Pour Miro la vraie qualité de l’art moderne c’est d’être un jeu
A gauche une sorte de diable bleu guette parmi trois étoiles trois personnages géométriques créés de taches rouges, bleues et vertes
Si l’art moderne est un jeu il semble que des enfants ont décidé de jouer en dessinant ces figures de couleurs franches
Peinture 1950
Les masses vertes et ocres s’affrontent à coups de brosses sèches
Grands plans colorés que le frottis rend irréguliers
Tons délavés
Les figures se déploient dans le tableau
On reconnaît une femme au sexe en amande, la lune et des étoiles
Tout est méticuleusement peint. Chaque intersection de deux lignes fait apparaître une couleur nouvelle
Espace étrange rendu incertain par sa transparence générale qui contredit l’opacité des figures
Toile hétéroclite que Miro parvient à rendre homogène
Sur une toile épaisse à grain serré Miro a répandu des couleurs très diluées
Des lignes rouges grillagent le centre de la composition
Les taches s’entremêlent et dans ces taches Miro nichent de drôles d’oiseaux fantasques
Une étoile en haut, une femme trapue à gauche et une autre plus élancée à droite
Miro introduit cinq morceaux de ficelle, simple corde nouée en des formes diverses
La colle blanche qui les fixe à la toile leur fait une corolle qui les détache du fond par sa couleur
Simple bout de ficelle ou signe que Miro ne se satisfait plus des seules ressources de la peinture ?
Les Eclats du soleil blessent l’étoile tardive 1951
En janvier 1950 Miro a reçu commande par l’architecte Walter Gropius d’une peinture murale destinée à l’Université Harvard et il consacre plusieurs mois à cette œuvre
Il s’intéresse de plus en plus à la sculpture. Et à la céramique avec son ami, le potier Artigas
Sur ce tableau Miro joue de tous les procédés graphiques à sa disposition : il l’incise pour dessiner certaines figures ou fait contraster la finesse de ses tracés avec l’épaisseur de certains autres : une étoile et un personnage aux bras levés, enlevés d’un pinceau large
Ligne noire striée par les poils de la brosse
Libellule aux ailerons rouges à la poursuite d’un serpent glissant en spirale vers
l’étoile-
Le titre à rallonge de ce tableau le décrit assez précisément
L’œil se surprend à traquer la libellule : s’agit-
Le nuage floconneux au bas de la composition happe l’œil avant de l’expédier vers le rond noir cerclé de rouge d’où il peut dériver vers le rond bleu perdu tout au fond
Le petit bonhomme prisonnier de la queue du serpent est simplement composé d’une tache bleu pâle et de deux grands yeux ronds reliés par un long nez au tracé fin
Peinture 1953
Miro délaisse les élaborations lentes et précautionneuses pour leur préférer le geste direct, la peinture livrée à l’inspiration du moment
Sur un fond brossé largement au pinceau plat, dans un ton vert fortement dilué, il va camper les personnages habituels de son univers
Au centre une femme à la croupe lourde et aux tétins avantageux
A droite un oiseau dont le corps se poursuit en spirale
Au milieu une étoile noire
A gauche serti comme un rubis un astre rouge engoncé dans un halo noir qui lui donne la dureté du joyau
Quelques taches jaunes et bleues font tourner l’œil autour du ventre de la femme dont une barre sombre augmente le mystère
Les échelles en roue de feu traversant l’azur 1953
Palette insolite et couleurs acides
Des oranges vifs voisinent avec un bleu pastel et mettent en valeur la grande figure grise
Influence du travail de Miro avec Artigas qui décore d’émaux ses céramiques ?
