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Nous allons découvrir

La vie

et l’œuvre

de Joan MIRO

20 avril 1893 : naissance à Barcelone. Son père est horloger, sa mère fille d’ébéniste

Mai 1897 : naissance de Dolores, l’unique sœur de Miro

1900 : il entre à l’école et prend ses premiers cours de dessin

1907 : il a 14 ans. Il entre à l’école de commerce de Barcelone sur les instances de son père mais il assiste aussi aux cours de l’école des beaux-arts de Barcelone

1910-1911 : il travaille dans une entreprise de droguerie, puis dans une entreprise de construction et de produits chimiques. Il tombe malade et fait une dépression nerveuse. Il décide de se consacrer à l’art

Acquisition d’une ferme par la famille à Montroig, près de Tarragone

1912 : il a 19 ans et rencontre le céramiste Artigas et le peintre Ricart. Il découvre la peinture cubiste lors d’une exposition à Barcelone

1914 : il loue un atelier avec son ami Ricart

1915 : service militaire, chaque année, d’octobre à décembre

1918 : il a 25 ans. Première exposition personnelle à Barcelone. Il fonde le « Agrupacio Courbet »

1920 : il se rend pour la première fois à Paris où il rencontre Picasso.

1921 : second séjour à Paris où il loue un atelier au 45 de la rue Blomet

Première exposition personnelle à Paris

Période de grande pauvreté

1922 : il peint « La Ferme »

1925 : il est très lié au groupe surréaliste

1926 : il collabore avec Marx Ernst aux décors de Roméo et Juliette pour les Ballets Russes de Diaghilev

Décès de son père à Montroig

1927 : il change d’atelier et s’installe à Montmartre

1928 : il a 35 ans. Un voyage en Hollande lui inspire la série des Intérieurs hollandais

1929 : il épouse Pilar Juncosa à Palma de Majorque et le couple s’installe à Paris

1931 : naissance de son unique fille Maria Dolorès à Barcelone

Première exposition à New York

1932 : il retourne vivre dans la maison de son enfance à Barcelone

1933 : il fait la connaissance de Kandinsky

1936 : éclatement de la guerre civile en Espagne. Il fait venir sa famille à Paris

1939 : les troupes de Franco envahissent Barcelone et l’invasion allemande le contraint à fuir Paris pour Varengeville en Normandie

1940 : il s’installe à Palma de Majorque et commence la série des Constellations

1942 : il s’installe dans la maison familiale de Barcelone

1944 : disparition de sa mère. Premières céramiques avec Artigas

1946 : il expose à Boston avec Dali, Gris et Picasso

1948 : il revient s’installer à Paris

1956 : s’installe à Palma de Majorque et vend la maison familiale de Barcelone. Il commence les peintures murales pour le siège parisien de l’Unesco à Paris

Miro est célébré comme un des grands artistes de l’époque et s’organisent dans les grandes capitales plusieurs rétrospectives de son œuvre

1983 : Joan Miro décède le 25 décembre à Palma de Majorque à 90 ans


La Rose 1916

En 1916 Miro (23 ans) découvre à Barcelone les images nouvelles des fauves et des cubistes

Influence de Cézanne sur les jeunes peintres au début du 20ème siècle

De Cézanne, l’harmonie sourde des tons et une touche bâtissant les formes

Du cubisme, la division de la table en parties fragmentées par des lignes noires qui structurent la composition

Des fauves, des rouges profonds voisinant avec des verts clairs et des roses tendres

Goût pour les lignes sinueuses et les courbes pleines

Disposition précise des figures dans l’espace du tableau


Nord-Sud   1917

Nord-Sud est une revue crée par le poète Pierre Reverdy en mars 1917 qui publiait des écrits d’artistes mais aussi les points de vue de Reverdy sur le cubisme

Intérêt porté par le catalan à une parution parisienne à ses débuts : nul provincialisme dans les milieux intellectuels barcelonais au courant des derniers avatars de la modernité

Robert et Sonia Delaunay et Francis Picabia se sont réfugiés en Catalogne pour échapper à la guerre

La revue est posée sur une table ronde qui se découpe sur un fond balayé de verts

