Album d’images  1937  

Dès le début de sa carrière Klee expérimente divers modes de représentation de la figure humaine

Dès sa jeunesse il est familiarisé avec les collections ethnographiques du musée historique de Berne et la collection folklorique de Munich

« Les enfants, les fous et les primitifs ont conservé la faculté de voir. Et ce qu’ils voient et les formes qu’ils en tirent sont pour moi la plus précieuse des configurations. Car nous voyons tous la même chose, bien que nous la voyons tous de côtés différents »

« Album d’images » s’inspire des modèles linéaires concentriques de l’art mélanésien et de l’art arborigène australien

Klee utilise une sorte d’image aux rayons X, révélant l’épine dorsale d’un de ses poissons

L’ensemble est présidé par une femme-lune dont la tête est formée d’un croissant de lune et le corps décoré de stries cérémonielles peintes avec les terres d’ocre utilisées dans la décoration tribale

C’est une feuille d’album plutôt qu’une composition unifiée

Sur cette page sont répartis des signes qui indiquent le soleil et la lune et des poissons

La grande échelle de la femme-lune et le masque rouge et noir orné de cornes flottant au centre en font une peinture qui dégage une magie primitive

Signes dans le jaune   1937   

Dans ce pastel une suite de signes noirs forme le contrepoint d’un damier jaune

La ligne et la surface, considérées comme des éléments indépendants agissent de concert

Les formes ouvertes constituent dans l’espace le cadre de mouvements de liaison

Le peintre utilisera ce système graphique de signes épais et noirs jusqu’à la fin de sa vie

Il a été relevé des correspondances entre ces signes et l’écriture coufique (style de calligraphie arabe développé dans la ville de Koufa en Irak. Les premiers exemplaires du Coran sont calligraphiés selon cette forme)

Paysage scénique   1937   

Pastel sur coton : les pigments sont appliqués sur le fond mouillé et absorbés par lui

Signes, idéogrammes et hiéroglyphes habitent cette œuvre qui tente d’intégrer le temps et la mémoire au langage pictural

Les concepts de mouvement, de fluidité, de progression et de croissance se traduisent sous la forme de lignes, de jambages, de signes qui orientent le regard et la lecture du tableau

Un rameau dans la zone verte

Au-dessous un profil incliné vers le bas

En bas un sein accroché à un escalier flanqué d’un point d’interrogation

Les surfaces se traversent mutuellement créant ainsi des espaces multiples emboîtés

Les traits noirs jouent l’office des plombs dans un vitrail

Trois jeunes exotiques   1938   

Entre le dessin et l’écritue il existait dans les dernières années une relation frappante, l’un pouvant ainsi dire se substituer à l’autre

Les figures se développent à partir de lignes diversement accentuées en renonçant à toute espèce de hachures

Les lignes s’étendent en traits vigoureux et charpentés

Les traits des personnages sont réduits à de sommaires indications sténographiques comme dans les masques du Gabon ou du Zaïre

Les couleurs sont limitées et nettement réparties : bleu, rose délavé, brun

La vision universelle de Klee surmonte les fausses oppositions entre barbare et civilisé

Le port florissant   1938   

De multiples cercle se déploient devant nous : triangles, rectangles, cercles, points, formes ouvertes et fermées, qui se laissent difficilement circonscrire

Si notre imagination commence à jouer avec cet amas de traits noirs, ils deviennent tout d’un coup vivants

Mettons nous dans la position d’une mouette tournoyant dans l’air et regardant vers le bas. Nous voyons la vaste surface d’un port. Dans l’eau trouble nagent des feuilles, des branches, des boîtes, des planches et des bouées

Des silhouettes de navire sont aussi discernables, petites parce qu’encore éloignées

Sur les quais il y a aussi des grues et des arbres

Bande brune du quai en-dessous

Bande de l’horizon bleu au-dessus

Projet   1938   

Ce tableau est typique de la séparation recherchée par Klee de l’intime et de l’extérieur, du passé et de l’avenir

Une silhouette à mi-corps formée d’une ligne continue sépare la surface en deux parts inégales

A gauche se présentent des signes succints, un petit bonhomme masqué, un chien, un arbre, quatre fanions roses

Quasi incolore paraît la tonalité, symbole de la vie extérieure que la silhouette à l’œil bleu laisse derrière elle

A droite, par contre, à l’intérieur de la figure se déploie le champ créatif et ludique du Projet sur un fond jaune recouvert de rose

Ici les signes se situent à mi-chemin entre l’abstrait et le figuratif

L’œil est seul identifiable, il caractérise la figure et constitue le symbole d’une perception spirtuelle qui transcende le passé comme le présent

Le gris et la côte   1938   

Klee était l’ami du grand violoniste Adolf Busch.

