Nous allons découvrir
La vie
et l’œuvre
de Joan MIRO
20 avril 1893 : naissance à Barcelone. Son père est horloger, sa mère fille d’ébéniste
Mai 1897 : naissance de Dolores, l’unique sœur de Miro
1900 : il entre à l’école et prend ses premiers cours de dessin
1907 : il a 14 ans. Il entre à l’école de commerce de Barcelone sur les instances
de son père mais il assiste aussi aux cours de l’école des beaux-
1910-
Acquisition d’une ferme par la famille à Montroig, près de Tarragone
1912 : il a 19 ans et rencontre le céramiste Artigas et le peintre Ricart. Il découvre la peinture cubiste lors d’une exposition à Barcelone
1914 : il loue un atelier avec son ami Ricart
1915 : service militaire, chaque année, d’octobre à décembre
1918 : il a 25 ans. Première exposition personnelle à Barcelone. Il fonde le « Agrupacio Courbet »
1920 : il se rend pour la première fois à Paris où il rencontre Picasso.
1921 : second séjour à Paris où il loue un atelier au 45 de la rue Blomet
Première exposition personnelle à Paris
Période de grande pauvreté
1922 : il peint « La Ferme »
1925 : il est très lié au groupe surréaliste
1926 : il collabore avec Marx Ernst aux décors de Roméo et Juliette pour les Ballets Russes de Diaghilev
Décès de son père à Montroig
1927 : il change d’atelier et s’installe à Montmartre
1928 : il a 35 ans. Un voyage en Hollande lui inspire la série des Intérieurs hollandais
1929 : il épouse Pilar Juncosa à Palma de Majorque et le couple s’installe à Paris
1931 : naissance de son unique fille Maria Dolorès à Barcelone
Première exposition à New York
1932 : il retourne vivre dans la maison de son enfance à Barcelone
1933 : il fait la connaissance de Kandinsky
1936 : éclatement de la guerre civile en Espagne. Il fait venir sa famille à Paris
1939 : les troupes de Franco envahissent Barcelone et l’invasion allemande le contraint à fuir Paris pour Varengeville en Normandie
1940 : il s’installe à Palma de Majorque et commence la série des Constellations
1942 : il s’installe dans la maison familiale de Barcelone
1944 : disparition de sa mère. Premières céramiques avec Artigas
1946 : il expose à Boston avec Dali, Gris et Picasso
1948 : il revient s’installer à Paris
1956 : s’installe à Palma de Majorque et vend la maison familiale de Barcelone. Il commence les peintures murales pour le siège parisien de l’Unesco à Paris
Miro est célébré comme un des grands artistes de l’époque et s’organisent dans les grandes capitales plusieurs rétrospectives de son œuvre
1983 : Joan Miro décède le 25 décembre à Palma de Majorque à 90 ans
La Rose 1916
En 1916 Miro (23 ans) découvre à Barcelone les images nouvelles des fauves et des cubistes
Influence de Cézanne sur les jeunes peintres au début du 20ème siècle
De Cézanne, l’harmonie sourde des tons et une touche bâtissant les formes
Du cubisme, la division de la table en parties fragmentées par des lignes noires qui structurent la composition
Des fauves, des rouges profonds voisinant avec des verts clairs et des roses tendres
Goût pour les lignes sinueuses et les courbes pleines
Disposition précise des figures dans l’espace du tableau
Nord-
Nord-
Intérêt porté par le catalan à une parution parisienne à ses débuts : nul provincialisme dans les milieux intellectuels barcelonais au courant des derniers avatars de la modernité
Robert et Sonia Delaunay et Francis Picabia se sont réfugiés en Catalogne pour échapper à la guerre
La revue est posée sur une table ronde qui se découpe sur un fond balayé de verts
Des bandes courbes et colorées ondoient à partir des objets
Alternance de vert, de jaune, de rouge, d’orangé et de violet
Les objets sont cernés de noir
Le trait esquisse les barreaux de la cage de l’oiseau, le livre de Goethe et une paire de ciseaux
Le Balcon 1917
Œuvre de jeunesse par son aspect inachevé, la touche un peu écrasée et la vivacité des couleurs
Déconstruction systématique de l’espace classique
L’élément dominant est la ligne droite : arête des murs ou faîtes des toits
Grille conduisant l’œil vers le linge coloré qui sèche dans la partie haute
Pour éviter une rigidité excessive Miro introduit une ondulation qui surplombant une bande rouge évoque les courbes d’un toit couvert de tuiles romaines
En-
On retrouve l’ondulation, verticale cette fois, dans la grille du garde-
Regard sous plusieurs angles
Cuirana 1917
Cuirana est un vieil hameau perché sur un roc