Des bandes courbes et colorées ondoient à partir des objets

Alternance de vert, de jaune, de rouge, d’orangé et de violet

Les objets sont cernés de noir

Le trait esquisse les barreaux de la cage de l’oiseau, le livre de Goethe et une paire de ciseaux


Le Balcon   1917

Œuvre de jeunesse par son aspect inachevé, la touche un peu écrasée et la vivacité des couleurs

Déconstruction systématique de l’espace classique

L’élément dominant est la ligne droite : arête des murs ou faîtes des toits

Grille conduisant l’œil vers le linge coloré qui sèche dans la partie haute

Pour éviter une rigidité excessive Miro introduit une ondulation qui surplombant une bande rouge évoque les courbes d’un toit couvert de tuiles romaines

En-dessous le vert d’un store attire le regard, par contraste, vers le balcon, d’où le tableau tire son nom

On retrouve l’ondulation, verticale cette fois, dans la grille du garde-fou où apparaît la volute d’une feuille

Regard sous plusieurs angles


Cuirana   1917

Cuirana est un vieil hameau perché sur un roc

Dans ce paysage montagneux Miro note le relief, les plans rocheux qui se chevauchent le long des lacets du chemin

Il géométrise le premier plan en ayant recours à d’amples courbes qui symbolisent les plissements du sol


Autoportrait   1917

Autoportrait lourd, épais, barbare, construit par tâches de couleur

A comparer avec l’Autoportrait de 1919


Prades (Tarragena), une rue   1917

Le village de Prades est situé à 140 km du sud de Barcelone, proche de Montroig

Son père, horloger, a acquis une ferme à Montroig

Tableau construit grâce à une division relativement simple, fondée sur les principes de la croix de Saint André

Symétrie perturbée par l’église désaxée sur la droite

Maisons du village hiératiques et massives

Ondulations de la route déformée par le pinceau du peintre et le passage répété des roues des chariots

On ne sait si la tourmente qui agite la partie supérieure du tableau est celle d’un nuage ou le chaos des contreforts d’une montagne

Les ondes du ciel et de la route se répercutent dans les façades dont elles épousent la courbe des portes voûtées

Tout le paysage tourne autour du point de fuite principal et du cercle formé par l’ovale d’un chariot abandonné sur le bas-côté de la route

Le village est vide, écrasé par la lumière d’un jour torride


Portrait de Juanita Obrador   1918

Miro est prudent dans la gamme colorée

Le motif des rayures blanches et noires devient hallucinant par la répétition

Les rayures créent un rythme vivant et le personnage prend une présence massive, obsédante

Le portrait a un caractère russe : on pense aux assonances communes entre les musiciens russes et ibériques à la fin du 19ème siècle

Le visage ne fait qu’un avec le corps animé par les rayures de la robe qui utilisent la même gamme de couleurs


Portrait d’Héribert Casany, dit le chauffeur   1918

Rayures multiples mais souples

Prééminence du visage : pommettes saillantes, arête du nez qui s’élargit en tubercule, épanouissement de la lèvre supérieure qui commande l’expression

Le noir plombé du trait enserre des plans de couleurs stridentes : vert, jaune, mauve

Un rose unit les joues et le  petit tableau de la voiture


Le potage à l’âne   1918

Miro est attiré par le monde clos du paysage et du jardin

Il s’enchante du tracé des sillons, des jeunes plants fraîchement plantés, des arbustes chargés de fruits et son bonheur consiste à les restituer sur la toile sans les déformer

Tout est harmonieux : le balancement des courbes, la succession des horizontales, la disposition des verticales

Pour alléger le terrain en forme de trapèze il diversifie les rectangles cultivés

Le ciel est traversé par des nuages aux formes enroulées, au rythme berceur

Le jardin paisible est restitué avec douceur sous une belle lumière

Un âne docile, respectueux des cultures de son maître vient brouter les chardons

Cette toile évoque les miniatures indiennes ou persanes qui conjuguent avec délicatesse la description de l’espace et de l’architecture

Miro a éliminé toute représentation humaine : seule la nature existe pour lui

Les arbres sont au loin et ne donnent pas d’ombrage

Nu debout   1918

Ce tableau marie des formes géométriques et des ornements floraux

Il enchevêtre si bien les motifs du tapis et de la tapisserie que l’œil perçoit mal la jonction du plan vertical et du plan horizontal qui apparaît pourtant dans la partie droite du tableau

