Durant les dernières années de sa vie Turner qui perdit beaucoup d’amis souffrit de solitude
Il se partageait entre deux maisons
Celle de Queen Anne Street à Londres où il vivait avec Mme Danby, sa gouvernante depuis de nombreuses années. On n’avait pas repeint la porte depuis vingt ans, des couches de pluie et de poussières maculaient les vitres
A l’étage la galerie était une grande salle, l’une des plus belles de Londres, mais en piteux état. Elle présentait des tableaux de toute la carrière de Turner
Un visiteur fut choqué par le très mauvais état des tableaux. Les verrières du toit étaient sales. Beaucoup de vitres étaient brisées. Certaines avaient disparu. La pluie tombait sur le plancher. Quatre chats tournaient autour du visiteur
La petite maison qu’il avait acheté à Chelsea où il vivait avec Mme Booth. Il s’y retirait loin de sa vie professionnelle et résistait à toutes les tentatives des ses collègues pour l’y dénicher
TURNER PAR LE COMTE D’ORSAY
C’était un petit homme trapu qui ressemblait un peu à un marin. Il aimait plaisanter
et dîner en ville mais ne donnait pas de dîner lui-
Il avait pour gouvernante une vieille femme qui avait vécu avec son père, Hannah Danby, et qui avait de strictes habitudes d’économie. Elle souffrait d’une maladie qui l’obligeait à se cacher le visage, ce qui n’ajoutait rien aux charmes du domicile. Mais elle dégageait une certaine impression de netteté sur sa personne
1843 JOHN RUSKIN PAR GEORGE RICHMOND
En 1843 une relation amicale s’instaura entre Turner (68 ans) et Ruskin (24 ans). Turner admirait l’intelligence et la ferveur de son jeune admirateur qui publia le 15 mai 1843 Modern Painters, étude critique dans laquelle il lui rendait un éloquent témoignage d’admiration. Mais Turner ne le remercia que 18 mois après.
Ruskin « Quand il marchait dans une ville, il avait toujours en poche un rouleau de minces feuillets où il notait rapidement en abrégé tout ce dont il voulait se souvenir. Le soir une fois rentré à l’auberge il complétait l’ébauche au crayon et indiquait toute la couleur nécessaire »
Il n’avait pas coutume d’achever des aquarelles sans un but financier précis, gravure ou vente à un collectionneur. Ce but ne s’imposait pas pour les peintures à l’huile dont le seul fait de pouvoir les exposer à l’Académie justifiait l’existence. Mais l’Académie n’aurait jamais accueilli des aquarelles.
Il tenait aux œuvres dont il était le créateur
A un admirateur voulant acheter Le passage du ruisseau « Je désire le conserver
par-
A propos du Téméraire « Aucune considération d’argent ou de faveur ne me poussera à prêter de nouveau mon chéri »
LAC DE GENEVE AVEC LA DENT D’OCHE 1841
L’aquarelle est tirée d’un carnet de croquis. Lors des ses derniers voyages Turner utilisa des carnets de croquis à couverture souple qui pouvaient se roulet et étaient facilement transportables.
Les aquarelles ont été exécutées d’après des souvenirs réels et imaginaires même si ici Turner a peint des vignobles et des vendangeurs qu’il a réellement dû voir.
Au loin le massif s’élève au-
MONTREUX 1841
Le sujet de cette aquarelle n’a jamais été identifié. C’est une page d’un carnet d’esquisse souple utilisé lors de son voyage en Suisse de 1941 où il séjourna à Lausanne.
A l’est de Lausanne la rive du lac s’infléchit vers Montreux et la vallée du Rhône en direction de Montigny.
Nous regardons vers le sud avec l’ombre d’un des pics de la Dent d’Oche.
Au premier plan les tonalités sombres d’une petite île boisée et un moulin à eau confèrent une grande profondeur au paysage.
