Van Gogh SAINT REMY
INTERPRETATIONS HOSPICE NUIT
Le lieur de gerbes -
Le graveur Adrien Lavielle a représenté dix scènes de la vie à la campagne d'après Millet
Van Gogh en a fait une série de dix tableaux de petit format
Frappé d'une crise en septembre 89 il copie des oeuvres de Millet pour trouver le réconfort dont il a besoin
Cette petite toile de 44 cm sur 32 cm présente le lieur de gerbes
Le bleu et le jaune y dominent : ce sont les couleurs que Van Gogh associe à la vie à la campagne
Pieta ( d'après Delacroix ) -
Pendant sa convalescence à Saint-
Il n'était plus croyant mais admirait le Christ comme l'exemple suprême du don de soi et de l'amour
En copiant Delacroix, Van Gogh traduit les lignes et les couleurs dans son propre langage
Il casse les silhouettes, multiplie les coups de pinceau visibles et accentue l'étendue des jaunes et des bleus
L'ombre des vêtements de la Vierge est d'un bleu sombre absolu, comme ses ciels les plus tempêtueux
Le linceul du Christ est par contraste d'un jaune blanchâtre recouvert d'ombres bleues
La même opposition du jaune et du bleu divise le ciel en deux grandes zones
Le rose et le vert dans la chair du Christ sont repris dans les rochers à droite
Les lignes de l'épaule gauche du Christ se rencontrent avec les lignes du sol
La fin de la journée ( La Veillée ou Soirée d'hiver ) -
Théo avait envoyé à Vincent des reproductions d'oeuvres de Millet
Vincent lui répond :
" Tu m'as fait un bien grand plaisir en m'envoyant ces Millet; j'y travaille avec zèle. A force de ne jamais rien voir d'artistique, je m'avachissais et cela me ranime. J'ai fini "La Veillée" ... elle est dans une gamme de violets et lilas tendres avec la lumière de la lampe à citron pâle, puis la lueur orangée du feu et l'homme en ocre rouge ... Il me semble que faire de la peinture d'après ces dessins de Millet, soit les traduire dans une autre langue plutôt que les copier"
Vincent fut frappé par le caractère profondément sacré de cette humble scène de la vie paysanne.
La lumière qui se diffuse magiquement à partir de la lampe posée sur le berceau donne une atmosphère religieuse à cette famille
Le mystère de la Sainte Famille semble redevenir actuel face à la simplicité d'une vie primitive en contact direct avec la nature, loin des sirènes de la civilisation corruptrice
Mais ces scènes libérées de tout lien avec le réel deviennent le miroir d'un esprit tourmenté à la recherche d'un moment de paix dans les bras d'un père protecteur
Les premiers pas ( d'après Millet ) -
Théo avait envoyé à Vincent une photographie d'un dessin de "Premiers pas" de Millet
"Plus j'y pense plus je me convaincs qu'il est juste d'essayer de reproduire les
oeuvres de Millet qu'il n'a pas eu lui-
" Je ne fais pas que copier, je traduis en un autre langage, celui de la couleur les impressions de lumière et d'ombre données par le noir et le blanc du dessin "
Scène rurale présentée dans une douce harmonie de verts légers qui annonce les paysages qu'il peindra à Auvers
Le Semeur ( d'après Millet ) -
A Saint-
A Théo " Je t'assure que faire des copies m'intéresse énormément et ainsi je garde contact avec la réalisation de figures, même si je n'ai pas de modèle en ce moment. De plus, cela fera une décoration pour mon atelier ou pour quelqu'un d'autre "
Il compare la réalisation de copies par un peintre à l'interprétation de Beethoven par un musicien
" A présent je suis malade et je cherche quelque chose pour me consoler pour mon propre plaisir. Je fais poser les noirs et blancs de Delacroix ou Millet pour être mon sujet ... et alors j'improvise la couleur sur eux ... Ma brosse va entre mes doigts comme un archet sur le violon et tout ça pour mon plus grand plaisir "
" Il me semble que peindre ces dessins de Millet c'est davantage les traduire en une autre langue que les copier "
La ronde des prisonniers ( d'après Gustave Doré ) -
Théo lui avait envoyé une gravure de Doré publiée en 1872 sous le titre "Newgate : la cour de promenade"
Ce tableau reflète l'état d'esprit du peintre qui au début de 1890 manifeste le désir de sortir de cet asile où il s'était d'abord trouvé bien, "car l'entassement de tous ces aliénés dans ce vieux cloître, cela devient je crois une chose dangereuse où l'on risque de perdre tout ce qu'on pourrait encore avoir gardé de bon sens"
La scène plongée dans une lumière bleue irréelle est empreinte d'un profond sentiment de claustrophobie