Il atténue la jonction par une plante verte au dessin stylisé

Tapis en rose rouge lie-de-vin et fleurs jaunes et rouges parsemées dans les arabesques

La lumière accroche les volumes aux arêtes vives,  tranchantes comme le fil du rasoir

Les formes dures s’emboîtent avec une précision toute mécanique

Une certaine cruauté pour ce corps de fer cambré de la jeune femme

Miro est encore influencé par le cubisme


Vue en contre-plongée

Pose frontale classique

Cet autoportrait n’est pas destiné à flatter l’ego de son auteur mais il veut restituer une description presque clinique

La tête est ronde comme le menton, le nez fin

La bouche petite et pincée contraste avec l’aspect général d’un visage plutôt rubicond couronné de cheveux curieusement calamistrés

La découpe sinueuse des cheveux accentue les rotondités du visage et forment une arabesque que prolongent les courbes de l’échancrure de la chemise

Les favoris encadrant les yeux poursuivent les demi-cercles des sourcils et forment avec l’ombre du creux des joues et le milieu de la bouche une sorte de champ clos séparé du reste de la face

Comparé à l’Autoportrait de 1917 celui-ci est glacé

Stylisé, traité par de larges pans, il tend à l’épure

Le visage est posé sur un fond délicat et doré

Le dessin est précis : les formes polies sont enfermées dans une résille de fils d’acier qui bloquent la couleur

Les volumes, malgré les dégradés, s’aplatissent

La protubérance du nez est savamment escamotée

Sur ce visage inexpressif le contour de la bouche, les arcades sourcilières et la parenthèse des joues posent un masque

Couleur rose pour les pommettes

La couleur irise la chevelure dessinée mèche par mèche

Le cou porte l’ovale de la tête équilibrée par l’échancrure de la veste rouge à petits dessins géométriques

Une ganse noire coupe en deux parties presque égales l’agitation des angles soulignés d’ombre

Les pointes acérées du col sont les seuls éléments agressifs dans ce portrait tout entier fait de courbes

Trois zones presque distinctes : le front, l’espace entre les sourcils et la lèvre inférieure qui dessine une sorte de masque, (cette zone semble ne pas être sur le même plan que le reste du portrait), la mâchoire qui contraste avec une tête plutôt rubiconde

Contraste créé par le traitement différent des deux côtés de la chemise : la partie droite est détaillée et la partie gauche subit des ruptures de plans proches des facettes cubistes


Nu au miroir   1919

Solidement charpentée, la femme trapue, qu’allège à peine un découpage par plans, est soutenue par les fragiles roses brodées sur le coussin d’un tabouret à franges où  figure un papillon précisément rendu

Les torsades des franges retiennent cet espace rabattu au tapis de sol avec lequel il partage un rythme et des espaces colorés, une alternance de points, de lignes et de touches en virgule

Le nu s’oppose à la complexité de ce premier plan

La chevelure torsadée et une succession de facettes structurent le sein droit et l’épaule gauche

Visage légèrement empourpré par les pensées que le miroir a pu faire  naître

Le modèle assis au bord du pouf, le dos rejeté vers l’arrière, serait instable si un trapèze ne venait s’enfoncer, tel un coin, dans son épaule

L’équilibre est précaire comme si la jeune fille se  préparait à ébaucher un geste

Le corps à facettes semble une armure fourbie

La coiffure impeccable semble un casque laqué

Le fin visage est fermé dans sa solitude ou se dérobe dans l’absence

Les rayures de la couverture et les franges du tabouret deviennent un motif obsessionnel

Cette femme nue est inaccessible


Vignes et oliviers à Tarragone   1919

Ce tableau nous montre la plaine de Montroig telle qu’on peut la contempler du haut de la tour qui domine le mas de l’artiste

La plaine s’étend opulente et vigoureuse avec ses cultures de vignes au premier plan, ses oliviers ensuite et la chaîne des montagnes dans le lointain

La vue plonge d’abord sur neuf ceps posés au premier plan comme les lampes sur la rampe d’une scène

