Nous allons découvrir

La vie et l’œuvre

de Jean-Auguste Dominique

Ingres

Jean-Auguste Dominique Ingres naît à Montauban le 12 août 1777

Il sera l’aîné de cinq enfants

Son père est peintre, miniaturiste et sculpteur

« J’ai été élevé dans le crayon rouge. Mon père me destinait à la peinture tout en m’enseignant la musique comme passe-temps »

Après une instruction limitée il rentre en 1791, à 14 ans, à l’Académie de Toulouse où il a comme professeur le peintre Roques qui sera à l’origine de son admiration pour Raphaël

Il excelle aussi dans la musique et sera second violon à l’Orchestre du Capitole de Toulouse

A la fin de ses études ses maîtres lui délivrent un certificat élogieux ce qui lui permet d’entrer dans l’atelier de David à Paris

C’est un élève grave et studieux

En 1800 il échoue une première fois au Concours de Rome mais l’année suivante son « Achille recevant les ambassadeurs d’Agamemnon » lui vaut le premier Grand Prix

Mais la situation politique et financière l’oblige à différer son dépar pour Rome

En attendant une pension lui est accordée ainsi qu’un atelier dans l’ancien couvent des Capucines où il a d’éminents voisins (Gros, Girodet et son ami Granet)

En 1803 malgré son jeune âge (23 ans) il réalise pour la ville de Liège un portrait de Napoléon

L’année suivante il reçoit la commande de peindre « Napoléon sur le trône impérial »

Il réalise des portraits (la famille Forestier) mais il voulait être peintre d’histoire « Maudits portraits ! Ils m’empêchent toujours de marcher aux grandes choses, je ne peux les souffrir »

En septembre 1806 il part pour la Villa Medicis à Rome en pasant à Florence et en visitant à Rome la Chapelle Sixtine

Il peint la « Grande Baigneuse », dite « Baigneuse de Valpinçon »

A Rome il devient l’ami de Charles Marcotte d’Argenteuil, chargé des Eaux-et-Forêts, amitié qui durera toute sa vie

En 1810, son temps de pensionnat achevé, il décide de rester à Rome

Il épouse Madeleine Chapelle, une modiste de Guéret, qui ressemblait à une femme mariée dont il était épris mais qui lui fit rencontrer sa cousine et ce sera une union heureuse

En mai 1815 c’est la chute de Napoléon et la perte de la clientèle des fonctionnaires français à Rome et pour vivre dessine des  portraits des étrangers de passage

Il s’installe en 1820 à Florence où il demeure quatre ans. Il accepte la première commande officielle du nouveau régime français « Le vœu de Louis XIII »

Fin 1824 il rentre à Paris où il reçoit la Légion d’Honneur, entre à l’Institut et ouvre un atelier

En 1832 il fait le portrait de Louis François Bertin, le fondateur du Journal des Débats

En 1834 il essuie un échec avec « Le Martyre de Saint Symphorien » ce qui l’incite à poser sa candidature à la direction de l’Académie de France à Rome qu’il obtient.

De 1835 à 1841, Ingres dirige très activement la Villa Medicis, transforme bâtiments et jardins, crée une bibliothèque et reçoit d’illustres visiteurs : Thier, Viollet le Duc, Gounod, Liszt, Lacordaire, Sainte Beuve …

Il laisse à son successeur une Villa Medicis prospère

Son retour à Paris en 1841 est triomphal. Ses admirateurs lui offrent un banquet de 426 couverts. Louis-Philippe l’invite à dîner.

Il exécute de magnifiques portraits : « La comtesse d’Haussonville », « La princesse de Broglie », « Madame Moitessier assise »

Baudelaire « M. Ingres, le seul homme en France qui fasse vraiment des portraits »

En juillet 1849 son épouse Madeleine meurt. Ingres est désespéré

En 1852 il se remarie avec Delphine Ramel, une parente de son ami Marcotte (elle a 43 ans, lui 72)

En février 1854, Napoléon III et Eugénie lui rendent visite dans son atelier

Une rétrospective de son œuvre est présentée lors de l’Exposition Universelle de 1855 à Paris

Le 8 janvier 1867 il réunit à dîner quelques amis mais il prend froid en les reconduisant. Il meurt à 86 ans le 14 janvier 1867