Aucun horizon n'est visible et les murs de la prison semblent se prolonger à l'infini
La forme pyramidale de la cour accentue la sensation d'enfermement, tout comme le cercle des prisonniers qui semblent tourner sans fin
Le détenu le plus proche du premier plan qui regarde l'observateur pourrait être une sorte d'autoportrait de Vincent qui espérait alors une libération prochaine
La résurrection de Lazare, selon Rembrandt -
A Saint-
Il voulait aussi par sa couleur faire revivre ces artistes devant le public de son temps
Il reprend une gravure à l'eau forte de Rembrandt qui avait représenté ce thème religieux par des contrastes de noir et de blanc
A la différence de Rembrandt Van Gogh ne montre pas la figure du Christ et cette exclusion empêche de faire une lecture religieuse de l'image
Plutôt qu'une tombe sombre Van Gogh peint en arrière-
Il utilisait ainsi un motif de Rembrandt dans une composition de ses propres paysages
Le Bon Samaritain -
Dans "Le Bon Samaritain" le choix du thème révèle son ardent désir d'amitié et de délivrance
Il s'était donné lui-
Les écrits de Delacroix l'avaient ouvert aux problèmes et aux possibilités de la couleur
Il tenait Delacroix pour le Newton de la science de la couleur
Les notes plus fortes de la couleur -
Flot torrentiel des coups de brosse parallèles
Les courbes souples sont rendues en lignes brisées
La transposition d'oeuvres d'artistes antérieurs est peu courante dans la peinture moderne mais plus commune dans la tradition de la musique occidentale
Les Buveurs ( d'après Daumier ) -
Confiné dans son atelier en janvier 90 il continue sa série de copies
Quand il était à La Haye (1882-
A cette époque c'était pour lui un musée imaginaire
Van Gogh a quadrillé la gravure sur bois et transféré l'image sur la toile
En plus des personnages de Daumier Van Gogh montre la banlieue de Paris
Van Gogh a souvent souligné le contraste entre "la pure nature de la campagne ... et les banlieues et les cabarets de Paris"
Van Gogh avait une grande admiration pour la riche exécution des dessins de Daumier
La Sieste -
Vincent aime reprendre le travail des peintres qui l'ont précédé, revenir sur une gravure, y apporter sa propre interprétation
Ainsi il fait en solitaire ce qu'il aurait aimé que d'autres fassent avec lui dans sa Maison Jaune : travailler en commun sur une oeuvre unique
Par delà le temps il devient le coloriste de Millet et s'invente une filiation artistique
" On nous demande à nous autres peintres de toujours composer nous mêmes et de n'être que des compositeurs"
" J'improvise de la couleur en cherchant des souvenirs de leurs tableaux ... ça, c'est mon interprétation"
Il reprend " Les quatre Heures de la journée " de Millet d'après une gravure de Lavielle
En faisant la copie Van Gogh a quadrillé la gravure et transféré ce quadrillage sur la toile
C'est le graveur Le Rat qui avait gravé l'oeuvre de Millet
Grande clarté du tableau et franche détermination dans l'application des coups de brosse et de la couleur
Au seuil de l'éternité -
Le 8 mai 1889 Vincent quitte Arles en compagnie du pasteur Salles et arrive à l'asile Saint Paul de Mausole à deux kilomètres de Saint Rémy de Provence
Il explique lui-
Vincent va passer près d'une année enfermé dans cette prison volontaire et va écrire à son frère des lettres émouvantes auxquelles le fidèle Théo répondra toujours
Vincent à Théo " ... peu à peu je puis arriver à considérer la folie en tant qu'étant une maladie comme une autre"
Ce vieillard accablé sur une chaise est un thème souvent repris par Vincent. Dans sa jeunesse il avait dessiné dans la même posture une paysanne épuisée
Vincent quitte Saint Rémy le 16 mai 1890
Corridor de l'asile -
Une sévère attaque de sa maladie empêche Van Gogh de travailler de la mi-
Il commença doucement à dessiner et à peindre en septembre
Il avait peur de travailler à l'extérieur
Il entreprit de dessiner son environnement à l'intérieur de l'asile
Il avait obtenu d'utiliser une chambre inoccupée pour en faire son atelier, au premier étage, donnant sur le jardin
Ce tableau n'a pas de vue vers l'extérieur mais il montre le flot de belle lumière qui éclaire le corridor
En bas à droite commencent les escaliers conduisant à son atelier
Ce qui est frappant est la tonalité de ces oeuvres : une combinaison de couleurs similaires
Ces vues d'intérieur n'ont pas les brillants contrastes de couleur si caractéristiques de ses autres peintures
