Stratonice ou la maladie d’Antiochus    1840

Ingres fut intrigué par l’incestueuse histoire d’Antiochus et Stratonice telle que la raconte Plutarque

Antiochus est frappé par un mal incurable qui a sa source dans l’amour secret qu’il porte à sa belle-mère Stratonice

Un docteur confirme que cette clandestine passion est la cause de la santé défaillante d’Antiochus

Afin de sauver son fils, Séleucos, le père, avec une grande charité lui donne sa propre femme

Ce tableau a été commandé par le duc d’Orléans en 1834

Le milieu est la Rome antique avec une profusion d’éléments décoratifs : Ingres a voulu reconstituer le luxe polychrome d’un intérieur romain

Peintures murales qui illustrent les exploits d’Hercule

Statue de bronze d’Alexandre le Grand

Rouge pompéien du bas du fût des colonnes

Lit au dais fouillé (visible au Musée Ingres)

Mystérieuse et solitaire Stratonice, les yeux détournés, les bras contenus dans le frêle enveloppement de son buste et des draperies, elle est debout, isolée comme une colonne

Elle  ne regarde pas le père prostré, la servante accablée de douleur, le fils malade et le sage docteur

Le dessin des draperies de Sratonice, du père et de la servante introduit une fluidité frémissante

Fragiles teinte de lilas, de rose saumon et d’orange

Pour Ingres et pour d’autres artistes ou mécènes du milieu du 19ème siècle la beauté disparue de l’antiquité classique pouvait être réalisée dans la vie

Le Prince Jérôme Napoléon se fit construire une maison pompéienne à Paris. Avec ses amis Gautier ou l’actrice Rachel, revêtus de costumes antiques, ils jouaient des drames classiques




Femme nue debout   1840

Ce dessin est une étude pour Sratonice

Stratonice se détourne du lit de son beau-fils, malade et elle baisse la tête et les yeux, consciente de sa duplicité

C’est une héroïne ambigüe, inspirant et non subissant les désirs coupables d’Antiochus

Portrait de Charles Gounod   1841

Gounod, prix de Rome de musique en 1839, s’entendit admirablement bien avec Ingres qui l’a représenté interprétant le Don Juan de Mozart

Gounod écrira dans ses Mémoires « Sa passion dévorante était le Don Juan de Mozart, où nous restions parfois ensemble jusqu’à deux heures du matin, au point que madame Ingres, tombant de fatigue et de sommeil, était obligée de fermer le piano pour nous séparer »

La Vierge adorant l’hostie   1841

Tableau commandé par le futur tsar Alexandre II en 1836 de passage en Italie et achevé en 1841

Ingres n’était pas content du tableau de la Vierge devant l’Enfant endormi et il adopta une nouvelle représentation de la Vierge

Ce tableau substitue à Jésus l’hostie sacrée et montre de part d’autre de la Vierge saint Alexandre Nevski et et saint Nicolas patrons de l’empereur régnant, donnant ainsi au tableau une saveur slave

Ingres dans une note manuscrite a précisé « La Vierge reconnaît la présende réelle de son fils dans la Sainte Eucharistie »

Le compositeur Chérubini   1842

Luigi Cherubini, né à Florence en 1760 s’était installé en France en 1787 où il avait composé de nombreux hymnes en l’honneur des révolutionnaires

Il composa la musique pour le couronnement de Charles X à Reims, évènement qu’Ingres devait consacrer par un portrait

La rencontre entre les deux artistes donna lieu à une cordiale amitié

La passion d’Ingres pour la musique était connue et Ingres voulut rendre hommage à son ami par la muse de la poésie lyrique qui derrière lui pose la main sur sa tête

L’oeuve déplut à Cherubini mais Louis Philippe voulut l’acquérir

Lehmann, élève d’Ingres, prépara mal la couleur d’où les fissures visibles sur la muse Terpsichore

Aspect mélancolique et calme du musicien dont le caractère introverti cédait parfois à des dépressions qu’il soignait par l’étude de la botanique