Torse d’homme 1800

Les élèves de David s’exerçaient à l’étude précise de l’anatomie

En étudiant les modèles vivants

En copiant des œuvres de l’art classique

Il fallait acquérir la maîtrise de la figure humaine, réelle et idéalisée

Croyance traditionnelle en la supériorité de la peinture qui représente de grands hommes accomplissant  de nobles actions

L’histoire et la mythologie nous ont transmis le souvenir de ces nobles actions

Cette œuvre appartient à la catégorie des études de figure qui étaient des exercices d’atelier auxquels on décernait des prix

Cette œuvre exécutée en décembre 1800 remporta le « Prix du Torse » à l’Ecole des Beaux-Arts

Œuvre d’un jeune artiste de 20 ans qui imprime sa manière personnelle à un travail réalisé en vue d’une distinction académique

Fusion du réalisme scrupuleux et  de l’idéalisation classique

Le sujet semble à la fois :

Un jeune héros digne de la race d’Achille

Un modèle d’atelier en chair et en os

Beauté classique de la tête par le profil grec statique et le regard fier qui sont animés par le désordre de la chevelure

Mais les aspects réalistes restent soumis à un dessin formel d’une grande sensibilité

Les surfaces et les contours qui décrivent la peau, les muscles et les nerfs ont un rythme fluide

Ce rythme lie les concavités et les convexités du bras droit et de la poitrine

La torsion élégante du corps annonce la souplesse du trait qui caractérisera Ingres

L’artiste meuble de souples arabesques linéaires les surfaces les plus dénuées de profondeur car la posture comprime les deux vues de face et de  profil contre un plan sans relief

La puissante et claire lumière d’atelier donne une impression de bi-dimensionnalité

L’épaisse ombre à droite écrase le corps du modèle qui se fond avec l’arrière-plan

La lumière brillante à gauche crée un contour net et tranchant qui devient  presque une silhouette lumineuse apposée au fond sombre

Ce nu semble un relief de camée resserré dans un étroit espace dont les limites sont définies par les mains fortement modelées et la partie inférieure du support

Jeu entre la masse sculpturale et le dessin linéaire de surface

La chaleur de la chair très colorée est tempérée par des tons de gris argenté

Ce gris argenté crée une impression de fraîcheur et de sensualité glacée

Les ambassadeurs d’Agamemnon dans la tente d’Achille   1801

Tout élève de l’atelier de David avait l’ambition de remporter le Premier Grand Prix de Rome

Il pourrait ainsi poursuivre ses études à la Villa Medicis et étudier les antiques dont on ne connaissait à Paris que des répliques ou des gravures

Le 29 septembre 1801 Ingres remporta le prix en illustrant le sujet choisi par l’Académie : Les Ambassadeurs d’Agamemnon essayant de persuader Achille de retourner au combat

Ingres interprète cette scène de l’Illiade en créant un contraste entre les thèmes de la paix et de la guerre

Cette opposition divise le tableau en deux parties égales

A gauche, le grand guerrier Achille, temporairement retiré de la bataille et accompagné de son ami Patrocle

Derrière lui, dans un espace délimité par un montant et un linteau se tient une jeune fille qui pourrait être Briséis

Achille, la lyre à la main, les armes rejetées en arrière, s’adonne à la musique et à la poésie en chantant les grandes actions des héros

A droite, les délégués d’Agamemnon, conduits par Ulysse, exhortent le jeune homme à reprendre l’épée et le bouclier qu’on aperçoit à gauche

Au milieu du tableau, dans le lointain, on voit un groupe de soldats grecs qui se reposent des ardeurs de la guerre

Le tableau d’Ingres respecte les modèles de composition de David, son maître

Les personnages d’une clarté et d’une immobilité de statue sont disposés à l’intérieur d’un espace peu profond ressemblant à une scène

Plusieurs personnages font allusion aux statues classiques

Le personnage d’Ulysse est basé sur la statue antique du général athénien Phocion

Celui de Patrocle évoque un autre marbre classique : celui de Ganymède

Mais Ingres exprime sa grande connaissance de l’anatomie vivante

Son Patrocle exprime une pose comparable prise par un modèle étudié par l’artiste