L’hirondelle éblouie par l’éclat de la prunelle rouge 1925-
Le Miro de 1960 entame un dialogue avec le Miro de 1925
Il reprend un tableau de 1925, proche de l’abstraction, au fond brun clair, terre de sienne
De rares taches de couleur : un jaune côtoyant un bleu
Une fantomatique tête blanchâtre plantée en équilibre sur un fil vertical
Le Miro de 1960 va lui adjoindre d’épais traits noirs qui vont faire du visage falot une figure rondouillarde et hilare
Figure clignant d’une prunelle rouge et exorbitant d’un œil vert
Une zone de blanc signale une bonne joue bien remplie
Le petit bonhomme darde sa bonne humeur vers une ligne noire qui se contorsionne
Bleu II 1961
Une longue oblique rouge
Noir fragmenté en douze galets qui scandent le bleu du fond et dirigent le spectateur vers la droite
Bleu III 1961
Tableau plus vide que les deux précédents
La ligne noire se courbe vers un point noir en bas à droite puis remonte vers un ovoïde rouge
Le bleu confère à cet univers une dimension spirituelle et apaisante
Pour David Fernandez Miro 1964
Corps de guêpe et ailes d’oiseau, sans oublier l’étoile, de celles qui s’allument lorsque l’enfant paraît
Couleurs vives mais lignes calmes
Femme et oiseau 1964
Pour Miro le matériau est important car il stimule l’imagination du peintre
Ce tableau vit de sa matière épaisse et craquelée, de l’enduit blanchâtre qui plisse la peau épaisse de la peinture
Ce cuirot (peau de mouton ayant été séchée et délainée) donne une impression de couleur liquide qui s’étend en taches rosissant certaines parties, en bleuissant d’autres
Trois cercles, un vert, un rouge et un jaune servent de balises autour desquelles s’organisent des figures noires, tracées à la brosse épaisse
Trois traits noirs plus fins et plus denses interrompent l’expansion des lignes principales
Une tache rouge est sertie dans une boucle noire qui ne lui laisse que le bord inférieur du châssis pour s’échapper
Le chant de la prairie 1964
Miro « Les espaces vides, les horizons vides, les plaines vides, tout ce qui est dépouillé m’a toujours beaucoup impressionné »
Tableau construit grâce à un vocabulaire des plus restreints : cinq taches rouges, autant de bleu et de vert dansent à travers le tableau, rendues nuageuses par l’agitation gestuelle que leur a donné le pinceau
La variété de leurs surfaces et de leurs tailles suffit à construire un espace
Des signes noirs dansent comme des notes de musique échappées de leurs lignes de portée
Femme III 1965
Tracé épais de la figure
Présentation frontale
Le buste se résume en une large bande rouge
A l’intérieur un sein, simple cercle jaune à l’aréole verte
Le cou est une ligne noire sinueuse, la tête un ovale noir
Deux ronds pour les yeux, et un petit trait pour le nez suffisent à évoquer un visage qui semble se tourner vers le haut, vers la ligne rouge coiffée d’un arc noir qui traverse le tableau comme une comète
Certains tracés sont redoublés comme le cercle de la tête et la ligne du cou qui ont d’abord été esquissé dans une couleur fluide puis Miro est revenu sur ces lignes par des trais plus denses et moins larges d’un noir opaque
Des parties frottées légèrement du bout de la brosse ou d’un simple chiffon et d’autres comme les traits rouges passés plus régulièrement en aplats
Miro a conservé longtemps ce tableau
Personnages et oiseaux 1965
Miro a compris l’importance de la nuit, pour la liberté d’esprit qu’elle offre et pour les ambiguïtés et les contrastes qu’elle implique
C’est pour lui le moyen d’échapper à la tyrannie des tâches quotidiennes quand seul l’œil de l’imagination demeure ouvert
Les effets libérateurs du sommeil et de la nuit lui permettent de donner corps à des visions surgies du subconscient
L’attrait qu’exercent sur lui les étoiles est la source d’une émotion passionnée
Pour lui, la nuit sombre s’illumine de couleurs chatoyantes
Le fond noir fait office de panneau où s’enchâssent quelques rehauts de couleurs pures
Les lignes blanches :
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Tête bleue et oiseau-
Dans l’œuvre de Miro il y a beaucoup de cercles
Miro lui-
Personnages et oiseaux en fête par la nuit qui vient 1968
D’ordinaire les lignes verticales et surtout horizontales évoquent le calme et le repos
Composition traversée par un grand trait bleu
Une autre horizontale, blanche, lui fait pendant en haut à droite