Bien plantées dans leur trou, leurs racines courent sur le bord inférieur du tableau tandis que leurs branches et les feuilles permettent à l’œil de franchir les sillons rythmant le bas de la composition

Le dessin des feuilles est une curieuse silhouette verte dentelée dont on ne sait trop si elle est ligne ou surface

Ce dessin se retrouve en négatif dans le plan suivant dont il scande les découpes pyramidales

La délicatesse des petits points mouchetant les oliviers permet de passer du brutal contraste coloré de la plaine à la douceur éthérée des montagnes

Dans les tableaux de jeunesse de Miro on remarque un amalgame de contrastes violents :

- arabesque délicate des feuilles de vigne

- angles acérés du plan suivant formé d’une harmonie semblables à des papiers découpés

- pointillisme précis des oliviers contenu par le flou des montagnes

- ciel calme et immuable


L’Instant   1919

Au début de 1917 Miro découvre la poésie et se passionne pour les revues d’avant-garde catalanes et françaises

En juin 1919 Miro réalise cette affiche pour le journal franco-catalan « L’Instant »

Des bandes géométriques en chevrons colorés forment la partie latérale de l’affiche

Ces bandes géométriques comme le palmier sont reprises d’autres tableaux

Cet agrégat de morceaux différents donne pourtant à l’affiche un aspect général préfigurant le style Art Déco


Montroig, l’église et le village   1919

En 1907, parce qu’il ne réussit pas dans ses études secondaires, ses parents l’inscrivent dans une école de commerce où il ne réussit pas plus

En 1910 on le place dans une droguerie comme employé aux écritures. Ce travail absorbe tout son temps et il se désespère au point de tomber malade. Ses parents l’envoient se rétablir dans la ferme qu’ils viennent d’acquérir à Montroig

Rétabli, il convainc ses parents de le laisser suivre sa vocation de peintre

Pour Miro c’est le début d’un enracinement qui sera pour lui essentiel : Montroig sera l’un des pôles de la vie du peintre

Près de la terre de Montroig il  peut réfléchir. Il a besoin de silence. Entre le sol et lui la communication s’établit

Pour Miro il n’existe aucune hiérarchie entre les divers éléments qui composent la nature : chaque chose a la même importance, est digne du même intérêt

« Je me sens comme un végétal »

« Au moment de travailler à un paysage, je commence par l’aimer, de cet amour qui est le fils de la lente compréhension. Lente compréhension de la grande richesse de nuances que donne le soleil. Bonheur d’atteindre dans le paysage à la compréhension d’un brin d’herbe, ce brin d’herbe aussi beau que l’arbre ou la montagne »


Cheval, pipe et fleur rouge   1920

Couleur difficilement contenue par un exubérant jeu de courbes qui se déploie dans cette nature morte

Deux mondes différents cohabitent :

- le bord gauche et la partie inférieure sont deux zones de calme découpées en surfaces étendues à peine ridées de courtes lignes ondoyantes où d’obliques raides se joignent presque à angle droit

- la seconde partie est liée à la première par l’avant-train et l’encolure d’un cheval qui s’inscrivent dans une des équerres en haut à gauche

Cette sculpture à la robe grisâtre du lippizan fait le lien avec la seconde partie ; ceci avec l’appui d’un livre ouvert dont les pages sont de même ton et dont la forme offre quelque parenté avec l’équerre du haut

Par ces simples objets l’œil est attiré au sein d’une débauche de couleurs et formes baroques où s’affrontent des surfaces très petites et intensément peintes

Une pipe et un verre au tracé blanc sont assaillis par des points et des courbes

Une fleur rouge au pistil conquérant

Un tableau ovale où dans une plaine orange, des arbres verts et bleus se dressent devant une montagne violette

Des fleurs sculptées dans le coin galbé du pied de la table

Le meuble qui déroule ses courbes d’un bout à l’autre de la composition donne un certain calme à cette multiplicité d’objets

La table, nature morte au lapin  1920

Miro réalise un savant mélange de construction cubiste et d’éléments minutieusement naturalistes

Le coq, comme le lapin, sont si bien observés qu’ils semblent prêts à jaillir de la table