Le groupe d’ambassadeurs témoigne d’observations réalistes : les mains et les avant-bras bronzés par le soleil, les tendons et les muscles relâchés de l’homme âgé

Par rapport aux guerriers nus des Sabins de David, Ingres marque sa préférence pour des proportions d’une souplesse élongée et pour des contours d’une précision déliée

Achille aux longues jambes montre de la vivacité pour faire face à ses visiteurs : ses pieds et ses mains sont infléchis comme avant un saut

Moins raide, la figure de Patrocle contribue à cette souplesse et fait contraste avec l’anatomie plus robuste des guerriers de droite

Ingres est attiré par l’embellissement décoratif

Les draperies qui glissent sur la cuisse d’Achille ou qui s’enroulent mollement autour du torse de Patrocle annoncent les complexités linéaires des châles des premiers portraits d’Ingres

Les couleurs révèlent une certaine préciosité : tons élégants gris-bleu, rouge cerise ou jaune moutarde et au fond la vue sur la Méditerranée bleue donne un ton frais

Le style d’Ingres apparaît dans la contraction de l’espace

Le plan du sol est en pente brusque et les personnages du premier plan en perdent presque leur pesanteur

Penchant d’Ingres à comprimer les compositions dans des structures qui approchent la bi-dimensionnalité  des bas-reliefs antiques et des vases grecs, œuvres qui suscitaient l’enthousiasme du jeune Ingres

Attirance d’Ingres pour les illustrations d’Homère par l’artiste anglais John Flaxman



Autoportrait à l’âge de 24 ans   1804 et 1850

Cette toile a subi de nombreuses transformations

Ingres avait tendance à revenir sur ses œuvres à plusieurs années d’écart

La première version représentait le peindre au travail devant le chevalet en train d’effacer une toile qui en réalité apparaissait blanche

Sur la seconde version la toile représentait une ébauche pour un portrait de son ami François Gilibert

Amis depuis l’enfance passée à Montauban, Inges est Gilibert étaient liés par une profonde afininté. Gilibert avait un vague intérêt pour son activité d’avocat et s’amusait à faire de l’art

Ils vécurent ensemble à Paris entre 1799 et 1806

Gilibert mourut en 1850

L’amitié avait un rôle important dans la vie d’Ingres

Cette troisième version confère à l’œuvre une plus grande force car elle supprime le contexte narratif et en fait une image symbolique : Ingres ne se présente plus dans l’acte d’accomplir une action  mais concentré sur lui-même

Ingres fait référence à un autoportrait de Raphaël dont il aimait se considérer comme l’héritier et le successeur

Jean-François Gilibert    1804

Gilibert est son ami d’enfance qui l’avait rejoint à Paris et partageait les passions du groupe d’artistes qui l’entourait alors

Equilibre entre le traitement réaliste et l’idéalisation du modèle

Volontaire refus d’une posture anatomiquement vraie au profit d’une position du corps retenue pour sa beauté plastique et sa participation au dynamisme de la composition

Soint apporté au regard fixant le spectateur

Goût pour les accessoires et la description sensuelle des vêtements

Ingres a représenté son ami montalbanais assis, ou plutôt appuyé sur un meuble difficile à identifier

Cette position favorise le dynamisme de la mise en scène tout en assurant une stabilité apaisante

Il a placé les deux mains de son modèle devant lui, au niveau des cuisses, l’une gantée de rouge tenant une badine et l’autre nue repliée sur elle-même

Tout est peint en frottis, traité comme une esquisse

Seul le visage apparaît patiemment travaillé, la minceur des traits et leur finesse paraissant bien fragiles en comparaison de la masse sombre du vêtement


Monsieur Philibert Rivière   1805

Monsieur Rivière était fonctionnaire à la cour de l’Empereur. Il se fit peindre par un jeune peintre, Ingres, lui, sa femme (née Marie-Françoise de Beauregard) et leur fille.

