Ma fiancée aux gants noirs - 1909


Lorsque Chagall tombe amoureux de Bella Rosenfeld en 1909 il a 22 ans. Séduit par la jeune fille il subit également l'attrait d'une maison élégante, bien différente de la sienne, reléguée dans les faubourgs de la ville

Dans ce tableau celle qui deviendra l'épouse de Chagall apparaît lointaine et inaccessible, gantée et chapeautée, vêtu d'un habit moulant orné d'une étrange collerette

La pause quelque peu altière de la jeune fille, alors étudiante dans un  des meilleurs lycées de Moscou, laisse penser que le peintre a volontairement insisté sur son allure théâtrale

Chagall avait accroché au mur de sa chambre le dessin d'un nu de Bella ce qui lui valut des remontrances de la part de sa mère, choquée par tant d'impudeur


L'atelier - 1910


Lorsqu'il arrive à Paris en 1910 Chagall s'installe dans un meublé prêté par un parent de l'écrivain Ilia Ehrenbourg, derrière la gare Montparnasse

Il fraye alors avec la bohème cosmopolite qui se retrouve aux cafés du Dôme et de la Rotonde

En cette période désargentée Chagall vit des subsides de son mécène Vinaver et peint sur des toiles récupérées comme cette toile qui représente l'intérieur du peintre impasse du Maine avec au mur la réplique de "Ma fiancée"

Comme Matisse, Chagall n'hésite pas à libérer la couleur par une dominante verte qui envahit les murs et le lit, confondant volontairement plans verticaux et plans horizontaux

Cadres et tapis composent autant de tableaux dans le tableau et annulent le sentiment de profondeur

Les fauteuils apparaissent avec une grande force d'intensité

L'Atelier marque dans la carrière de Chagall une rupture décisive avec sa première manière russe


Le Modèle - 1910


Le Modèle est une oeuvre de transition

Ses couleurs assourdies rappellent l'atmosphère qui domine dans les oeuvres russes

Mais le thème du modèle qui se tient assis à la place du peintre tranche avec les scènes de la vie quotidienne qui inspiraient jusqu'alors sa peinture

On reconnaît le fauteuil de l'Atelier

La toile, posée sur le chevalet, et le fauteuil, tous deux coupés par les bords latéraux du tableau structurent le tableau et recadrent la figure féminine

Atmosphère intimiste qui s'étend à l'environnement immédiat de la jeune femme

Le mur s'orne de motifs floraux qui font écho aux touches noires de son corsage et aux touches qu'elle pose sur la toile

Chagall semble influencé par Matisse

Voici

au  cours  de  200  tableaux

commentés


l’oeuvre de  Marc  Chagall

Page 7

Cliquez sur la photo

pour lire la vie de


MARC  CHAGALL

Nature morte à la lampe - 1910


En août 1910 Chagall s'installe à Paris

Il est frappé par la liberté de vie et l'éclat de la lumière et découvre Renoir, Monet, Van Gogh, Matisse et les Fauves

Cette nature morte montre un nouvel éclat de la couleur

Le peintre commence à considérer la surface de la toile plus comme la base pour le déploiement du décor que comme le support d'un espace tout en illusion

La teinte principale évolue du brun au jaune clair en passant par l'orange

Ces couleurs sont portées sur la surface dans une ornementation agitée qui donne une impression orientale

Lumière puissante qui culmine dans la lampe

La construction de la lumière colorée à partir des couleurs voisines évoque ce que Gauguin appelait "le rehaussement d'une teinte à l'aide de tous les dérivés de cette teinte"

Le dessin approximatif des personnages et des choses illustre ce que Gauguin appelait "la gaucherie"

Mais la tonalité des couleurs est personnelle et plutôt russe et évoque les premiers tableaux de Kandisky

Chagall montre un intérieur russe avec deux personnages : son père et sa mère

Le centre est la lampe à pétrole qui étendait le soir sa clarté sur la famille rassemblée

Pendant ses premières années parisiennes Chagall fut tourmenté par la nostalgie de Vitebsk

Le fond qui donne une impression d'exotisme valut à Chagall l'étiquette de conteur juif


La Naissance - 1911


Ce tableau évoque le moment qui suit immédiatement la naissance

Le nouveau-né est présenté à son père

L'accouchée, nue, se repose dans le lit encore ouvert

Les peintres ont évité les scènes autour de l'accouchement qui dans les sociétés traditionnelles se déroulait à l'abri du regard des hommes

Absence totale dans l'iconographie chrétienne d'évocations de la naissance du Christ

Les madones à l'Enfant sont vêtues : le moment de la naissance est déjà loin et avec lui la chair que l'on évite de voir

Les femmes ont le pouvoir de faire des enfants et les hommes en éprouvent de la frustration

En 1911 Chagall n'a pas encore d'enfant

t

Nature morte - 1911


Cette  nature morte est un hommage à Cézanne et pose la question des rapports de Chagall et du cubisme

Chagall découpe diverses formes en plans et aux angles marqués et renonce au clair-obscur pour des valeurs lumineuses arbitraires

