Le dessinateur à la fenêtre 1909
Un des nombreux autoportraits de la première période de Klee
Ressemblant bien qu’intentionnellement brouillé et désaxé par des coups de pinceau obliques soulignant l’unité de la composition
Il est assis une chaise ancienne
La fenêtre qui est la source de lumière est dans son dos
Un bloc de papier sur ses genoux, il dessine de la main droite alors qu’il était gaucher
Il pouvait dessiner et peindre de la main droite ou des deux mains simultanément
A ses élèves : « Exercez vos deux mains car la main gauche écrit différemment de la droite »
Klee peignit des aquarelles noires car il n’était pas encore maître de la couleur
Il utilise une craie de couleur pour les points bleus du rideau
Les tons discrets donnent une coloration séduisante : le blanc devient plus éclatant, le sépia devient plus chaud
Le soleil cerne le contour de l’épaule et du bras droit et leur donne du dynamisme
La bordure claire donne plus de consistance au corps et souligne le contraste qu’il forme avec l’espace inondé de lumière situé derrière lui
La concentration sur un seul gestes augmente la force de l’expression
Jeune fille aux cruches 1910
En 1909 Klee écrit « L’impression de l’ensemble se base sur une évaluation d’économie, laquelle consiste à répartir l’effet de l’ensemble sur une gradation restreinte »
Tel est le procédé employé ici
C’est le moment où il découvre Cézanne « Voilà pour moi le maître par excellence propre à m’instruire beaucoup »
Les cruches sont rabattues sur le plan de la table, qui est lui-
Un chromatisme violent à dominante rouge et bleue marque la composition : un rouge proche du garance éclate sur les joues de la jeune fille, les trois cruches et le vase de fleurs
Influence également de Matisse dont Klee venait de voir une exposition
Dans la carrière 1913
Paysage construit sur peu de données concrètes
Aquarelle inspirée par des carrières de grès aux environs de Berne
Le contraste entre la réalité et l’invention s’harmonisent à la manière de Cézanne
Juxtaposition de taches colorées
Les couleurs ne respectent pas toujours les limites
Les dégradés de rose côtoient les verts sombres
Il joue des couleurs les unes contre les autres
Le vert clair du milieu contraste à droite avec avec le vert d’arbres au contour de feuilles
Le tableau est construit sur les formes végétales vertes, les éboulis mauves et les blocs de couleur grès
Plantes dans la montagne 1913
Klee déplorait dans le cubisme le côté destructeur de la transformation des objets. Il critiquait l’arbitraire avec lequel Picasso réduisait le corps humain à des « formes primitives telles que triangle, rectange et cercle »
Chez Klle le cubisme se limite presque exclusivement à des constructions spatiales abstraites qui lui inspirèrent la métaphore du « type cristallin »
Ce tableau est une rare représentation de la nature dans laquelle il s’aventure lui aussi à déconstruire un monde organique
Hammamet et sa mosquée 1914
En 1914 Klee voyage en Tunisie
Il rentre à Munich et la guerre éclate le 1er août
Il commence alors une longue série d’œuvres peintes de mémoire qui s’étendra jusqu’à la fin de l’année
Hammamet n’est pa une étude d’après nature
Dans la partie inférieure aucune ligne ne délimite les surfaces colorées
Influence de Delaunay dans le passage du carmin au mauve et du jaune au vert
Il met l’accent sur les points d’intersection des surfaces
Klee rapporte une bande à droite et élargit le format en ajoutant quelques rectangles étroits dans les mêmes teintes et en bleu
Ce bleu manquait parmi les couleurs complémentaires de la moitié abstraite de la feuille
Il introduit plantes et arbustes dans les figures géométriques et fait naître une ville ou une caravane de chameaux de l’agencement des surfaces
La mosquée à deux tours se dresse dans le ciel d’un bleu éteint au milieu d’espaces verts
Il réunit le caractère fonctionnel de la forme et de la couleur avec une libre intuition
Saint Germain près de Tunis 1914
Le 11 avril 1914 Klee note dans son journal « Saint Germain (Tunis). Quelques aquarelles sur la plage et du haut du balcon. Dans l’aquarelle du balcon je réalisai pour la première fois l’Afrique.
