Van Gogh     NUENEN  2

Les paysans augmentaient leurs revenus en tissant lorsqu'il n'y avait pas de travail aux champs

L'industrialisation avait été introduite dans le Brabant mais Vincent préfère dessiner les vieux métiers à tisser utilisés depuis plusieurs siècles


La structure complexe du métier à tisser qui encombre toute la pièce de la maison du paysan fascine Van Gogh


Il écrit à son ami Van Rappard

" Tout ce que je voulais exprimer tient en ceci : ce monstre de chêne, noir et encrassé, et toutes ces baguettes offrent un contraste saisissant avec l'atmosphère grisâtre qui les entoure et, au centre, est assis un singe sombre, un gnome, un fantôme qui fait claquer ses baguettes du matin jusque tard dans la nuit. J'ai indiqué sa position en ébauchant une sorte de fantôme de tisserand, là où je l'avais vu assis ... J'ai peu prêté attention aux proportions des bras "


Vincent a évoqué avec émotion le souvenir du tisserand qui lui avait donné une vieille lampe qui ressemble à celle figurant dans "La Veillée" de Millet

Quand il est rentré chez ses parents Van Gogh a reçu un accueil réservé en raison de son style de vie non conventionnel

Il s'est senti oppressé comme un tisserand comme un tisserand cloué sans espoir à son métier encombrant

Ce dessin à la plume avec un bébé dans sa chaise haute montre un tisserand au travail isolé à son métier qui va transmettre son destin à la nouvelle génération représentée par le bébé dans sa chaise

La chaise le protège et l'emprisonne

Par la fenêtre on voit l'église et son clocher dressé comme un index qui peut exprimer le rejet par Van Gogh de l'étroitesse de vue de la tradition chrétienne


Vincent "Je suis en train de peindre un vieux métier en chêne. Il est placé auprès d'une fenêtre qui donne sur un petit champ. A côté du métier un enfant, assis sur sa chaise haute, regarde les mouvements de la bobine pendant des heures d'affilée"

N'ayant pas eu le courage d'entrer dans l'atelier de Jules Breton il écrit à son frère "Je ne le regrette pas car j'ai vu des choses intéressantes et on apprend à voir d'un autre oeil dans les rudes épreuves de la misère ...C'était la trop longue et la trop grande misère qui m'avait à ce point découragé que je ne pouvais plus rien faire. Une autre chose que j'ai vu lors de cette excursion, c'est les villages des tisserands... Je sens pour eux une grande sympathie et me compterais heureux si un jour je pourrais les dessiner en sorte que ces types encore inédits fussent mis à jour"

Dans cette toile s'exprime le sentiment moralisateur : fenêtre ouverte sur la tour du cimetière de Nuenen et paysanne penchée dans les champs

Cette toile exprime son amour pour les humbles, sa religiosité profonde et un vague espoir de rédemption grâce au travail pour soulager les consciences du mystère de la tombe

Il envisage son destin de façon lucide "L'isolement est une situation fâcheuse, une sorte de geôle. Je ne puis encore prédire si ce sera mon sort ni à quel point... Je me plais souvent mieux en compagnie des tisserands que dans un milieu cultivé. Et je m'en félicite"

"Il est malaisé de dessiner ces gens, car on ne peut se placer à une distance convenable dans des pièces exigües... Elle est très sombre car les tisserands sont des gens miséreux"

Dans un recueillement silencieux le tisserand se consacre à son travail

Il se sait assuré par une puissance plus haute qui se présente au point de fuite de la construction en perspective

Il présente la tourelle comme une instance pouvant ancrer l'existence humble et pauvrette d'un simple tisserand

Dans cette plume et encre de chine Van Gogh aborde son motif de près


Vincent décrit les tisserands qu'il a rencontré à Nuenen comme "de petites gens misérables de pauvreté"

"Ils sont très différents des autres ouvriers et artisans"

Il est touché par leurs "visages rêveurs, absents comme ceux des somnambules"


Les tisserands formaient un quart de la population de Nuenen

Il les représente à leur métier, maniant leur rouet ou leurs bobines


Avec cette plume et encre de chine, Vincent aborde son motif de près

Visage tendu du tisserand

Lèvres pincées en signe de concentration

Les gestes des mains accompagnent la naissance de la toile


Analogie avec le chevalet du peintre de cette surface géométrique marquante

Tisserand tourné vers la gauche avec rouet


Van Gogh donne à l'atmosphère de travail un caractère journalistique où il ne s'engage pas personnellement


