Jardins tunisiens 1919
Aquarelle 24*19
Un tapis de rectangles et de carrés colorés et sur le bord supérieur quelques triangles donnant l’impression de toits ou de tours
Une bande est rapportée sur le bord droit qui écrase plus encore les formes qui se rapetissent à droite
En deux endroits la fantaisie de l’artiste a placé des végétaux
Depuis cinq ans, 1814, Klee n’a plus été dans le sud mais Tunis aura longtemps des résonances
Il s’agit d’objets et de formes faits de lumière et de couleur
Cézanne avait découvert que la couleur est l’endroit où se rencontrent notre cerveau et l’univers
Couleurs chaudes et méridionales
Beaucoup de rouge, d’orange, d’ocre et de jaune
Le vert des palmiers
Le violet de la terre
Le bleu de la mer
Quelques taches noires partagent en diagonale le tapis de carrés colorés et soulignent la luminosité des couleurs
Klee a-
Composition cosmique 1919
L’essentiel du thème se dessine en formes plus claires, presque scripturales, sur la surface sombre du fond
En haut une lune qui se lève et deux étoiles à six branches
En dessous des étoiles plus petites et le soleil avec ses rayons
Tout autour une série de maisons et d’arbres
En dessous de l’arbre une forme de boule qui ressemble à une fleur de pissenlit
Au bas du tableau une clôture de jardin
Des pavillons avec des perrons mènent au bord supérieur droit
Dans l’angle inférieur gauche une grosse flèche indique la direction
Aucun être vivant ne monte sur ce qui semble une scène sur laquelle on jouerait « Chambrettes à louer »
La nuit est déjà tombé et l’on ne voit presque plus clair
Pour arriver en haut à droite où se trouve un grand hall on peut se laisser conduire par les escaliers et les perrons
Comme souvent chez Klee le soleil et ses rayons sont plus un concept qu’une représentation concrète
La scène ne se déroule pas dans notre monde
Klee a déclaré « Sur d’autres étoiles il est possible que les choses soient autre »
Villa 1919
Cette œuvre fut vendue aux enchères en 1937 avec les œuvres de Klee des collections publiques allemandes considérées comme « art dégénéré »
Au centre se dresse une villa enchantée, faite de triangles et de rectangles provenant d’un jeu de construction enfantin et peints de couleurs claires et froides
Au fond des collines d’un brun terreux hésitent entre une lune verte et un soleil jaune
De la gauche un chemin monte vers la droite en se rétrécissant
De rares plantes occupent timidement le milieu du premier plan tandis qu’un R majuscule en surimpression, tangent à la villa, se profile sur le chemin et le fond brun
Sans doute une telle villa se trouvait-
Klee emprunte aux cubistes l’emploi des lettres d’imprimerie
La lettre est motif poétique en dehors de sa signification à l’instar des manuscrits enluminés médiévaux ou des caractères coufiques que Klee avait pu admirer en Tunisie
Ville de rêve 1921
La conception générale est musicale et plastique à la fois
La fugue était familière à Klee depuis les bancs de l’école
Chaque centimètre carré du tableau est incorporé à la conception générale
Nous sentons un rythme ascendant du flot de la musique
Les noirs de l’aquarelle seraient des pauses au milieu d’une phrase polyphonique
Modulations du gris au noir en pasant par le rose
On peut reconnaître dans telle ou telle forme une maison, une tour ou une plante
Des souvenirs peuvent rapprocher le rêve d’une réalité
Les forces créatrices de Klee dépassaient de beaucoup le naturel mais restaient accessibles à d’autres car il refusait l’incontrôlable et l’occultisme
A son avis ce qui est vrai n’a pas besoin d’obscurités et le supraterrestre peut aussi être clair
Pavillon de dames 1921
Ce tableau s’apparente à un décor de scène de théâtre : il est fait de rideaux colorés avec des applications rappelant des paysages boisés
On voit bien le cadre de la scène et l’entrée mais non l’ensemble
Les rideaux ont été relevés, les acteurs peuvent entrer en scène, cepandant on ne voit personne sur le plateau et l’action n’a pas encore commencé
Cette attente est un procédé de klee pour accroître la tension
Le vert de gris et le rouge dominent
Des deux côtés de la composition les arbustes rouges ont la même importance que les rideaux
A Munich il a vécu dans une abondance d’opéras et de musique et il peint des décors et des scènes de théâtre
Ce qui l’attire dans l’opéra c’est la sphère de l’élémentaire, des hommes emblêmes du bien et du mal, du beau et du laid, le passage de l’un à l’autre ne supprimant pas l’unité parce que l’ensemble résulte des contradictions
Les arbres faits de notes nous paraissent être une partition
Paysage près d’E 1921
Ce paysage bavarois est découvert à travers une fenêtre à guillotine telle qu’il en existe dans de nombreux châlets de cette région
Les montants de la fenêtre donnent ainsi au tableau une allure de diptyque
Klee emprunte à Delaunay sa vision kaléidoscopique mais avec une dureté toute germanique sans les dégradés lumineux de Delaunay
Sans les accents noirs triangulaires des sapins on aurait l’impression de la vision aérienne d’une surface parcellaire de toits cernés de prairies
Les arêtes des plans prismatiques ne sont pas noyées dans la surface par la dégradation des couleurs mais conservent leur netteté acérée
Des sapins noirs polis comme des jouets pontuent tête-
Apollinaire « Du rouge au vert tout le jaune se meurt »
Croissance végétale 1921
Ce tableau se rattache à une impression du voyage tunisien notée le 8 avril 1914
« Nous faisons quelques pas. D’abord dans un parc des plants très singuliers. Vert-
Cercles, segments de cercle, carrés, quadrilatères, disposés selon un ordre décalé.