Klee sépare la feuille selon des axes horizontaux et verticaux et remplit chacun des quadrilatères ainsi obtenus d’une couleur respective
Klee renonce à l’expression de la perspective
Seule une partie de l’image paraît posée de l’extérieur
Les couleurs demeurent de pures densités d’accords : chacune reste, au sein de l’ensemble, limitée à un champ défini, perceptible comme isolé
Plage à Saint Germain près Tunis 1914
Klee « L’aquarelle de la plage, d’une facture encore trop européenne aurait pu être peinte à Marseille »
Pour Klee les formes et les couleurs du modèle naturel ne sont plus désormais contraignantes dans le rendu.
Aucune limite n’est fixée au processus d’abstraction
Dans les aquarelles tunisiennes les motifs du paysage ne sont pris en considération que dans la mesure où ils peuvent se soumettre aux lois plastiques de la composition
Motif d’Hammamet 1914
Aquarelle exécutée lors du voyage effectué en compagnie de Macke
Elle se situe sur la frontière indécise entre le visible et le lisible où Klee va se complaire
La composition, basée sur de petits quadrilatères juxtaposés annone la série postérieure des « carrés magiques » et des architectures
Il écrit le 16 avril « La couleur et moi sommes un. Je suis peintre ! »
« Le dessin, en tant qu’il exprime le mouvement de la main avec le crayon est si différent de l’usage que l’on fait du ton et de la couleur, que l’on pourrait fort bien exercer cet art dans l’obscurité. Tandis que le ton (mouvement du clair vers l’obscur) présuppose un peu de lumière et que la couleur en présuppose beaucoup »
Ce mouvement du clair vers l’obscur est nettement indiqué de l’angle inférieur gauche vers l’angle supérieur droit, du jaune pâle au bleu nuit en passant par les couleurs les plus chaudes au centre
Aux portes de Kairouan 1914
En avril 1914 Klee se rendit en Afrique du Nord via Marseille avec ses amis August Macke et Louis Moillet
Le voyage dura deux semaines
Ils visitèrent Tunis, Hammamet et Kairouan
Klee décrit son travail face aux portes de Kairouan « L’ambiance me pénètre avec tant de douceur … La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : La couleur et moi sommes un. Je suis peintre »
Division flottante de la surface picturale en champs, parfois géométriques de couleurs qui tirent leur luminosité des effets de contraste.
Coupoles rouges et blanches 1914
La disposition des surfaces colorées évoque Delaunay rencontré à Paris en 1912
Ecroulement de la perspective traditionnelle
La lumière est un élément de désorganisation de la ligne de la construction ancienne
La couleur se cherche dans ce chaos et n’ayant pas encore trouvé sa vertu organisatrice forme un désaccord des éléments employés
La profondeur n’est obtenue que par la valeur de couleurs
Klee adopte une composition en échiquier que l’on retrouvera dans les « Carrés magiques »
Sans la série des coupoles blanches, rouges et brunes l’ensemble pourrait paraître abstrait
Nous sommes sur la frontière indécise entre l’abstrait et le figuratif que Klee affectionne
La couleur qui ne se laisse pas enfermer par le damier de la composition ajoute à l’impression orientale de chaos
Cette impression d’inachevé laisse libre cours à l’imagination du spectateur au lieu de le laisser à l’extérieur de l’œuvre
L’objet est commencé par le peintre et continué par le regardant