Il utilise plusieurs chaudes nuances et de jaune et de rouge
" J'utilise très souvent les ocres comme je le faisais dans les temps anciens "
Pour réaliser ces gouaches il a esquissé la composition avec de la craie noire et ensuite travaillé à l'huile
Brefs coups de brosse très rythmés
Pour Van Gogh peindre sur papier était une nécessité car il n'avait plus de toiles et n'en reçut pas avant le 24 octobre
Fenêtre de l'atelier -
Dans ce tableau Van Gogh décrit son lieu de travail et les attributs de l'artiste (brosses dans une boîte sur une table, bouteille contenant de la térébenthine et dessins et peintures sur le mur)
Un de ces tableaux représente un paysage avec des cyprès
A travers la fenêtre on peut voir le sommet des arbres; son atelier était au premier étage
Vestibule de l'asile -
Ce tableau décrit une vue de l'intérieur regardant vers l'extérieur
Une partie du jardin est visible incluant une fontaine
Ici aussi Van Gogh présente des oeuvres d'art de sa main : une peinture sur le mur et une toile sans cadre appuyée contre un côté de l'arbre
Arbres dans le jardin de l'asile -
Dans les peintures d'automne 89 de Van Gogh les pins deviennent un motif important souvent utilisé
Ce tableau présente la façade de l'aile du bâtiment occupé par les hommes et des pins et des cèdres
Après un long confinement à l'intérieur il peint cet extérieur avec un ciel d'un bleu brillant si caractéristique de ses oeuvres d'octobre 89
Le parc de l'asile -
Le jardin négligé de l'asile offrait avec ses grands pins des occasions de s'exercer à rendre des masses de feuillages
Le problème était de " chercher à masser les choses par le moyen d'un dessin qui cherche à exprimer l'enchevêtrement des masses"
Van Gogh prit pour exemple la fresque de Delacroix à l'église Saint Sulpice à Paris dans laquelle le "Combat de Jacob avec l'ange" est situé au pied de deux chênes massifs, dont les crêtes remplissent tout le dessus de l'image
Bel effet de branches feuillues se détachant sur le ciel
Il a " accentué le caractère fier et inaltérable des pins contre le bleu " du ciel
Van Gogh minimise le bâtiment, donnant aux pins la grandeur hautaine d'une nef de cathédrale gothique contre le ciel d'un bleu éblouissant
Entre les énormes pins on peut voir marcher de petites figures dont une femme avec une ombrelle rouge qui évoque une arlésienne
En introduisant ces figures Van Gogh transforme le jardin d'un asile en parc d'une maison de campagne
HOSPICE
Devant l'asile de Saint-
Le tableau représente la façade de l'aile réservée aux hommes
Un homme sort par le portail tandis qu'un autre plus proche mais sans traits reconnaissables est placé au centre de la composition
Van Gogh pouvait sortir de l'établissement pour peindre s'il était accompagné par un gardien
L'architecture de l'édifice, un ancien couvent, offrait des possibilités de sujet pictural
Horizontalité marquée de la façade, du ciel et de la bande de terrain
Horizontalité compensée par la verticalité robuste de l'arbre qui s'élève au premier plan à gauche et dont le tronc sort du cadre pour y rentrer par ses frondaisons retombantes
Le bloc imposant de l'escalier à droite équilibre la composition
Le centre du champ pictural, autrement vide, est rempli par une figure humaine saisie dans un moment de détente les mains sur les hanches ou dans les poches
Touches vibrantes chargées de matière et d'allure sinueuse
Cette accumulation de traits brisés fait vivre et palpiter l'arbre, le ciel et le terrain
Le jardin de l'asile de Saint-
Van Gogh attachait beaucoup d'importance à cette vue du jardin de l'asile avec ses grands pins
Il exécute préalablement un dessin pour se concentrer sur le tracé des lignes sans devoir se préoccuper de la couleur
Il tendait à une abstraction de ses motifs réalistes à fin de leur donner une valeur expressive supplémentaire
Bernard et Gauguin travaillaient dans la même voie
Le bâtiment est rendu par un raccourci qui fait pratiquement se confondre dans leur prolongement les lignes des bords de la terrasse et du toit
Pour Van Gogh il convenait de rester inconditionnellement fidèle à la réalité
L'accent porte surtout sur les grands arbres et l'énorme tronc au premier plan
Sous les arbres des bancs de pierre vides
Un dernier rayon de soleil exalte jusqu'à l'orangé l'ocre sombre