Le poisson est bien mort mais encore frais

Légumes et feuilles de vigne pourraient sortir d’une planche de botanique

Pour traiter la table Miro utilise la pyramide comme chaque fois qu’un plan fuyant introduit une possibilité de profondeur pour éviter la perspective et conserver le tableau en deux dimensions

Mais représentation frontale pour les parties réalistes, comme le coq et le lapin, qui sont silhouettés

Le piètement de la table en volutes chantournées

L’arabesque signale l’influence de l’Art Nouveau qui imprégnait alors Barcelone

Les courbes des feuilles pendantes de l’oignon épousent celles des pieds de la table

Dans le tissu où repose l’assiette du poisson on retrouve les motifs striés qui dessinent les écailles


Nu debout   1921

Un encadrement noir forme une niche peinte où le nu s’inscrit de la manière dont étaient abritées les Eve médiévales

Cet encadrement s’affaisse à droite pour mieux enserrer le mouvement des bras

Miro allège ce plan noir d’un filet gris

Dans cet espace le modèle se dresse sur un socle trapézoïdal vert

Pour combattre l’illusion de perspective Miro y insère un autre trapèze ocre pour annuler l’effet de profondeur tout en permettant de poser la figure

Elle s’y ancre du pied droit ; le gauche au talon levé projetant une ombre signalée par un  pseudo rectangle noir

Représentation crue du pubis surmonté par un ventre légèrement avachi

Réminiscences du cubisme :

- les taches noires des yeux, l’un de face, l’autre de profil

- les cheveux vus sous les mêmes angles contradictoires

- le traitement angulaire de la jambe droite

Apparition de signes nouveaux peints en blanc : un cercle qui marque la rotule droite, les seins de face et de profil et les ongles qui semblent incongrus

Ces signes vont proliférer peu à peu et envahir l’œuvre


La danseuse espagnole   1921

Peinte à Paris d’après un chrono, cette toile ne relève pas de la nostalgie d’un exilé

Cette danseuse métallisée devient l’archétype de la femme provocante qui n’est pas impressionnée par un mâle trop sûr de lui

Grand soin dans le détail pour n’oublier aucune des caractéristiques d’un type

Les bruns de la nuit pour la chevelure et le rouge du corsage orné de broderies évoquent la vénalité et la parodie sexuelle


La ferme    1922

L’étendue est immense et le regard peut s’échapper jusqu’à l’ondulation de la ligne des montagnes

Mais l’espace pictural se rétrécit sous l’effet du bleu intense du ciel

La maison, l’appentis, le lavoir, la pompe et le poulailler se soudent les uns aux autres et sont traités avec la même précision colorée

Ils sont peints de façon à éviter le modelé, l’éloignement calculé par la perspective

Miro invente un plan horizontal pour disposer arbitrairement les objets disséminés

D’autres éléments sont dessinés à la verticale : le carrelage, le journal, le cercle noir

La lumière est artificielle, le contraire de la lumière des impressionnistes

Absence de clair-obscur qui caractérise toute l’œuvre à venir

Le plan vertical de la maison où chaque fissure est marquée répond au dessin du poulailler

Entre les deux bâtiments un arbre déploie avec délicatesse des branches irrégulières se détachant sur le ciel ou brille un soleil d’argent

Chaque chose à Montroig rappelle à Miro une longue histoire de son enfance

La couleur est posée d’un pinceau léger

Ce goût de la description déclenche un délire graphique, disposition de Miro qui doit être retenue pour comprendre les œuvres futures

Chez Miro la hiérarchie des valeurs est en rupture avec les références habituelles car le petit vaut le grand, l’écorce vaut l’arbre

Ce tableau fut acquis par Hemingway qui a dit « Cette toile possède tout ce que vous ressentez de l’Espagne quand vous y êtes et tout ce que vous ressentez quand vous êtes loin et  ne pouvez y aller »


L’épi de blé   1923

Toile marquée par l’ascétisme et la rigueur dans l’organisation des figures

La peinture est étendue en couches minces et sa dilution importante la rend mate

Le vert domine le tableau

Des obliques contrariées marquent les bords et le coin d’une table où reposent un pot, une passoire et l’épi qui donne son titre au tableau

