Peinture   1933

Un des 18 tableaux réalisés à partir de collages

Les deux figures opposées semblent prêtes à bondir : celle du haut balance sa queue pointue et ouvre ses ergots

Celle du bas, plus molle, s’abrite derrière une épaisse ligne noire oblique

Figés dans ce champ clos comme deux escrimeurs ces figures laissent percevoir le commencement d’une défiance qui sourd chez Miro

L’existence des personnages qui peuplent son œuvre commence à être troublée


Escargot, femme, fleur, étoile   1934

Il faut se garder d’une lecture littérale des mots qui ne tiendrait pas compte de leur organisation plastique

La lettre « e » est une dominante au sens musical du terme

Les  mots décrivent une arabesque calligraphique

La courbe du « e » écorche une figure (œil ou sein ? ) dans la course qui l’entraîne à l’autre bout du tableau vers l’avant-bras d’un personnage situé à droite

Difficile de retrouver les traces de l’escargot et de l’étoile

Cette œuvre synthétise plusieurs éléments déjà présents en germe dans d’autres travaux de Miro

Fond modulé avec soin

Précision des formes

Inadéquation du titre


Homme à la pipe    1934

Ce pastel sur papier lui permet des harmonies acides

Mais les formes plutôt molles du personnage contrastent avec la crudité des couleurs pour équilibrer l’impression d’ensemble

La pipe du fumeur se confond avec un œil énucléé dont la pupille crache le feu

Son sexe est une boursouflure grotesque

Violente harmonie des couleurs jaune, orange et vert

La surface lourde du corps hypertrophié de l’homme est scandée par deux traits noirs formant une corne qui le pénètre et en résume les bras


Personnages synthétiques   1934

La notion de rythme est centrale chez Miro

Jeu toujours présent des courbes et des contre-courbes qui entament entre elles une sorte de danse à laquelle participent les personnages

La figure centrale est une femme aux formes un peu lourdes, à la poitrine pleine et tombante : le sein gauche légèrement avachi, le droit symbolisé par une tache rouge et des cercles concentriques

Un personnage s’est installé dans ses flancs blanchâtres et l’enlace par une ligne en accent circonflexe

A droite un personnage pointe son sexe en direction d’un croissant de lune

Sous lui une silhouette féminine fait saillir ses robustes mamelles

En haut à gauche deux petits personnages dansent de concert

Le fond tournoie du bleu au brun en passant par le vert

Ronde organisée autour de la femme centrale qui tourne la tête pour mieux suivre le mouvement de ces personnages dont les corps s’inclinent devant elle


Pastel   1934

Violence dérisoire de jambes de pastel rose

Enflure d’un torse qui se voudrait bombé

Visage fripé aux attitudes de matamore suggérées par une moustache en croc

Aspect grotesque renforcé par la mollesse générale des courbes

Soulignement de couleur rehaussant une convexité incongrue (le sexe)

L’étoile ne parvient pas à  maîtriser sa forme ni à contenir sa couleur bleu-gris qui s’étend en tache

Ce personnage monstrueux et ridicule évoque-t-il aux européens des années 30 un césar de carnaval ?



Personnage  1934

Miro fait appel au modelé et au clair-obscur pour créer une atmosphère trouble et angoissée

La figure semble gonflée et en suspens dans un fluide épais et gluant

Un sexe et deux mamelles poilues qui suggèrent la féminité

La vulve pendante et sa pilosité marquée vont désormais signaler la femme dans nombre d’œuvres ultérieures

Rictus terrifiant dévoilant une mâchoire carnassière

Cette dentition n’est présentée par Miro que lorsqu’il cède à l’inquiétude par l’horreur des évènements extérieurs



Les amoureux   1934

Il a offert ce pastel à André Breton « Il m’a semblé de bonne politique d’être en bons termes avec lui car les surréalistes sont devenus des personnalités officielles à Paris »

La femme, en haut de la composition, figure ouverte, bouche béante, surplombe son amant, petite figure aux allures de quille et à tête de canard, comme si elle allait le dévorer