Contraste entre le réalisme de Cherubini et l’idéalisation de la muse

L’union entre le musicien et son inspiratrice établie par la composition qui suit une ligne qui place les deux personnages dans une même direction indiquée par l’imposante lyre


Le refus du vieillissement chez Inges a souffert peu d’exceptions sauf sans doute sur le visage de Cherubini

Cherubini était un homme contesté au moment où Ingres brossa son effigie pétrifiée

Bien que né et formé en Italie, Cherubini, qui se fixa en France en juillet 1786 s’était séparé assez vite du style primesautier des musiciens de son pays

Sous les Bourbons, Cherubini avait été comblé de commandes et d’honneurs

Après 1830 l’étoile et la santé du musicien déclinèrent

La Muse de la poésie lyrique apparaît derrière lui, étendant la main droite au-dessus de sa tête en signe d’affection

Réalisme du visage maussade et de l’ample masse de l’habit

Le mouvement de la bouche et des sourcils indique une mélancolie douloureuse

Il a l’air d’écouter quelque harmonie au-dedans de lui-même

La main droite est d’une grande finesse

Des critiques ont désapprouvé le recours au mode allégorique en plein 19ème siècle pour matérialiser l’idée qui aurait dû rayonner de la seule physionomie du musicien

Vitraux pour la chapelle Saint-Ferdinand  1843

La famille royale fit ériger sur le lieu où succomba le prince une chapelle

Pour le premier anniversaire de la mort du prince il fut demandé à  Ingres de dessiner des vitraux

De gauche à droite, saint Clément, sainte Rosalie et saint Antoine de Padoue


Saint Rémi, évêque de Reims     1843

Ma mère du roi Louis Philippe, Madame Adalaïde, avait commencé à Dreux la construction de la chapelle sépulcrale destinée à la famille des princes d’Orléans

Le but était de magnifier le début de la dynastie des Mérovingiens

La décoration des vitraux fut confiée à Ingres qui réalisa huit cartons dont « Saint Rémi, évêque de Reims »

Animation par le geste de la main qui s’élève pour approcher le flacon qu’il porte à la colombe

Ingres adopte dans le vêtement du saint un jeu de coupes obligées par les structures de soutien entre les différents verres

Evocation des statues colonnes des 12ème et 13ème siècle, moment de grâce pour l’art sur verre en France

Ce carton fut exposé après 1847 au musée du Luxembourg mais retiré pendant la révolution de 1848 car il ne convenait plus de magnifier les saints patrons de la famille royale pour ne pas soutenir le principe de légitimité héréditaire

Portrait de Madame Frédéric Reiset avec sa fille Marie   1844

La petite Marie reprend auprès de sa mère la pose du plus jeune des Stamaty

Son père, Frédéric Reiset était conservateur du cabinet des dessins du Louvre

Une des plus grandes réussites de la période tardive d’Ingres, époque à laquelle les portraits dessinés se font plus rares

Hortense Reiset   1846

Sobre et délicat portrait de la mélancolique Hortense Reiset, femme d’un ami d’Ingres, premier conservateur des dessins du Louvre et l’un des principaux collectionneurs d’Ingres

Couleur éclaircie pour ce portrait

Les roses et les mauves pâles commencent à apparaîte dans une palette qui ignorait jusqu’ici ces nuances

Venus anadyomene   1808 et 1848

Vénus émergeant de la mer qui vient de lui donner naissance

Avec ses coins arrondis, ses surfaces polies et sa frontalité sinueuse cette Vénus ressemble à un camée antique animé d’une vie chaude et palpitante

Son origine remonte à 1807 quand Ingres se sentait attiré par l’exquise sensualité linéaire des vases et des reliefs grecs

Ingres s’inspire de la réinterprétation de la beauté grecque classique donnée par Botticelli

Vénus est vue alors qu’elle ne s’est pas encore regardée dans le miroir qu’on lui tend et qu’ell  n’a pas conscience de sa nudité