Lumière diffuse et claire

Portrait en détail de l'ensemble des appareils


"J'ai caractérisé à l'aide de griffonnages et taches, une sorte de silhouette de tisserand là où je le voyais assis"


Vincent avait 150 francs par mois à sa disposition, trois fois plus que ce qu'une famille de tisserands pouvait réunir. Il payait les ouvriers pour poser

En 1880, cruellement mortifié par l'échec de sa carrière de prédicateur, Van Gogh parcourut presque 70 kms à pied pour se rendre à Courrières, sur la frontière franco-belge, afin d'y rencontrer Jules Breton, un des paysagistes de l'Ecole de Barbizon qu'il admirait

Déconcerté par l'aspect bourgeois et rangé de la maison de l'artiste il renonça finalement à cette entrevue mais son voyage eut un effet inattendu car il vit dans le village de nombreux tisserands et fut frappé par le rapport de grandeur entre les mécanismes et les hommes qui y travaillaient

Van Gogh a réalisé une série d'études de tisserands sur le métier

Il trouvait dans le labeur plein d'attention du tisserand une similitude avec son propre travail


Avec beaucoup de dignité le paysan est assis au métier qui remplit l'espace d'une façon monumentale avec sa structure opaque construite toute de verticales et d'horizontales

Il place "le monstre noir de bois de chêne foncé" au premier plan

On reconnaît à peine le tisserand dans l'ensemble des poutres et des lattes. Aucune lumière n'éclaire sa face, aucun reflet de couleur ne le détache de la masse brune du bois

Il aime peindre une pénombre où jouent des clartés dans une tonalité brune dominante qui donne à l'ensemble un effet mystérieux

Les relations des clairs et des sombres sont finement étudiées : tons froids de la pièce de toile avec les tons plus chauds du fond, froid lui-même à côté du brun du métier


Beauté des gris de la lampe à droite qui contrastent avec le mur clair

De décembre 1884 à avril 1885 Vincent peignit plus de quarante portraits de paysans et paysannes


Il avait entamé cette série pour s'exercer mais son ambition fut stimulée quand Théo lui demanda des oeuvres pour le Salon de Paris

"Je n'ai ces derniers temps pratiquement rien fait d'autre que des têtes. Ce sont des études dans le sens propre du terme... Le temps viendra où je serai capable de composer directement. Et d'ailleurs il est difficile de dire où l'étude cesse et la peinture commence"


Vincent avait du mal à trouver des modèles et il lui fallait de l'argent pour les payer

En hiver c'était plus facile car le travail aux champs était terminé

"Ces têtes de paysannes d'ici coiffées d'un bonnet blanc, elles sont difficiles à rendre mais infiniment belles ... Surtout le clair-obscur - le blanc et une partie du visage à l'ombre - a une nuance si fine"

Paysanne au bonnet rouge

Les portraits de Van Gogh sont modernes et évoquent les primitifs par leur puissance réaliste, leur vitalité populaire et la force abrupte du graphisme

La valeur expressive des couleurs se substitue aux contrastes de clair-obscur

Même s'il s'est référé à Millet les portraits de paysans de Vincent sont nettement plus personnalisés

Travaillant à partir de manuels de dessin il se rendit compte qu'il était indispensable de travailler à partir de modèles vivants mais faute de pouvoir payer des modèles il fut contraint de dessiner sur le vif toutes les personnes qu'il parvenait à faire poser pour lui pour une somme modique

En hiver 1884/85 Van Gogh ne fait pas moins de quarante études de portraits de paysans de Nuenen

Il les appelle "têtes du peuple" à l'exemple des illustrations publiées dans la revue anglaise "The Graphic" et dont  le titre était "Heads of the people"

Ces études lui permettront de devenir portraitiste comme il en a l'ambition

"Les portraits sont de plus en plus demandés, et il y a tant de peintres qui ne s'y connaissent pas ... Moi, je veux apprendre à rendre le caractère d'une tête"

Van Gogh avait l'ambition d'utiliser le noir comme une couleur et cette étude de tête illustre cette recherche d'une couleur noire qui soit particulièrement intense