Ce tableau est conçu comme une structure rythmique analogue aux coups d’archets énergiques et souples de Busch

La figure ainsi composée forme une série de becs étranges, parsemés de hiéroglyphes

Les coups d’archet deviennent des langues de terre avançant dans la mer d’un bleu profond

Quelques notations musicales subsistent mais un personnage gris apparaît dans l’angle supérieur droit

Parc près de Lucerne   1938   100*70

Parmi les œuvres de caractère morbide et dramatique de la dernière période celle-ci apparaît comme une oasis de sérénité joyeuse

L’accent est mis sur de longues plages de couleur parcourues de rameaux finement cernés de blanc

Ça et là ce puzzle de plages animées par les branchages dépourvus de rameaux est troué par des échappées sur le ciel bleu

Klee considère que le dialogue avec la nature est la condition sine qua non de l’art

Coups d’archet héroïques   1938

Le tableau est un hommage à son ami le violoniste Adolf Busch

Il fait revivre le souvenir de sa façon souple et énergique de manier l’archet

Il était le modèle admiré de Klee violoniste

Les jambages épais correspondent au désir de Klee de transposer directement dans une forme plastique le phénomène musical

Pinceau sec en quelques endroits de la partie inférieure

Les points pourraient être des notes mais ils font plutôt l’effet d’indications rythmiques

Les signes de droite, le cercle, le demi-cercle et la roue indiquent que Klee pensait à une composition particulière

Trois bleus : un bleu roi à l’intérieur du mouvement de l’archet, un bleu tirant vers le gris à l’extérieur et un bleu turquoise dans l’encadrement

Le bleu a une résonance pleine et profonde comme la musique de Bach

Insula dulcamara  1938

Tableau esquissé au fusain sur papier journal que Klee fixe ensuite avec de la colle sur du jute pour peindre sur un fond lisse

Souvent le papier journal imprimé transparaît à travers les couleurs ce qui ne gêne pas Klee qui aime le léger dépaysement ainsi provoqué

Depuis 1937 son langage par signes utilise des jambages pleins et déliés

Klee voulut appeler son tableau « Ile de Calypso » et c’est dans cette idée qu’il travailla son esquisse

Les contours noirs sont la côte

La tête dressée est une idole

Un vapeur passe à l’horizon

Deux signes célestes désignent la lune qui se lève et la lune qui se couche

Les couleurs sont celles du printemps : un vert céladon, un rose tendre et un bleu ciel

C’est le printemps sur l’une des Cyclades qu’Ulysse longe en allant à Ithaque

Transparence de l’espace : on ne voit pas la différence entre la mer et la terre

Klee aime évoluer dans un monde à plusieurs dimensions

Dans la forêt profonde   1939

Partout le même vert ; seul son degré de luminosité diffère

Le fond est plus sombre que les plantes

La forme du bas nous fait penser à un hélianthème, (l'hélianthème est une plante vivace à la floraison généreuse et abondante. utilisée en couvre-sol), les deux de droite à des arbustes dans le vent, la fleur à sept pétale, figure centrale du tableau, a quelque chose d’une physionomie

Ce qui compte ce sont les nuances plus ou moins claires du vert

Pour  Klee le vert attire dans la profondeur et incite à la méditation

Jeu tranquille entre des formes rondes et pointues, voire dentelées

Le parc aux idoles   1939

En 1939 le monde des angoisses fait irruption dans ses esquisses

La clarification de l’existence devient le sens de sa création

Les trois idoles ont des formes nettement dessinées et les couleurs prennent l’aspect blanchâtre de la nacre

Les couleurs sont jaunes, verdâtres ou rousses

Le paysage est bleu

Disque rouge du soleil qui est un objet d’adoration comme les idoles elless-mêmes

Le noir est le néant ; sur fond noir tout prend un aspect différent

Sur le fond  noir l’invraisssemblance des ces figures ressort avec virulence

La légende du Nil   1937  

Le compartimentage de la surface en quadrilatères irréguliers est associé à une iconographie d’inspiration orientale

Dans les signes employés, vivants et hétérogènes, on  trouve un écho des hiéroglyphes et des caractères de l’alphabet grec comme le pi ou l’upsilon

Le pastel fait partie des premières grandes compositions fortement structurées par des idéogrammes

Il emploie au lieu du noir un ocre sombre repris un ton en-dessous sur le bord de l’image et complémentaire de la dominante bleue du fond

Saint Georges   1936

Schéma (en haut à droite) d’un petit homme discret mais audacieux, parodie du saint au dragon, qui, armé de sa lance s’empresse de venir en aide à la victime sans défense et terrasse le dragon