Turner a posé ses couleurs diluées avec une grande liberté et ses roses opalescents
et ses pâles gris-
1842 VALHALLA REFAIRE PHOTO COMPLETE
L’œuvre célèbre les réalisations de Louis II de Bavière
Turner avait visité la Walhalla, panthéon allemand, construit en surplomb du Danube en 1840 lorsqu’il était inachevé
Le tableau fut exposé avec des vers qui faisaient allusion à la défaite de Napoléon et à l’aube d’une nouvelle ère de prospérité pour l’Europe
Mais la paix renaît ; les rayons matinaux
Eclairent la Walhalla, érigée à la science et aux arts
Aux grands hommes de la patrie allemande
1842 ZURICH
Cette vue atteste l’intérêt constant et passionné de Turner pour les sites urbains bruissants de vie
1842 LE RIGI ROUGE
La montagne est vue au coucher du soleil. Pour Turner la Suisse incarne tout à la fois la grandeur sublime et la paix transcendante
PAIX-
Le 1er juin 1841 Sir Wilkie un ami de Turner mourut subitement sur le bateau qui le ramenait d’un voyage en Egypte. Turner fit ce tableau pour lui rendre hommage. Turner était réputé pour sa palette vive qui permettait d’obtenir des couleurs éclatantes. Wilkie, lui était considéré pour ces tableaux noirs. Il voulut avec ce tableau montrer sa maîtrise du noir.
On voit une explosion de flammes au milieu des ombres noires du navire. Mais sur le catalogue de l’Académie royale de 1842 deux vers éclaire ce fait : « La torche de minuit miroitait sur le flanc du bateau / Et le corps du Mérite fut abandonné aux flots »
Turner croyait que les obsèques eurent lieu au large de Gibraltar. A l’arrière-
Un collègue académicien critiqua l’aspect monotone de la composition : « Une large éclaboussure de lumière au centre entourée de taches noires ». Tuner ne montra jamais un grand intérêt pour la composition. Les problèmes de dessin semblaient l’ennuyer. Turner inventa cependant deux méthodes de composition : le tourbillon et la concentration de taches noires autour d’une lumière centrale
Turner « Le flambeau de minuit brillait sur les flancs du vapeur ; Et le cadavre du Mérite fut rendu à la mer »
1842 TEMPETE DE NEIGE : VAPEUR AU LARGE D’UN PORT
Tout l’univers visible est emporté dans un énorme tourbillon qui enveloppe le vapeur aussi bien que le spectateur.
Turner fut piqué par une critique qui déclarait que son œuvre était « une masse d’eau savonneuse et de lait de chaux »
Son interprétation libre restitue l’énergie sauvage d’une tempête de façon bien plus authentique que s’il avait peint chaque goutte de pluie ou chaque vague avec un plus grand souci de vraisemblance.
Turner a peint ce tableau dans le seul but de montrer à quoi ressemblait une tempête de neige
« Je persuadai les marins de m’attacher au mât pour l’observer ; je restai attaché pendant quatre heures et je ne croyais plus en sortir vivant, mais je me sentais obligé de l’enregistrer si jamais j’en réchappais. Mais il n’est pas question d’aimer ce tableau »
Un critique écrivit que ce n’était qu’une « masse d’eau de savon et de lait de chaux »
Turner trouve un équilibre entre plusieurs éléments : abstraction et représentation, forme et contenu, observation et vision intérieure.
L’interprétation est abstraite et pourtant nous sommes submergés par le dynamisme des formes naturelles, par l’orage terrifiant dont le tumulte semble aspirer le bateau dans un gouffre destructeur.
Finis les nuages statiques et architecturaux des premières peintures. Ils ont fait place à des voiles de brumes qui fouettent le bateau et le poussent vers la lumière aveuglante au centre.
Finies les vagues grossièrement colorées. On a maintenant des masses d’eau mouvantes d’énormes ondulations qui frappent et secouent le navire avec une force terrible.
Il a créé un ensemble tourbillonnant, tourmenté, compact.