Mais jamais les formes  ne perdent leur cohérence : les décompositions ne dépassent pas les contours des objets et la géométrisation est limitée


t


tDédié à ma fiancée - 1911


Ce tableau est un des premiers que Chagall compose en arrivant à la ruche à Paris au printemps 1912

Chagall était installé à La Ruche, un ensemble d'ateliers construits à proximité des abattoirs de Vaugirard


Il avait laissé en Russie Bella dont il espérait convaincre les parents de ne pas s'opposer au mariage

Ce tableau ne s'inscrit dans aucun des genres pratiqués par les peintres parisiens à l'époque : il veut imposer son propre style

Tableau composé avec frénésie en une nuit alors qu'il lui faut parfois plus d'une semaine pour réaliser un tableau

Chagall à La Ruche travaillait jour et nuit, peu enclin à perdre son temps dans la bohème

Il peignait sur des draps, des nappes et des chemises, n'ayant pas de quoi s'offrir de la toile de lin


Cette image met en scène pour la première fois dans son oeuvre un personnage à tête d'animal

Un Minotaure vêtu de rouge paraît bien songeur, accoudé à une table et la tête reposant sur la main

Aux abattoirs coule le sang des bœufs


Une jeune femme, la tête entourée d'un foulard à la mode russe, l'enveloppe par derrière, une jambe sur son épaule, l'autre à l'aisselle, et se penche vers lui


Un éclat d'érotisme que nous ne retrouverons pas chez Chagall pour qui l'amour apparaîtra ensuite dans une légèreté désincarnée


Au 13ème et au 14ème siècle en Allemagne les artistes juifs produisirent des illustrations de la Bible dans lesquelles les personnages avaient des têtes d'animaux


La résurgence de ces représentations était liée au hassidisme, ce mouvement de piété juive dans lequel Chagall a été élevé

A 28 ans Chagall a peint une peinture assez fantastique pour que plus tard les surréalistes l'appellent à le rejoindre. Mais il ne s'engagera pas plus avant dans cette voie


La lampe à pétrole qui se renverse en se disloquant indique que dans la pièce où il rêve le Minotaure manque de lumière ce qui est normal puisque la lumière c'est Bella à l'autre bout de l'Europe


De telles représentations semblaient étranges dans le milieu artistique parisien de l'époque


L'Ane vert - 1911


Cet âne affirme avec panache la liberté que s'offre le peintre de mettre la couleur où il veut et il prend d'emblée la première place dans le bestiaire de Chagall

Un âne vert n'est pas à l'époque une petite provocation; c'est un manifeste moderne plutôt agressif, même s'il empreinte à la simplicité d'une figuration populaire

Chagall veut ouvrir dans l'art moderne une nouvelle voie qui se fonde sur une nouvelle interprétation des arts populaires, ce qu'on a nommé le "primitivisme"

La Noce - 1911


Abrupte et vigoureuse division géométrique de l'espace matérialisée par trois zones distinctes :

- les longs rectangles en haut de la toile évoquent le ciel infini

- les grands carrés du centre dans lesquels s'inscrivent les maisons et où défile le cortège de la noce

- les vastes triangles du sol


Le mouvement des personnages est régulier

Immaculée et centrale blancheur de la mariée

La procession semble une frise faite de la juxtaposition d'archétypes

Chagall accorde de l'importance à l'articulation entre les premiers et les seconds plans du tableau

t

Tête au nimbe - 1911


Gouache peinte sur une feuille de papier brun

Grande sûreté du geste

Construite autour de tâches blanches la tête est brossée dans une écriture rapide et volontairement maladroite

Le contour du visage suggère et rature tout à la fois un profil qui intègre l'oeil droit de la face

On retrouvera ce thème du double dan l'oeuvre de Chagall

La couleur-matière du support papier constitue un élément plastique

t

A la Russie, aux ânes et aux autres - 1911


Ce tableau qui doit son titre à Blaise Cendrars offre des références à la culture de Chagall. Le titre fait allusion à une exposition d'avant-garde tenue à Moscou et à laquelle Chagall participa et qui avait pour titre "La queue d'âne", une allusion à l'âne qui peint un tableau moderne de sa queue

Au centre de ce tableau la queue de la vache


Le titre d'origine était la "Tante au ciel"

Effet de surprise provoqué par le contenu naïf et extravagant pour l'époque et par ses couleurs rayonnant de l'obscurité du fond

Les règles de la logique, de la vraisemblance, de la pesanteur et du naturel ne comptent pas

Dans une obscurité nocturne on voit une vache rouge et blanc sur le toit d'une maison et en plein ciel une femme un seau à la main et la tête volant à distance du corps

Opposition entre la scène paysanne qui sent la chaleur de l'étable et l'espace cosmique obscur éclairé par les prismes lumineux des astres


L'auge à laquelle s'abreuve la vache est celle où sa mère le plonge pour le protéger d'un incendie qui ravage le quartier juif "Ce qui m'a d'abord sauté aux yeux, c'était une auge"