Ingres devait tenir compte de l’opulence distinguée du modèle et de ce qui l’environnait

Il voulait une image élégante, confortable et mondaine. Il étudia les aristocratiques portraits de son maître David, notamment  « M. Meyer » qui date de 1795

Au premier regard le mur d’un gris mat, le rose sourd du dessus de la table, les blancs, les beiges et les noirs du costume imposent à l’ensemble un ton austère

Mais cette réserve apparente est ébranlée par une profusion de détails rappelant les détails luxueux du portrait de Bonaparte de 1804

La sévérité du linge immaculé de M. Rivière est combattue par l’éclat de métal précieux des boutons d’argent, de la breloque et de l’anneau d’or

La géométrique sécheresse du fauteuil d’acajou est transformée par la bordure dorée du coussin, la volute au bas du dossier et la tête de lion dorée à droite dont le pendant au premier plan est dissimulé par la main calme du modèle toute duplication qui créerait un effet monotone

Ingres aménage un riche dessin de surface dans un espace restreint : le dossier et le siège du fauteuil sont placés tout contre la bordure du cadre et on remarque la superposition verticale des genoux du modèle

La gravure d’après la « Vierge à la chaise » de Raphaël est jetée comme par hasard parmi les élégantes reliures dorées sur la table

Cette gravure est une copie rapportée d’Italie par le premier maître d’Ingres, Joseph Roques, qui le premier suscita chez le jeune artiste une inébranlable vénération pour Raphaël

Ingres intégrera cette gravure dans d’autres œuvres

Lorenzo Bartolini    1805

En 1805 Ingres et le sculpteur Lorenzo Bartolini, sortis de l’atelier de Davis, partageaient une double cellule dans le couvent des Capucines

Ils sont unis par leur intérêt pour les peintres italiens de la Renaissance

Ce portrait montre la maturité acquise depuis l’époque de l’enseignement de David, dans la pose, inédite par rapport à la représentation des portraits de l’époque, et dans l’abandon de la touche rapide en faveur d’une perfection limpide et nette

La pose de Bartolini qui tient dans sa main une tête antique de Jupiter est par son élégance aristocratique un rappel de la représentation des portraits de la Renaissance

Madame Philibert Rivière   1805

Larges rythmes créés par la façon dont le corps sensuel arqué en avant s’accolle au mouvement du châle indien qui monte et descend de presque toute la hauteur de la toile

A l’intérieur de ces larges rythmes une grande vivacité malgré l’expression calme de Madame Rivière

Les boucles noires forment comme un nid de serpents

Ces volutes sont reprises dans l’ornement folliacé du sofa, en bas à droite

Ces volutes se prolongent dans les entrelacs de feuilles et de fleurs sur la broderie du châle

A l’ocre pâle du châle font écho la frange qui borde ses pans et les mouvements de la robe et du voile de gaze blanche

Les variations linéaires des bijoux (fines bagues, bracelets et collier) s’accordent au motif elliptique qui s’étend au format ovale du tableau

Mais cette fébrile activité semble statique car :

- Lumière froide et dépourvue d’ombres

- Le moindre détail de pli, de laine ou de satin est fixé avec la minutieuse intensité descriptive de la brosse d’un primitif flamand

- Les contours sont si parfaitement établis dans leurs chemins tortueux qu’ils ne permettent aucune possibilité de transformation

Les critiques de l’époque ont reproché l’amincissement du bras droit mais plus tard d’autres ont considéré que ce tableau préfigurait Cézanne et certains Picasso dans la façon dont sont rejetés les traditionnels procédés de perspective

Les coussins semblent avoir été gonflés pour éliminer le moindre creux et fournir un confortable support à Mme Rivière dans la pose qu’elle a été obligée de prendre pour s’inclure dans ce réseau d’arabesques de surface

Le triomphe de ce portrait allait être bénéfique à la future carrière d’Ingres qui allait réaliser une longue suite de portraits de femmes

Ambiance de féminité voluptueuse

Fraîcheur de la palette avec ses gris, beiges, ocres et ses bleus un peu froids qui tempèrent le rose de la chair

Réalisme presque photographique et élaboration de lignes abstraites

Surface peinte sans trace de pinceau, immaculée, lisse comme l’émail


Mademoiselle Rivière    1805

Jeune fille de 15 ans d’une candeur juvénile

Elle mourut l’année de son portrait

Pureté et innocence étrangères à l’atmosphère artificielle et sensuelle des portraits de femmes accomplies peints par Ingres

Cette pureté, qui surprit les critiques du Salon de 1806 habitués à une palette plus sombre, résulte de :