Tête d’homme    1934

Ce brutal portrait de profil surprend

Sombre profondeur des tons

Le visage se découpe comme à contre-jour

Opposition de couleurs choisies pour leurs contrastes

L’arête jaune vif du nez tranche sur un ton violet

Le passage entre l’arête jaune du nez et le bombement bleu du front se fait grâce à une touche verte qui s’oppose au rouge orangé surplombant l’arcade sourcilière

Noirceur de l’orbite qui encadre une œil bleu et rond

La partie basse du visage reprend, inversée comme les cartes à jouer, le même profil que celui du nez

Le personnage, un peu bossu, tire une langue obscène


Homme devant un tas d’excréments   1935

Miro a couvert un petit panneau de cuivre de couleurs acides et de petits paysages montagneux

Un clair-obscur criard projette sur la scène une cruelle lumière irréelle

Deux figures brillantes se détachent du sombre paysage cauchemardesque, placées l’une en face de l’autre et gesticulant comme des mantes religieuses

Elles sont pourvues d’énormes parties génitales

Miro « J’avais le pressentiment qu’une catastrophe se produirait bientôt … C’était la guerre civile espagnole …

En ce  temps-là j’étais fasciné par les paroles de Rembrandt : je trouve le rubis et l’émeraude dans un tas de fumier »


Paysage animé   1935

Paysage sur carton réalisé en janvier 1935

Ce paysage est peuplé de monstres dont les déformations s’exaspèrent en élongations

Jaunes sulfureux et rouges feu

Miro « L’imagination de la mort me fit  créer des monstres qui m’attiraient et me repoussaient à la fois »

Dans six mois il réalisera des paysages plus morbides

Peinture    1936

Peinture sur un bois aggloméré d’aspect rugueux

Sur un fond bitumeux quelques couleurs pures se détachent du jeu dominant des noirs et des blancs

Deux lignes bouclées affectant la forme d’un  8

Un bandeau noir oblique

En haut et à droite uen partie d’arc en ciel

Deux amas de gravier ocre

Trois taches blanches granuleuses

Miro récusait la  qualification de peinture abstraite « Comme si les signes que je transcris sur une toile, du moment qu’ils correspondent à une représentation concrète de mon esprit, ne possédaient pas une profonde réalité, ne faisaient pas partie du réel »



Personnages et montagnes   1936

Les menaces de guerre des années 1930 font naître dans l’œuvre de Miro des monstres, des créatures issues des pires cauchemars

Petit format de 30*26 cm

Les montagnes de Montroig prennent la couleur jaune et rouge des personnages

Cinq petits monstres s’ébattent dont trois sont identifiables quant à leur sexe :

- une sorte de crapaud moustache à gauche sous la tête duquel pend un phallus

- le personnage du centre traverse la composition en prenant appui dans le bas sur un membre dont ce n’est pas habituellement  la fonction

- une femelle à cou de girafe dont la matrice s’agite hors du ventre

Cette collection d’horreurs s’agite, dressée sur leurs abominables ergots, éructe, prête à s’entredévorer

Personnages, montagnes, étoile et oiseau   1936

Miniature et rigueur de dessin des miniatures ou des panneaux peints des prédelles des retables médiévaux

Les figures monstrueuses évoquent les bestiaires des apocalypses sculptées aux tympans des églises de pèlerinage pour inciter le voyageur à commencer son repentir

A gauche un petit bonhomme fuit à toutes jambes les orifices qu’une femme gigantesque tend vers lui

A droite un personnage se ratatine sous le regard plongeant d’une femme qui courbe vers lui son cou de girafe

Même les montagnes au loin projettent vers le ciel des sommets visqueux comme les cils cannibales d’une anémone de mer pour s’emparer des astres ou d’un oiseau au corps de poisson

Même la lune resserre sa courbe pour échapper au contact que l’on suppose gluant

La couleur chaude et la précision du dessin attirent


Personnages devant une métamorphose   1936

Deux personnages regardent un troisième se changer en une masse pétrifiée

L’homme à droite est moustachu

Les seins et le sexe de la femme ballotent au gré des mouvements de son corps

Du  troisième il ne subsiste plus que deux yeux dans une larme rouge

Ce tableau a été peint avec un liant à base d’œuf d’une manipulation délicate


Femme nue montant l’escalier   1936

Depuis 1934 la figure humaine revêt chez Miro une cruauté et un désespoir en relation avec la montée des périls en Europe