On lit dans les Nombres le passage de la Bible qui précise les prescriptions en matière d'interdits et d'impuretés: "Avertis les enfants d'Israël de te choisir une vache rousse intacte, sans aucun défaut et qui n'a pas encore porté le joug ... Le pontife la fera porter hors du camp et on l'immolera en sa présence"

Il travaillait la nuit près des abattoirs de Vaugirard "L'aube se lève ... plus loin on égorgeait le bétail, les vaches mugissaient et je les peignais"


Enfant le gamin juif était fasciné par les sanctuaires de ses voisins chrétiens "Ma chambre s'éclairait du bleu foncé tombant de la fenêtre unique. La lumière venait de loin, de la colline où se trouvait l'église. J'éprouve toujours du plaisir à peindre cette église et cette petite colline sur mes tableaux"

Chagall met en peinture l'expression yiddish "On dit de quelqu'un que sa tête vole dans le ciel quand il se laisse emporter par sa fantaisie"


Chagall, à Paris depuis l'automne 1910, pense avec nostalgie à la Russie où il a laissé sa fiancée

La Russie lui offre un vaste réservoir de formes, d'images et de thèmes qu'il peut croiser avec les pratiques parisiennes qu'il est en train de découvrir

Images exotiques : la cathédrale orthodoxe de Vitebsk, la paysanne et le veau

Observation réaliste de la vie paysanne (une fermière allant traire sa bête)

Pour un juif cette scène apparaît comme un mode "interdit" en raison de l'évocation du lait


Pareille à la louve légendaire de Remus et de Romulus, la vache nourricière évoque davantage la déesse égyptienne Hator, souvent représentée sous la forme d'une vache céleste qui engendre l'univers et le soleil, que la résidente de l'étable

La vache tétée comme une louve par deux veaux dont l'un a un corps d'enfant pourrait être une allusion à l'idée que la Russie serait une troisième Rome


Chagall affirme ainsi sa double identité : yiddish et russe

Ciel nocturne suggéré par l'éclipse qui s'est produite en 1912 en Europe

Dans la nuit le corps humain, le seau, l'animal et la tête semblent des signes illuminés par d'étranges étoiles filantes

Ces images d'importation se soustraient aux règles de composition. D'ailleurs au même moment les cubistes renoncent aux conventions de la perspective

Ce tableau est l'image d'un monde sans pesanteur et sans cohérence : le monde du rêve


Ce tableau peint sur un morceau de drap acheté au Bon Marché est la première grande oeuvre de Chagall à la Ruche

Il marque son attachement à l'imagerie russe populaire par opposition aux recherches formelles des avant-gardes parisiennes. Les gestes humbles de la vie paysanne sont transfigurés et deviennent des symboles

Il est reproduit dans l'Autoportrait aux sept doigts ce qui souligne sa valeur emblématique


Chagall s'inscrit dans le courant du Fauvisme qui traitait la couleur sans aucun souci de réalisme

Clin  d'oeil à :

- Picasso : la tête de la femme

- le cubisme : le vêtement de la femme

- au rayonnisme : l'inscription dans le ciel d'étranges formes colorées qui évoquent une récente éclipse de soleil

Le souvenir fait plus qu'embellir les choses : il distille à partir de la superposition de multiples évènements un reflet complexe de la réalité qui ne peut être rendu par une image mais par une transcription poétique et métaphorique


t

Moi et le village - 1911


A peine arrivé à Paris Chagall a la nostalgie de Vitebsk. Mais il ne pouvait retourner car il s'était moralement engagé auprès de son mécène  le député Vinaver

Mais cet émigré pauvre éprouvait la vitalité de ses racines et une floraison d'images lui occupait l'esprit

Il ne s'agit pas de représenter ni de décrire mais de constituer une image synthétique en laquelle tous les éléments, signes et couleurs, se mêlent dans un espace unifié par la lumière

Chagall a droite s'est représenté de profil de cette couleur verte qu'il donne souvent aux visages

Il tient une branche fleurie qu'il semble offrir à l 'animal auquel il fait face dans un échange de regards attendris et qui paraît être un veau

Les deux têtes et la fleur sont liées dans un disque coloré

D'autres images se superposent :

- une femme trayant une vache

- un petit village avec son église orthodoxe

- un homme qui passe avec une faux

- une femme qui danse sur les toits de deux isbas sens dessus dessous


La vache est un personnage familier représentant la sécurité villageois, la mère, la ferme

Chagall se souvient de son enfance et de "la vache dans notre cour dont le lait était blanc comme la neige, la vache qui parlait avec nous"


En haut l'image du village russe natal avec le dôme de l'église

Le pope regarde le paysan traverser l'espace avec sa faux

Une femme la tête en bas lui indique le chemin


Dans la tête de la vache une jeune paysanne trait une vache

Chaque couche du tableau représente une couche du souvenir

Le village est à Chagall ce que la vache est au veau : une mère, ce lieu d'origine dont on ne se défait pas

L'espace pictural se divise en multiples facettes soit pliées en petites parties soit entrecroisées de morceaux qui s'interpénètrent

Un mouvement de va-et-vient se crée par les recouvrements et les transparences des morceaux de la surface

