Jardin magique 1926
Dans plusieurs œuvres Klee conduit le spectateur vers des lieux imaginaires, vers d’énigmatiques constructions qui sont souvent des ruines sur des décombres
Le voyage imaginaire est plus un déplacement dans le temps que dans l’espace. Le temps perd sa dimension chronologique pour devenir le lieu du souvenir
Pour rendre perceptible aux sens cet aspect il imite les processus de dégradation en travaillant la couche picturale jusqu’à ce que sa structure finisse par évoquer la surface de vieux murs usés par l’érosion. Le motif du jardin est l’un des plus importants dans ce contexte
Ce « Jardin magique » est la synthèse du royaume imaginaire de Klee
Départ des navires 1927 50*60
Les navires plus ou moins éloignés indiquent le port immobile et endormi
La lune violette qui amplifie l’espace indique un horizon invisible
Les bateaux et leurs voiles sont réduits à des signes stéréotypés
L’effet de profondeur produit par les couleurs à l’intérieur de l’image crée un mouvement orienté vers la droite
Dans un espace dénué de perspective Klee détermine la dimension de profondeur grâce
à l’orientation du mouvement « avant-
L’omission des détails dans le vide nocturne crée le « toujours et partout »
L’exactitude iconographique des diffférents éléments stéréotypés (navire, lune) donne l’impression d’une scène de théâtre. Klee aimait passionnément le théâtre
Le Prince noir 1927
Huile sur toile
Des forces inquiétantes émanent du Prince noir
Est-
Le crochet ocre du nez et les deux traits impitoyables de la bouche et aussi la main droite levée accentuent l’impression d’énergie
La main écartée semble avide de s’emparer de l’objet qui ressemble à un citron. De l’or ?
Le corps est brun et massif et ne se détache du fond brun lumineux que par un dessin très flou
En haut à gauche des armoiries de couleur citron avec quatre rangées d’ornements simples
On retrouve ces motifs dans la couronne et la garniture du vêtement
Les yeux verts sous le diadème ont un regard insistant et pénétrant
Ils sont parfaitement irréels, plutôt semblables à des pierres précieuses et dénués de toute expression humaine
Mélange de cruauté et de force d’attraction, de noir et de coloration lumineuse
Lieu d’élection 1927
Papier de couleur, aquarelle
Est-
Klee avait de nombreux lieux d’élection comme Gela, bourg en ruines de Sicile
Synthèse d’architecture urbaine et d’architecture plastique
L’attraction vers le haut allonge les formes
Importance du thème des parallèles
Les diagonales créent le mouvement et la large base étirée qui combat l’attraction vers le haut provoque une tension qui seule perment de reconnaître dans ce lieu une bourgade étagée sur la hauteur
La bande bleue du bord inférieur représente-
En haut domine un rouge tropical accentué par la large surface du ciel vert, d’un
vert qu’on ne peut trouver qu’en Afrique ou en Asie du Sud-
La lune est un astre gigantesque d’un violet lumineux pris dans le même réseau de lignes que la ville aux nombreuses tours et le brun roux de la terre au pied de la ville correspondant au rouge du bord supérieur
Côte de Provence 6 1927
Klee aimait le Midi, la côte de Provence, les îles de la Méditerranée, la Sicile, l’Afrique du Nord
De ses voyages il remportait des impressions pour un nouveau schéma comme Côte de Provence
Le haubannage est simple ; ce sont des triangles et des rectangles qu’il échafaude et relie par des traits de couleurs
Même s’il ne les relie pas par des angles on peut penser à des voiliers (en haut) et à des cabines de bain et à une plage couverte de sable (les rangées de points et de traits colorés)
Klee construit le tableau non à l’aide de lignes qui se coupent mais avec un échafaudage de carrés de différentes tailles et de densité variable
Tout le monde voit les voiles mais pour reconnaître les cabines il faut être familiarisé avec la méhode de Klee
