La chanteuse de l’opéra-comique   1923

Klee adorait Mozart avec lequel il se sentait dans la grâce et l’humour des affinités profondes

Il a repris plusieur fois le thème de Fiordiligi, héroïne de « Cosi fan Tutte »

Klee était capable d’exécuter « Don Juan » de mémoire de bout en bout sur son violon

Dans son journal Klee parle de l’attrait magique qu’exerça constamment sur lui le théâtre et particulièrement l’opéra

Fiordiligi émerge de l’arrière-plan comme d’une boîte à surprises, comme une créature neutre, presque une marionnette

Le buste, les bras, le masque, la coiffure sont ceux d’une poupée

L’arrière-plan ne donne aucune indication d’accessoires ou de coulisses

La « pose » choisie pour Fiordiligi correspond à un moment précis de Cosi, la douzième scène du deuxième acte.

La pose frontale suggère un moment héroïque qui ne dure que l’espace de quelques mesures

Théâtre de marionnettes   1923

Le peintre avait confectionné le décor et les poupées d’un théâtre de marionnettes pour amuser son fils Félix

Klee aimait le théâtre. Il avait joué la comédie et donnait chez lui des représentations de marionnettes

La poupée à grosse tête, aux cheveux crépus et et au buste en forme de cœur est un souvenir d’enfance

Les rideaux de la scène s’entrouvent au fond à gauche et à droite une licorne déambule

Les figures sont réservées en blanc sur fond noir et rehaussées de couleurs fraîches et joyeuses

Klee utilise le contour abrupt sans modelé usité dans les dessins d’enfants

Les proportions optiques sont négligées en faveur d’une hiérarchie d’échelle qui reflète l’importance relative des différentes figures en jeu dans l’œuvre comme le suggère la poupée macrocéphale

Klee déclare qu’il ne voit aucun inconvénient à voir ses œuvres comparées aux « griffonages et barbouillages enfantins »

Le Ventriloque 1923

Le fond est composé à la manière d’un kilt écossais de bandes entrecroisées dont les valeurs sont plus sombres dans la partie supérieure

Cette recherche implique une conception musicale par le réglage en portées de partitions des quadrilatères

Sur le fond ainsi quadrillé est inscrit à la plume un personnage qui laisse apparaître cette trame en transparence dans des tons plus clairs (rose et bleu pâle), non sans affinités avec  les dessins d’enfants bien que le trait soit d’une grande précision

La tête est en f orme de cloche ou de haume. Le ventre est constitué d’une énorme protubérance où sont figurés cinq animaux fantastiques

Un étrange poisson est suspendu à ce ventre par un fil. L’allure générale est celle du Père Ubu dessiné par Jarry

Ces êtres monstrueux imaginaires sont censés parler par l’intermédiaire du ventriloque

Klee utilise ce procédé dit des rayons X pour matérialiser des phantasmes

Double tente  1923  

Cette aquarelle pourrait être sous-titrée « Gradation diamétrale en bleu-violet et jaune-orangé »

En présence d’un mouvement et d’un contre-mouvement (montée et chute) les contraires se heurtent. Les degrés qui s’étagent entre l’obscurité et la clarté aboutissent à une fusion dans une vibration entre les couleurs du spectre

« En gravissant les degrés qui séparent la profondeur obscure de la source de lumière, nous ressentons l’ampleur de la gradation des tons entre les deux pôles. En bas, un grondement obscur et souterrain comme entre deux eaux et en haut le frémissement précis de l’éblouissement »

Architecture  1923  

Cette œuvre fait partie de la série des Carrés magiques où Klee étudie, dans la couleur et le clair-obscur, les effets de la répétion rythmique d’éléments identiques groupés

Klee use de la géométrie pour créer des faits picturaux

René Crevel « La matière la plus simple, mots ou couleurs, sert de truchement entre l’au-delà et le voyant. La poésie est la découverte des rapports insoupçonnés d’un élément à un autre. Le peintre doué de poésie, dans la plus sèche géométrie, saura trouver les échelles pour ses plongées »

La série des Carrés magiques de Klee doit être rapprochée des recherches musicales contemporaines, en particulier du système à douze tons inventé par Schönberg en 1923, l’année même de cette Architecture

Flore des dunes  1923  

Cette aquarelle de 1923 se situe dans le prolongement des aquarelles tunisiennes de 1914