1842 LA DOGANA, SAN GIORGIO VUES DES MARCHES DE L’EUROPA
Etude froide et classique dans sa composition avec un équilibre soigneusement maintenu entre les bâtiments et le plan d’eau. Elle devint le premier tableau de Turner à entrer à la National Gallery en 1847
1842 LAC DE LUCERNE : LA BAIE D’URI
Turner séjourna chaque été en Suisse de 1841 à 1844. Il fit d’innombrables croquis
et lavis légers dont certains servirent de base à des créations plus achevées, comme
celle-
Turner aimait le lac des Quatre-
Dans le lointain sur la gauche et en avançant dans le lac se trouve le promontoire
de sur lequel est édifiée la chapelle de Guillaume Tell. Devant lui les pics dorés
de l’Oberbauenstock brillent au-
Les réminiscences historiques ne semblent pas avoir intéressé le peintre. Dans ce décor Turner ne s’intéressait qu’aux modestes faits et gestes de l’humanité présente et seulement pour mieux faire ressortir l’immensité de son environnement .
La composition est unifiée par un grand mouvement ascendant s’emparant des nuages
qui se lèvent au-
Cette composition fait ressortir les formes des montagnes plus lointaines qui semblent flotter dans la lumière et la brume matinale.
Sur les montagnes et le lac nous remarquons une large utilisation des pointillés qui traduisent la multitude des arbres et leur reflet ajoute à toute la scène une sorte de vibration.
Bien que les couleurs soient douces et nacrées la tangibilité des montagnes est indubitable.
Dans les aquarelles suisses de cette période il crée des visions de montagnes et de lacs définis par des espaces elliptiques et tourbillonnants qui les séparent
1843 LA VIA MALA
C’est sur un feuillet de ses carnets roulés en couverture souple que se trouve la vue vertigineuse des ruines de Hohenrätien qui surplombent l’entrée de la Via Mala
1843 LE COL DE FAIDO
Ruskin « Les montagnes ne sont ni très hautes, ni spécialement belles … mais dans la réalité le voyageur y parvient par l’un des ravins les plus étroits et les plus sublimes des Alpes … dés lors l’endroit lui parle un autre langage que celui qu’il aurait tenu à un observateur non préparé … Le grand paysagiste inventif doit avoir pour objectif d’offrir, au lieu de la simple vérité des faits physiques, celle de sa vision mentale, infiniment plus profonde et plus noble … »
1843 LE PONT DU DIABLE, SAINT-
Le col du Saint-
Il a situé le pont loin car face à la grandeur sauvage de la scène les créations de l’homme paraissent dérisoires.
Une énergie parcourt la masse inerte des roches donnant l’impression que tout domaine visible est possédé par le mouvement
Ce sens du mouvement n’est pas seulement un artifice pictural de la part de Turner.
L’artiste voulait transmettre la perception qu’il avait de la pulsation à travers
toute chose du continuum divin. Il croyait en une réalité métaphysique sous-
Turner croyait en la « vérité » des formes géologiques comme reconnaissance des énergies naturelles tourbillonnant sur l’alpe, comme représentation des formes primitives qui ont créé les rochers.
1844 PLUIE, VAPEUR ET VITESSE
Quand le tableau fut exposé au Salon de 1844 un critique pressa ses lecteurs d’aller voir l’œuvre avant que le train « jaillisse de la peinture et s’élance dans Charing Cross à travers le mur d’en face ». Le train communique une intense impression de vitesse. Le mouvement est donné par l’accentuation de la perspective de la ligne de chemin de fer et du pont qui se dégagent de lointaines vapeurs de pluie.
Turner souligne l’importance de la vapeur. Il a enlevé tout le devant de la locomotive pour exposer la machinerie de la chaudière, c’est la masse incandescente visible à l’avant du train. Turner aime révéler les « causes » cachées des choses, ouvertement et non indirectement
Peut-
Un critique « Il a composé son tableau de vraie pluie, derrière laquelle se cache
un vrai soleil, et l’on s’attend à voir un arc-
L’union de l’Art et de l’Industrie fut l’une des aspirations de l’ère victorienne. Elle ne se fit jamais car la majeure partie des artistes méprisaient la révolution industrielle et les industriels n’aimaient que la peinture du passé.
Turner fut une exception. Il admirait la modernité.