Sur la verticale médiane un grand cercle semble s'accrocher aux fils croisés des diagonales


Ce réseau géométrique consolide tout l'assemblage à l'intérieur de la toile des détails réalistes

Le contraste vert-rouge domine

Des passages colorés plus doux bleu et jaune

Seule la couleur est la source de toute la lumière


Le Buveur ou le Saoul - 1911-1912


Chagall était un rêveur qui tenait à garder les pieds sur terre et prenait soin de ses racines mais avait la tête en l'air ainsi que l'on dit des poètes peu pragmatiques

Chagall voulait représenter le contraste entre le calme d'un intérieur et l'agitation troublée d'un personnage humain

Surface abstraite qui s'ordonne suivant un grand motif en losange


Quelques objets étalés à plat sur la surface

Perspective volontairement déformée de la table

Couleur lumineuse qui couvre toute l'étendue de la surface

Contraste du bleu et du jaune, du rouge et du vert

Subtils passages du jaune au rouge par l'orange

A gauche les objets, la table et les signes culinaires (poisson, poulet, coupe)

A droite la zone agitée par les diagonales de l'homme névrosé et le couteau symbole d'agression


Une tête s'échappe du corps pour s'approcher de la bouteille qui se penche vers elle

Scène violente que souligne un jeu de couleurs expressif

Le couteau que tient l'homme a coupé la tête mais la lame coupante est pour Chagall le cubisme devenu rationaliste et sectaire après l'élan que lui avait donné Braque et Picasso


Chagall n'est pas un cubiste. Pour lui le cubisme est un "réalisme à la triste figure"

Chagall ne fait pas l'éloge des excès de boisson mais pour lui il y avait dans la peinture quelque chose de l'extase qui est un arrachement à l'état ordinaire

Chagall était ivre d'images, de sentiments et d'idées

L'artiste n'a pas la tête froide. Il y a entre le buveur et l'artiste une connivence proclamée par Baudelaire

Le couteau évoque la violence de la création : le  naturel n'est qu'une illusion créée par l'artiste


Chagall veut exprimer l'irruption de l'imaginaire et des passions dans le monde quotidien des objets familiers


Le Saoul, sous l'empire de l'alcool perd la tête

Ce désordre des sens se traduit par une agressivité angulaire manifeste dans les objets (couteau, bouteille) et dans le contraste jaune-rouge de la couleur taillée par de grandes diagonales

Chagall commence à désarticuler le corps dans un défi permanent aux lois de la pesanteurt

Le Poète, Half past three - 1911


En 1910 quand Chagall arriva à Paris le cubisme apparaissait comme l'avant-garde

Une vision du monde ne reposant ni sur la profondeur de la perspective ni sur son aplanissement


Un homme à sa table écrit en même temps qu'il porte une tasse à ses lèvres

Une bouteille se penche vers lui

Un couteau, une fourchette et deux boules dont on peut penser que ce sont des fruits

Un chat vert tire la langue


Application dans une lumière éclatante du principe cubiste de la confusion des plans

Mais le tableau ne se réduit pas au cubisme : la tête verte est posée à l'envers et le chat vert qui tire la langue c'est du pur Chagall de Vitebsk

Métaphore du poète qui n'a pas la tête sur les épaules

La tête est liée à la bouteille car la poésie est fille de l'ivresse

La toile perd sa matérialité grâce à la transparence des plans subtils

Les signes symbolisant les objets sont aplatis sur la surface plane

Rouge actif sur lequel s'ordonne la zone de la table

Mobilité dynamique des diagonales


Le couteau roule entre les deux formes sphériques; la fourchette se tord vers le haut; la bouteille bascule et s'éloigne dans les airs

Bleu méditatif assigné au personnage

Zone bleue verticale

Gestes calmes : le bras qui guide le crayon et le bras replié qui tient la tasse

Architecture transparente de la silhouette bleue qui exprime quelque chose de solennel et de méditatif

La tête verte retournée ne repose plus sur le corps

Au vert de la tête répondent le chat et la boule sur la table

L'homme poète réfléchit, hors de soi

Le Saint Voiturier - 1911-1912


Les images surgies de l'inconscient ramenaient Chagall à sa patrie russe à Vitebsk

Il acceptait les épisodes drôles de ses souvenirs et voulait exprimer le côté fantastique de la réalité

Dans cette toile les teintes extrêmes sont refoulées : un blanc voilé, un vert olivâtre et un ocre sombre donnent l'accord fondamental

Le personnage tombe du haut de la toile et glisse sur la surface enneigée comme un traîneau

Le tableau fut par erreur accroché à l'envers et Chagall touché par l'apparition inattendue de cet ange profane accepta cette présentation et la conserva

Si nous retournons la toile le motif devient visible. Chagall travaillait ses tableaux dans tous les sens

Le lecteur inspiré pénètre, la tête la première, dans la froideur du monde comme un prophète possédant la fougue de la jeunesse, derrière lequel flotte, éloigné, le rouleau d'écritures saintes et la flamme de sa petite couronne monte vers l'église qui garde la foi