Le rendu de la chair est palpable et sensuel

Le modelé ombré de la jambe droite produit un effet sculptural

La Galatée de Raphaël aurait inspiré le Cupidon qui vient juste de tirer sa flèche

Le même thème a été peint par Chassériau en 1838 et Bouguereau en 1879

La Vénus d’Ingres est d’une limpidité méditerranéenne qui va de l’étendue d’un bleu profond de la mer, du ciel et de l’horizon éclairé par le soleil, jusqu’à la douceur immaculée de la  chair

En haut les doigts langoureux soulèvent une cascade de cheveux et libèrent un flot de perles brillantes

En bas les Cupidon aux ailes de tourterelles câlinent la déesse de leurs mains et de leurs joues potelées avec une tendresse égale à celle de l’écume marine sur laquelle elle flotte

L’ondulante arabesque d’un miroir doré et l’arc de Cupidon annoncent le domaine érotique sur lequel elle va régner

Madame Inès Moitessier   1851

D’abord Ingres refusa la commande de Mme Ines Moitessier, née de Foucauld

En 1844 il la rencontra et accepta. Il travailla sept ans sur ce portrait et réalisa une version assise.

L’arrière-plan  magenta est l’équivalent laïc de l’arrière-plan d’or dans la peinture du Moyen Age

Elle se tient debout, haut au-dessus du spectateur avec l’impertubabilité d’une déesse classique

La raideur droite de la tête entourée d’un halo de roses la transforme en une sorte de déité gréco-romaine

Frontalité hiératique du regard et de la pose

L’altière sérénité de l’expression est troublante par le fait du regard légèrement divergent qui empêche une confrontation statique

Une ligne de symétrie partage la masse noire des cheveux et descend par l’arête du nez et la bouche

Les épaules lisses et charnues révèlent un certain déséquilibre accentué par le rang de perles brusquement porté vers la droite et la ligne du décolleté qui remonte vers la gauche

La simple clarté de la tête est contrée par l’abondance des ornements : tulle et dentelle noire autour de la robe, multiplication des bagues et bracelets et étalage d’accessoires du soir sur la chaise dorée

Mme Moitessier surpasse ce monde luxueux d’ornements matériels par son impalpabilité due en partie à l’espace contracté

Ses épaules, sa robe noire et son châle prennnent une bidimensionnalité apposée sur la platitude du panneau lambrissé et du mur damassé

On a l’impression que les doigts potelés et chargés de bagues ont de la peine à saisir le collier de perles et l’éventail doré

Baronne James de Rothschild   1848

La beauté de la baronne James de Rothschild, née Betty de Rothschild (1805-1886) inspira à Heine le poème « L’Ange »

De retour de Rome en 1841 Ingres se sentait voué à la peinture historique qu’il estimait supérieure à l’art du portrait

La baronne demanda à poser pour lui et il refusa cette commande pendant deux ans. Mais il rencontra cette dame à un bal et la trouvant irrésistible il accepta de la peindre

Ce tableau est l’image de l’opulence du milieu du 19ème siècle

Rivalité entre le luxe dense et chatoyant du costume et la pose détendue, séduisante du personnage

Les bras et les jambes croisés, la tête délicatement inclinée soutenue par la courbe souple du poignet et des doigts, elle est assise sur les coussins d’un sofa de velours

Elle semble saisie au cours d’une élégante soirée dans le plaisir d’une  conversation animée et spirituelle

Eblouissement de la robe de satin garnie de rubans

L’abondance d’un insaisissable ton cerise est contrecarrée par la surprenante sobriété de la moitié supérieure du tableau qui assourdit les étoffes scintillantes du bas de la toile

La tête apparaît plus bas qu’il n’est coutume dans un portrait assis et oblige d’autant plus le regard à se porter sur elle

Contraste des dentelles blanc-bleu et du satin cerise

L’ovale presque parfait du visage est couronnée par une épingle incrustée de pierreries

La  tête est adoucie par les doubles croissants de la chevelure et des plumes d’autruche

Ingres a transformé la richesse matérielle du 19ème siècle en une icône de grâce et de beauté aristocratiques