Miro ne fait rien pour établir un espace connu : ni facettes cubistes, ni perspective

Seuls les trois objets légèrement modelés suggèrent un volume

Le blé se déploie dans la partie inférieure de la composition et sa couleur plus chaude affirme sa présence au premier plan

Pot et passoire appuient leurs rondeurs sur de fines lignes noires tracées à l’horizontale qui figurent l’ombre portée et empêchent les objets de flotter dans l’espace

Miro a le souci de relier ensemble les différentes parties d’un tableau :

- la tige sinueuse de l’épi s’allonge en contre-courbe vis-à-vis du manche de la passoire et du galbe du pot

- les grains du blé ébauchent des tortillons analogues à la torsade métallique du manche de la passoire

- les rotondités de la passoire font la liaison avec le pot


La fermière   1923

Le pied de la fermière devient tronc et c’est par lui qu’elle puise l’énergie de la terre

Miro choisit des proportions monumentales : main solide empoignant le lapin où repose l’anse d’un panier

La poitrine, menue en comparaison, lui confère une féminité que sa charpente imposante ne parvient pas à effacer

L’important matou stylisé est assis près d’un poêle que l’artiste a résumé par un cône noir dont le tuyau coudé se  perce du trou dans lequel il devrait au contraire s’enfoncer

Le triangle blanc à sa gauche n’est qu’un torchon par l’anneau qui le retient et l’ondulation de sa base, seul souvenir de ses plis

Le cercle clair séparant la femme du chat serait une assiette

Une ligne brisée relie la femme et le chat en joignant le centre exact du cercle

Miro utilisera plus tard la ligne pour mettre en rapport les formes entre elles


La lampe à carbure   1923

Trois objets dont les formes se répondent :

- la lampe verte traitée en volume

- une grille noire qui peut être le support d’un fer à repasser

- un quartier de tomate peint avec la minutie d’une coupe anatomique

La lampe rouge repose sur un trapèze jaune qui rappelle la base où se tient le « Nu debout »

Nous sommes dans un espace neuf maintenu dans les limites du monde connu par la seule présence de la lampe car la grille semble n’avoir qu’un rôle purement plastique et  la tomate où s’agitent des formes vertes et jaunes ne semble plus un fruit


Paysage catalan, Le Chasseur   1924

Sur un fond rouge et jaune séparé par une ligne onduleuse s’agitent des formes : cônes, équerres, triangles, disques, têtards, moustiques et libellules, les unes armées de tentacules, les autres de moustaches

La tête du paysan dont l’œil, la moustache, l’oreille et la pipe sont enfermés en un triangle est surmontée de la barretina (béret catalan un peu phrygien)

La tête est reliée par un fil conducteur aux membres schématisés à l’extrême

A gauche la capture du chasseur, un lapin, aux traits allusifs et à droite la masse noire et cylindrique du  fusil

Une ligne courbe en pointillé symbolise la vie

Les organes essentiels sont seuls visibles : le cœur et le sexe

Toutes ces petites figures suspendues dans l’espace forment un ballet

Une simple ligne horizontale traversant un œuf est tendue par deux plaques de fonte de couleurs différentes

Un mot « Sardine », en jolie ronde, auquel il manque une syllabe s’impose dans la composition

Ce mot tronqué évoque peut-être la sardane, la danse nationale catalane

Juste au-dessus Miro a peint un gril à poisson

L’univers est en désordre

Des éléments qui devraient rester étrangers les uns aux autres se rencontrent et se font la fête


Le gentleman   1924

Miro voulait produire dans une œuvre la virulence qu’il ressentait chez certains écrivains dans la tradition d’Alex Jarry, auteur de  la pièce Ubu Roi créée en 1896

Il invente un langage visuel poétique pour détruire toute distinction entre tableau et poésie

Jarry a écrit en 1906, croyant qu’il allait bientôt mourir « le cerveau dans la décomposition fonctionne au-delà de la mort et ce sont ses rêves qui sont le paradis »

La déréalisation du temps a pour but de ressaisir l’instant éternisé de l’enfance rêvée

Dans « Ubu Roi » il est écrit « Monsieur de Ubu est un fort bon gentilhomme »