Hommage à Apollinaire - 1911-1912


Guillaume Apollinaire défendait en 1911 par ses critiques d'art les peintres que l'on disait "cubistes"

Il écrivait "Le cubisme est ce qu'il y a de plus élevé dans l'art français"

Il défendait aussi le naïf Douanier Rousseau qui se tenait à l'écart du mouvement moderniste

Il fut séduit par ce qu'avait Chagall de primitif

Apollinaire qualifiait d'orphistes les peintres comme Robert Delaunay qui peignent "des ensembles nouveaux avec des éléments empruntés non à la réalité visuelle mais entièrement créés par l'artiste"

Une autre voie artistique : le futurisme dont le souci principal était la représentation du mouvement

Hommage à Apollinaire se situe à la croisée de ces différentes voies artistiques

"La roue-cadran sur laquelle sont inscrits quelques chiffres apparaît comme un élément dynamique marquant la fuite du temps et le couple devient lui-même partie intégrante d'un mécanisme d'horlogerie"

Le couple central c'est l'être double composé d'Adam et Eve qui  n'ont acquis leur identité qu'au prix d'une séparation originelle et qui sont destinés à  ne faire "qu'une seule chair"

La pomme dans la main de la femme les identifie

En bas à gauche se trouve la déclaration d'amour aux poètes transcrite naïvement au moyen d'un coeur percé d'une flèche

Chagall associe à l'hommage l'écrivain Blaise Cendrars qui suggéra à Chagall plusieurs titres pour ses tableaux, l'éditeur, le mécène et marchand de tableaux allemand Herwarth Walden et le publiciste Ricciotto Canudo, admirateur de la première heure

La cueillette du fruit à l'arbre de la connaissance a arraché l'homme et la femme à l'éternité pour les plonger dans le temps, qui n'est autre que l'attente du Messie, dont la venue sera la fin de l'histoire humaine, le retour à l'éternité

Toute la scène du paradis a disparu, seul est resté le symbole du péché originel : la pomme

Grand et dressé suivant la verticale médiane, comme la flèche d'une horloge, apparaît le premier couple humain se séparant dans la région du sexe

Il est exceptionnel que Chagall réduise ses personnages à des silhouettes désincarnées

Le grand cercle dérive de la forme spiralée du serpent tentateur

Là où les sexes se séparent se croisent non seulement les diagonales qui sont la base de toute la construction mais là aussi commence la spirale qui en lentes circonvolutions va s'achever dans un cercle

Le cercle fait face à l'observateur comme le cadran d'une horloge

Le cercle est l'image de la totalité et de la fuite éternelle du temps

Par le péché originel l'homme quitta l'éternité où le temps n'existe pas. Son horloge du destin, le temps, commença à battre

Avec la séparation des sexes débute la suite des générations, scandée par la naissance et la mort, comme la fuite du temps l'est par le tic-tac de l'horloge

L'image de l'horloge est très  présente dans l'oeuvre de Chagall

A l'endroit où doit sonner le 12 il insère son propre  nom

Les couleurs dorées et argentées s'imposent à la surface par leur fermeté

Le poète Mazin - 1911-1912


Mazin faisait partie des amis poètes de Chagall. Il logeait à La Ruche et passait souvent chez Chagall

Chagall l'a peint timide, le visage mélancolique, le front puissant, assis à la table en savourant son café, avec posé sur ses genoux un livre, attribut du poète

La Ruche était un ensemble d'ateliers très bon marché près des abattoirs de Vaugirard et groupés autour d'un bâtiment en bois à douze côtés dont la forme explique le nom qui lui fut donné

A l'origine pavillon d'exposition, la construction avait été transportée par un mécène parisien qui l'avait mise à la disposition des artistes

Chagall y habita du début de 1912 jusqu'à son départ en mai 1914

Il n'avait pas beaucoup de fréquentations

Le vendredi soir il voyait chez Canudo de jeunes artistes

Il était parfois invité chez Robert et Sonia Delaunay

Il travaillait surtout la  nuit

Pendant la journée il visitait des musées et se promenait à travers les quartiers de Paris

Ses compatriotes vinrent le voir :

- le député Vinaver qui lui avait remis sa bourse

- Lounatcharssky, plus tard commissaire à la culture

A cette époque les portraits n'intéressaient guère Chagall. Ce tableau est le produit du hasard, inspiré par la silhouette émouvante du poète, assis à sa table, l'air égaré

Le peintre recule tout au bord de la toile le coin de table blanc, agressif et le cadre rigide

Le poète est comme retiré dans l'espace sombre

Golgotha - 1912


La culture de Chagall s'était élargie hors de la tradition juive dans laquelle il a reçu sa première formation

Il a étudié les chefs d'oeuvre du grand art catholique

Lui, le juif dogmatique, a eu besoin de se mesurer au thème central de l'art d'occident en donnant sa propre version du calvaire

Chagall "J'ai voulu représenter le Christ en enfant innocent ...J'ai essayé de me libérer du mode d'expression des icones et de l'art russe en général"


Chagall a toujours vénéré le personnage du Christ

Il voyait en lui l'être qui par amour prenait sur lui sa propre mort

Il représente la souffrance du croyant qui conserve l'espoir en l'amour de Dieu

Image déconstruite suivant le modèle cubiste

Deux scènes sont disposées comme un collage : un homme en barque et un autre portant une échelle

Absence de croix pour soutenir le Christ, imberbe, plus enfant  qu'adulte

Des cercles et des arcs dessinent une surface cosmique en mouvement

Accord donné par les tons sombres du rouge et du vert

Le rouge est attribué à la zone terrestre.