« Dilatation en direction du blanc signifie éclaircissement contrôlé, c’est-
Pour Klee toute mise en œuvre est nécessairement une mise en ordre
Klee impose aux signes qu’il invente la logique propre à un langage intelligible dans l’organisation contrôlée des formes, des couleurs et des rythmes
Vue perspective d’une chambre 1921
Il s’agit de l’habitation du peintre à Weimar dans laquelle Klee, Lily et Félix sont situés de façon humoristique
La confortable chambre est passée à l’éternité sous forme de courant d’air domestique, habitants et objets dématérialisés dans le flux de l’espace et du temps
Toutes les mesures euclidiennes disparaissent et surgit à leur place la présence d’une expérience qualitative de la vie
Savante leçon de perspective marquée d’étrangeté et de naïveté
Scène d’un conte d’Hoffmann 1921
Sa sensibilité, sa pensée et sa création sont peu à peu empreintes d’une posture romantique
Klee, qui pratiquait quotidiennement la musique, a découvert Hoffmann par le biais de l’opérette d’Offenbach
Cette œuvre est un des rares exemples de citations romantiques directes dans l’œuvre de Klee
Des signes nous sont donnés mais pas la clé de cet étrange rébus où la magie le dipute à l’ironie
Que signifie ce bateau à roulettes ? ces personnages indistincts escaladant une échelle ou un alambic ?
Hoffmann « Le poète intérieur prendra le pas sur l’esprit critique et le créateur de formes »
Analyse de perversités diverses 1922
Klee craignait de ne pas avoir donné à l’érotisme dans son œuvre la place qui lui revenait
L’ensemble est une sorte de laboratoire avec un oiseau gazouillant et un mage « P » dont les bras se terminent en instruments
Il est pris dans un réseau de surfaces irrégulières
Impressionnant entrelacement de formes géométriques et de tons tirant sur le mauve
La couleur va du rose clair au violet, au noir et au bleu
Bordure extérieure noire : Klee aimait entourer ses aquarelles d’une bordure
Le docteur est au travail : ses membres sont semblables à des appareils inventés de toutes pièces
Celui du haut fait penser à une cornue
L’oiseau penché sur le bord d’une cloche de verre fait tomber des gouttes dans une coupe
Au centre un insecte « I » avec des mouvements en forme de spirale
En bas un poisson sort d’une nasse
L’ensemble du complexe horizontal avec les jambes serait-
La flèche du bas dirigée vers le haut établirait une liaison avec les appareils et la flèche en haut à droite établirait une relation avec le monde extérieur et avec le tragique humain
Génies, figures d’un ballet 1922
En 1922 Klee étend son spectre chromatique aux trois couleurs fondamentales du spectre : rouge, jaune et bleu pour saisir ainsi une totalité colorée
Klee note dans le catalogue de son œuvre « Base jaune, action rouge et bleue »
Par base jaune il entend une mince couche jaune, qui se répartit également sur toute la surface de la feuille
Les formes circonscrites forment un écho de plus en plus sombre, de sorte qu’on a
l’impression que les figures sont saisies entre le premier plan clair et l’arrière-
Klee connaissait les travaux de Muybridge mais ses essais de représentation simultanée du mouvement se réfèrent davantage à des impulsions musicales qu’optiques
Klee joue de la gradation et de la complémentarité des couleurs pour nous transporter dans l’atmosphère mouvante et enchantée d’un conte de fées porté à la scène
Nous imaginons le mouvement plus ou moins saccadé des danseurs, amplifié par les formes en écho
Lieu visé 1922
Une accumulation de formes ornementales et de signes figuratifs est menaçée par une puissante flèche venue d’en haut comme par une catastrophe fatale
Klee accentue la tension tragique par la rupture des couches horizontales au point d’impact de la flèche
La ligne peut attaquer de deux manières : elle sépare la forme atteinte en deux parties ou va plus loin en provoquant un déplacement, ce qu’en géologie on nomme une faille
Klee sait représenter les mouvements de forme par des séries progressives
La tension de l’évènement se condense à mesure que les bandes se rassemblent
Selon Klee des rangées qui se rétrécissent en régressant vers un centre sont mortelles
L’assombrisssement progressif agit comme une charge menaçante
Le jaune lumineux de la partie supérieure sombre dans le noir et reçoit la réplique correspondante venue du bas
On a l’impression que le point de jonction des courants colorés dégage un chaos sous les formes que constituent les bandes ornementales et les figures énigmatiques de grotesques et de navires qui sont « rejetées » par le déplacement des couches colorées
Arbuste dans le buisson 1919
Une longue série de peintures à l’huile caractérise l’année 1919
Klee composait rarement en partant aussi exclusivement de la couleur
Il n’y a pas de contour à moins de considérer l’arbuste du milieu comme une forme dessinée