A 44 ans Miro retourne à l’école, à l’Académie de la Grande Chaumière où il pourra dessiner des nus

La ligne alterne  tensions et boursouflures

On ne sait ce qui rend cette femme le plus formidable :

- son groin proéminent

- sa dentition de charognard

- ses seins flétris

- son sexe  pendant

On songe aux manges religieuses de Picasso

Les rapports picturaux de Miro et des femmes ne furent jamais excellents

Le monstre exsude le péché et sa main se tend vers une échelle, cet objet qui permettrait à Miro d’atteindre le ciel

Projet d’affiche « Aidez l’Espagne » 1937

La guerre civile drossa les républicains d’une vague d’espoir à un ressac de désillusions

Elle fut aussi un déchirement pour ceux qui depuis la France suivaient le drame de leur pays

L’affiche réalisée par Miro en faveur de la République n’est pas le simple agrandissement d’une peinture

Certes les formes du buste de l’homme coiffé du bonnet rouge des paysans catalans sont celles habituellement utilisées par le peintre

Mais ces formes s’adaptent aux nécessités d’une image de propagande

Le poing et le bras surdimensionnés peuvent surprendre et attirer l’attention comme le rouge et le jaune,  les couleurs du drapeau ibérique

Simple et direct le message passe et le poing levé appelle à une solidarité populaire internationale à laquelle on veut croire encore

Cette affiche est la première d’une longue série de colères qui dresseront Miro contre le franquisme

Miro méprisera des histrions comme Dali et criera son dégoût devant les exécutions qui accompagneront la fin du règne d’un caudillo vieillissant


L’Eté   1937

Miro retrouve l’acidité des couleurs qui prévalait dans ses paysages sauvages de 1936

Sur un fond de ciel bleu se découpe un horizon où se profilent deux improbables volcans, moins  telluriques que mamellaires

Dans ce paysage les bêtes de Miro flottent librement

En bas une sorte de serpentin spermatozoïde géant câline un de ces protoplasmes hérissés de poils, auxquels Miro a dévolu une fois pour toutes, la représentation du sexe féminin

Dans le registre supérieur, d’autres formes flottent, libérées, à la conquête d’une étoile noire

Deux femmes    1937

Les peintures de masonite de 1936 avaient conduit Miro dans une impasse

Il réagit en travaillant d’après les modèles posant à l’Académie de la Grande Chaumière

Avec d’autres artistes Miro participa aux expositions organisées à l’occasion de l’Exposition Internationale de Paris de 1937 (Dufy expose « La fée électricité »)

Figures grotesques et déformées de deux femmes

Ces modifications convulsives de la forme seraient des réactions de défense contre un mal intérieur qui s’efforce de détruire la forme

Selon Dupin « L’organisme s’adapterait à des conditions  nouvelles auxquelles il est soumis

Miro ne recherche rien d’autre que la vérité du modèle, avec le scrupule et l’application qu’il  met en toutes choses

Il ne veut rien  ajouter ou retrancher, rien modifier à ce qui est, mais ce qui est n’existe pas objectivement »


Portrait II    1938

Sévérité dans la composition

Mise en place frontale et hiératique du personnage

Fausse symétrie qui organise les formes

Le chevron relie à la manière d’une fosse nasale, le rond vert de l’œil droit à l’orange de l’œil gauche

Ce chevron fait pendant au triangle bleu et rouge à la base du tableau dont il reprend la forme générale mais aussi la répartition des couleurs, chaudes d’un côté, froides de l’autre

Un segment de cercle orange formant l’épaule droite suffit à équilibrer l’ensemble et attire le regard d’autant plus facilement qu’il est brisé  par un point vert qui se métamorphose en violet lorsqu’il abandonne la ligne de l’épaule pour former une excroissance sur le fond bleu

Le dessin est précis et son austérité donne de la vigueur aux formes, vigueur tempérée par le modelé agressif de la joue droite


Oiseaux et insectes    1938

Une des sources essentielles de l’art de Miro est l’art roman, plus vivace en Catalogne que dans le reste de l’Espagne