Dans ce paysage montagneux Miro note le relief, les plans rocheux qui se chevauchent le long des lacets du chemin
Il géométrise le premier plan en ayant recours à d’amples courbes qui symbolisent les plissements du sol
Autoportrait 1917
Autoportrait lourd, épais, barbare, construit par tâches de couleur
A comparer avec l’Autoportrait de 1919
Prades (Tarragena), une rue 1917
Le village de Prades est situé à 140 km du sud de Barcelone, proche de Montroig
Son père, horloger, a acquis une ferme à Montroig
Tableau construit grâce à une division relativement simple, fondée sur les principes de la croix de Saint André
Symétrie perturbée par l’église désaxée sur la droite
Maisons du village hiératiques et massives
Ondulations de la route déformée par le pinceau du peintre et le passage répété des roues des chariots
On ne sait si la tourmente qui agite la partie supérieure du tableau est celle d’un nuage ou le chaos des contreforts d’une montagne
Les ondes du ciel et de la route se répercutent dans les façades dont elles épousent la courbe des portes voûtées
Tout le paysage tourne autour du point de fuite principal et du cercle formé par
l’ovale d’un chariot abandonné sur le bas-
Le village est vide, écrasé par la lumière d’un jour torride
Portrait de Juanita Obrador 1918
Miro est prudent dans la gamme colorée
Le motif des rayures blanches et noires devient hallucinant par la répétition
Les rayures créent un rythme vivant et le personnage prend une présence massive, obsédante
Le portrait a un caractère russe : on pense aux assonances communes entre les musiciens russes et ibériques à la fin du 19ème siècle
Le visage ne fait qu’un avec le corps animé par les rayures de la robe qui utilisent la même gamme de couleurs
Portrait d’Héribert Casany, dit le chauffeur 1918
Rayures multiples mais souples
Prééminence du visage : pommettes saillantes, arête du nez qui s’élargit en tubercule, épanouissement de la lèvre supérieure qui commande l’expression
Le noir plombé du trait enserre des plans de couleurs stridentes : vert, jaune, mauve
Un rose unit les joues et le petit tableau de la voiture
Le potage à l’âne 1918
Miro est attiré par le monde clos du paysage et du jardin
Il s’enchante du tracé des sillons, des jeunes plants fraîchement plantés, des arbustes chargés de fruits et son bonheur consiste à les restituer sur la toile sans les déformer
Tout est harmonieux : le balancement des courbes, la succession des horizontales, la disposition des verticales
Pour alléger le terrain en forme de trapèze il diversifie les rectangles cultivés
Le ciel est traversé par des nuages aux formes enroulées, au rythme berceur
Le jardin paisible est restitué avec douceur sous une belle lumière
Un âne docile, respectueux des cultures de son maître vient brouter les chardons
Cette toile évoque les miniatures indiennes ou persanes qui conjuguent avec délicatesse la description de l’espace et de l’architecture
Miro a éliminé toute représentation humaine : seule la nature existe pour lui
Les arbres sont au loin et ne donnent pas d’ombrage
Nu debout 1918
Ce tableau marie des formes géométriques et des ornements floraux
Il enchevêtre si bien les motifs du tapis et de la tapisserie que l’œil perçoit mal la jonction du plan vertical et du plan horizontal qui apparaît pourtant dans la partie droite du tableau
Il atténue la jonction par une plante verte au dessin stylisé
Tapis en rose rouge lie-
La lumière accroche les volumes aux arêtes vives, tranchantes comme le fil du rasoir
Les formes dures s’emboîtent avec une précision toute mécanique
Une certaine cruauté pour ce corps de fer cambré de la jeune femme
Miro est encore influencé par le cubisme
Vue en contre-
Pose frontale classique
Cet autoportrait n’est pas destiné à flatter l’ego de son auteur mais il veut restituer une description presque clinique
La tête est ronde comme le menton, le nez fin
La bouche petite et pincée contraste avec l’aspect général d’un visage plutôt rubicond couronné de cheveux curieusement calamistrés
La découpe sinueuse des cheveux accentue les rotondités du visage et forment une arabesque que prolongent les courbes de l’échancrure de la chemise
Les favoris encadrant les yeux poursuivent les demi-
Comparé à l’Autoportrait de 1917 celui-
Stylisé, traité par de larges pans, il tend à l’épure
Le visage est posé sur un fond délicat et doré
Le dessin est précis : les formes polies sont enfermées dans une résille de fils d’acier qui bloquent la couleur