Il s’agit d’une côte de France car dominent le bleu, le blanc et le rouge
Les couleurs chaudes sont en bas du tableau et les plus froides sont repoussées vers le haut même si près du bord supérieur c’est le jaune soleil qui l’emporte
Ville italienne 1928
Dans ce tableau qui semble s’organiser autour d’un centre, Klee ne se contente pas
d’introduire une perspective optique, c'est-
Il y ajoute un déplacement du point de vue optique : « L’œil change de place »
Les lignes droites possèdent diffférents points de fuite : un certain nombre d’entre eux se situent hors de l’espace du tableau
L’œil suit divers points qui l’attirent : l’espace se trouve alors observé selon des distances variables
Etrange végétal 1929
Dans cette aquarelle il s’agit non de constructions mais de surfaces translucides et irrégulières
L’étude interne d’un organisme par l’intérieur se fait en accentuant son caractère dynamique
L’intérieur et l’extérieur se pénètrent et sont vus en coupe transversale
De l’accord des couches colorées naît un jeu de modulations tonales
Ce concept de polyphonie est emprunté à la musique et caractérise une composition à plusieurs voix où chacune évolue indépendamment sur le plan mélodique à l’intérieur de l’ensemble
Avant la neige 1929
Klee se préoccupe des problèmes de l’espace mais il s’agit ici non de constructions mais de surfaces translucides et irrégulières, de feuillets
Ces surfaces ressemblent parfois à des nuages et parfois à des oiseaux naviguant dans l’espace coloré
Ces tableaux sont constructifs dans la mesure où les feuillets sondent l’espace suivant des dispositions et des intervalles déterminés avant de le livrer à l’infini. Chez Klee même le royayume des airs est ordonné
On pense à des esprits ou à des démons ou à la fugacité de l’existence humaine
Rilke « Nous ne faisons que passer comme un échange de courants aériens »
En voyant ce tableau on pense à un arbre à la fin de l’automne : au-
Les deux nuages se rapprochent de l’arbre et de la terre ; leurs plans se recouvrent sans se toucher
L’espace est brun sombre
Les couleurs sont automnales et en même temps printanières, indian summer
La neige le recouvrira et le réchauffera jusqu’à ce que les bourgeons et les ramifications effilées des feuilles puissent se déployer
Route principale et routes secondaires 1929
C’est le tableau le plus important du voyage en Egypte que Klee s’offrit pour son 50èmeanniversaire
Il débarque le 24 décembre 1928 à Alexandrie
Il est de retour au Caire le 9 janvier après avoir vu Louqsor, Thèbes, Assouan
On peut comprendre le schéma des bandes si l’on connaît le fleuve aux bandes de terres fertiles ou si l’on voit sur des illustrations les formes des pyramides
Les routes, les champs conduisent au Nil. Ils courent en bandes horizontales de différentes largeurs sur la surface du tableau mais ils ne vont pas d’un bord à l’autre, ils sont coupés de verticales et de diagonales
Couleurs claires et rayonnantes de lumière
Ce tableau représente des routes issues des champs et qui vues de haut mènent par élans aux rubans bleus du bord supérieur, au Nil
Les couleurs claires, les roses, les verts, les bleus, les violets, les orangés et les ocres clairs sont posés en couches plates et crevassées
Ils figurent la terre et l’eau, le soleil africain, le printemps et la fécondité
Ce tableau a été peint environ six mois après le voyage ce qui a laissé aux pensées plastiques le temps de mûrir jusqu’à l’acte de peindre
Monument dans le pays fertile 1929
Limitées par deux traits rouges, onze strates horizontales, à leur tour divisées en bandes d’inégale épaisseur, sont rompues par trois courtes verticales et onze obliques
Un chromatisme étendu témoigne de la fertilité du pays
Perdus dans cette richesse de gradations chromatiques, nous tentons vainement de repérer le monument en question
Souvent chez Klee nous nous demandons si les choses identifiées sont des objets ou des allusions à des objets