Portrait de la princesse Albert de Broglie   1852


Pauline Eléonore de Galard de Brassac de Béarn (1825-1860) était d’une santé fragile, aggravée par une timidité paralysante

Mariée depuis quinze ans au prince Albert de Broglie elle mourut à 35 ans après avoir mené une existence de sainte et beaucoup écrit sur la religion

Jeanne d’Arc au couronnement de Charles VII  1854

En représentant cette héroïne sacrée et profane de l’histoire de France (commande d’Etat), Ingres rejoignait une tradition vieille d’un demi-siècle qui consistait à honorer la Pucelle d’Orléans par des peintures ou des sculptures

Jeanne est accompagnée du moine Jean Paquerel, agenouillé et priant, de l’écuyer Doloy et de trois jeunes pages

Ingres est fasciné par la pompe de l’art chrétien et multiplie les détails pour reconstruire les pieuses gloires d’un passé chrétien 

Les ors des objets liturgiques étincellent à droite : reliquaire,  couronne royale incrustée de pierreries

Atmosphère d’intense piété dans laquelle est vénérée à la fois une militante et une sainte

Armée comme un guerrier, portant l’oriflamme à deux pointes brodé pour elle par les femmes d’Orléans (avec sa devise « Jésus-Maria », Jeanne d’Arc regarde vers le ciel

A gauche Ingres s’est représenté sous les traits de l’écuyer

En bas sur la tablette, la citation d’un écrivain romantique « et son bûcher se change en trône dans les cieux »

Présence d’une grande densité de Jeannne d’Arc

L’abondance des objets pesants est comprimée dans un espace sans profondeur

Opposition des textures et des couleurs

L’autel et le miroitement métallique de l’armure et des objets liturgiques se juxtaposent aux surfaces de soie, de velours, de chair et de cheveux

Le casque et le gant de métal en contrepoint du visage et de la main de Jeanne

Contraction du contour de la tête de Jeanne pour se conformer au cercle plat de l’auréole

Chatoyante clarté de la lumière qui capte les ombres et les réflexions pour donner à l’ensemble un réalisme mystérieux

Portrait de Ferdinand Philippe, duc d’Orléans  1842

Selon Victor Hugo, la popularité de Ferdinand, duc d’Orléans, l’aîné de Louis Philippe était due à son habileté et à son charme cordial

Ingres était fasciné par le jeune homme qui avait été son commanditaire pour l’Antiochus et Stratonice et avait acquis l’Œdipe et le Sphinx

Lignes directrices alternant la verticale de la silhouette et du ruban latéral du pantalon avec l’horizontalité des panneaux de la décoration du fond

La fusion de la couleur et du clair obscur crée une impression d’intimité

L’œuvre fut copiée de nombreuses fois pour faire face à la demande suite à la mort accidentelle (chevaux du carosse devenus fous) de Ferdinand en juillet 1842. Il avait 32 ans

(Manet dut penser à ce tableau pour la réalisation du Fifre)

La Charité, carton pour le vitrail de la chapelle Saint-Ferdinand  1842

A la suite de la mort du prince Ferdinand, Ingres réalisa pour la chapelle Saint-Ferdinand les dessins de trois verrières consacrées aux trois vertus théologales

Les figures se détachent sur un fond neutre

Le peintre s’inspira de Raphaël

Vitraux pour la chapelle Saint-Ferdinand  1843

De gauche à droite, saint François d’Assise, sainte Adélaïde et saint Raphaël

Saint Raphaël est animé d’un gracieux mouvement et ses ailes sortant du cadre strict de la verrière donnent du dynamisme au vitrail

La comtesse d’Haussonville   1845

Peindre des portraits de femmes appartenant à l’aristocratie ou aux milieux riches était devenu pour Inges une tâche laborieuse dans ses dernières années

La Comtesse d’Haussonville (1818-1882) était la belle sœur de la princesse de Broglie

Femme cultivée elle allait publier des romans historiques basés sur les vies de Byron et de Marguerite de Valois