Avec ce tableau il nous prouve qu’un train passant sur un pont peut être beau. La
locomotive était le modèle le plus perfectionné qui existait alors, connue sous le
nom de « Firefly Class » et le pont de Maidenhead était un chef-
Turner qui avait fait le tour de l’Angleterre, de l’Ecosse et d’une grande partie de l’Europe en diligence fut parmi les premiers à apprécier ce moyen de transport rapide et confortable.
Un jour qu’il voyageait sur la ligne Bristol-
Pour montrer au spectateur que le train vient bien vers lui, Turner a peint trois bouffées de fumée mais la première bouffée seule est bien distincte
Jusqu’aux Impressionnistes c’est le seul tableau d’importance qui célèbre le chemin de fer
La composition d’une grande netteté géométrique tient de Poussin tandis que la pâte crémeuse semble rappeler Rembrandt même si elle annonce l’impressionnisme
Turner était émerveillé devant un monde en perpétuelle évolution où l’homme et la nature ont chacun leur place
1844 LE RIGI AU CREPUSCULE
Cette large ébauche presque expressionniste du Rigi au crépuscule vu de l’hôtel préféré de Turner, le Cygne, provient d’un des rares carnets suisses encore intact
1845 NUAGES MENACANTS SUR LA MER
Un critique a vu dans cette aquarelle « les ailes d’un aigle planant sur la mer … qui évoque la faiblesse de l’homme face aux forces de la nature »
On peut voir dans le ciel sur la gauche un drôle d’animal portant de nombreuses pattes ; on distingue le nez, la bouche, les yeux et les oreilles de lapin
Ces images étaient-
Dans l’œuvre de Turner ces pointes de surréalisme, si elles existent, sont soit accidentelles soit l’expression de son curieux sens de l’humour. Il aimait les plaisanteries et quand il en racontait une, il riait à gorge déployée en se pinçant le nez, ce qui le faisait ressembler à un polichinelle
1845 MER DEMONTEE
Cette toile fait partie d’un ensemble où sont étudiées les conditions climatiques de la côte anglaise, probablement observées à Margate
La coque du navire qui surgit à travers l’amas nuageux traduit le péril de ceux qui vivent de et sur la mer
1845 VENISE AVEC LA SALUTE
La conception du sujet était complète dans l’esprit de l’artiste en dépit du manque de finition. Les bâtiments isolés sont déjà en place
1845 EN ALLANT AU BAL SAN MARTINO
Au fur et à mesure que l’on avançait dans la décennie de 1840 les sujets vénitiens de Turner étaient de plus en plus dominés par la brume enveloppant la ville plutôt que par ses édifices
1846 LES CHUTES DE LA CLYDE
Cette chute est une des trois cascades de la Clyde au sud de Glasgow. Les femmes du premier plan ne sont pas des dames ordinaires peu susceptibles de se baigner nues dans les eaux froides de la Clyde. Pour lui les forces cachées de la nature sont personnifiées par les naïades, nymphes des cours d’eau.
Au milieu des années 1840 il avait acquis une telle maîtrise de la forme et de la couleur que pour exprimer les énergies primitives autrefois symbolisées par les nymphes des déesses qui sont à peine visibles, les énergies qu’elles personnifient imprégnant la totalité du paysage
Ce tableau est une étude de la déformation prismatique de la lumière quand elle traverse les brouillards émis par une chute d’eau.
En 1848 il précisa dans son testament que tous ses tableaux achevés devaient revenir à la National Gallery et être exposés dans des salles spécialement construites pour elles.
En été 1845 il rendit visite à Louis Philippe à Eu dans le nord de la France qu’il avait rencontré en exil en 1815 à Twickenham près de Sandycombe Lodge. « Le roi avait appris que M. Turner se trouvait en ville et sollicitait sa compagnie pour le dîner. Turne s’efforça de décline l’invitation en prétextant son manque d’habit … La femme du pêcheur chez lequel il résidait prépara une cravate blanche en découpant un linge… Turner déclara qu’il avait passé l’une des plus agréables soirées de sa vie à bavarder avec sa vieille connaissance de Twickenham »
En 1845 sa santé commença à décliner. Il dut remplacer le président de l’Académie « Les arides et fastidieux devoirs de cette charge ont détruit ma joie de vivre et mon appétit ». Plus jeune il aurait aimé être Président mais son excentricité et ses apparences un peu frustes avaient toujours fait obstacle à la réalisation de son ambition.