Les volumes, malgré les dégradés, s’aplatissent
La protubérance du nez est savamment escamotée
Sur ce visage inexpressif le contour de la bouche, les arcades sourcilières et la parenthèse des joues posent un masque
Couleur rose pour les pommettes
La couleur irise la chevelure dessinée mèche par mèche
Le cou porte l’ovale de la tête équilibrée par l’échancrure de la veste rouge à petits dessins géométriques
Une ganse noire coupe en deux parties presque égales l’agitation des angles soulignés d’ombre
Les pointes acérées du col sont les seuls éléments agressifs dans ce portrait tout entier fait de courbes
Trois zones presque distinctes : le front, l’espace entre les sourcils et la lèvre inférieure qui dessine une sorte de masque, (cette zone semble ne pas être sur le même plan que le reste du portrait), la mâchoire qui contraste avec une tête plutôt rubiconde
Contraste créé par le traitement différent des deux côtés de la chemise : la partie droite est détaillée et la partie gauche subit des ruptures de plans proches des facettes cubistes
Nu au miroir 1919
Solidement charpentée, la femme trapue, qu’allège à peine un découpage par plans, est soutenue par les fragiles roses brodées sur le coussin d’un tabouret à franges où figure un papillon précisément rendu
Les torsades des franges retiennent cet espace rabattu au tapis de sol avec lequel il partage un rythme et des espaces colorés, une alternance de points, de lignes et de touches en virgule
Le nu s’oppose à la complexité de ce premier plan
La chevelure torsadée et une succession de facettes structurent le sein droit et l’épaule gauche
Visage légèrement empourpré par les pensées que le miroir a pu faire naître
Le modèle assis au bord du pouf, le dos rejeté vers l’arrière, serait instable si un trapèze ne venait s’enfoncer, tel un coin, dans son épaule
L’équilibre est précaire comme si la jeune fille se préparait à ébaucher un geste
Le corps à facettes semble une armure fourbie
La coiffure impeccable semble un casque laqué
Le fin visage est fermé dans sa solitude ou se dérobe dans l’absence
Les rayures de la couverture et les franges du tabouret deviennent un motif obsessionnel
Cette femme nue est inaccessible
Vignes et oliviers à Tarragone 1919
Ce tableau nous montre la plaine de Montroig telle qu’on peut la contempler du haut de la tour qui domine le mas de l’artiste
La plaine s’étend opulente et vigoureuse avec ses cultures de vignes au premier plan, ses oliviers ensuite et la chaîne des montagnes dans le lointain
La vue plonge d’abord sur neuf ceps posés au premier plan comme les lampes sur la rampe d’une scène
Bien plantées dans leur trou, leurs racines courent sur le bord inférieur du tableau tandis que leurs branches et les feuilles permettent à l’œil de franchir les sillons rythmant le bas de la composition
Le dessin des feuilles est une curieuse silhouette verte dentelée dont on ne sait trop si elle est ligne ou surface
Ce dessin se retrouve en négatif dans le plan suivant dont il scande les découpes pyramidales
La délicatesse des petits points mouchetant les oliviers permet de passer du brutal contraste coloré de la plaine à la douceur éthérée des montagnes
Dans les tableaux de jeunesse de Miro on remarque un amalgame de contrastes violents :
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L’Instant 1919
Au début de 1917 Miro découvre la poésie et se passionne pour les revues d’avant-
En juin 1919 Miro réalise cette affiche pour le journal franco-
Des bandes géométriques en chevrons colorés forment la partie latérale de l’affiche
Ces bandes géométriques comme le palmier sont reprises d’autres tableaux
Cet agrégat de morceaux différents donne pourtant à l’affiche un aspect général préfigurant le style Art Déco
Montroig, l’église et le village 1919
En 1907, parce qu’il ne réussit pas dans ses études secondaires, ses parents l’inscrivent dans une école de commerce où il ne réussit pas plus
En 1910 on le place dans une droguerie comme employé aux écritures. Ce travail absorbe tout son temps et il se désespère au point de tomber malade. Ses parents l’envoient se rétablir dans la ferme qu’ils viennent d’acquérir à Montroig
Rétabli, il convainc ses parents de le laisser suivre sa vocation de peintre
Pour Miro c’est le début d’un enracinement qui sera pour lui essentiel : Montroig sera l’un des pôles de la vie du peintre
Près de la terre de Montroig il peut réfléchir. Il a besoin de silence. Entre le sol et lui la communication s’établit