Le tableau fut commencé en 1842 mais achevé trois ans plus tard quand elle était devenue maman

Attitude méditative de la comtesse

Expression moderne à la fois sereine et inquiétante

Seule dans un environnement luxueux, elle est encore isolée par le sentiment de clôture que crée le pan de mur oblique et le couplage de fauteuils et de vases à sa droite et à sa gauche

L’arrière plan réfléchi évoque une rêverie privée

L’inclinaison pensive de la tête accentue l’impression de méditation

Intense description des surfaces lumineuses comme chez Van Eyck ou dans une nature morte hollandaise du 17ème siècle :

- Plis entremêlés de la robe de satin dont les gris-bleu froid font écho à la couleur des yeux

- Le reflet du peigne d’écaille visible seulement dans le miroir

- La délicate abondance des fleurs dans les deux jardinières de Sèvres

Mais une sévère discipline picturale :

- La tête couronnée par les bandeaux de cheveux et d’une clarté géométrique digne de Raphaël

- Croissant parfait des sourcils

- Rythmes souples des contours qui relient les axes inclinés de la tête, des bras et de la taille

- Arrière plan sans profondeur

Longueur extraordinaire du bras droit et reflet peu crédible des épaules

La délicate courbe de l’index sous le menton se retrouve dans les doigts de la main droite qui rejoignent les plis de la robe

Ingres a restreint sa palette à des bleus, des gris, des ors et des blancs pâle

Contraste avec le ruban rouge dans les cheveux

Ce portrait est un dialogue entre des réalités visuelles et psychologiques



La princesse de Broglie     1853

La princesse de Broglie, morte à 35 ans (1825-1860), était la belle-sœur de la princesse d’Haussonville

Ce portrait impliquait pour Ingres des études sur la structure anatomique, études dont le résultat serait caché par les accessoires du costume et du mobilier qu’il introduisait dans ses portraits du grand monde entre 1840 et 1860

Ce portrait est le dernier de la série des portraits de l’aristocratie faits par Ingres

Mélancolie inattendue

Expression des lèvres petites faisant légèrement la moue

Regard vague des yeux en forme d’amande

Tonalité dominante de froideur

Glaciales modulations de gris, de blanc, de bleu et d’or

Tension entre un arrière-plan sans relief d’une texture unie et premier plan riche des accessoires féminins du Second Empire

Sobriété du mur avec sa rigide structure rectiligne de fines moulures

Pyramide de textures cristallines qui débute dans les rubans bleus des cheveux, s’enfle dans la mousseline du col et des manches et s’étend largement dans le satin bleu glacé de la jupe à cerceaux, l’or de la chaise damassé et le châle blanc et or

Compression du volume du personnage et du mobilier qui paraissent éclore contre un plan nu

Contour incisif de la joue et de la chevelure

Les rythmes sinueux du col et des épaules semblent rejoindre la ligne plate de la moulure placée derrière

Pose conforme au maintien gracieux et aisé d’une princesse mais le bras droit enserre fortement le volume du torse

Chute molle des doigtsd de la main gauche qui émerge de multiples boucles de perles

L’effet global produit par ce tableau est celui d’un calme et d’un silence absolu


La Vierge à l’hostie   1854

Douce image de la Vierge au centre de la composition

Douceur de l’ovale rose

La Vierge est accompagnée de deux anges bien visibles

Paupières baissées pour célébrer le mystère divin du corps du fils symboliquement présent dans l’hostie en adoration

Influence de Raphaël


La Source   1856


Ingres a 86 ans quand il achève ce tableau

Nature hybride du tableau : une étude académique  muée en nu de Salon ou à l’inverse une allégorie devenue femme ?

Cette figure appartenait-elle à l’enfance innocente ou aux premiers moments de la puberté ?