Un tapis de carrés et de rectangles colorés qui mène jusqu’au sommet de la dune et nous dérobe la mer

Une bande mauve horizontale est rapportée au-dessus du ciel beige, lui conférant un éclat inattendu

Une autre bande mauve flanquée d’une verte vient soutenir cette géométrie végétale

La fantaisie de l’artiste a placé des végétaux roses vers le centre comme des coraux, ocres et verts au sommet de la dune

Maigre flore que se disputent le vent et le sable

Juxtaposition de quadrilatères diversement colorés qui se divisent au centre

En se divisant ils semblent se soulever comme sous la poussée d’une force qui ne peut plus se contenir

Il suffit que le coloris s’éclaircisse, que des blancs y apparaissent, des roses, des jaunes et des verts pour que nous ayons la sensation de percevoir une éclosion, un jaillissement de fleurs

L’intérieur du tableau vibre en lui-même sans un  seul point immobile

On a l’impression selon le mot  de Cézanne que « les couleurs montent des racines du monde »

Mer du Nord à Baltrum  1923  

En 1923 Klee passe ses vacances d’été sur une île de la mer du Nord, à Baltrum. Le contact direct avec la nature emplit son œuvre d’impressions sensibles plus spontanées que de coutume

klee ne ressent pas le besoin de dresser un personnage devant l’horizon marin

Klee réduit son chromatisme dans des proportions telles que cette œuvre semble une œuvre abstraite

Une série de strates colorées qui évoquent la mer

Klee pose ses couleurs en couches minces sur le papier mouillé de sorte que les bords des strates se recoupent légèrement

Une ligne réservée sur le blanc du papier détermine l’horizon

Terre, ciel et eau paraissent comme des couches atmosphériques derrière un banc de brume

Cette aquarelle correspond sans doute à une impression naturelle que Klee met en rapport avec l’apparition de l’arc-en-ciel

Le phénomène de l’arc-en-ciel est selon lui une abstraction au sens de pureté de la couleur

Cas particulier d’une gradation de couleurs pures qui n’a pas sa place totalement sur la terre mais qui se situe dans le domaine intermédiaire de l’atmosphère à la fois terrestre et cosmique

Carnaval en montagne  1924  

Minutieux dessin au pinceau

A droite un profil montagneux surplombe un soleil égaré près d’un village cubiste

A gauche la lune éclaire faiblement une croupe enneigée qu’escalade un sentier zigzaguant

Une femme masquée tend une corbeille d’oranges

Une petite fille masquée lève les bras au ciel

Au centre une autruche habitée d’un astre et d’un œil se dirige vers le personnage le plus hétéroclite de l’ensemble

Mazzaro   1924

En 1924 Klee et Lily choisirent la Sicile pour leurs vacances d’été. Ils s’installèrent à Mazzaro, une station balnéaire voisine de Taormina.

Cette villégiature leur plut

Le peintre se laissa imprégner par les effets de couleurs extraordinaires de la mer et du ciel

Plus tard il dira « Je porte en moi les montagnes et le soleil de Sicile. Tout le reste est insipide »

Flore sicilienne en septembre   1924

L’observation intensive de la nature possédait pour Klee une dimension métaphysique

L’artiste que l’étude de la nature « fait accéder peu à peu à une vision  philosophique de l’univers », crée ainsi des œuvres qui sont à l’image de l’œuvre de Dieu

Cette aquarelle sur fond noir est le résultat de l’étude de la nature et de la richesse de ses formes, de ses principes de croissance et de développement

C’est l’évocation d’un voyage en Sicile à l’automne 1924

Sonorité ancienne

Abstraction sur fond noir  1925

Une structure rythmique de carrés dont on ne voit ni le commencement ni la fin

Klee « Ma main est tout entière l’instrument d’une volonté lointaine »

Rapport avec la musique dans le rythme et le chromatisme des teintes

On a trouvé dans les papiers de Klee une fiche avec le plan d’un de ses tableaux. Des nombres étaient inscrits dans des carrés, à l’horizontale puis à la verticale. Les totaux horizontaux puis verticaux donnaient le même nombre comme dans le « carré magique »

Les carrés et les rectangles s’étagent en douze rangées horizontales et verticales

La teinte sombre de la périphérie se change au centre en luminosité

Klee intitule son tableau « Sonorité ancienne » : nous avons du vieux rose, du gris violacé passé, du vert réséda puides altérations tendant vers le brun