Pour Miro il n’existe aucune hiérarchie entre les divers éléments qui composent la nature : chaque chose a la même importance, est digne du même intérêt
« Je me sens comme un végétal »
« Au moment de travailler à un paysage, je commence par l’aimer, de cet amour qui est le fils de la lente compréhension. Lente compréhension de la grande richesse de nuances que donne le soleil. Bonheur d’atteindre dans le paysage à la compréhension d’un brin d’herbe, ce brin d’herbe aussi beau que l’arbre ou la montagne »
Cheval, pipe et fleur rouge 1920
Couleur difficilement contenue par un exubérant jeu de courbes qui se déploie dans cette nature morte
Deux mondes différents cohabitent :
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Cette sculpture à la robe grisâtre du lippizan fait le lien avec la seconde partie ; ceci avec l’appui d’un livre ouvert dont les pages sont de même ton et dont la forme offre quelque parenté avec l’équerre du haut
Par ces simples objets l’œil est attiré au sein d’une débauche de couleurs et formes baroques où s’affrontent des surfaces très petites et intensément peintes
Une pipe et un verre au tracé blanc sont assaillis par des points et des courbes
Une fleur rouge au pistil conquérant
Un tableau ovale où dans une plaine orange, des arbres verts et bleus se dressent devant une montagne violette
Des fleurs sculptées dans le coin galbé du pied de la table
Le meuble qui déroule ses courbes d’un bout à l’autre de la composition donne un certain calme à cette multiplicité d’objets
La table, nature morte au lapin 1920
Miro réalise un savant mélange de construction cubiste et d’éléments minutieusement naturalistes
Le coq, comme le lapin, sont si bien observés qu’ils semblent prêts à jaillir de la table
Le poisson est bien mort mais encore frais
Légumes et feuilles de vigne pourraient sortir d’une planche de botanique
Pour traiter la table Miro utilise la pyramide comme chaque fois qu’un plan fuyant introduit une possibilité de profondeur pour éviter la perspective et conserver le tableau en deux dimensions
Mais représentation frontale pour les parties réalistes, comme le coq et le lapin, qui sont silhouettés
Le piètement de la table en volutes chantournées
L’arabesque signale l’influence de l’Art Nouveau qui imprégnait alors Barcelone
Les courbes des feuilles pendantes de l’oignon épousent celles des pieds de la table
Dans le tissu où repose l’assiette du poisson on retrouve les motifs striés qui dessinent les écailles
Nu debout 1921
Un encadrement noir forme une niche peinte où le nu s’inscrit de la manière dont étaient abritées les Eve médiévales
Cet encadrement s’affaisse à droite pour mieux enserrer le mouvement des bras
Miro allège ce plan noir d’un filet gris
Dans cet espace le modèle se dresse sur un socle trapézoïdal vert
Pour combattre l’illusion de perspective Miro y insère un autre trapèze ocre pour annuler l’effet de profondeur tout en permettant de poser la figure
Elle s’y ancre du pied droit ; le gauche au talon levé projetant une ombre signalée par un pseudo rectangle noir
Représentation crue du pubis surmonté par un ventre légèrement avachi
Réminiscences du cubisme :
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Apparition de signes nouveaux peints en blanc : un cercle qui marque la rotule droite, les seins de face et de profil et les ongles qui semblent incongrus
Ces signes vont proliférer peu à peu et envahir l’œuvre
La danseuse espagnole 1921
Peinte à Paris d’après un chrono, cette toile ne relève pas de la nostalgie d’un exilé
Cette danseuse métallisée devient l’archétype de la femme provocante qui n’est pas impressionnée par un mâle trop sûr de lui
Grand soin dans le détail pour n’oublier aucune des caractéristiques d’un type
Les bruns de la nuit pour la chevelure et le rouge du corsage orné de broderies évoquent la vénalité et la parodie sexuelle
La ferme 1922
L’étendue est immense et le regard peut s’échapper jusqu’à l’ondulation de la ligne des montagnes
Mais l’espace pictural se rétrécit sous l’effet du bleu intense du ciel
La maison, l’appentis, le lavoir, la pompe et le poulailler se soudent les uns aux autres et sont traités avec la même précision colorée
Ils sont peints de façon à éviter le modelé, l’éloignement calculé par la perspective
Miro invente un plan horizontal pour disposer arbitrairement les objets disséminés