La  Source a les charmes de la poésie : c’est une statue de marbre mais c’est aussi une femme de chair

Le thème de la distance glacée et de la franche sensualité est cher au peintre

A la fois offerte et en retrait, la jeune femme laisse contempler ses formes douces avec toute l’impudeur de l’innocence ou du paganisme grec

Le bras levé entraîne la ligne extérieure du corps et lui donne une ondulation serptentine

Gautier « Jamais chairs plus souples, plus fraîches, plus pénétrées de vie, plus imprégnées de lumière ne s’offrirent aux regards dans leur pudique nudité »


Théodore de Banville :

« Si jeune avec sa blancheur enfantine

Debout contre le roc, … la Naïade rit

Elle est nue … Elle est rêve, candeur, innocence, jeunesse »

Le procédé créatif était une transcription de la Vénus Anadyomène dont la réalisation avait occupé Ingres en 1808 et en 1848

La nymphe des sources est seule, protégée par la grotte derrière elle

Pose rendue sinueuse par le mouvement doux et souple de la hanche qui trouve sa référence dans La Naissance de Vénus de Botticelli


Femme nue debout, étude pour La Source  1820

Devant ce dessin d’une femme aux mille bras on ressent l’impression d’un corps asservi, manipulé, comme si l’élasticita obéissante de la matière permettait de modifier à l’infini une posture qui laissera celui qui en est le maître toujours insatisfait

Madame Inès Moitessier assise   1856

Ce tableau est la première version du portrait de Mme Inès Moitessier

Commencé en 1844 il fut achevé en 1856 alors que la seconde version fut achevée en1851

Pose d’une tranquilité toute intemporelle, empruntée non à la frontalité des déités chrétiennes, mais à un personnage classique : la personnification d’Arcadie dans une fresque romaine d’Herculanum

Le luxe dense du costume et du décor du Second Empire

Torrent de roses imprimées qui se déverse tout au long de la robe de soie

Le reflet dans le miroir contraste avec la fortre clarté de la moitié inférieure

Aux courbes excessives du premier plan s’opposent le dessin rigoureux des moulures rectilignes

L’opulence « nouveau riche » semble surbordonnée à un silence et un calme étrange

Présence énigmatique de cette créature de chair, soignée, aussi dodue et rebondie que le sofa sur leque elle est assise

Gautier à décrit sa beauté comme « junonienne »

Un oracle moderne exerçant dans le confort douillet d’un salon du 19ème siècle

Sa main droite, invertébrée comme une étoile de mer, est légèrement posée contre sa joue et sa tempe, comme pour renforce la puissance de sagesse et de concentration du modèle

Ses yeux semblent nous observer de face et obliquement

Ingres projette son reflet en un pur profil de statue de marbre

Picasso dans de nombreux portraits des années  1920 et 1930 a peint le modèle et son image dans un miroir

Molière à la table de Louis XIV    1857

Dernière composition « troubadour » d’Ingres qui peignit ce tableau pour remercier la Comédie Française de l’entrée à vie dans ce théâtre qui lui avait été accordée

La Vierge couronnée dite Vierge Underwoof  1859

Cette Vierge possède une saveur byzantine et un hiératisme d’icône

Ce petit tableau sombre fait éclater les lèvres purpurines de Marie aux coins arqués mais empreintes de tristesse

Ingres y voyait «  La plus belle de mes Vierges »

Le visage semble émerger d’une vieille chapelle à la lumière de simples bougies

Masque impassible mais regard pénétrant

Jésus au milieu des docteurs   1862

Ingres a signé ce tableau à 82 ans

Le peintre voulait montrer la mère de Jésus au moment où, pleine d’angoisse à l’idée d’avoir perdu son fils dans Jérusalem, elle le découvrait avec joie et étonnement assis au  milieu des docteurs du Temple, triomphant de leurs arguties et n’écoutant que ce Dieu qui parlait en lui pour la première fois

Le tableau aligne avec insistance la figure de Jésus et les tables de Moïse que l’enfant indique du doigt

« Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon père ? »