- Ouverture sur un paysage de printemps ensoleillé

- Simplicité et légère raideur de la pose

- Coloration naturelle des joues et des lèvres

- Blancheur éblouissante de la robe et du boa en duvet de cygne

La clarté ciselée de la tête, centrée au-dessous de l’arc du tableau, a un goût d’archaïsme :

- Les yeux en amande au regard fixe

- Le sourire figé

- La disposition géométrique de la ligne des cheveux, des sourcils

Les sinuosités du boa évoquent le châle de la mère

La rigidité sculpturale du modèle est atténuée par l’ondulation des plis multiples qui rappellent le mouvement de la robe de Mme Rivière

Les coutures de la manche et celles du boa créent avec les lacets du gant au-dessus du coude un certain mouvement

Sérénité limpide du paysage du fond aussi frais que la jeune adolescente

La palette de gris pâles et de bleus s’harmonise avec les modulations blanches et jaune-moutarde du costume

Le modèle semble découpé et appliqué sur le paysage ainsi que dans un bas-relief

Le cou pareil à celui d’un cygne donne l’impression d’être plaqué sur le fond du ciel

Le large cours de la rivière lointaine avec ses reflets argentés se fond presque avec la ceinture de satin du premier plan

Ce tableau introduit le dialogue entre le portrait et le paysage qu’Ingres devait poursuivre dans ses portraits d’Italie

Madame Aymon dite la Belle Zélie   1806

En fait l’identité du modèle de ce portrait n’est pas connue comme est incompréhensible le surnom « La Belle Zélie »

Dans l’atelier de David était chantée une chanson dont le refrain était « Te bien aimer, ô ma chère Zélie »

Ingres a  été séduit par cette jeune femme belle et sensuelle, avec ses accroche-cœurs quelque peu bohémiens, ses lourdes boucles d’oreilles et son décolleté habilement suggéré

Portrait clair et coloré dans une gamme de rouge et de brun-mauve se détachant sur le ciel bleu et blanc

Le portrait ovale et la simplicité de la composition suggérent une commande dans l’esprit des portraits alors à la mode

Ingres modernise la représentation du corps humain par le jeu du châle et le discret contraposto donné au buste du modèle ce qui crée une animation dans la posture de la jeune femme qui n’en paraît que plus vivante et accessible

La famille Forestier   1806

Ingres fut un musicien amateur doué et enthousiaste

C’est sur ce penchant que se forgea l’expression « violon d’Ingres » qui est « une occupation secondaire dans laquelle on excelle »

« Mon père me fit apprendre à jouer du violon et avec assez d’intelligence pour avoir été admis comme violon au grand théatre de Toulouse »

Dans ce tableau Julie Forestier, la fiancée d’Ingres en 1806 est représentée les doigts sur le clavier.

Cette jeune artiste-peintre était aussi liée à Ingres par un amour commun de la musique. La romance allait s’achever avec le départ du fiancé pour Rome à l’automne 1806

Julie ne se maria jamais et écrivit un roman ou l’héroïne confie à sa mère qui lui conseille de s’adonner à  la musique « Mon piano, n’y étais-je pas souvent accompagné par lui ? »


Napoléon sur son trône    1806

Vision de l’Empereur empreinte d’une grandeur terrifiante comme hors du monde

Impression d’autorité immuable qui contraste avec la cascade d’ascensions et de chutes qui caractérise cette période de notre histoire

L’empereur du haut de son trône semble régner depuis toujours

Il est isolé de notre royaume terrestre par une marche recouverte d’un tapis à l’aigle impérial puis par un coussin de velours pour ses pieds

La symétrie rigide de sa pose lui donne une noblesse hiératique qui évoque les divinités des civilisations classique et chrétienne

Toute la panoplie de l’histoire occidentale s’étale sur cette peinture comme dans une vitrine de musée :

- Les anciens aigles impériaux romains et carolingiens

- Les abeilles franques imposées par Napoléon comme un symbole d’industrie

- Les marques de la puissance monarchique française (le sceptre de Charles V et  la main de justice de Charlemagne)

Ingres restitue l’imperturbabilité majestueuse du Jupiter de Phidias (qu’il reprendra en 1811 dans son « Jupiter et Thétis »)