D’autres éléments sont dessinés à la verticale : le carrelage, le journal, le cercle noir
La lumière est artificielle, le contraire de la lumière des impressionnistes
Absence de clair-
Le plan vertical de la maison où chaque fissure est marquée répond au dessin du poulailler
Entre les deux bâtiments un arbre déploie avec délicatesse des branches irrégulières se détachant sur le ciel ou brille un soleil d’argent
Chaque chose à Montroig rappelle à Miro une longue histoire de son enfance
La couleur est posée d’un pinceau léger
Ce goût de la description déclenche un délire graphique, disposition de Miro qui doit être retenue pour comprendre les œuvres futures
Chez Miro la hiérarchie des valeurs est en rupture avec les références habituelles car le petit vaut le grand, l’écorce vaut l’arbre
Ce tableau fut acquis par Hemingway qui a dit « Cette toile possède tout ce que vous ressentez de l’Espagne quand vous y êtes et tout ce que vous ressentez quand vous êtes loin et ne pouvez y aller »
L’épi de blé 1923
Toile marquée par l’ascétisme et la rigueur dans l’organisation des figures
La peinture est étendue en couches minces et sa dilution importante la rend mate
Le vert domine le tableau
Des obliques contrariées marquent les bords et le coin d’une table où reposent un pot, une passoire et l’épi qui donne son titre au tableau
Miro ne fait rien pour établir un espace connu : ni facettes cubistes, ni perspective
Seuls les trois objets légèrement modelés suggèrent un volume
Le blé se déploie dans la partie inférieure de la composition et sa couleur plus chaude affirme sa présence au premier plan
Pot et passoire appuient leurs rondeurs sur de fines lignes noires tracées à l’horizontale qui figurent l’ombre portée et empêchent les objets de flotter dans l’espace
Miro a le souci de relier ensemble les différentes parties d’un tableau :
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La fermière 1923
Le pied de la fermière devient tronc et c’est par lui qu’elle puise l’énergie de la terre
Miro choisit des proportions monumentales : main solide empoignant le lapin où repose l’anse d’un panier
La poitrine, menue en comparaison, lui confère une féminité que sa charpente imposante ne parvient pas à effacer
L’important matou stylisé est assis près d’un poêle que l’artiste a résumé par un cône noir dont le tuyau coudé se perce du trou dans lequel il devrait au contraire s’enfoncer
Le triangle blanc à sa gauche n’est qu’un torchon par l’anneau qui le retient et l’ondulation de sa base, seul souvenir de ses plis
Le cercle clair séparant la femme du chat serait une assiette
Une ligne brisée relie la femme et le chat en joignant le centre exact du cercle
Miro utilisera plus tard la ligne pour mettre en rapport les formes entre elles
La lampe à carbure 1923
Trois objets dont les formes se répondent :
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La lampe rouge repose sur un trapèze jaune qui rappelle la base où se tient le « Nu debout »
Nous sommes dans un espace neuf maintenu dans les limites du monde connu par la seule présence de la lampe car la grille semble n’avoir qu’un rôle purement plastique et la tomate où s’agitent des formes vertes et jaunes ne semble plus un fruit
Paysage catalan, Le Chasseur 1924
Sur un fond rouge et jaune séparé par une ligne onduleuse s’agitent des formes : cônes, équerres, triangles, disques, têtards, moustiques et libellules, les unes armées de tentacules, les autres de moustaches
La tête du paysan dont l’œil, la moustache, l’oreille et la pipe sont enfermés en un triangle est surmontée de la barretina (béret catalan un peu phrygien)
La tête est reliée par un fil conducteur aux membres schématisés à l’extrême
A gauche la capture du chasseur, un lapin, aux traits allusifs et à droite la masse noire et cylindrique du fusil
Une ligne courbe en pointillé symbolise la vie
Les organes essentiels sont seuls visibles : le cœur et le sexe
Toutes ces petites figures suspendues dans l’espace forment un ballet
Une simple ligne horizontale traversant un œuf est tendue par deux plaques de fonte de couleurs différentes
Un mot « Sardine », en jolie ronde, auquel il manque une syllabe s’impose dans la composition
Ce mot tronqué évoque peut-
Juste au-
L’univers est en désordre
Des éléments qui devraient rester étrangers les uns aux autres se rencontrent et se font la fête
Le gentleman 1924
Miro voulait produire dans une œuvre la virulence qu’il ressentait chez certains écrivains dans la tradition d’Alex Jarry, auteur de la pièce Ubu Roi créée en 1896