En prenant conscience d’être le Fils, Jésus se sépare de ses parents historiques

Le tableau dit cette rupture

Le Sauveur est de face, les jambes dans le vide, bénissant avec autorité

Sa mère surgit de profil, heureuse, soulagée, mais tendant deux bras inutiles

Joseph se tient dans l’ombre

Pour ce tableau Ingres a réalisé une dizaine d’études peintes et une centaine de dessins

Influence de Raphaël (La dispute du saint Sacrement et L’Ecole d’Athènes pour l’attitude de certains personnages)

Ce tableau fut loué pour la finesse du trait et l’esprit d’enfance qui faisait entrendre l’éloge du génie sans apprêt et la simplicité primitive

Le premier des docteurs assis sur le banc de gauche est un type maigre, ardent

Drapé dans son grand manteau bleu il a cette fixité de pose que donne l’absorption de l’esprit cherchant des fins de non-recevoir et n’en trouvant pas

Delacroix critiquait ce tableau « où tout semblait froid et criard »

« Il est fâcheux de montrer ce triste résultat à un âge où il n’y a guère l’espoir de prendre une revanche »

L’Âge d’or  1862

Le duc de Luynes décida de décorer son château de Dampierre avec un ensemble néo-grec et commanda la décoration à Ingres

En août  1843 Ingres s’installa au château avec sa femme et commença deux sujets : l’Âge d’Or et l’Âge de Fer

Le duc et ses amis furent choqués par les nus de la peinture et le projet fut abandonné, l’Âge d’Or étant presque complètement achevé

Le mythique Âge d’Or est décrit par Hésiode puis par Ovide

Ce monde arcadien de lait et de miel est la contrepartie classique du Jardin de l’Eden avant la chute de l’Homme

A gauche, une assemblée de gens nus, heureux, se groupe autour de la figure vêtue d’Astrée (personnification de la justice) et se réjouissent de ses dons : l’amour et la vertu

Au centre une scène de rites religieux primitifs, présidée par un prêtre en adoration, autour d’un autel de pierre couverts des fruits du sacrifice

Une ronde dansante de jeunes filles vêtues et dévêtues

A droite les généreux plaisirs de ce monde sont figurés par un groupe de personnages assis ou allongés qui n’ont d’autres occupations que de manger des fruits, boire du lait et se faire couronner de fleurs fraîches

En haut la figure géante de Saturne surveille les habitants de son heureux domaine

Le paysage est habité de gentils animaux : un agneau, un chien et un lapin, symboles de docilité, fidélité et fécondité

On retrouve comme dans  « L’Apothéose d’Homère » les harmonies imposantes des fresques de Raphaël (large structure symétrique  et format rectangulaire surmonté d’un arc de cercle)

Ingres avait étudié les « Fêtes champêtres » de Watteau et on retrouve l’étalage de sensuelle indolence teinté de nostalgie pour un monde de liberté érotique

Dictionnaire académique des études d’après le nu : des anatomies, tant masculines que féminines dans une multitude de poses et de mouvements différents

Mais l’idéale beauté imposée aux figures est parfois contrarié par des passages où l’on peut voir des muscles et des os très particularisés

Ce « matérialisme » trahit l’érotisme presque clandestin du tableau

Ce « tas de beaux paresseux (Ingres) » serait ainsi de la même race consciente de sa volupté que les occupantes du « Bain turc »

L’évocation globale d’un paradis terrestre est mise en échec par le fait que l’on a tendance à isoler les figures pour les examiner à part plutôt que de les voir fondues dans une unité totale

Bouguereau et Cabanel devait vulgariser la vision classique d’Ingres

On retrouve des traductons laïcisées dans :

Le Déjeuner sur l’herbe de Manet

Dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte de Seurat

La Joie de Vivre de Matisse


Jeune homme nu, étude pour l’âge d’or   1845

Dans la peinture ce jeune homme est à l’extrême gauche

Il est agenouillé et baise le bas de la tunique de la déesse

L’étude offre du personnage une vue plus large que dans la peinture où il est coupé par la bordure dorée