Les sous-titre est « Abstraction sur fond noir » : toutes ses œuvres composées de carrés sont peintes sur fond noir

Le poisson rouge  1925

Les relations de Klee avec les animaux étaient étroites

Dés son enfance il a toujours eu des chats dans la maison

Le poisson rouge vit dans une eau d’un bleu sombre en compagnie d’autres poissons plus petits nageant le long des bords du tableau comme s’ils redoutaient la majesté du grand frère

De légères vagues ondulent et dans le bas du tableau des plantes bleu clair se dressent vers le haut

Leurs formes sont simples comme celles des plantes que l’on trouve dans les prés et au bord des étangs

Le poisson rouge rayonne de l’intérieur et devrait en réalité éclairer l’eau mais elle reste sombre

Lui seul brille de son invraissemblable couleur

Les nageoires vermillon et l’œil rouge accentuent encore l’éclat des écailles plus claires et comme brodées

On peut composer qu’il bouge car ses sept compagnons ont l’air de le fuir

Avec la sérénité d’un dieu il fend l’élément bleu qui prend au milieu sa teinte la plus foncée

Féerie de poissons   1925

Le monde des poissons exerçait sur Klee une fascination

Dans son atelier il possédait un aquarium. Un de ses élèves « Nous avions le droit de contempler les poissons dans son grand aquarium avec lui… Il en faisait même bouger quelques uns avec délicatesse afin de mieux voir ceux qui se cachaient »

Les sujets qui semblent illuminés de l’intérieur projettent une lumière phosphorescente sur le fond d’un noir profond

Dans la coloration lumineuse de ce monde intermédiaire l’espace et le temps semblent suspendus

Les poissons évoluent comme s’ils échappaient aux lois de la gravité. C’est à peine si l’on distingue derrière eux les contours d’une architecture

Des fleurs et des plantes fabuleuses peuplent l’espace pictural, des corps célestes magiquess jettent des lueurs mystérieuses dans la pluie d’étoiles

Au centre une horloge vivement éclairée donne la mesure de cet étrange décor hors du temps et de l’espace

Au premier plan un magicien au visage dédoublé fai un signe au spectateur. En bas, à gauche, un comparse, coiffé d’un chapeau pointu, jette un coup d’œil effronté

Paysage au coucher de soleil  1923

Huile sur toile et carton  

Un paysage plongé dans le rouge du soleil couchant

Les derniers rayons du soleil (les accents jaunes)

Des maisons et des arbres (les taches vertes)

L’année 1925 est l’année des premiers carrés magiques, des combinaisons évoquant un échiquier que l’on retrouvera jusquà la fin de sa vie

La petite maison aux trois fenêtres et au toit à pignon, la tour au faîte pointu et les autres bâtiments, toits et fenêtres, constituent l’action

Ce paysage appartient aux oseuvres constructives de Klee : les formes géométriques empilées y dominent et parfois seulement un arbuste apporte un moment de détente à la scène

Le rouge du soleil qui submerge tout apporte de la poésie à la scène

Il est accentué par le contraste du jaune et du vert

Klee rend le caractère transitoire du phénomène comme si le crépuscule était un fait palpable

Pour Klee la couleur est une réalité aussi palpable que la ligne ou l’espace

En 1924 en Corse il pourra à peine maîtriser son élan au travail tellement l’harmonie des couleurs est tous les jours nouvelle et stimulante

On dirait que le paysage surgit un dernier instant pour disparaître comme un mirage

Paysage aux oiseaux jaunes  1923

Aquarelle sur fond noir  

Œuvre unique par le mélange de fantastique et de précision

Style indo-iranien pour les plantes

Les oiseaux jaunes de chrome ont un éclat métallique

Les oiseaux, comme les lianes verticales d’un blanc bleuté, se détachent sur un champ d’un noir profond divisé par des plantes et des troncs d’arbres

Les plantes violettes et bleuâtres du bord inférieur, sur lesquelles sont penchés les oiseaux, évoquent les décorations de végétaux de Matisse à la fin de sa vie

Les oiseaux sont disposés de tous les côtés comme sur les tapis d’Orient

Le bord supérieur est couvert de nuages. Le bord inférieur est couvert de terre  tapissée de mousse où poussent les plantes aux formes bizarres et les feuilles à nervures. Les sapins qui nous sont familiers se dressent sur des collines de terre

Dans ce royaume oriental, les sapins sont les seuls éléments nordiques qui restent proches de la nature

Que signifie le petit oiseau décharné qui se glisse au pied du tronc d’arbre en bas du tableau ?