" La combinaison d'ocre rouge et de traits noirs qui cerne les contours produit une sensation d'angoisse dont souffrent souvent mes compagnons d'infortune, qu'on appelle noir rouge "
Ainsi Van Gogh peint la réalité mais lui donne une signification
Le jardin de l'asile de Saint-
Van Gogh a réalisé cette réplique du jardin de l'asile de Saint-
Cette réplique, plus travaillée, a été peinte dans le même format que la première version ce qui montre bien l'importance qu'avait pour lui ce tableau
Cyprès avec deux femmes -
Dans ce tableau de cyprès Van Gogh a ajouté deux petites silhouettes
Les femmes ont la coiffure typique de la région
Van Gogh considérait les tournesols et les cyprès comme les deux motifs caractéristiques de la Provence
Un critique a écrit que ces cyprès " dressaient leurs cauchemardesques silhouettes de flammes qui seraient noires, un certain noir enveloppé dans du bleu mouvant par le grand air qui circule "
Le vermillon des coquelicots fait opposition à la mode noire des cyprès
La nuit étoilée -
Représentation d'un ciel nocturne transfiguré
Grand tourbillon de la nébuleuse spirale
Onze étoiles magnifiées
Lune orange avec la lumière entre ses cornes
Cyprès énormes dressés comme des flammes
Flot impulsif et torrentiel des coups de pinceau
Alors que la courbe règne au-
Les petites lumières des maisons sont toutes carrées ou rectangulaires en opposition
avec les étoiles au-
Le fin clocher de l'église perce l'horizon comme la pointe des cyprès perce la nébuleuse
Cyprès -
Durant l'été 89, Van Gogh est envoûté par le motif du cyprès
" C'est beau ... comme une obélisque égyptienne"
Cet arbre d'une profonde couleur verte est pour lui " la tache noire dans un paysage ensoleillé, mais elle est une des notes noires les plus intéressantes, les plus difficiles à taper juste, que je puisse imaginer "
Van Gogh voulait en quelque sorte personnifier le cyprès
Van Gogh était très satisfait de ce tableau : " Les arbres y sont très grands et
massifs. L'avant-
Epaisse couche picturale
Champ de blé aux cyprès -
Paysage d'une grande agitation avec peu de lignes droites
De longues bandes traversent l'espace entier
Les grands cyprès sombres sur un côté contrastent avec les horizontales prédominantes dont ils imitent la forme
Opposition de tons froids et chauds
Variation de la hauteur relative du ciel et de la terre sur les deux côtés
Champ de blé éclatant
Oliviers d'un gris subtil
La lumière qui remplit tout l'espace est d'une vivante réalité
Une grande clarté émane du ciel froid et de la terre chaude
Les formes tourmentées, tordues et enroulées du ciel évoquent des images de combats surnaturels
Dualité du ciel et de la terre : le ciel doux avec des rondeurs, la terre plus ferme, plus haute en couleur avec de forts contrastes
Les deux cyprès les joignent l'un à l'autre dans la seule verticalité du tableau
Paysage avec un couple sous un croissant de lune -
Les amoureux se promènent parmi les oliviers avec quelques cyprès en arrière-
Bizarrement les Alpilles sont aplanies
Le jaune du ciel et de la lune est repris dans la robe de la femme
Le vert des oliviers est repris dans le ciel
Le bleu des Alpilles est repris dans le vêtement de l'homme
Coups de brosse droits et parallèles dans le ciel en jaune et dans les Alpilles en bleu
Brusques volutes dans les oliviers
La route aux cyprès -
Emplacement central du cyprès dominateur entre le soleil et la lune
Van Gogh admirait les cyprès qu'il comparaît à un obélisque pour la pureté géométrique de ses lignes
Ici il apparaît comme une forêt verticale composée de deux arbres si mêlés que l'oeil ne peut les séparer
On dirait un clocher tourmenté et vivant qui s'élève avec de brusques ondulations, déborde le tableau et dépasse le soleil et la lune
La terre est marquée d'ondes pareillement agitées dans le champ jaune et la route qui coule en cascade
Les deux hommes et la charette jaune sur la route contrastent avec cette agitation
Le tableau balance entre la puissante verticalité du cyprès et les instables diagonales du sol
La lune, le soleil et l'étoile du soir sont sur une diagonale un peu courbe
Un grand nuage conduit de l'étoile à la terre
Différents tracés de la brosse : concentriques dans le ciel, parallèles et onduleux sur la terre, enflammés dans les arbres
Le ciel par sa couleur froide, dégradée progressivement du bleu profond au blanc, s'apparente à la route plus lumineuse
Précision des petites touches de couleur qui nuancent et animent la teinte de la route
NUIT