Il reprend la distante omnipotence de l’image du dieu chrétien « Dieu le Père » de Van Eyck, panneau du triptyque de Gand qui fut exposé au Louvre de 1799 à 1816

Les critiques de l’époque considérèrent ce tableau comme rétrograde car il ramenait l’art à son berceau médiéval

On reprochait l’attitude froidement symétrique

On suggérait à Ingres d’étudier les portrais de Véronèse et du Titien pour assouplir son style et  réchauffer ses couleurs

Ingres éblouit l’œil avec les étalages denses d’un velours cramoisi, doré et orné de bijoux

L’hermine blanche lui donne la splendeur somptueuse du  « Dieu le Père » de Van Eyck

Le visage brossé comme une icône médiévale transforme le modèle en chair et en os en une image obsédante, sans âge, de puissance incontestée et inaccessible

Vingt ans plus tard Ingres tentera de communiquer à son portrait de « Charles X, dans son costume de couronnement » la foi ancestrale au droit divin des rois que l’histoire moderne a détruite


Baigneuse    1807

Au lieu de se réjouir de la vue sans voile de la nudité féminine,  le spectateur se sent dans la situation désagréable du voyeur

Vue de dos mais à une distance qui donne l’impression qu’on pourrait presque la toucher, la baigneuse regarde anxieusement par-dessus son épaule et cache son corps de ses bras croisés, comme si elle prenait soudainement conscience de la présence d’un intrus

Combinaison de l’extrême volupté dans la proximité de la chair nue et de la pudeur inattendue du geste de recul

Contour incisif tracé sur un paysage de feuillage, un lac et un ciel bleu opaque

Ce contour évoque le pur tracé du dessin des vases grecs qui fascinait tant Ingres

Ce dessin linéaire abstrait prend vie avec la palpabilité de la chair

La surface lisse, irréelle, du front et des joues est rehaussée par les détails des rides du cou et les mèches folles que l’on aperçoit sous les tresses

Le galbe parfait du bras et du dos est rompu par la soudaine apparition des doigts crispés qui s’enfoncent dans la chair souple

Le turban noué est décrit avec une précision photographique (turban qui a son origine dans la « Fornarina » de Raphaël)

Le manque de relief est atténué par la légère inclinaison qui nous permet de voir le début de l’arcade sourcillière droite

Etonnantes déformations anatomiques :

- Les os des mâchoires disparaissent

- La poitrine semble naître sur le côté plutôt que de face

La liberté qu’Ingres prend avec l’anatomie est souvent masquée dans ses portraits par la superposition des vêtements et des bijoux


Madame Antonai Duvaucey de Nittis    1807

Premier portrait de femme peint par Ingres à Rome

Mme Duvaucey est la maîtresse napolitaine de Charles Alquier, homme d’Etat français envoyé à Rome pour essayer de contracter une alliance avec le Pape

Le modèle est  placé dans une ambiance de luxe féminin qui contraste avec la mâle ordonnance du décor extérieur qu’Ingres choisissait souvent en Italie pour ses modèles masculins

A cette maîtresse jeune et belle Ingres donne comme une enceinte protectrice le réconfortant mouvement circulaire du châle et la bordure du dossier du fauteuil

Cette bordure délimite à la fois en largeur et en profondeur l’espace peu profond où se tient le modèle

Clarté et franchise du regard de la jeune femme apposé sur un austère fond plat

La clarté de ce regard atténue l’étalage de la parure (l’éventail, les bagues, le châle de soie, le fin collier et les bracelets en poil d’éléphant)

La pureté abstraite de la tête est subtilement contrecarrée par une mèche de cheveux qui dérange l’ordre géométrique parfait de la lisse chevelure et par le peigne à droite

Forme en arc-en-ciel du fauteuil qui jailli de la nuque absorbe les lignes elliptiques du collier et de la ligne des épaules

La pointe  de l’éventail qui aurait apportée une note d’acuité incisive parmi ces courbes fluides est  dissimulée

De même la pointe aigüe de la plus longue boucle du collier se cache derrière la bordure courbe du corsage décolleté assez bas

Les couleurs participent à l’harmonie des formes

L’or et le rose du fauteuil sont intervertis dans le rouge et le jaune pâle du châle