La zone céleste est verte

Un lumière jaune clair touche la mer et le bateau

Le vert de la zone céleste coule doucement jusqu'au bras de la petite silhouette féminine debout à droite de la croix qui libère un sein gauche

De la zone rouge surgit la  gigantesque silhouette prophétique d'un homme se lamentant en costume oriental

Bleu spirituel de l'Enfant Jésus qui flotte dans les airs

Ce bleu se reflète dans la voile du bateau

A droite un homme difforme en costume oriental emmène son échelle


En Jésus, ce juif qui avait accepté le martyre sans pour autant désespérer il donnait une image symbolique de la condition tragique de l'homme dans un monde où la souffrance est ordinaire mais qui est racheté par l'amour, la foi et l'espérance

Ce pourrait être une allégorie du destin du peuple juif toujours sacrifié mais illuminé de la joie mystique qui est l'apport du hassidisme

Ce tableau a choqué des juifs fidèles au judaïsme

La représentation du Christ en croix ne figure pas dans le judaïsme

Rupture avec le judaïsme et les avant-gardes de 1912 qui ne cherchent pas à réactiver la tradition d'une peinture religieuse

Chagall ne se souciait pas de telles critiques

Au cours de sa carrière Chagall refuse d'adhérer aux mouvements artistiques dominants de son temps

Chagall propose un cubisme d'une tradition picturale autre que cézannienne

Chagall veut concilier son héritage juif et russe avec les formes modernes de l'art


Adam et Eve - 1912


En 1912 le cubisme est à son apogée. Les peintres cherchent à adapter à leur vision personnelle les recherches formelles de Braque et Picasso

Cette grande composition (162*114) s'inscrit entre cubisme et futurisme

Ce tableau fut remarqué par Apollinaire "sérieuses qualités de coloris"

Les deux corps diffractés en multiples plans tendent à se dissoudre et à se confondre avec la totalité de la surface du tableau

Les figures d'Adam et Eve sont développées en écailles de plans colorés et forment une tresse avec le tronc de l'arbre

Dans les marges du tableau des chèvres, un oiseau et des feuilles et des fruits traités de façon réaliste

Ces éléments opposent au sérieux de la déconstruction cubiste de l'image une sorte de fantaisie

Chagall se sert du cubisme comme on se sert d'un style d'époque sans vouloir réellement y adhérer

Sur le même thème biblique Chagall a réalisé "Hommage à Apollinaire" où Adam et Eve sont représentés unis avec un seul corps en deux torses

La Prisée - 1912


Avec La Prisée Chagall veut restituer l'atmosphère particulière de la spiritualité juive centrée sur la lecture du Livre et des commentaires

La puissance lumineuse et chaude du jaune qui tire son éclat du noir sévère de l'habit du personnage, un rabbin, contribue à créer un climat de ferveur et de recueillement

Pourtant le geste trivial de la prisée semble démentir l'instant religieux

Mais ce serait méconnaître l'aspect vivant et charnel de la lecture du Talmud comme si en respirant le tabac l'homme se pénétrait de la saveur du texte

Cette vision a frappé l'enfant Chagall qui plus tard dans ses mémoires évoquera son père "se tournant vers ses voisins pour leur demander  de garder le silence pendant la prière, ou leur demander une prise de tabac"

L'impression hébraïque au centre de l'étoile de David signifie "la Vie"

Le texte visible sur le livre ouvert au premier plan a été identifié comme étant du yiddish

Autoportrait aux sept doigts - 1912-1913


Né le 7 juillet 1887 Chagall se sentait marqué par le chiffre sept

Installé au début de l'année 1912 à La Ruche, Chagall, s'il peint à Paris, son coeur et son esprit sont tournés vers la Russie où l'attend Bella

Dans son dos à travers la fenêtre Paris avec la Tour Eiffel, emblème de la modernité, flanquée d'un petit parachutiste atterrissant


Devant lui, nimbées dans le  nuage de la nostalgie, l'église et les maisons de Vitebsk

Entre les deux le nom des deux villes inscrit en hébreux

Vitebsk, ville de sa naissance et Paris, ville de sa naissance à la peinture

L'activité artistique apparaît comme la possibilité de surmonter son déchirement existentiel

La toile A la Russie posée sur le chevalet semble dire qu'il n'est d'autre sujet à traiter que la mère nature

Il passe de la peinture néo-futuriste du chevalet au cubisme de son autoportrait


Mais lui Chagall a revêtu le costume cubo-futuriste ce qui indique que son visage d'artiste novateur s'est révélé au contact des avant-gardes parisiennes