Nombreux rapports directs ou non entre l’imaginaire médiéval et le bestiaire de Miro

L’espèce de petit crabe en bas à droite s’inspire d’un animal figurant la mer lors de la séparation divine du ciel et des eaux, dans une tapisserie du XIème siècle conservée dans la cathédrale de Gerone

Les seins pendants de la femme-oiseau de gauche sont représentés de la même façon que les mamelles d’Eve dans les miniatures de la bible de Burgos

Dupin «   Toutes ces figures humaines en présence de la mort cherchent une issue dans une sorte de régression vers l’animalité

La diversité de leurs métamorphoses évoque la prodigieuse invention des formes que la nature a mise à la disposition des animaux, des insectes, des poissons ou des microbes pour se défendre ou attaquer, échapper ou poursuivre cette guerre à outrance, impitoyable et incessante qu’on appelle la vie »

Certains personnages ont une apparence massive ; leurs membres s’atrophient, leur tête devient minuscule, tête de fourmi aux longs cheveux raides comme des rayons

La seule défense de leur corps boursouflé est sa masse, son énormité

Miro a ressenti l’Europe de 1938 comme à l’aube d’un nouveau Moyen Age


Pour Pilar de tout cœur

Sur cette gouache la femme du centre aux allures de sorcière s’est métamorphosée en un corps noir massif aux bras levés, à la tête allongée et au nez pointu, ponctué d’une tache rouge et d’une autre blanche

Elle est coiffée d’un curieux chapeau triangulaire d’où jaillissent trois poils

Un oiseau aux ailes écartées la relie à la figure de gauche, aux bras levés également, qui part en courant vers le bord du tableau

Les trois poils de sa longue chevelure sont rejetés en arrière par le vent de sa course

L’un d’eux traverse toute la composition, ligne fine et ondulante qui enchaîne tous les éléments entre eux

Le rouge massivement groupé dans la partie droite crée dans cette zone une certaine tension qui pourrait justifier la fuite éperdue de la figure de gauche

Le fond bleu clair qui envahit certaines parties des personnages est d’une limpidité qui rend d’autant plus étrange l’attitude apeurée des personnages


Femme, oiseau, étoile   1942

Entre 1942 et 1943 Miro abandonne le support de la toile au profit du papier qui demande moins de préparation et se prête mieux à une nouvelle spontanéité

Le noir selon son degré de dilution passe de l’aplat velouté qui forme le corps du personnage du bas à la ligne précise qui délimite son visage

Mouillé, le noir fait baver la peinture et la tache, l’accident vont devenir des sources d’inspiration, des moteurs de l’œuvre

Pour Miro qui ne commençait jamais un tableau sans avoir multiplié les esquisses préparatoires, cette école de la liberté s’ouvrait aux moments les plus sombres de la tyrannie

Femme   1934

Cruauté de ce personnage au pastel

Technique veloutée et acide

Courbes jaunes

Petits seins  ronds

Bombement du mont de Vénus

Cube vidé dans le ventre

Caractère démoniaque par :

- yeux globuleux de mante religieuse

- l’axe des bras

- les mains fortes aux doigts griffus qui tentent de saisir le croissant de lune

Peinture sur masonite    1936

Le 17 juillet 1936 les garnisons du Maroc espagnol se soulèvent au nom du général Franco et la guerre civile commence

Miro est alors à Montroig

Durant l’été il peint 27 tableaux sur un support dur et rigide, le masonite

Tous figurent des monstres mais on n’y  trouve pas même une citation indirecte des évènements

Affirmation presque tranquille de l’univers personnel de Miro en face de la menace présente

Les déformations n’ont plus un caractère aussi monstrueux qu’auparavant comme si l’évènement affronté était moins effrayant que son attente

Pour Miro il  n’est plus question de peindre mais seulement de tenir, de vivre, jour après jour

Ces 27 masonites ne seront pas des témoignages mais des exorcismes, directs, instinctifs

Mais la guerre civile le pousse à rentrer à Paris

Nocturne    1935

Un volcan crache sa cendre et un homme et une femme-girafe sur un sol désertique d’un jaune acide se font face comme deux pantins monstrueux