La chaleur de ces nuances contraste avec le noir d’encre de la chevelure et de la robe de velours

Les critiques se plaignirent de son aspect froid et sans ombre

Des anomalies dans l’anatomie :

- La longueur du bras

- Instable jonction de la tête et du cou

- Abstsraite ligne ténue qui sépare les pâles lèvres roses

Dans le bras gauche les saillies de l’épaule et du coude sont soigneusement emmitouflées dans le drapé du châle : ainsi sont préservées les arabesques de surface

40 ans après ce portrait de 1807, soit en 1847, Mme Duvaucey, âgée et dans le dénuement sollicita l’aide d’Ingres pour vendre ce témoin de sa jeunesse prodigue. Ingres s’entremit avec prévenance pour l’aider

Le Casino de Raphaël à Rome    1807

Ingres, Prix de Rome, a rempli un carnet de dessins de monuments italiens et de vues d’Italie

Pendant son premier séjour en Italie il fut l’ami intime de François-Marius Granet, paysagiste

Son maître, David, dessina de nombreuses scènes de Rome lorsqu’il étudia dans cette ville de 1775 à 1780

Un casino est une petite résidence de campagne

Du Casino de Raphaël rasé en 1848 il nous reste ce souvenir vu de la Villa Medicis où Ingres était logé comme pensionnaire de l’Académie de France

Dans ce minuscule tondo (16 cm de diamètre), les vestiges du passé historique de Rome sont répartis dans des plans fuyants qui apparaissent en horizontales depuis la géométrie des jardins de la villa Medicis jusqu’aux arcs sereins des pins parasols

- Une Venus classique

- Un fragment de mur en pierres brunes

- Le Casino de Raphaël

- Un minuscule temple circulaire au sommet d’une colline

Même les traînées de nuages répondent au rythme horizontal du sommet des arbres

Couleurs froides de gris, de bleus et de verts

La lumière tombe d’une direction plus précise qu’à l’habitude chez Ingres (longue ombre de Venus au premier plan)

Après son premier séjour romain Ingres n’a pas fait de paysages

François-Marius Granet     1807

Le premier portrait important qu’Ingres peignit à Rome est celui de son ami intime le paysagiste Granet (1775-11849)

Le modèle se détache à la façon d’un héros sur un fond de ruines romaines

Ingres a placé Granet devant une vue spectaculaire du Quirinal

L’harmonie entre la figure et le paysage est recherchée dans les termes tourmentés d’un romantisme naissant

L’orage menaçant qui assombrit le ciel a sa résonance dans la posture byronnienne de Granet

Des inventions viriles éloignées de l’élégance cloîtrée dans laquelle Ingres place d’ordinaire ses modèles :

- Mouvement large et théâtral du manteau sombre

- Renversement vigoureux du haut du col blanc

- Chevelure dépeignée par le vent

- La bouche et les yeux résolus

Dimension dominante de la figure à mi-corps dont la belle tête surplombe la ville comme le font les nuées de l’orage

Une vue en profondeur s’agence à travers les harmonies architecturales cubiques de plans nettement définis (les murs, les fenêtres, les arcades, les toits brillants sous le ciel gris bleu)

On observe dans le paysage des tonalités qui reprennent le riche brun foncé du manteau, le noir intense de la chevelure bouclée, la blancheur empesée du col et de la chemise et le dos jaune du portefeuille

Derrière le modelé méticuleux du visage de Granet, rouge et verni comme une pomme de cire, le panorama romain s’écrase dans un ensemble de plans serrés

L’artiste occupe un espace peu profond devant le parapet

Le minuscule aqueduc à gauche, couronné par un pin parasol, délimite l’horizon lointain

Fusion d’une présence humaine imposante et d’un paysage magnifique dans les limites d’un ordre artistique rigoureux

Madame Guillaume Guillon-Lethièra avec son fils Lucien  1808

Elle est l’épouse du directeur de l’Académie de France à Rome

Elle est représentée devant l’institution que dirige son époux

L’attitude nonchalante de l’enfant saisi dans  un moment d’ennui, et armé d’une branche d’arbre que l’on devine propice à des jeux guerriers contraste avec la puissance matronesque de la figure maternelle