La fête s’exprime par la légère inclinaison de trois signes-
D’autres cercles de couleur, vert ici, rouge là, font circuler l’œil et creusent un espace
Ces quelques couleurs permettent de repousser le noir envahissant de la nuit qui vient
Danse de personnages et d’oiseaux 1968
Dans un bleu pur Miro a disposé des signes noirs et des points rouges
Les points rouges sont systématiquement entourés d’un halo blanc
Les signes noirs vont du simple trait à la construction calligraphique la plus complexe
L’inclinaison variable des formes par rapport à l’horizontale donne à l’ensemble tantôt la solennité d’une pavane, tantôt la légèreté d’une valse
Les trois grandes traces penchent imperceptiblement vers l’oblique au fur et à mesure qu’elles se rapprochent du bas de la composition
Un signe bouclé est répété dans tout le tableau modifiant son orientation, ouvert soit vers le haut, vers la droite ou vers le bas
La ponctuation la plus importante est constituée des cercles rouges qui créent un espace
Grande bande 1953
Dans les années 1952-
Certaines bandes à la façon de frises mettent en scène une succession de personnages nettement différenciés
L’écriture de ces rouleaux à lecture progressive est une succession d’éléments idéogrammatiques
Miro égrène sur ce tableau des « miroglyphes en liberté »
De gauche à droite :
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Fond qui unifie et dynamise la composition et constitué d’un bleu pâle et d’un nuage d’ocre sinueux qui circule d’un personnage à l’autre
Bande ponctuée de petites taches rouges, vertes, jaunes et bleues
Autoportrait 1937-
Autoportrait exécuté à la mine de plomb sur toile
Aspect velouté renforcé par des courbes doucereuses
Œil solaire cerclé de rouge et trois poils sur le somment du crâne
« J’ai un pris un de ces miroirs très grossissants que certains emploient pour se raser, et je l’ai placé ici et là, autour de ma figure en dessinant tout ce que je voyais, très minutieusement.
Ce dessin est parti en Amérique … mais à partir d’une photo j’ai fait faire un agrandissement de ce dessin aux dimensions du tableau. J’ai peint sur ce dessin une nouvelle version mais la nouvelle peinture suit l’ancienne »
Bleu I 1961
Miro disait que le bleu avait la couleur profonde des songes
Le tableau se compose de huit taches noires, d’une trace rouge et d’une ligne noire très fine qui serpente de la base de la toile à sa partie supérieure droite
Les huit ponctuations noires s’organisent par groupe de quatre à la manière du chariot de la Grande Ourse
A gauche le point supérieur est démarqué de ses trois frères par la tache rouge entourée d’un halo
A droite c’est la ligne noire qui isole son vis-
Par la direction du rouge Miro oriente le regard vers la droite
Pour Emilio Fernandez Miro 1963
Hommage aux enfants qui sont ses meilleurs critiques
Il leur offre un univers bleu où un bonhomme chapeauté écarquille un œil rouge vers une drôle de bestiole à gueule ouverte de requin
Personnage débonnaire pour ravir les petits
Femme et oiseau I 1964
Miro va de plus en plus délaisser les compositions soigneuses pour se livrer au plaisir de la peinture naissant de sa propre pratique
Le vieux rose jeté sur la toile va dégouliner, créant de lui-
Nés d’un geste ample, ils seront précisés par la brosse qui rougira la courbure d’un crâne, soulignera de jaune un œil vert
Dans le coin en haut à gauche il crée un oiseau d’un coup de pinceau rouge chargé de peinture liquide et lui met des ailes d’une virgule noire passée à la brosse sèche
Deux coups de pinceau noir pour mieux fixer l’allure de la forme principale
Une tache bleue en haut allume l’œil jaune qui s’égaie sous le contraste
Cette tache façonne un espace, creusant la surface et faisant saillir le rose
L’or de l’azur 1967
L’enduit blanc est envahi d’un aplat jaune et d’un bleu tourmenté par la brosse
Mais il subsiste assez de blanc pour séparer les deux complémentaires et empêcher ainsi qu’elles ne virent au vert
Il reste aussi un peu d’enduit blanc dans le halo qui environne une tache rouge
Mais en haut un petit point bleu sans cordon sanitaire blanc a pris un aspect verdâtre
Grande et puissante courbure noire qui pénètre le nuage bleu après avoir traversé les trois quarts de la partie jaune
D’autres formes noires sont comme autant de gamètes autour d’un ovocyte