Une partie de l’art du XXème siècle nécessite la participation du spectateur à l’œuvre dite alors « ouverte »
Sans titre 1914
Klee sépare la feuille selon des axes horizontaux et verticaux et remplit chacun des quadrilatères obtenus d’une couleur respective
Klee renonce à l’expression de la perspective
Chaque couleur reste au sein de l’ensemble limitée à un champ défini, perceptible comme un ton isolé
«La pureté est un domaine abstrait »
Formes et couleurs du modèle naturel ne sont plus désormais contraignantes dans le rendu
Dans les aquarelles tunisiennes les motifs du paysage ne sont pris en considération que dans la mesure où ils peuvent se soumettre aux lois plastiques de la composition
Tapis du souvenir 1914
Il s’agit d’une des premières œuvres dans lesquelles Klee réalise son vœu de sortir de la simple description de la réalité visible et de représenter le monde tel qu’il existe dans la tête de l’artiste
Un échafaudage graphique apparenté au Cubisme analytique
Couleurs et lignes planent et poussent dans un espace formé par un fond épais de mousseline enduite de plâtre jaune
Ce n’est ni un paysage naturaliste ni la représentation d’un tapis
Cette œuvre fut composée peu après le voyage tunisien d’avril 1914 qui fut pour lui important car c’est à cette époque que se cristallisent ses capacités formelles
A l’instar d’un tapis hors d’usage, qui parle de la vie qu’il partagea avec les hommes, ce travail manifeste les fantaisies de son créateur
Klee met en lumière le souhait de rendre l’esprit d’un lieu d’un moment du souvenir
Pour Klee l’acte de « voir » ne consiste pas seulement en perceptions optiques mais englobe des associations de sentiments, de choses et d’événements, installés de longue date dans notre mémoire
Anatomie d’Aphrodite 1915
Klee était très versé dans la mythologie grecque
« Plus ce monde devient effroyable (comme justement aujourd’hui), plus l’art devient abstrait, tandis qu’un monde heureux produit un art concret »
C’était la guerre, Klee était sur le point d’être incorporé et les forces invisibles s’imposaient alors en lui
Il n’y a pas ici d’allusions à l’anatomie du corps féminin
Pour Klee anatomie signifie la sihouette de celle qui est née de l’écume des vagues, de la femme divine, de la beauté, de l’éternel miracle de l’amour
Foehn dans le jardin de Marc 1915
Instants passés à ressentir le souffle chaud du vent du sud dans le jardin de Franz Marc, le compagnon du Blaue Reiter, qui devait tomber devant Verdun un an plus tard
Klee utilise un schéma précis de formes imbriquées en damier ou en losanges
La décomposition du sujet permet à Klee de développer un langage optique associatif qui est conforme à celui du rêve et du souvenir
Klee « Aujourd’hui est fait de la transition d’hier à maintenant. Dans la grande fosse des formes, gisent les ruines auxquelles on tient encore. Elles fournissent matière à l’abstraction. Un chantier d’inauthentiques éléments pour la formation d’impurs cristaux »
C’est en effet l’impression d’impurs cristaux que l’on éprouve devant ces sapins échelonnés autour d’un toit rouge, sapins qui trouvent leur écho dans des cimes coniques bleues, violettes et blanches.
Au premier plan à droite des essais de couleurs mauves et vertes donnent l’impression d’un toit de chalet.