Couple de jeunes gens nus, étude pour l’âge d’or 1845

Il s’agit  d’un couple et non de deux jeunes hommes : la poitrine de la jeune femme est légèrement plus accentuée dans la peinture et sa chevelure ondulée tombe pratiquement jusqu’à terre

Bras gauche de l’homme posé sur le bras de sa compagne

On  remarque l’enchevêtrement des pieds

Dans la peinture le jeune homme ne portera plus son doigt à ses lèvres et sa tête sera davantage inclinée


Les fiancés, etude pour l’Age d’or, 1842

Ingres réalisa de très nombreux dessins pour L’Age d’Or

Caractère profondément paisible de ces personnages censés vivre à l’aube de l’humanité, totalement déchargé de tout travail et de tout souci par l’abondance de la nature

Plénitude du talent graphique d’Ingres qui reconstruit le paradis perdu


Le Bain Turc   1862-1863

Rêve érotique tout éveillé d’un peintre âgé (82 ans en 1862)

Le motif de féminine voluptuosité étalée sans voile entre les murs des bains du Proche Orient avait toujours attiré Ingres

La scène est inspirée des lettres que Lady Montagu écrivit à l’époque où son mari était ambassadeur à Constantinople

Dans une lettre du 1er avril 1717 elle décrit l’atmosphère de sensualité séquestrée du bain de femmes qu’elle avait visité

Elle avait vu deux cents femmes nues, certaines d’une grande beauté, plongées dans les plaisirs de l’indolence : le bain, les papotages, prenant du café, des glaces, s’inondant de parfums et peignant leurs cheveux

Tableau commandé par le Comte Demidoff. L’épouse du prince fut choquée par l’abondance des nus et Ingres dut reprendre le tableau

Il transforma le format original carré en la forme circulaire

Il reprend la Baigneuse de Valpinçon dans le rôle d’une joueuse de mandoline

Il reprend la pose de Mme Moitessier dans la figure évoquant Boudha qui prend du café à l’arrière-plan

Il adapte l’Angélique enchaînée pour la figure dansante à gauche

Dans la tête du nu s’appuyant à un coussin du premier plan à droite on reconnaît les traits dodus de la jeune femme d’Ingres, Delphine Ramel

Ce tableau est un catalogue de délices sensuels sur un accompagnement de mandoline et de tambourin : on boit du café, on se parfume les cheveux, on caresse des chairs et les corps se relâchent dans un abandon païen

Mais la maîtrise picturale d’Ingres abolit la pornographie en puissance dans le tableau et crée un monde de clarté et d’immobilité

La compression des volumes est si forte que les personnages du premier plan sont contractés en un dessin de surface qui supprime la perspective

Description précise de la nature morte du premier plan  dont la variété de formes rondes fait écho en miniatue à l’étalage de courbes charnues qui la surmonte

Etude pour le bain turc, dite La femme aux trois bras   1852-1859

A 79 ans Ingres peignit le Bain Turc et beaucoup plaisantaient sous cape de son amour immodéré de la femme et de son obstination à peindre des odalisques à son âge

Il a utilisé pour cette étude un dessin qu’il avait réalisé de sa femme Madeleine


Delphine Ramel-Ingres   1859

Delphine Ramel (1808-1887) est la seconde épouse du peintre

Fille de Ramel de Nogaret, elle est la nièce de Charles Marcotte d’Argenteuil, mécène du peintre

Le 15 avril 1852 Ingres devenue veuf en 1849 ainsi que Sénateur épouse Delphine qui sera la fidèle confidente de l’artiste jusqu’à la fin de ses jours et lui apportera quiétude et équilibre familial


Autoportrait   1859

Ingres connaissait la gloire. Napoléon III et Eugénie étaient venus le voir dans son atelier et lors de l’expostion universelle de 1855 une rétrospective de son œuvre est présentée

Le 8 janvier 1867 il réunit quelques amis à dîner et donne une soirée musicale mais il prend froid en reconduisant ses invités et meurt le 14 janvier à 86 ans

Il avait légué à la ville de Montauban la plus grande partie de ses collections et notamment 4.000 dessins


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