Ce tableau affirme la capacité de l'artiste à transfigurer la réalité, transfiguration qui touche la main du créateur dont le pouvoir semble démultiplié

En yiddish faire quelque chose "mit ale sibn finger" ("avec tous les sept doigts") c'est mobiliser toutes ses facultés rationnelles et irrationnelles




La couleur rassemblée sur la palette compose un tableau

Tête et palette se répondent par leurs formes et leurs taches colorées

Curieusement Chagall semble peindre de la main gauche alors qu'il est droitier

Chagall  n'a aucun pinceau entre ses sept doigts et sa main gauche semble caresser le tableau


Chagall crée un médaillon dans le tableau renvoyant vers un autre espace et un autre temps à la façon des icones russes

Il veut faire entrer dans ce qui est statique (la surface d'un tableau) la dynamique de ce qui se déroule dans le temps

Il y a emboîtement de représentations :

- du peintre

- du peintre qui peint "A la Russie"

- du peintre qui peint "A la Russie" en pensant à Vitebsk

- de l'atelier du peintre qui peint "A la Russie" en pensant à Vitebsk


Le soldat boit - 1911-1912


A Paris Chagall exploitait la thématique russe

Ce soldat est bien russe ainsi que cela se voit à son uniforme, attablé devant un samovar dans une pièce d'où l'on voit à l'extérieur une isba

Scène simple et réaliste


Le soldat en tenue de sortie, ceint du sabre qui le rend fier de son métier, est représenté en buste devant un comptoir

Son visage rouge à la moustache retroussée fixe le spectateur avec une expression hâbleuse

Le personnage souligne son importance par des gestes martiaux : il frappe sur la table, commande un autre verre et s'échauffe si bien que sa casquette se soulève dans l'élan de sa vantardise


Le samovar fonctionne sur la table et le petit couple montre que le héros se vante d'aventures galantes

Le petit Chagall doit voir à l'auberge ces héros villageois et ces Casanovas de faubourgs

Réseau simple et clair de verticales et d'horizontales dans lequel s'inscrit la façon de voir normale de l'homme

Chagall a beaucoup retenu du cubisme pour construire son tableau et déformer les objets

Le futurisme, en dégageant la couleur du réalisme de la représentation, a permis aux peintres de créer des symphonies violemment contrastées


Exaltation de la couleur car l'art  populaire russe n'était pas chiche d'excès chromatiques

Chagall se joue des proportions des différents éléments qu'il associe

Le petit couple qui danse sur la table est l'exemple de la technique narrative utilisée dans les illustrations provenant de gravures sur bois qui étaient en Russie ce que les images d'Epinal étaient en France

La vie à Paris devenue confiante a facilité ce pas vers la réalité


Le marchand de bestiaux - 1912


Il arrivait à Chagall enfant d'accompagner son oncle Neuch en carriole au marché pour aller guérir quelques animaux

Le marché était un monde animé où des jeunes filles souriantes donnaient des bonbons au petit garçon

En 1922 Chagall doit constater la disparition de tous les tableaux qu'il avait laissé soit à Paris soit à Berlin

Mais ce "Marchand de bestiaux" réapparut

Belle ampleur décorative (97*200)

Très tôt Chagall rêva de peindre des murs

Un tableau de dimension monumentale pouvait permettre  d'espérer la décoration d'un bâtiment public

Image puissante dans son agencement de couleurs et de lignes

Image moderne mais parfaitement lisible par tout un chacun

Le Violoniste - 1912-1913


Chagall découvre les artistes de la rue lors des fêtes et des cérémonies religieuses à Vitebsk

Le violoniste accompagne de son instrument chaque étape de la vie des membres de la communauté juive

Il devient un personnage symbolique, l'accompagnateur de la destinée humaine

Ce tableau présente l'artiste en mouvement

Le musicien démesurément grand est placé au centre et danse

Il bat la mesure en tapant avec sa botte sur le toi d'une minuscule maisonnette de bois


Chagall anime l'ensemble du tableau au rythme imposé par le musicien en jouant avec les couleurs : en effet les tonalités utilisées pour le paysage répondent à celles choisies pour le violoniste

Le contraste entre le blanc de la neige et la couleur sombre des isbas fait écho à celui du manteau du personnage

Le vert du visage, le bleu de la barbe, le rouge du chapeau et le jaune du violon se retrouvent dans le paysage

Le vert est chez Chagall la couleur de la transe et de l'hallucination


Le dynamisme de l'attitude du musicien est accentué par la déconstruction à l'aide de formes géométriques

L'église et les maisons indiquent le village

Le vaste champ de neige s'étale

Des maisons délimitent l'espace devant le ciel sombre

Un enfant doré portant une auréole flotte sur un fond bleu

Ordonnance de la toile fondée sur le noir et le blanc

Le personnage est le symbole du lien entre le ciel et la terre : il pose un pied sur une colline ayant la forme d'un globe terrestre et la tête est dans les nuages

Un arbre féérique est habité par des oiseaux

Un trio de personnages minuscules lève des regards étonnés vers l'imposant violoniste