Le tableau donne l’impression de n’être nullement chargé de sens
Toile colorée qui dans les trois bandes du haut crée des changements de couleurs
Klee suit moins les lois connues de la théorie des couleurs que son désir de jouer des couleurs comme des sons
La couche de couleurs du buisson à gauche de l’arbuste est épaisse et effilochée au bord
A droite feuillage vert à côté d’un feuillage bleu
La pleine lune 1919
Œuvre caractéristique de l’évolution subie par Klee en 1919
La peinture à l’huile l’oblige à une structure lente et persévérante
Sur le bord inférieur des triangles pointus
Au-
Au milieu, à droite, des formes architecturales
En haut à gauche un arbre en forme de boule et une fenêtre
La lune blonde donne à l’œuvres on unité et la domine
Tout se déroule dans un espace plat qui n’est pas mesurable mais sensible
La pleine lune éclaire un paysage sans êtres humains mais on sent leur présence dans l’harmonie des rocs et des arbres, de la maison et des fenêtres, de l’extérieur et de l’intérieur
Le peintre précise les formes en faisant une tour ou une fenêtre illuminée et il en sort peu à peu un ensemble structuré
Jeune prolétaire 1919
A Noël 1918 Klee revint à la vie civile à Munich
Après la chute de l’empereur Guillaume II puis l’insurrection de novembre 1918 un gouvernement révolutionnaire avait été créé à Munich
Klee entra au comité d’action des artistes révolutionnaires mais la république des conseils de Munich fut rapidement écrasée
Ce portrait d’un prolétaire illustre son engagement politique qui lui fit oublier un temps son rôle d’enchanteur de ce monde
Composition aux fenêtres 1919
Après la Première Guerre mondiale Klee conçoit différemment le paysage
Selon cette nouvelle conception, le paysage n’est plus un fragment ou une représentation de la nature mais « une construction architecturale abstraite » ou un corps
Klee « De même que l’homme, le tableau lui aussi, a un squelette, des muscles et une peau. On peut parler d’une anatomie particulière au tableau »
Par assimilation avec l’architecture le tableau devient un espace construit, défini par des rapports tels que verticalité et horizontalité, dimensions et proportions.
Mythe de fleurs
Ce tableau représente une vision merveilleuse et cosmique de la croissance végétale
Une fleur entourée d’arbres, de montagnes, de falaises et d’astres schématiques figure au centre de l’image sur un fond rouge éclatant. Ses principaux organes, l’oignon, les premières feuilles, la tige et le bouton sont représentés de manière simplifiée. La réduction des objets à des signes rend la représentation presque naïve et enfantine.
Mais les falaises escarpées qui se dressent sur les côtés du tableau dessinent également les volumes d’un corps humain.
La fleur devient alors le centre d’un corps féminin aux formes arrondies, la croissance végétale renvoyant à la fertilité féminine.
Un oiseau plonge en piqué sur la fleur, rappelant les avions de combat qui s’abattent à la même époque
Garçon élu 1918
Klee se référait souvent à des motifs de ses dessins d’enfant
Selon des critiques le regard de Klee était « tel celui d’un enfant à l’âge d’homme »
L’assimilation de l’art à un jeu est d’ailleurs le thème de cette aquarelle, exécutée sur des toiles d’avion
Les mains de l’enfant dessinent une construction architectonique
Un oiseau plonge en piqué
Avec l’Aigle 1918
Klee le 9 septembre 1917 « J’aime la lumière et je me rendis dans les pâturages … dans la région la plus solitaire je sortis ma boîte d’aquarelle … la dernière peinte contenait tout l’éclat de la merveille de l’alentour »
Une arcade avec un aigle qui donne son titre à la composition
On identifie une forêt sous de hautes et festives arcades
Au premier plan une maisonnette à la cheminée fumante, un cerf chétif et deux figurines égarées, détails qui évoquent une atmosphère de conte
Charme de l’atmosphère romantique indéterminée qui se dégage de l’ensemble
L’arcade enserre un œil car « l’œil et le soleil sont de même espèce »
Les sapins nous renvoient à l’originelle forêt germanique, « die Urwald », d’où toutes choses et bêtes proviennent
Ville aux accents verts et rouges 1921
C’est une utopie, une ville à l’allure de couronne
Des petits carrés constituent la ville se dressant vers le ciel
Seuls quatre grands carrés donnent de la tenue
Des maisons à pignon dans la rangée inférieure
Un complexe de gratte-
Les rectangles bleu-
On peut parler de formes géométriques colorées, de leur addition et de leur intégration, de formes triangulaires et pyramidales
Klee aimait les ensembles se fondant dans des complexes plus importants d’où le tout,
la ville, finit par se dégager ce qui explique peut-
Il avait été pendant la guerre sous-
Il connaissait donc les couleurs de la ville, du rouge des tuiles au vert
PAUL KLEE