Il invente un langage visuel poétique pour détruire toute distinction entre tableau et poésie
Jarry a écrit en 1906, croyant qu’il allait bientôt mourir « le cerveau dans la décomposition
fonctionne au-
La déréalisation du temps a pour but de ressaisir l’instant éternisé de l’enfance rêvée
Dans « Ubu Roi » il est écrit « Monsieur de Ubu est un fort bon gentilhomme »
Ce tableau reprend certains éléments évocateurs d’Ubu
La forme noire d’une corne dérive des néologismes chers à Ubu tels que « corneguidouille », « cornafinance »e
Le fond vert rend hommage à la symbolique de cette couleur pour Jarry chez elle représente souvent l’amour homoérotique
L’homoérotisme désigne le désir entre personnes du même sexe sans passage à l’acte sexuel
Un cercle entoure un « x », lettre significative dans l’écriture de Jarry en lien avec le désir, l’imitation et la mort
Le chiffre romain XII fait référence à Gustave Kahn, le théoricien du vers libre
Une espèce de tuyau ressemble à un mirliton, cadeau offert par Ubu au roi de Pologne Venceslas
Le mirliton est un petit instrument de musique populaire et bon marché en roseau ou en carton, bouché aux deux extrémités par un morceau de pelure ou de papier
La grande ligne pointillée ou incurvée serait la gidouille, le gros ventre d’Ubu
La bouteille de vin 1924
En 1924 Miro est installé à Paris où il se rapproche du surréalisme d’André Breton
La bouteille voit ses rondeurs brisées par la rectitude de son étiquette qui est aussi le lien avec le reste de la toile
C’est très précisément du bout de la ligne blanche qui la souligne que partent les pointillés qui vont, ondulant au centre de la composition, signifier une nappe
Une des ces lignes de crête mouchetée de touches de peinture interrompt la course courbe de quatre traits qui sont les poils de moustache d’un drôle d’asticot à l’œil rond et rouge
Il semble prêt à se diriger vers une petite abeille immobile, comme épinglée par un entomologiste
La nappe est posée pleine nature ce qui explique les quatre petites fleurs qui dansent à gauche du goulot de la bouteille
Terre labourée 1924
Miro exprime son imagination débridée
L’arbre porte une oreillette et dans ses feuilles un œil
Son tronc saigne et sa ramure est armée de redoutables griffes
La jument bleue allaite en hennissant un poulain fort remuant
L’aloès est une scie
La carpe bariolée venue à la surface de l’eau est sur le point de s’asphyxier
Le chien accroupi au poil hérissé a été victime de la marée noire
Une pomme de pin traverse l’atmosphère
Tendu sur un fil d’acier un ergot de requin traverse l’étendue
La scène de labourage est sans doute le souvenir d’une fresque égyptienne
Le carnaval d’Arlequin 1924
Toile majeure où Miro va résumer le résultat des découvertes faites lors de l’exploration de son nouveau monde
Un automate guitariste et un arlequin à moustaches tiennent les premiers rôles
Des chats jouent avec une pelote de laine
Un papillon extravagant sort d’un œuf
Des poissons volants se portent à la rencontre des comètes
Un insecte s’échappe d’un dé
Miro déploie sans retenue les trésors de son imagination, « la reine des facultés », selon Delacroix
Une table, une échelle en perspective et une fenêtre ouverte sur un ciel bleu construisent un espace classique et presque sage pour mieux contraster avec la folie ambiante d’un lieu où la musique qui s’échappe de la guitare est transcrite
Le bras noir de l’Arlequin s’allonge démesurément vers l’échelle
Le bras forme une croix avec le tube digestif blanc du musicien
Cette croix structure parfaitement la composition en son centre
Paysage 1925
L’homme est absent et la vie s’exprime dans les fissures de la terre sèche et dans l’inquiétude d’une mouche poursuivie par un oiseau
L’épi de blé et la fleur sont immenses, comme les arbres
Nu assis tenant une fleur 1917
Eléments qui seront constants dans l’iconographie de Miro : la juxtaposition d’une femme, d’une fleur et d’un oiseau révèle le goût des rapprochements poétiques qui seront la marque de la peinture de Miro
Simplification du nu féminin par les courbes
Les chairs verdâtres à la limite de l’obésité, tendent à se résumer en une série
d’ovoïdes qu’équilibrent les contre-
On songe à Cézanne qui s’était pris d’une passion subite pour l’arabesque
Miro refuse la ligne droite au profit d’une quête de courbes idéales, ni trop molles, ni trop agitées