La tête est placée sur un fond noir ce qui met en relief les tons de chair du visage


L'essentiel pour Vincent n'était pas de faire un portrait d'une ressemblance frappante mais plutôt de faire ressortir les traits caractéristiques de ses personnages, technique qu'il admirait dans les portraits de Daumier


Il recherchait " des visages frustres et plats au front bas et aux lèvres charnues, pas des têtes fines mais plutôt rondes"


Il avait du mal à trouver des modèles et il lui fallait avoir de l'argent pour les payer

En hiver c'était plus facile car le travail aux champs était terminé

Le modèle est le frère de Gordina de Groot

L'essentiel pour Vincent n'était pas de faire un portrait d'une ressemblance frappante mais plutôt de faire ressortir les traits caractéristiques de ses personnages, technique qu'il admirait dans les portraits de Daumier


Il recherchait " des visages frustres et plats au front bas et aux lèvres charnues, pas des têtes fines mais plutôt rondes"


Il avait du mal à trouver des modèles et il lui fallait avoir de l'argent pour les payer

En hiver c'était plus facile car le travail aux champs était terminé

Cette gravure faite en avril 1885 constitue une phase intermédiaire de l'élaboration du tableau

Il voulait susciter les réactions de ses amis peintres

Il songeait à faire publier la lithographie dans la revue parisienne "Le Chat noir"

Les critiques faites par son ami Rappard sur la gravure le blessent à tel point que les rapports entre les deux artistes se détériorent fortement


"Que ceux qui veulent se représenter la vie des paysans sans peine ni tracas ne se gênent pas. En ce qui me concerne je suis absolument convaincu qu'on arrivera beaucoup mieux à les rendre comme ils sont vraiment en les peignant dans toute leur rudesse que d'en faire des figures pleines de douceur, comme on le fait d'habitude"


Dans son livre "La Terre", Zola avait exprimé le credo artistique de toute une génération : le naturel, la vie, la vérité sont des objectifs qui ne sont accessibles que grâce à la pureté modeste des gens simples.

On voit nettement la fumée qui monte des pommes de terre


Van Gogh "On aurait tort, selon moi, de donner à un tableau de paysans un certain poli conventionnel. Si une peinture de paysans sent le lard, la fumée, la vapeur qui monte des pommes de terre, tant mieux ! Ce n'est pas malsain. ... Un tableau de paysans ne doit pas sentir le parfum"

Cette toile est une préparation de la toile définitive

Impression d'une photo instantanée mais a-t-on besoin pour prendre son repas d'une coiffe et d'une casquette ?

Cafetière tenue parallèlement au sens du tableau alors que dans la version finale elle sera prise en main de telle sorte que le liquide coule vers l'avant créant une illusion spatiale


"J'ai esquissé le sujet sur une toile assez grande et lorsque je regarde cette ébauche ... ces paysans assis autour d'un plat de pommes de terre ... je crois bien qu'elle est pleine de vie"

Il se pourrait bien que ce tableau soit reconnu comme une véritable toile de la vie paysanne. Je sais que c'en est une.


Les personnages semblent former un cercle car ils sont groupés de façon asymétrique et se trouvent à des intervalles inégaux les uns des autres

L'ordre sans contrainte est souligné par la touche évoquant une esquisse ce qui donne à la toile un caractère dépourvu de prétention


"Je me suis vraiment appliqué pour suggérer que ces paysans qui mangent leurs pommes de terre à la lueur de leur lampe, ont labouré la terre avec ces mains qu'ils plongent dans leur plat; le tableau évoque donc le travail de leurs mains et l'idée du plat qu'ils ont gagné à la sueur de leur front. Il doit rappeler une tout autre manière de vivre que la nôtre, celle des honnêtes gens. C'est pourquoi je n'aspire pas à ce qu'il plaise à tout le monde"

Tableau le plus important de Van Gogh avant son départ pour Paris

Vincent a toujours considéré cette toile comme l'un des ses chefs-d'oeuvres

Les sujets paysans étaient très repandus dans la peinture du 19ème siècle en Hollande comme en France mais des peintres comme Millet en donnaient une interprétation romantique et souvent idéalisée

Van Gogh renonce à toute vision idyllique en créant une image d'une grande crudité et d'un grand réalisme