Tous les réalismes s'insèrent dans l'espace poétique du tableau

Pour le peintre le violoniste représente aussi le personnage de l'artiste, individualité vivant dans la solitude et communiquant avec les forces de l'au-delà


La musique permet la communion de tous les éléments et la communication avec le divin

Le Violoniste - 1911-1914


Chagall connut la musique avant la peinture

Conformément à la tradition juive la musique avait au shtell (village) un droit de cité culturel que n'avait pas la peinture

Le crincrin du violon était de toutes les fêtes et souvent dans la rue

Il chantait la joie contrairement à la nostalgie tsigane

Ce violoniste naïvement dessiné joue sa musique devant une isba, écouté par deux femmes schématiques

L'image tient de l'imagerie populaire telle qu'on la trouvait sur les enseignes à l'époque où lui-même peignait des enseignes

Un enfant suit le musicien casquette à la main mais semble plus attentif à la musique qu'à une recette éventuelle

Chagall enfant avait des dispositions pour le violon dont il jouait bien

Il avait aussi une jolie voix pour être requis à la synagogue auprès du rabbin

Mais la peinture prit possession de lui quand piqué au vif par l'exemple d'un camarade il se mit à copier des illustrations prises dans un livre

Chagall peindra d'autres versions du violoniste


Femme enceinte ou la Maternité - 1912-1913


Ce tableau s'inscrit dans la tradition de l'art populaire russe qui met en scène  "un sujet central omniprésent entouré de scènes aux objets et aux personnages miniaturisés"

La figure de la femme enceinte aux proportions peu réalistes et au dessin approximatif, avec cette vision de l'enfant qu'elle porte en elle, semble être née du pinceau d'un artisan anonyme ainsi que le paysan avec son boeuf attelé et que la chèvre céleste

Plus de nouveauté dans le traitement du fond avec le ciel rouge, les deux isbas et le visage du soldat

Le visage de la femme se montre à la fois de face et de profif

La future mère a-t-elle deux visages parce qu'elle a deux amants ?

Du paysan ou du soldat qui est le père de l'enfant ?

Chagall à Paris s'est montré plus russe qu'il ne l'était en arrivant  et plus russe que juif

On pense aux poupées russes en forme d'oeuf qui s'emboîtent les unes dans les autres


La Maison brûlée - 1913


Ce tableau montre dans un raccourci cubique simple une maison apparemment bien assemblée qui laisse voir les chevrons à travers son toit

Elle est située au sommet d'une colline, au bord d'un précipice et sa silhouette aigüe se dessine sur le ciel

Un large passage rouge foncé assure sa position et tire un trait ferme devant l'abîme

Au sommet de la colline une surface aux touches multicolores. Derrière elle un morceau bleu de firmament voile l'ardeur du soleil

Une femme surgit là comme une apparition lunaire et lève les yeux vers la maison

Des paysages colorés de rouge ardent, de blanc brillant et de jaune tranchant sont soufflés sur la zone du ciel comme des gerbes de flammes

Un cheval vert se précipite dans la lueur du brasier avec sa charette sur laquelle est assis un paysan aux gestes extatiques

Un homme sort de la maison et emporte son bien dans un récipient

Cette vision traduit les évènements (nous sommes en 1913) et le pressentiment de la guerre

Au mois de mai 1914 Chagall partit pour Berlin pour la première grande exposition de ses oeuvres. Il continua son voyage pour revoir sa fiancée Bella et sa famille à Vitebsk

Mais la guerre éclata et le retint en Russie jusqu'en 1922

Paris à travers ma fenêtre - 1913


Arrivant à Paris après quatre jours passés dans le train Chagall se trouva plongé dans un nouveau monde

Mais Chagall fut rapidement chez lui à Paris qui l'a adopté ce qui lui confère une double appartenance

Il n'allait pas poser son chevalet ici ou là

Il recomposait et inventait un nouveau Paris

Tableau où s'associent divers signes :

- un ciel transformé en grand drapeau bleu, blanc, rouge

- une Tour Eiffel évanescente d'où semble descendre un parachutiste (façon rationnelle de voler)

- un métro-jouet, les roues en l'air, qui fait allusion au métro sous-terrain

- un chat à tête humaine (souvenir des salles égyptiennes du Louvre)

- deux petits personnages flottant dans une brume qui monte de la Seine

- un personnage à double tête qui tient un coeur dans sa main : une face tournée vers Vitebsk, l'autre vers Paris et le coeur, signe de l'amour qui le liait à Bella


Structure binaire de l'univers chagallien qui fait se rejoindre le rêve et la réalité, le présent et le souvenir, l'humain et l'animal, le visible et l'invisible

Chat à tête d'homme en équilibre sur le rebord de la fenêtre et qui veille à la frontière entre le dehors et le dedans


MARC  CHAGALL  1/7

ACCUEIL


VOYAGES


PEINTRES


ECRIVAINS


CURIOSITES


HISTOIRE


Suivant (droite)

Première Page  CHAGALL

ACCUEIL


VOYAGES


PEINTRES


ECRIVAINS


CURIOSITES


HISTOIRE


Suivant (droite)

Première Page  CHAGALL