’œil vers les horizontales des toits, les lignes de la rive et les arbres géométriquement taillés
Contrastant avec les verticales des quatre arbres du centre les horizontales établissent une stabilité monumentale
Le ciel vivement brossé et les reflets du soleil sur la rivière se renforcent mutuellement
Durant l’été où il peint cette œuvre Monet est dans la détresse
Il écrit à Bazille « Renoir m’apporte du pain de chez lui pour que nous ne crevions pas. Depuis huit jours pas de pain, pas de vin, pas de feu pour la cuisine, pas de lumière, c’est atroce »
1869 – La Grenouillère
Renoir, 28 ans et son ami Monet, 29 ans peignaient côte à côte sur la rive le scintillement de l’eau durant l’été 1869
Sur la droite des personnages sont réunis sur un pavillon flottant sur lequel on peut lire « Location de canots »
Par une étroite passerelle les promeneurs passent sur l’ombrage circulaire du « camembert »
A gauche des baigneurs à mi-
Tempo du pinceau rapide, touche large et fort contraste de couleurs
Renoir dans le « Déjeuner des canotiers » allait porter à son sommet ce genre banlieusard. Monet était moins sociable et son art devait suivre un chemin moins épris d’humanité mais plus proche de la nature.
Les innovations techniques de ce tableau marquent le début de l’Impressionnisme notamment en ce qui concerne la touche : large, rapide et fragmentée elle traduit le papillotement des couleurs sur l’eau du fleuve en perpétuel mouvement
Plusieurs critiques pensent que la liberté de touche tient au fait qu’il s’agirait d’étude préparatoire
Monet s’attache moins que Renoir aux détail des costumes et à ce qui se passe dans la scène
Monet est plus abstrait et plus synthétique notamment dans les feuillages derrière l’îlot
Usage rare chez Monet à cette période de la perspective : les barques au premier plan et surtout les vaguelettes dans la partie inférieure de la toile sont traitées comme si elles étaient vues d’en haut, alors que plus on s’approche de l’arrière plan, plus le raccourci s’accentue
Ce principe sera une des caractéristiques des Nymphéas et contribue à l’effet d’enveloppement que le spectateur ressent face aux Nymphéas
1869 – Les bains de la Grenouillère
Monet a peint deux tableaux de la Grenouillère
Dans ce tableau le noir est encore présent dans les silhouettes sur la passerelle
Le fractionnement lumineux l’emporte sur l’agitation des figures humaines
La toile devient surface miroitante, espace mouvant, flottant comme la clientèle de la Grenouillère
1870 – L’hôtel des Roches Noires à Trouville
Après son mariage avec Camille, Monet séjourne avec son épouse et son fils à Trouville qui est avec Deauville une station balnéaire très fréquentée et qui incarnent le visage moderne de la côte normande
Développées à des fins touristiques elles ne possèdent pas cette authenticité des ports de pêche devenus lieux de villégiature avec le temps comme Etretat ou Sainte Adresse
Leur population est celle des gens de la ville en quête de divertissements
L’hôtel des Roches Noires vient d’ouvrir ses portes
Touche ample et synthétique qui marque la rapidité d’exécution et une grande attention portée à la lumière. Tableau peint en plein air
Cadrage audacieux qui rappelle ceux de la photographie contemporaine
La hampe du drapeau au premier plan est placé le long du bord gauche
Cette vue évoque l’hôtel de Balbec de « A la recherche du temps perdu »
Toile lumineuse : le ciel, les drapeaux claquant au vent et les toilettes claires des élégantes estivantes composent une symphonie heureuse
Le caractère léger et mondain a séduit Monet qui était peu mondain
On ne fait que devine la mer ; Boudin, lui, représentait la mer de front
Monet se retrouve dans le jeu des couleurs claires des robes, de l’éclairage des façades et l’effet du grand ciel parcouru de nuages
Le 19 juillet : déclaration de guerre. Monet ne prend pas conscience de la gravité de l’heure.
Il s’inquiète quand Gambetta décide de lever une armée de 500.000 hommes ; mais il ne se sent pas concerné pensant que le remplaçant que sa famille lui avait acheté en 1863 devait aller se faire tuer à sa place
Il se rend aux nouvelle au Havre et gagné par la panique s’embarque pour l’Angleterre abandonnant Camille et son enfant à Trouville
Boudin organisera le voyage de Camille et du bébé en Angleterre
1870 – Sur la plage à Trouville
Monet avait rencontré Camille Doncieux de 7 ans sa cadette vers 1865, peu après son retour d’Algérie
Il la fit poser dans « Le déjeuner sur l’herbe » et dans « La robe verte »
Il l’avait épousé le 28 juin 1870. Courbet était témoin. Les parents de Monet avaient refusé d’être présents
Huit jours plus tard mourait la tante Lecadre. Son père au début de 1871
Durant le séjour à Trouville, Monet représente Camille à plusieurs reprises sur la plage
1870 – La plage de Trouville
En été 1870, Camille et Claude Monet, mariés depuis juin rejoignent Boudin à Trouville
Malgré la déclaration de guerre, ils dessinent et peignent jusqu’en septembre
Puissance et spontanéité de cette esquisse de figures
La chaise met en relation les deux figures
Composition unifiée par les horizontales parallèles qui partent de gauche, aplatissent le visage de Camille et se poursuivent vers le parasol sombre