A l'intérieur d'une misérable cabane à l'espace étroit et dépouillé sont assises cinq personnes d'âges différents, réunies pour le repas du soir

La lumière hésitante d'une lampe à pétrole  met en relief les visages anguleux et les mains noueuses, reflets d'une fatigue quotidienne

Les personnages paraissent isolés, fermés sur eux mêmes

La fillette en contre jour qui nous tourne le dos exclut en fait le spectateur de la scène

Dans une lettre il explique qu'il a voulu donner "l'idée que ces petites gens, qui à la clarté de leur lampe, mangent leurs pommes de terre en puisant à même le plat avec les mains, ont eux-mêmes bêchés la terre où les patates ont poussé. Ce tableau évoque donc le travail manuel et suggère que ces paysans ont honnêtement mérité de manger ce qu'ils mangent"

La lampe à pétrole donne une atmosphère obscure et tranquille

La lumière recouvre toutes les personnes d'un brillant tremblant et fait une unité des silhouettes usées par le travail

Ayant réuni de nombreuses études en une composition unique le peintre n'a jamais vu ensemble les personnages qui s'ignorent mutuellement du regard

Ce tableau a été peint à Nuenen.

Le père de Van Gogh était un pasteur protestant et Vincent après avoir été évangélisateur a traversé une grave crise spirituelle au terme de laquelle il a choisi de se consacrer au métier d'artiste

Son attitude à l'égard de l'Eglise s'en est alors forcément ressentie et on a vu apparaître dans ses lettres son mépris envers l'hypocrisie de bon nombre de ses représentants

Ses rapports avec son père s'étaient fortement dégradés lorsque celui-ci mourut brutalement en mars 1885. Vincent fut profondément remué

Tableau peint un mois après la mort de son père


Le texte sacré (ouvert à la page d'Isaïe) - que Van Gogh avait commencé à traduire en quatre langues (pendant ses heures de travail de libraire) - s'étale gigantesque sur le plateau d'une table

A côté de la Bible est posée une chandelle (symbole de méditation) éteinte (allégorie de la mort) qui était une sorte de memento mori

Au premier plan à droite, roman de Zola "La  joie de vivre"


Ce tableau est une méditation sur la mort liée à la disparition du père

Il évoque l'importance de la religion dans la vie des deux hommes et la vie moderne qui faisait l'objet de vives discussions avec son père, Zola étant considéré comme un représentant progressiste de la culture de l'époque

Composition simple et puissante qui témoigne des progrès accomplis à Nuenen.


Il mit trois jours à exécuter ce tableau ce qui est long pour un artiste travaillant aussi rapidement


"Jamais je n'ai eu à ce point la conviction que je ferai des choses qui font bien, que je réussirai à calculer mes couleurs de telle façon que j'ai l'effet en mon pouvoir"


Un ami fut impressionné par "la paix douce et mélancolique de cette combinaison de couleurs"

Vincent offrit la toile à cet ami qui avait dit "ce machin est sacrément bien"


Une petite figure noire au fond à droite car il résistait rarement à la tentation d'ajouter une petite figure à un paysage

Les promeneurs donnent à ce tableau son véritable sens

Ils cheminent et symbolisent l'existence humaine comme un pèlerinage

Il peignit cette toile au cours des dernières semaines passées à Nuenen  et décrit cette allée comme "une vue du village derrière une rangée de peupliers"

Cette toile était pour lui un souvenir de Nuenen qu'il allait bientôt quitter

Ce qui importe dans ce tableau ce sont les couleurs lumineuses de l'automne

Van Gogh voulait développer une palette plus vive pour être à la hauteur des impressionnistes français dont il ne connaissait pas le travail

Son information - en novembre 1885 - se fondait sur la lecture de Zola, sur ce que Théo lui racontait et sur quelques reproductions en noir et blanc

Sa connaissance de la couleur restait essentiellement livresque et provenait aussi de l'étude des maîtres anciens qu'il admira dans les musées d'Amsterdam


Le fond maintenu dans un ton gris vert presque monochrome est rehaussé par les couleurs claires de la verdure des arbres et des feuilles mortes sur le sol et une intense raie blanche dans le ciel

Ce n'est qu'à Paris qu'il se révélera véritable coloriste

Ce tableau montre cependant que dès Nuenen il arrivait à maîtriser un coloris moins lourd

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