L’enfant et sa tante  1937

Une scène d’automne déterminée par les couleurs : jaune, rose, vermillon et un peu de vert

On pense plutôt à un paysage qu’à une femme tenant un enfant par la main

Les physionomies se dégagent par l’arête d’un nez et un demi-cercle pour l’œil

Les feuilles d’automne tombent contre les murs des maisons et dans la rue et même contre les deux personnages

Les contours des personnages se mêlent à la forêt des feuilles et réussissent à envelopper l’enfant d’un manteau et à mettre un chapeau à la tante grâce aux arcs des U imbriqués les uns dans les autres

Un U plus grand réunit en bas la main et le bras de l’enfant avec ceux de la tante

L’accent est mis sur les couleurs : le jaune et mauve nuancé, soleil et feuillage

L’enfant a une attitude de défense

La  tante a le comportement affectueux mais autoritaire des adultes conscients de leur responsabilité

Jardin oriental   1937

Les indications linéaires utilisent des jambages qui apparaissent pour la première fois en 1937

Le « Jardin oriental » est à mi-chemin entre une forme reconnaissable et l’harmonie pure

Il est plein de réminiscences d’Egypte qu’il a visité neuf ans il y a neuf ans

Il ne pense pas à l’image du pays fluvial

Il peint une propriété arabe, une maison cossue et son perron, la porte d’entrée et des allusions à l’architecture des fenêtres

L’intérieur et l’extérieur ne forment pas de contraste

Deux arbres hiéroglyphiques constituent le jardin

Les tons pastels conviennent pour évoquer la féerie d’un jardin arabe

Jardins du sud   1936

Une apothéose du midi, de la lumière et de la couleur, datant de la maigre année 1936, année de maladie, où le peintre a exécuté seulement 25 œuvres

Un paysage méditerranéen avec des signes rouges et verts pour les arbres, un astre noir à gauche du centre voisinant avec une demi-lune blanche

Les champs sont des propriétés bien séparées et réparties en trois couleurs

Des surfaces vert olive clair en côtoient d’autres blans bleuâtre et orange

Elles sont posées au pinceau et à la spatule de façon telle que l’on pense à un pays d’agriculture pauvre et pas seulement à des parterres ou à des jardins d’agrément

On a une vue à vol d’oiseau du pays

En haut à gauche seulement une perspective devient visible, un mur formant un angle

Les rectangles aux lignes qui s’entrecroisent en bas à gauche sont-ils une maison dont la surface orange serait le toit ?

En haut à gauche un petit carré violet sort de la gamme des couleurs et son effet est insistant

Le bleu de la mer en haut semble soudain plus africain et le rouge des arbres plus tropical

Les Perplexes  1934

Les « Perplexes » expriment l’état dans lequel se trouvait Klee en 1936, à l’époque de sa maladie : personne ne savait quoi dire, personne ne savait quoi faire ni comment l’aider

Les formes suivant un processus de métamorphose se font visages et corps

Constitué de fins pointillés colorés le tableau a davantage le caractère d’un dessin que d’une peinture

Certains motifs sont difficiles à distinguer comme les deux chaussures à talons aiguilles prolongeant des jambes dans la moitié droite du tableau

Klee appelait cette genèse des formes au cours de laquelle « une nouvelle réalité » se crée, un « processus métamorphotique »

« C’est une affaire purement psychique … Nous franchissons une limite de la réalité. Il ne s’agit pas de reproduction ou de représentation, c’est plutôt de l’ordre de la transformation et de la recréation »

Épouvantail   1935

Un critique a écrit « Epouvantail se compose d’un morceau d’étoffe collé en travers, de quatre traits et d’un cercle »

La superposition du tissu n’est qu’apparente

Klee, après avoir peint un carré brun sale a ajouté la tête et les deux jambes à l’huile blanche et sur cette huile blanche il a pressé un chiffon au tissage grossier teint en rouge

Pour finir il a entouré le personnage de peinture à l’huile bleue pâteuse, appliquée en partie au couteau

Le Créateur   1934   

L’image du dessin blanc sur fond rose est d’une simplicité provocante

La divinité, les bras écartés et les vêtements flottants, plane dans le cosmos

L’espace est entièrement habité par le créateur, dont les contours blancs parallèles évoquent la vision de Michel Ange à la chapelle Sixtine

L’esprit de Dieu plane au-dessus des eaux. On ressent la lumière d’un rose frais qui émane de lui pour se répandre sur le monde

Tout  cela est traité dans un esprit de cocasserie

Klee entretient un commerce confiant avec la divinité dans un joyeux sans-gêne affranchi de tout faux pathos

PAUL  KLEE

1ère page Paul Klee

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