Oiseau éveillé par le cri de l’azur s’envolant sur la plaine qui respire 1968
L’oiseau c’est cette forme noire, jetée d’une brosse large, qui appuie son élan sur une ligne fine, décolle d’une plaine jaune, tellement écrasée de soleil qu’elle en a pris la couleur
La ligne d’horizon se découpe après un intervalle blanc qui fait respirer la surface
Dans le ciel laiteux sont suspendus un tourbillon bleu, un astre rouge, une étoile et un cercle noir
Le format imposant (130*323 cm) donne du souffle à la simplicité apparente de la composition
Les oiseaux de proie foncent sur nos ombres 1970
Huile sur peau (vache)
D’abord une série de taches blanches en jetant violemment la peinture pour parsemer de taches le support
Puis une autre coulée de peinture, noire celle-
De ces deux tons contraires éclairés de taches rouges, vertes et bleues et de la découpe particulière de la peau vont pouvoir surgir les oiseaux de proie
Ces oiseaux sont les signes noirs, denses, étendant leurs serres dans toute la forme du cuir
Au milieu un signe rouge éclatant protège un aplat jaune lumineux
Noir profond au centre d’un autre cercle rouge
Femme, oiseau et étoile
Hommage à Picasso 1970
Précision du dessin devenue assez inhabituelle à cette période de son œuvre où domine une sorte de furia
La mollesse des formes n’a d’égale que la virulence des oppositions colorées
Couleurs fulgurantes assagies par une ligne sûre
Construction rigoureuse qui n’exclut pas le plaisir de l’élégance d’une courbe
Accumulation des couleurs alternant en rectangles juxtaposés, subdivisant et reconstruisant les formes rondes
Miro « Picasso m’a dit un jour : la création pure c’est un petit graffiti, un petit geste sur un mur. Cà, c’est la vraie création »
Oiseau des grottes 1971
Miro n’est pas un Pierrot lunaire : il a toujours revendiqué un engagement fort. Lors du procès de Burgos en décembre 1970 à l’encontre de militants nationalistes basques il s’est avec d’autres artistes retranché au monastère de Monserrat (il avait 77 ans)
Ses prises de position sont radicales quand il s’agit de Catalogne
Sa violence n’est que picturale mais elle est toute entière inspirée par sa terre natale
Le fond de cette toile est fait de coulures qui selon les oscillations infligées à la toile forment une grille irrégulière
Peint quatre mois après les évènements de Burgos, ce tableau évoque les cavernes qui creusent les falaises de roches rouges érodées proches de Montroig
L’espoir du condamné à mort 1974
Miro a achevé ce tableau le jour de l’exécution par garrot du militant catalan Salvador Puig Antich
1er tableau
La ligne noire évoque le profil d’un visage
La toile a la densité et les irrégularités des murs crépis d’une cellule
2ème tableau
La ligne se réduit à la mesure de la vie et de l’espoir du condamné
La tache colorée passe du rouge sang au bleu, de l’extérieur à l’intérieur de la tête, comme un rêve qui est devenu l’ultime recours
3ème tableau
Une grande coulée blanche saigne à l’emplacement de la tête
La tête s’est réduite à une ligne recourbée d’où jaillit une tache jaune lumineuse
Personnage, oiseau 1973
Le noir envahit la toile et dessine dans sa partie supérieure des yeux inquiétants, des griffes ou des serres
La technique, toute de giclures ou d’éclaboussures, l’opposition des rares couleurs, l’invasion du premier plan par le noir, le format utilisé, tout donne une impression de démesure
Femmes, oiseaux 1975
Thématique familière de Miro qui associe les femmes aux oiseaux
Contraste entre des lignes précises et des coups de brosse jetés avec vivacité
Contraste résultant de l’utilisation simultanée de techniques différentes
Opposition entre les aplats de couleur pure rouge et jaune
Symphonie des noirs, tantôt passés, liquides et couvrants, tantôt linéaires, souvent simple ponctuation
Enchevêtrement des courbes qui envahissent le papier
Paysage 1976
Dominante rouge chaleureuse comme les journées d’été en Tarragone
Filament signalant la trajectoire du vol d’un oiseau
Branches décentrées d’une étoile
Astres noirs tournoyant dans un cercle blanc
Une zone noire sur le bord inférieur du châssis entourée d’un cerne blanc et plantée en son sommet par trois traits qui peuvent être des arbres ou des personnages
Ce noir s’enfonce dans le rouge et petit à petit fixe le regard : Miro veut nous faire croire à une profondeur par la simple application d’un aplat noir un peu ventru