1845 EU AU CLAIR DE LUNE
Durant son dernier voyage à l’étranger Turner, trop malade pour dépasser la côte normande remplit des carnets entiers d’études de couleur
Il fait la synthèse d’un thème favori : le moyen de transport par lequel il s’était rendu dans tant de lieux passionnants
1850 YACTHT APPROCHANT DE LA CÔTE
La situation centrale du soleil caractérise les ultimes œuvres de Turner. Ce tableau
n’est pas seulement un yacht approchant de la côte : c’est l’hymne de Turner au soleil,
cet astre qu’il a, dit-
Turner était constamment préoccupé par l’essentiel : processus naturels, comportement humain, mécanismes de la lumière et de la forme. Pour lui le soleil n’était pas seulement un objet physique.
Le soleil de Turner brûle dans le ciel comme la source ultime de la vie sur la Terre et la clé de cette esssence que, toute sa vie, il a cherchée et célébrée.
1850 LA VISITE A LA TOMBE
Le sujet est tiré du livre IV de l’Enéide de Virgile
Il composa un vers pour accompagner ce tableau « Le soleil déclina avec courroux face à une telle duplicité
A la fin de sa vie il passait beaucoup de temps à observer la nature et contempler les effets changeants de la Manche, de la Tamise, du ciel et des nuages, soit sur le front de mer à Margate, soit sur la plateforme qu’il avait fait construire sur le toit de la maison de Chelsea
Il ne dit jamais son vrai nom. Il se faisait appeler « Amiral Booth ». Il aimait beaucoup fumer et ne voulait pas que cela se sache. Même son médecin qui le soigna durant sa dernière maladie restait dans l’ignorance de sa véritable identité. Il se nourrissait principalement de rhum et de lait, parfois deux litres par jour de lait et de rhum.
1842 LE RIGI BLEU
Turner pouvait étudier à loisir le Rigi de la fenêtre de son hôtel, le Cygne, sur la rive opposée du lac.
Le silence sans souffle de l’aube n’est rompu que par les aboiements des chiens qui sautent dans l’eau à la poursuite de canards
1843 LUMIERE ET COULEUR (LA THEORIE DE GOETHE) -
Turner a utilisé les couleurs « positives » de Goethe, peut-
Ce tourbillon nous entraîne vers la figure de Moïse.
Noé qui aurait été, ne serait-
Au centre de la composition on voit le bâton de Moïse transformé en Serpent d’airain. Ce bâton est le sujet principal de la composition.
Les bulles de la terre qui ont une figure humaine sont une allusion à la théorie de Goethe qui disait que l’on peut voir l’origine des couleurs prismatiques sur la surface d’une bulle.
Elles indiquent aussi la nature transitoire de l’existence comme le montrent les vers que Turner publia dans le catalogue de l’Académie :
« L’arche tenait bon sur l’Ararat ; le soleil de retour exhalait les bulles humides de la terre, et émule de la lumière,
Réfléchissait ses formes perdues, sous le masque prismatique »
Ce tableau illustre la tristesse fondamentale de Turner, car comme l’écrivit Ruskin « Sans maison accueillante dans son enfance, sans ami dans sa jeunesse, sans amour dans l’âge d’homme et sans espoir dans la mort » Turner fut presque contraint de devenir pessimiste.
Ruskin « Il n’y eut jamais solitude plus terrible que celle de ce grand homme … Turner n’était pas sûr qu’après sa mort il serait mieux compris que de son vivant … Les louanges qu’il reçut furent pauvres et superficielles »
LE SOIR : NUAGE SUR LE MONT RIGI 1841
Turner fit de nombreux voyages en Suisse et de 1841 à 1844 il y passa tous ses étés.