Ne sont-
De là une partie du mystère de ses œuvres
Blanc polyphoniquement serti 1930
Klee ordonne le flux du blanc à des valeurs plus sombres par une trame quadrangulaire savamment disposée pour éviter toute monotonie dans les paysages chromatiques
Klee « Tout conflit intense dans le domaine clair-
Ces pôles donnent sa tension au jeu des forces de dla gamme des degrés du noir au blanc »
De subtiles gradations du rose au rouge et du bleu clair au bleu nuit se rejoignent aux angles pour former deux plages violettes
Divagation sur fond vert 1930
La structure de ce tableau est un personnage lunaire, un cercle rose parfait où s’accroche un segment circulaire vert, deux petits cercles dans le visage et deux supports au segment
Dans ses orbites rougeâtres la jeune fille a une demi-
A côté deux rectangles qui se recouvrent en partie
Une larme termine celui qui est le plus en avant
Il y a souvent des larmes chez Klee
Cette larme est-
Ou bien est-
La bouche n’est pas sereine, elle est serrée et sévère
Le disque de la lune ne repose pas au milieu du segment bleu vert aux mains écartées
Les lignes formant l’arête du nez sont des extrémités d’antennes
La rouge à droite se perd dans l’espace
La noire à gauche dans un profond élan se précipite dans l’infini
S’agit-
Figuration à mi-
Quartier de villas florentines 1926
Page d’écriture composée de différents signes disposés en bandes transversales
L’écrit peut consister en simples signes comme des croix ou des motifs décoratifs ou bien en « caractères » comme des maisons, des plantes ou des arbres. Le titre peut provoquer des associations d’images
André Breton « La main du peintre s’aile véritablement avec lui : elle n’est plus celle qui calque les formes des objets mais bien celle qui, éprise de son mouvemen propre et de lui seul, décrit les figures involontaires dans lesquelles les formes sont appelées à se réincorporer … Le crayon qui court pour dessiner « file » une substance infiniment précieuse qui apparaît chargée de tout ce que le peintre recèle alors d’émotionnel »
Autour du poisson 1926
On a vu parfois dans ce tableau une allégorie évangélique : le poisson des premiers chrétiens, la croix, la culpabilité symbolisée par la flèche partant du poisson et visant un masque humain
Le poisson symboliserait un écoulement toujours neuf du cycle de la vie qui de la fécondation à la production d’une nouvelle plante ou d’une nouvelle vie ménerait à la mort de l’organisme
La conjonction de la lune et du soleil symbolise l’unité originelle
De ce couple originel est issu le mouvement tournant autour du poisson qui symbolise
l’âme perdue, c'est-
L’humble quotidien (vase avec une fleur, poisson et fenouil) et le merveilleux cosmique
(couple lune-
Image de Poissons 1925
Dans l’œuvre de Klee on retrouve de nombreuses peintures sur les poissons
Dans l’iconographie des peuples indo-
Caché dans les profondeurs de l’océan il est pénétré par la force sacrée de l’abîme
Vingt poissons se meuvent lentement dans un espace abyssal aux bleus profonds. Certains évoluent parallèlement, d’autres préfèrent des contatcts perpendiculaires
L’ensemble laisse une impression d’indétermination fondamentale à l’instar des mobiles de Calder
Montagnes en hiver 1925
Sur un fond de papier recouvert d’une couche de craie il pulvérise ses couleurs en épargnant à l’occasion des parties recouvertes de caches
Dans ce halo crépusculair, où plane un soleil jaune, un faisceau de projecteurs diffuse une paix rayonnante
Une harmonie feutrée qui s’étire dans l’espace imagaire de l’œuvre
Les montagnes sont métamorphosées en pyramides ésotériques, dématérialisées en faisceaux de projecteurs
La lumière joue autour de l’arbuste dépouillé par l’hiver
André Breton « Longtemps, je pense, les hommes éprouveront le besoin de remonter
jusqu’à ses véritables sources le fleuve magique qui s’écoule de leurs yeux baignant