Ce tableau reprend certains éléments évocateurs d’Ubu

La forme noire d’une corne dérive des néologismes chers à Ubu tels que « corneguidouille », « cornafinance »e

Le fond vert rend hommage à la symbolique de cette couleur pour Jarry chez elle représente souvent l’amour homoérotique

L’homoérotisme désigne le désir entre personnes du même sexe sans passage à l’acte sexuel

Un cercle entoure un « x », lettre significative dans l’écriture de Jarry en lien avec le désir, l’imitation et la mort

Le chiffre romain XII fait référence à Gustave Kahn, le théoricien du vers libre

Une espèce de tuyau ressemble à un mirliton, cadeau offert par Ubu au roi de Pologne Venceslas

Le mirliton est un petit instrument de musique populaire et bon marché en roseau ou en carton, bouché aux deux extrémités par un morceau de pelure ou de papier

La grande ligne pointillée ou incurvée serait la gidouille, le gros ventre d’Ubu


La bouteille de vin    1924

En 1924 Miro est installé à Paris où il se rapproche du surréalisme d’André Breton

La bouteille voit ses rondeurs brisées par la rectitude de son étiquette qui est aussi le lien avec le reste de la toile

C’est très précisément du bout de la ligne blanche qui la souligne que partent les pointillés qui vont, ondulant au centre de la composition, signifier une nappe

Une des ces lignes de crête mouchetée de touches de peinture interrompt la course courbe de quatre traits qui sont les poils de moustache d’un drôle d’asticot à l’œil rond et rouge

Il semble prêt à se diriger vers une petite abeille immobile, comme épinglée par un entomologiste

La nappe est posée pleine nature ce qui explique les quatre petites fleurs qui dansent à gauche du goulot de la bouteille


Terre labourée   1924

Miro exprime son imagination débridée

L’arbre porte une oreillette et dans ses feuilles un œil

Son tronc saigne et sa ramure est armée de redoutables griffes

La jument bleue allaite en hennissant un poulain fort remuant

L’aloès est une scie

La carpe bariolée venue à la surface de l’eau est sur le point de s’asphyxier

Le chien accroupi au poil hérissé a été victime de la marée noire

Une pomme de pin traverse l’atmosphère

Tendu sur un fil d’acier un ergot de requin traverse l’étendue

La scène de labourage est sans doute le souvenir d’une fresque égyptienne

Le carnaval d’Arlequin   1924

Toile majeure où Miro va résumer le résultat des découvertes faites lors de l’exploration de son nouveau monde

Un automate guitariste et un arlequin à moustaches tiennent les premiers rôles

Des chats jouent avec une pelote de laine

Un papillon extravagant sort d’un œuf

Des poissons volants se portent à la rencontre des comètes

Un insecte s’échappe d’un dé

Miro déploie sans retenue les trésors de son imagination, « la reine des facultés », selon Delacroix

Une  table, une échelle en perspective et une fenêtre ouverte sur un ciel bleu construisent un espace classique et presque sage pour mieux contraster avec la folie ambiante d’un lieu où la musique qui s’échappe de la guitare est transcrite

Le bras noir de l’Arlequin s’allonge démesurément vers l’échelle

Le bras forme une croix avec le tube digestif blanc du musicien

Cette croix structure parfaitement la composition en son centre


Paysage   1925

L’homme est absent et la vie s’exprime dans les fissures de la terre sèche et dans l’inquiétude d’une mouche poursuivie par un oiseau

L’épi de blé et la fleur sont immenses, comme les arbres


Nu assis tenant une fleur    1917

Eléments qui seront constants dans l’iconographie de Miro : la juxtaposition d’une femme, d’une fleur et d’un oiseau révèle le goût des rapprochements poétiques qui seront la marque de la peinture de Miro

Simplification du nu féminin par les courbes

Les chairs verdâtres à la limite de l’obésité, tendent à se résumer en une série d’ovoïdes qu’équilibrent les contre-courbes animant le fond au sein desquelles le nu est enchâssé

On songe à Cézanne qui s’était pris d’une passion subite pour l’arabesque

Miro refuse la ligne droite au profit d’une quête de courbes idéales, ni trop molles, ni trop agitées


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