Il guettait les orages et les tourbillons de vent sur les sommets et les gouffres alpins, emmagasinant tout ce qu’il voyait dans sa formidable mémoire visuelle
Turner a peint le mont Rigi à plusieurs reprises : au crépuscule, à l’aube, sur découpant sur un ciel clair ou couronné de nuages et sous tous les éclairages possibles et imaginables
Turner peignit cette aquarelle pour son plaisir, de la fenêtre de son auberge où il était confortablement installé
Cette aquarelle est un exemple d’aquarelle pure, exécutée très rapidement et sans dessin préliminaire au crayon
Vision mystérieuse de la gigantesque silhouete d’une montagne surgissant du brouillard
1843 LA DOGANA ET SANTA MARIA DELLA SALUTE
Vers la fin de sa vie Turner fut obsédé par la beauté de Venise. Il était fasciné par les palais et les églises gris perle qui se reflètent dans les canaux, qui se dissolvent dans l’atmosphère brumeuse ou se découpe sur le ciel dans la lumière intense
A chaque voyage il faisait provision de dessins et d’aquarelles et de retour à Londres il peignait des huiles qui rendaient avec une extraordinaire précision la lumière et l’atmosphère de ce monde demi aquatique
Ses couleurs opalescentes, posées avec finesse, semblent avoir été soufflées sur la toile
On a l’impression que la Douane et la Salute se dissolvent dans la lumière chatoyante et noyée d’eau
Cette vue enchantait Turner et il la peignit souvent
Cette toile fut la toile de Turner qui atteignit le plus haut prix dans une vente aux enchères
On s’est interrogé sur la richesse de Turner car il ne vendit pas ses œuvres majeures et les légua à la nation
Mais ses innombrables aquarelles furent achetées par des collectionneurs passionnés
OMBRE ET OBSCURITÉ
LE SOIR DU DELUGE 1843
Turner venait de lire « Farbenlehre » (La Théorie des couleurs) de Goethe et ses annotations sur le livre montrent qu’il fit un gros effort pour la comprendre.
Il était sceptique sur de nombreuses affirmations de Goethe et ne pouvait admettre que les préjugés contre toute théorie, très répandus chez les artistes, soient nuisibles à la pratique. Mais plus tard il reconnut que Goethe « laisse faire le génie dans ce livre ».
Turner est tout à fait content quand Goethe donne au jaune, la couleur préférée de Turner, une place prédominante démontrant que c’est la première dérivation de la lumière la plus intense et qu’il a un effet tranquilisant et légèrement excitant.
L’analyse de Goethe est basée sur un cercle chromatique qui comprend des couleurs «positives » et des couleurs « négatives ». Les rouges, les jaunes et les verts sont des couleurs positives qui s’identifient avec le bonheur, la gaité et la joie et expriment la chaleur. Bleu, couleur froide, exprime l’obscurité. Bleu et ses dérivés, les pourpres et les violets suggèrent le chagrin et la tristesse.
Il se dégage de ce tableau une atmosphère lugubre.
Le dessin en tourbillon exprime le profond pessimisme de Turner. La sensation d’une catastrophe imminente est donnée par le ciel arqué chargé d’eau et le rideau de pluie balayant le paysage.
Les animaux en cortège cherchent le chemin de leur refuge.
Un vol d’oiseaux formant aussi un arc s’éloigne dans le lointain, augmentant l’impression d’abandon et de désolation.
1843 GOLDAU
Ruskin « Le lac de Zoug dans le lointain apparaît comme une lave sous le soleil brûlant. Sous les sombres masses rocheuses au premier plan gît, enterré, l’ancien village de Goldau. Le clocher du village d’Arth apparaît ici comme une pointe embrasée au bord du lac »
1844 HEIDELBERG
Turner visita Heidelberg en 1833 mais y retourna en 1844.
La ville se trouve à l’ouest du Neckar tout contre une arête montagneuse. Les vues obtenues sur la rivière se dissolvent dans la lumière du soleil que l’on a toujours dans les yeux
GEORGE JONES LE CERCUEIL DE TURNER
Turner mourut le 19 décembre 1851. A sa requête il fut enterré dans la crypte de la cathédrale St Paul près de la tombe de Reynolds.
WILLIAM TURNER
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WILLIAM TURNER
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