dans la même lumière, dans la même ombre hallucinatoire les choses qui sont et celles
qui ne sont pas … Ils placeront une des ces sources très haut au-
Monsieur perlecochon 1925
Masque réalisé selon la technique de pulvérisation d’aquarelle
Une distanciation amusée confère à ce masque la souveraineté anonyme d’une carte à jouer
Pris dans un brouillard de fines particules, irradié par une luminescence dûe à la pulvérisation de l’aquarelle, Monsieur Perlecochon est importé dans cette zone indécise entre la fantasmagorie et la réalité
Deux couleurs, le gris et le rose, viennent remplir les formes pures bien délimitées. Elles leur prêtent toute la séduction d’une poudre qu’on croirait ravie aux ailes de papillon
PAUL KLEE
Pastorale (Rythmes) 1927
« Pastorale » est une page de texte ou peut-
Les signes sont des signes, non des lettres, mais ils en tiennent place
La ligne supérieure est faite d’étoiles et de planètes, la suivante de jeunes arbres, puis viennent des arcs d’architecture, puis à nouveau des arbustes, et immédiatement après des arbres aux allures de candélabres, …
Il y a toujours des clôtures de jardins faites de points de croix qui séparent lesl lignes les unes des autres
Vers le bas la « Pastorale » devient plus décorative comme un recuil de modèles de broderie, exécuté par des enfants pendant le cours de travaux manuels
On pourrait penser à des étoffes, à de la toile brodée, à des dentelles
La couleur est vert clair avec une bande bleu ciel en haut et tout autour une bordure qui tranche avec le reste
Ce tableau supplée pour Klee à une activité musicale : en le réalisant il a dû éprouver le sentiment d’écrire une partition
Il a choisi comme sous-
Les limites de la raison 1927
En 1927 des artistes « progressistes » voulaient moderniser l’art dans le sens de la construction et de la rationalité, de la science et de la technologie
En raison de ses aspects techniques la photographie se tenait au cœur de cette évolution et devint la clé de l’esthétique de la « vision absolue » des modernistes
En opposition l’esthétique traditionnelle pratiquée par Klee et Kandinsky de la peinture de chevalet
La partie inférieure est marquée par une construction transparente mais non perceptible dans l’espace, un visage de structure cristalline reconnaissable à l’esquisse des yeux, du nez et de la bouche
Les yeux sont devenus les oculaires d’un périscope : celui de gauche oriente ses
rayons visuels sur plusieurs niveaus simultanément, celui de droite rencontre une
lentille demi-
Si l’on envisage cette construction comme une tête, les lentilles se tournent d’un côté et de l’autre afin de suivre les avancées et reculs déroutants des facettes irrégulières de l’espace
Mais l’appareil optique technique atteint ses limites dans le traitement des reflets simultanés de la construction cristalline
C’est la fragile échelle de l’intuition qui conduit à la source de toute lumière,
c'est-
Livre ouvert 1930
Cette construction monumentale évoque plutôt une pyramide égyptienne qu’un livre bien qu’il soit difficile de voir dans le bleu noir l’entrée à moitié cachée
Les différents plans pourraient faire partie de chambres funéraires
On peut, selon le titre, considérer l’ensemble comme un livre à demi-
Un bas du tableau un signe mathématique surmontant une goutte rouge qui pourrait être une larme
Le « livre » semble jauni, piqué et les bords brunâtres renforcent l’impression d’un objet ancien bien qu’ils aient avant tout une fonction spatiale
Livre ou tombe ? peu importe car Klee ne part pas des objets mais va vers eux quand tous les éléments plastiques sont ordonnés comme il faut : ici la position des pages du livre ou bien des murs par rapport aux autres
Assemblage d’une grande justesse plastique
Brun moisi répandu sur toute la surface
Accent d’un bleu profond de l’ouverture au point de fuite rassemblant les lignes de la perspective