Le fermier et son épouse    1936

Miro renoue avec les compositions centrées sur la ligne d’horizon

La couleur pure, éclatante est de retour

Les personnages occupent la totalité de l’espace disponible

Ils courent après un malheureux coq

Ils écartent les bras et les pédoncules qui leur tiennent lieu de jambes comme pour mieux dominer l’espace et s’emparer de l’animal

Le fermier et la fermière abandonnent le pas lourd des terriens pour déployer leurs ailes et rejoindre dans le ciel le curieux insecte qui les regarde, surpris

Seul le  personnage de gauche est sexué comme s’il réunissait en lui les caractères mâles et femelles

Sans titre   1938

Gouache, pastel, et fond aquarellé sur papier

Les personnages ne fourmillent plus dans un monde grouillant.

Certaines figures comme la femme du centre aux allures de sorcière, ou celle de gauche aux bras levés dans un ciel sombre, ont encore un aspect effrayant

Cependant d’autres ont des attitudes plus douces qui s’opposent aux précédentes : dans la partie droite sur un fond clair, un chat et une autre bestiole, sorte de poisson volant, repoussent les chimères vers leur noirceur

La composition s’aère et cette discipline retrouvée lui permet des innovations techniques : il use simultanément du pastel, de la gouache et de l’aquarelle créant ainsi une matière non ordinaire pour un support aussi mince

Des nuages de pastel, des flaques d’aquarelle et des frottis de crayons de couleur

Le dessin libre et audacieux dans la forme reste précis dans sa facture



Une étoile caresse le sein d’une négresse  1938

Périodiquement Miro utilise les qualités plastiques des fonds entièrement noirs

Le noir est un repoussoir qui permet l’exaltation des couleurs

Le dessin de la femme, alternance de points et de lignes, se résume à l’essentiel, un visage tout rond et un sein plutôt flasque dont le tétin s’agrémente de quatre poils

De l’étoile pas de trace sinon cette ondulation rouge tangente aux poils qui s’ouvre sur deux triangles rouge et jaune opposés

A droite une échelle lie la terre et les cieux et demeure la seule indication d’un horizon perdu

Les mots sont regroupés en trois lignes qui convergent vers les deux triangles jaune et rouge, traçant dans le fond nocturne le dessin de la queue d’une comète

Le verbe se fait signe à la façon d’un calligramme

L’étoile du matin 1940

Un monde affolant baignant dans un fond bleu gris qui se colore de rose dans sa partie supérieure et qui évoque les personnages étranges qui parfois émergent des brumes lors d’un lever de soleil hivernal

Sécheresse de la ligne sur toute la composition comme si la mine de crayon n’avait jamais été levée

Le trait envahit toute la surface

Petit à petit, lorsque l’œil se dégage de la fascination de la ligne, que son errance s’achève, surgissent les figures

En bas, un quadrupède tire par-delà une bouche ouverte sur des crocs pointus une langue rouge qui se transforme en flèche noire lorsqu’elle atteint une autre bête bizarre, mi-poisson, mi-insecte

A droite une femme reconnaissable à l’habituelle amande rouge entourée de poils noirs, incline une tête où les yeux abondent : cinq

Ces cinq yeux sont nécessaires pour regarder à la fois les animaux, les astres, les deux étoiles en haut, à droite de cette constellation

Les animaux, tout à leur chasse, n’ont qu’un œil et ils tournent le dos aux étoiles

Femme devant le soleil   1942

Fusain, crayon, gouache et pastel

En août 1939 Miro est installé à Varangéville sur mer, village de la côte normande non loin de Dieppe

Lors de l’invasion de mai 1940 et de l’offensive des troupes nazies vers les ports du littoral, Miro et sa famille quittent la France pour Majorque où les parents de sa femme Pilar les accueillent

La nuit,  la musique et les étoiles lui suggèrent des peintures. A cette époque la musique commence à jouer un grand rôle

Il a recours au pastel pulvérisé et projeté sur le papier

Sur les fonds se détachent des parcelles de couleur pure et des noirs

Tous les dessins de cette période tournent autour d’un thème unique : Femme, Oiseau, Etoile