Pourquoi des nuages bleus dans la scène orientale ?

Pourquoi des sapins dans la forêt tropicale dont  les plantes décoratives d’un brun roux ornent les bords ?

Que signifient les lianes blanchâtres qui scandent le tableau avec tant d’insistance ?

Chez Klee il y a partout de nombreuses énigmes et plus encore dans les tableaux oniriques

La cantatrice L. dans le rôle de Fiordiligi  1923

Dessin à l’huile et aquarelle sur craie  

Klee admirait la cantatrice soprano L. et il l’a immortalisé sous les traits de Fiordiligi

Le buste et le bras sont ceux d’une poupée avec des articulations

La tête, la coiffure et le chapeau s’intègrent dans la structure du corps aux bras levés

Symétrie de la construction et équilibre géométrique

Les couleurs rappellent la céramique et sont dépourvues d’accents comme si elles devaient soutenir le calme supérieur de la cantatrice

Tout est grâce et arabesque

L’arrière-plan rappelle peu l’opéra : aucune indication d’accessoires ou de coulisses

Une gamme de tons indéfinis allant du gris rosé à l’ocre et se teintant de brun sur les bords

Fiordiligi sort de cette sphère comme une Vénus andyomène des flots

Elle seule est présente, le reste ne compte pas

Peinture murale du temple du désir de « Là-bas »   1922

Les flèches noires dirigées vers le haut n’indiquent pas uniquement la direction mais pointent vers des objectifs situés en dehors de l’espace pictural

Scène labyrinthique, sorte de décor de théâtre tout en parois et en murs

C’est le temple de la nostalgie

Klee appela « tragédie originelle de l’homme » la sensation de l’écart entre sa sujétion physique aux lois de la pesanteur terrestre et sa faculté intellectuelle à parcourir l’espace et le temps

Klee « Faites-vous donner des ailes, ô flèches, afin de gagner le grand large, même si vous vous essouflez sans pouvoir gagner »

Senecio  1922  

Klee part souvent du thème formel du rectangle ou du carré

Parfois il divise les rectangles en triangles et oppose le cercle au rectangle et l’amande au triangle

Le cercle appelle l’association « tête » et l’amande celle de « l’œil »

Le rythme des formes pures et des couleurs pures crée l’image d’une tête au regard précoce, étonné

Cette tête est juchée sur un col délié reposant sur des épaules étroites

Sous l’organisation rigoureusement géométrique, Klee, féru de botanique, a-t-il fait le portrait d’une fleur ?

Senecio est le nom latin du séneçon, plante sauvage cruciforme aux fleurs jaunes

Tableau naïf qui est aussi un jeu sur les analogies, chères à Klee, de l’homme et de la nature : visage-astre et yeux-feuilles

A la jonction de quatre quadrilatères la bouche est formée de deux petits carrés violets réunis par un angle

Comique des arcades sourcilières : au triangle blanc de l’œil gauche répond l’arcade soulignée d’un trait vert

Equilibre chancelant  1922  

Il s’agit de symboles de formes en mouvement grâce auxquelles Klee étudie les divers types d’équilibre dynamique

Les mouvements conditionnés par l’oscillation pendulaire et indiqués  par les flèches déterminent non seulement la construction de l’ensemble, son équilibre, mais aussi la progression de toute la construction statique des quadrilatères sous-jacents

La verticale indiquée par les deux flèches les plus épaisses et les mouvements d’équilibre s’intervertissent

L’ensemble apparaît comme un engrenage de formes

Klee intitule également cette aquarelle « Activité en balance » et la décrit ainsi « Petit drame de l’horizontale, l’échafaudage est en train de vaciller … »

Jardin en PH 1925  

Disposée selon un ordre sans contrainte cette mosaïque de touches superposées ou juxtaposées sur un fond sombre tente de créer un rythme structural vivant

Cette esquisse sur papier noir laisse voir le fond si bien que les quadrilatères ressemblent aux pierres de taille d’une construction cyclopéenne

La différenciation de la couleur s’effectue dans une gamme de teintes assez sombres. Seuls viennent en avant les rouges et les jaunes

Caractère lâché des touches sommairement posées

PAUL  KLEE

1ère page Paul Klee

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