PAYS DE COCAGNE
PAYS DE COCAGNE
Trois hommes sont vautrés par terre au pied d’un arbre autour duquel
se déploie une table magnifiquement garnie
Un paysan dort sur son fléau ; un soldat
s’est assoupi sur sa lance ; un ecclésiastique et couché sur le dos la bouche ouverte
comme s’il attendait que la manne lui tombe du ciel
Pays de cocagne :
Murs de riz au
lait
Les oiseaux tombent tout cuits dans l’assiette
Les cochons rôtis se baladent avec
un couteau dans le dos
Cactus en forme de tartes
Maisons en pain d’épices et gaufres
Voulait-
Voulait-
L’œuf brisé affublé de pattes dans lequel est planté
un couteau est-
Pour avoir accès à ce pays d’abondance il
faut se creuser un passage en mangeant de part et d’autre une montagne de riz ; c’est
ce que vient de faire le personnage vêtu de rouge et de bleu à droite du tableau
Après
il n’est plus nécessaire de travailler : la nourriture viendra courir autour de vous
Le
chevalier s’est assis sous un toit d’où les crêpes tomberont d’elles mêmes dans sa
bouche
Ce qui caractérise le style de la dernière période de Bruegel c’est le choix
rigoureux des personnages qui ici ne sont que quatre au lieu d’une multitude
Les ventres,
les dos, les jambes, la table, les têtes : tout est rond
Il n’y a pas un brin d’air
qui puisse apporter un soulagement à ce gavage
C’est le règne absolu de l’estomac
plein
LES MENDIANTS
LES MENDIANTS
Petit format de 18*21
Un groupe de cinq culs de jatte ; quatre donnent
l’impression de vouloir attendrir le spectateur en exhibant ostensiblement leur handicap
Un
estropié semble se plaindre avec force, deux autres conversent, deux autres tournent
le dos au spectateur
Les cinq victimes sont réunies dans ce qui paraît être la cour
d’un hôpital ; une vieille femme, sans doute une infirmière, s’éloigne vers la droite
avec une jatte à la main
Il faut se garder d’interpréter une telle accumulation de
misère en termes modernes de sympathie et de pitié
L’horizon est bouché ; c’est souvent
le cas dans ses dernières œuvres
Au fond écran de verdure tout en pointillé
Les queux
de renard dont les mendiants se paraient lors de leur fête annuelle évoqueraient
les « gueux » du côté desquels Bruegel se rangerait
L’utilisation du mot « gueux »
par les adeptes de la Réforme date du compromis des Nobles de 1566
Les queues de renard
seraient aussi l’insigne qu’arboraient les lépreux au cours de leur défilé traditionnel
pendant le Carnaval
La mitre en papier est une évocation satirique des évêques de
l’église catholique
Même groupe de mendiants dans le Combat de Carnaval et Carême
Univers
en marge de la société dans lequel les paysans dansant ont cédé la place aux mendiants
éclopés qui montrent une autre facette de la société
La tendance à assimiler le vice
corporel au mal était forte
Au 16ème siècle on acceptait l’idée qu’un estropié fût
un gredin
Le large modelé de la forme suggère le ciseau d’un graveur de bois qui se
serait attaqué à des blocs humains
LES MENDIANTS
LE MISANTHROPE
Le visage caché sous une capuche ne laisse entrevoir que le long nez
et la barbe blanche
Plongé dans ses pensées il ne se rend pas compte qu’une étrange
créature est en train de lui substituer sa bourse ; ce voleur habillé d’un globe
est le symbole du monde
La légende dit : « je porte des habits de deuil car on ne
peut se fier au monde »
Cet homme fuit le monde et les hommes qui à ses yeux ne valent
rien et le voleur confirme sa vision pessimiste du monde
La bourse à la forme d’un
cœur car le proverbe dit « où il y a de l’argent il y a un cœur »
Il dénonce tout
ce qui ne tourne pas rond sur cette terre tout en ayant lui-
Cette œuvre nous donne une image peu flatteuse de l’être humain
Format rond
unique chez Bruegel
Seule peinture sur laquelle se trouve une explication littéraire
Le
berger fidèle, à l’arrière plan, est placé au-
LES MENDIANTS
LA PARABOLE DES AVEUGLES
Six aveugles dans un paysage brabançon forment une file indienne
et se tiennent par l’épaule ou se raccrochent à une même canne pour ne pas perdre
le contact
Proverbe biblique : « lorsqu’un aveugle conduit un aveugle, ils se retrouvent
tous les deux dans le même trou » (St Mathieu)
Les yeux levés vers le ciel des 3ème
et 4ème aveugles nous font constater qu’ils ne peuvent apercevoir ce qui se passe
devant eux et qu’ils vont partager le sort de ceux qui les conduisent
L’artiste veut
peut-
Les aveugles fendent la toile en diagonale, perturbant la sérénité que
respire le paysage
Belle diagonale descendante formée par la tête et les bras des
victimes
Autre diagonale formée par les corps inclinés eux-
Les verticales des
arbres et de l’église accentuent l’impression de chute
Retenue de Bruegel dans l’emploi
des couleurs fortes et préférence pour les teintes délicates : mauve, gris, vert
atténué et brun foncé
LA PIE SUR LE GIBET
LA PIE SUR LE GIBET
Un gibet sur lequel est perchée une pie
Les pies incarnent les
commères et les mauvaises langues que Bruegel aurait eu en horreur
Paysans qui dansent
et accourent pour participer aux réjouissances
Le gibet serait une dénonciation de
la persécution des réformistes
Les paysans faisant la fête seraient l’incarnation
de la joie de vivre de l’homme qui parvient à surmonter les coups durs et à vaincre
la mort
Bruegel renoue avec les paysages panoramiques même si la scène est circonscrite
par des arbres
Un proverbe flamand dit : « faire pendre quelqu’un par des racontars
sur son compte »
Le moulin à droite est une autre évocation du bavardage
Les propos
des bavards sont sans valeur de vérité, « de la merde », nous dit l’homme en bas
à gauche
Touche pointilliste dans ce paysage frais et la façon de traiter l’infiniment
petit en suggérant l’espace infini
LE DENICHEUR
LE DENICHEUR
Bruegel réalise cette œuvre un an avant sa mort
Les montagnes ont cédé
la place au plat pays et la multitude des petits personnages à deux protagonistes
peints en gros plan
Multitude de petits pointillés qui captent la lumière
Un paysan
corpulent montre du doigt un chenapan qui s’apprête à chiper un nid mais il ne voit
pas que lui-
Le paysan représente un certain
type de vertu mais Bruegel semble souligner devant le ruisseau que le « pharisaïsme
» ne paie pas
Les formes et teintes délicates du paysage forment un contraste parfait
avec la forme lourde du paysan.