Personnages et oiseaux dans la nuit   1942

Fusain sur papier

Les signes-personnages envahissent toute la surface du papier, sans hiérarchie apparente

Les œuvres sur papier de cette période sont inspirées par les bruits du silence, ce qu’il appelait la musique discrète de la nature

Miro fut bouleversé par le  « silence éloquent » prôné par le mystique Saint Jean de la Croix qui a écrit « La nuit conduit l’âme à Dieu »

Miro place ses personnages dans un tourbillon

L’un lévite au centre de la composition, l’autre, tête en bas, descend et un troisième flotte à l’horizontal

La course de taureaux   1945

« J’ai peint ce tableau à la fin de la guerre. C’est le consul de France à Barcelone qui a pu le sortir et l’amener à Paris dans sa voiture. J’en ai fait don au Musée National d’Art Moderne …

J’ai traité le corps du taureau de façon presque exclusivement linéaire avec de rares touches de couleur noire, rouge, verte, concentrées sur la tête et sur une patte.

Ce tableau je l’ai préparé moins en dessinant qu’en écrivant, c'est-à-dire en notant toutes les impressions réellement éprouvées pendant la corrida

« Que mon œuvre soit comme un poème mis en musique par un peintre »

Le peintre vit sur le poète et sur le musicien mais c’est lui qui est le juge parce qu’il est celui qui fait

A la réalité de la corrida il substitue un répertoire de signes :

A droite, le planteur de banderilles tient son arme pointée vers le haut comme une flèche

A gauche le cheval est un animalcule informe à la gueule ouverte et à « l’œil blessure » béant

Deux autres plaies percent  le taureau de deux yeux surnuméraires, l’une sur la patte, l’autre dans les cornes

A droite des cornes l’idéogramme qui se termine en étoile a une forme d’amande poilue qui lui sert d’ordinaire à signaler le sexe féminin

Le sexe du taureau est aussi clairement indiqué et est complété sur la droite par une tache noire qui désigne un anus


Femme rêvant d’évasion   1945

Ce tableau utilise un procédé qui joue sur le contraste

Dans une surface où dominent les signes précisément dessinés, scrupuleusement linéaires ou consciencieusement emplis d’aplats réguliers, une brosse folâtre a déposé des traces oscillant entre le graffiti et la tache

Ces écritures rapides permettent à l’œil de passer sans heurt vers les surfaces peintes comme cet ovale noir, bleu et rouge, ponctué de poils qui identifient le sexe du personnage

En bas à droite Miro a dessiné un corps massif au ventre rond et saillant, aux jambes de pachyderme

Une ligne fine part du sommet de ce tronc bulbeux et forme un long cou qui rejoint la tête qui occupe le centre de la toile

Trois cheveux se tendent vers une étoile

En haut à gauche le signe en forme d’haltères prend la forme d’une échelle

L’échelle est un motif fréquent dans l’œuvre de Miro et pendant la guerre elle symbolisait l’évasion

Femme, Lune, Etoile   1949

Ce tableau appartient à une série baptisée par Miro « peintures lentes » qui désigne les 22 toiles exécutées en 1949 et 1950 avec une minutie qui les distingue du reste de la production où l’improvisation faisait partie du processus créatif

Ce tableau ne laisse aucune place au hasard

Les modulations de la couleur prennent de multiples nuances

Miro dépose ses figures habituelles : éternel retour des lunes, des femmes, des étoiles

Miro rend à l’aide d’un unique trait en forme de M terminé par deux points, non seulement les traits d’un visage, mais également l’attitude effrayée d’une femme qui semble mordue par une vilaine bête agressive sur la gauche

Peinture  1949

On rencontre fréquemment chez Miro la conjonction de fonds hâtivement brossés, de matières lourdes et de tracés fins et rigoureux. Mais la production de 1949 distingue les toiles soigneusement délimitées et celles où il s’est libéré de cette pratique minutieuse

Dans ce tableau la peinture est jetée brutalement sur le support

Délavée, elle s’étend, coule, s’irise

Ces taches fluides juxtaposent le vert à l’orange, le bleu au jaune

Trois cils en virgule, deux ronds noirs, trois étoiles sont les signes qui par contraste soulignent l’indécision des fonds

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