Paysage solitaire et désolé de ce jardin où ne pousse aucune fleur
L’idée du sapin 1917
Dans un espace prismatique animé d’un mouvement giratoire, des couleurs complémentaires s’ordonnent autour d’un centre où apparaissent quelques fragments de feuillage d’un sapin
Il s’agit pour Klee d’un véritable « combat pour l’espace » ou d’un traitement de l’espace intérieur et de l’espace extérieur dans le sens d’une pénétration simultanée
Klee « Parfois le centre même de l’espace intérieur reçoit une accentuation particulière. Cette situation fait naître un conflit entre l’espace extérieur et l’espace intérieur. Le résultat final pourrait presque être décrit comme un engrenage de formes »
Mise en garde des navires 1917
L’année 1916 est celle de son incorporation militaire
En 1917 une suite de dessins prend pour thème le navire et la signification symbolique
de celui-
Le navire menacé est le symbole de la vie incertaine
Certains ont vu des sirènes dans ces étranges oiseaux aquatiques peints en gris ou simplement indiqués à la plume, qui occupent le centre de la composition
La plus importante est sommée d’un croissant de lune bleu et flanquée d’une étoile noire et de deux points d’exclamation
Autour de ces cygnes-
Fleurs d’affliction 1917
Klee se souvient d’une « fabuleuse flore qui harmonisait ses nuances particulièrement éclatantes » lorsqu’il montait la garde devant un dépôt de munitions en 1917
Mais ici ces fleurs disséminées sur ce plan de coupe histologique semblent plus mortes que vivantes
Tordues, biscornues, fouillées avec une minutie qui cherche les moindres radicelles, pétales, pistils, étamines, elles n’ont plus d’apparence de vie.
Les végétaux dont nous saisissons avant tout la forme globale (la Gestalt), imposent ici la présence foisonnante et inutile de leurs détails
Elles se dirigent toutes vers le bas de la composition où les attend un œil muni de son canal lacrymal, un cœur percé d’une flèche et le scalpel
Klee « Par notre connaissance de sa réalité interne, l’objet dépasse le cadre de la simple apparence. Nous savons aussi qu’il est plus que sa surface extérieure ne le laisse supposer. »
Fleurs nocturnes 1918
Les fleurs de Klee peintes à l’aquarelle sur un fond de craie furent très appréciées
Toile peinte sur les quatre côtés
La fleur qui ressemble à un soleil part du bord supérieur
Elle pousse en direction de la tour rouge qui surgit d’en bas
Sur la gauche des asters poussent vers le centre
En haut un triangle noir, montagne ou expédient formel
Il n’y a pas de forme humaine mais la région devait être habitée car dans la tour rouge il y a une fenêtre ouverte et à gauche un pavillon invite à s’attarder
Ce tableau avait aussi pour titre « Un paysage englouti »
« englouti » signifie-
A gauche brille la lune d’argent dont Klee avait fait connaissance à Kairouan « Bien des fois, le reflet atténué de la blonde lune septentrionale qui se lève m’appelle doucement, m’appelle encore. Elle sera ma fiancée, mon autre moi »
Sous le croissant lunaire, le noir soleil
Chez Klee il y a souvent des soleils noirs à côté d’astres qui se lèvent
Ce cercle noir au-
1918 est pour Klee une année relativement consacrée au monde d’ici-
Jadis surgi du gris de la nuit … 1918
L’origine du poème demeure inconnue
La trame de l’image est un mur de carrés colorés régulièrement répartis
Les lignes noires des majuscules arabes créent d’autres partitions chromatiques à l’instar des pierres d’une mosaïque
Influence du texte : du début à la fin du poème un bleu lumineux se dégage peu à peu du gris initial
Pour Klee les lettres, comme les chiffres, ne sont pas seulement révélateurs d’une expérience précise, ils sont aussi chargés d’une certaine « histoire de la forme
Ermitage 1918
Cette aquarelle renvoir à des poèmes chinois qui vantent les mérites de la vie érémitique
L’ermite est le modèle même du non-
Il mène une vie cachée dans la montagne, dans la forêt, parmi les animaux et les oiseaux
Le thème est de rendre visite à un ermite, de ne pas le trouver chez lui et d’avoir ainsi l’occasion de méditer en contemplant la nature
Les rideaux encadrant l’image soulignent que le paysage sert de scène pour le déroulement d’un processus psychologique comme une rencontre amoureuse
C’est aussi un lieu où les contraires peuvent coexister et où la vie et la mort sont réconciliés
Le soleil noir exprime la présence des contraires
En associant le soleil noir et la croix Klee intègre dans une même image la sagesse érémitique chinoise et la croyance en la possibilité d’une nouvelle ère messianique
PAUL KLEE
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