Portrait de Victor Dourlen  1808

Victor Dourlen (1780-1864) était le condisciple d’Ingres à Rome

En bas du portrait une jolie estampille en forme de lyre antique

La vue de la Trinité des Monts et de l’obélisque au fond à droite est homogène avec le dessin et indiscutablement de la main d’Ingres

L’authenticité des paysages romains qui constituent les fonds de portrait dessinés à l’époque a parfois été mise en doute

Oublié aujourd’hui Dourlen a laissé un Dies Irae composé à Rome et plus tard un Traité d’harmonie

La baigneuse de Valpinçon    1808

Ainsi nommée d’après le collectionneur qui l’acheta

Le premier grand nu de femme peint par Ingres crée un monde d’immobilité

Réincarnation de l’idéal de perfection classique

Position de la tête qui laisse à peine deviner le profil gracieux

Courbes du dos et des bras à la perfection marmoréenne

Jambes et pieds délicatement croisés

Tableau inspiré par l’une des Trois Grâces de Raphael à la villa Farnesina et par les marbres de Canova

Tension créée par le passage de la froideur à la sensualité, de l’abstraction au réalisme

Anatomie abstraite : les articulations anguleuses et les saillies osseuses sont remplacées par des contours coulants et arrondis qui définissent la longueur du bras, la jonction de la cuisse et de la taille, la courbe de l’épaule

Détails d’un réalisme pointilleux : les mèches de cheveux sur l’oreille, la précision avec laquelle les draperies, les draps et les vêtements sont décrits

La chute de la draperie à gauche se répercute dans le renflement progressif du rideau blanc qui se continue au premier plan dans les plis verticaux des draps

Le mouvement sinueux du turban rayé de rose est repris dans le tissu bouffant qui adoucit l’angle du coude gauche avant de s’enrouler autour des jambes

Le petit jet d’eau dans la baignoire rapproche le bord du drap blanc et le coin de la draperie brodée

Les formes du modèle et de l’environnement semblent dépourvues de pesanteur

Le seul pied visible du divan repose sur une pointe

La masse de la colonne de marbre à gauche est cachée par la draperie

Ingres était satisfait de ce tableau qu’il reprit dans plusieurs compositions dont «Le Bain Turc »


Bonaparte en Premier Consul   1804

L’accession de Napoléon au pouvoir fut accompagnée d’une énorme production artistique qui glorifiait son personnage, ses conquêtes et ses actes de bienveillance

Reportage documentaire des scènes de bataille de Gros

Ce premier portait de Napoléon par Ingres fut commandé le 17 juillet 1803. Il était destiné à la ville de Liège et commémorait un don de Napoléon

Le Premier Consul avait offert une subvention pour la reconstruction d’un faubourg de Liège, Amercoeur, fortement détruit en 1794 par les bombardements autrichiens

Ingres n’eut droit qu’à une seule séance de pose au Palais de Saint-Cloud, temps de pose qu’il dut partager avec le vieux Greuze

Le portrait d’Ingres, destiné à une ville flamande, semble faire revivre le style des primitifs flamands alors redécouvert par les collectionneurs lassés de la virtuosité de la tradition picturale baroque

Intense réalisme d’Ingres : les descriptions sont si méticuleuses que les objets semblent juxtaposés plus que fondus

Eblouissant velours rouge et or du costume

On remarque la texture de :

Du papier blanc sur lequel est inscrit le décret de reconstruction

Les deux plumes d’oie sur la table

Le chatoiement des bas de soie avec leurs plis

Les franges dorées dont les brins pourraient être comptés

Les diamants sur la poignée de l’épée

Ce réalisme évoque Van Eyck

Curieuse raideur de la pose officielle, digne, de Napoléon avec la main glissée dans l’habit

Le tableau mesure près de 2,50 m mais la très minutieuse observation du moindre détail réduit fortement l’échelle

Comme dans les œuvres de plusieurs primitifs flamands le plancher glisse et les objets paraissent dépourvus de poids à la surface du tableau

Le faubourg d’Amercoeur, nouvellement reconstruit, est ébauché dans une lumière diffuse et nacrée totalement différente de celle du premier plan

Les couleurs froides assourdies et le sens de l’ordre géométrique annoncent les paysages de Corot des années 1820

Polarité entre les styles picturaux nordique et méditerranéen



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