Fin 1799  AUTOPORTRAIT

Turner exprime une assurance inattendue. Il a rencontré Sarah Danby et vient d’avoir sa première fille. Il vient d’être élu au titre d’Associé de l’ Académie royale.

Elu membre de l’Académie le 12 février 1802 il était fort d’une confiance  en lui fraîchement acquise. Il se lança dans des responsabilités administratives au Conseil d’administration de l’Académie

Il existait alors au sein de l’Académie deux factions. Les adversaires du président Benjamin West obtinrent que les décisions du Conseil d’administration n’auraient plus besoin d’être ratifiées par l’assemblée générale des académiciens. Turner était affecté par l’atmosphère d’acrimonie qui régnait alors à l’Académie.

Il cessa pendant un certain temps d’assister aux réunions. Il ouvrit une galerie de 20 m sur 6 m pour faire une exposition et gagner de l’argent. Il n’était pas inhabituel à cette époque que les peintres louent des salles pour exposer leurs œuvres récentes. Ouvrir une pièce assez grande pour contenir deux ou trois douzaines de tableaux témoigne d’une grande audace pour un homme qui n’avait pas 30 ans. Il n’envoya pas alors à l’Académie de toiles importantes



1801  BATEAUX  HOLLANDAIS DANS UNE BOURRASQUE  

Tableau commandé par un grand collectionneur, le duc de Bridgewater. La composition est unifiée par une diagonale formée par les nuages menaçants qui s’amoncellent et la ligne diagonale ascendante de l’ombre sur les flots. Le rendu de la mer témoigne de la compréhension par Turner de la dynamique de l’eau.

Au loin on aperçoit une terre sous le vent, cauchemar des pêcheurs au temps de la marine à voile, quand un vent violent soufflant vers le rivage drossait les bateaux à la côte sans laisser d’autre choix que de mouiller et d’attendre. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les grands navires de l’arrière-plan.

Ce fut le premier de ses tableaux à séduire le jeune John Constable.

Un critique jugea le ciel trop dense et l’eau tirant trop sur le brun. Un autre loua Turner en disant que c’était ce que Rembrandt aurait voulu faire sans y parvenir.


1801 …EDIMBOURG DU HAUT DE DUDDINGTON

Durant l’été 1801 Turner voyagea en Ecosse. Il fut impressionné par l’Athènes du nord et son architecture remarquable, à la foi médiévale et moderne. Le paysage rocheux entourant la ville permettait d’obtenir des vues spectaculaires. Sur cette étude figure dans le lointain le monolithe massif de Castle Rock. A droite est représenté le grand escarpement du Siège d’Arthur.

Le panorama entier est enveloppé dans la splendide pénombre d’une averse orageuse


1802  PECHEURS SOUS LE VENT DANS LA BOURRASQUE

L’intérêt de Turner pour les détails de la vie maritime est bien rendu dans ce tableau. La lutte des pêcheurs pour mettre à l’eau leur petite embarcation, contre le vent et dans la tempête, est présentée comme un petit drame de la vie côtière


1802   OXFORD : UNE PARTIE DE LA COUR CARREE DU COLLEGE DE BALLIOL

En 1799 Turner accepta de faire des vignettes qui seraient reproduites dans l’Almanach d’Oxford et reçu dix guinées pour chaque aquarelle.

Avec cette vue de la cour carrée de Balliol il subit un affront car le directeur du collège s’opposa à la publication en disant que «  la position du soleil, telle qu’elle était indiquée par les ombres sur le tableau était impossible »

Il fit des retouches pour corriger les clairs et les ombres. Mais l’aquarelle fut refusée et on demanda à un autre artiste de faire un autre dessin. Les professeurs étaient insensibles aux sentiments de Turner.

1802    BATEAUX FAISANT ROUTE VERS LE MOUILLAGE  

Composition exquise. Ce tableau joue avec la tradition hollandaise. Les voiles et les gréments groupés dans une alternance d’ombre et de lumière forment des motifs complexes rendus avec une palette de gris argentés, de bleus et de couleurs chamois.

Ce tableau fut acquis par le comte d’Egremont, grand collectionneur, et ce fut l’heureux début d’une relation importante



1802  LA DIXIEME PLAIE D’EGYPTE

En 1800 Turner avait rencontré le succès avec sa première toile historique « La cinquième plaie d’Egypte ». L’effet magnifique de l’orage balayant les pyramides et la campagne ravagée lui avait alors été suggéré par un orage vu au cours d’un voyage au pays de Galles. Il savait observer avec intensité les phénomènes naturels surtout quand ils sont d’une violence inaccoutumée. Il avait une exceptionnelle mémoire visuelle.

En 1802 Turner voulut répéter son succès avec « La dixième plaie d’Egypte ».

« Au milieu de la nuit, Yahweh frappa tous les premiers-nés ans le pays d’Egypte, depuis le premier-né de Pharaon … et il se fit une grande clameur en Egypte car il n’y avait point de maison où il n’y eût un mort »

On sent dans ce tableau l’influence de Poussin dans la frontalité de la composition.

Farington, vieil académicien, était impressionné par les procédés techniques de Turner, jeune peintre de 27 ans. Il relate qu’il n’utilisait qu’un très petit nombre de pigments : « blanc, ocre, jaune, terre de Sienne et terre de Sienne brûlée, bleu d’Outre-mer, huile de lin seulement »



1802   CARNET D’ETUDES

Son carnet d’études du Louvre avec une copie à l’aquarelle du Christ couronné d’épines  du Titien et de l’analyse par Turner

Turner a pris des notes concernant la lumière, les zones d’ombre et les pigments utilisés. « La chair du Christ est l’âme de l’œuvre, qui se contracte sous la force du soldat brutal avec une résignation filiale. Pourtant avec dignité il paraît supporter leurs insultes, tandis que la position des jambes indique une douleur extrême et un effort intense pour lui résister »

Il fit un séjour dans les montagnes suisses où il explora des panoramas auxquels peu d’artistes anglais s’étaient attaqués. Il rassembla des matériaux qui allaient transforme l’approche du paysage les années à suivre.

« Il a mis quatre jours pour aller de Paris à Lyon… Il a trouvé les vins français et suisses trop acides pour sa constitution bilieuse. La marche l’a beaucoup fatigué et il a eu de beaucoup de mauvais gîtes. Il a vu sur les montagnes des orages superbes »

Il concentrait dans ses esquisses toutes les expériences qu’il traversait. Ses esquisses étaient pour lui l’âme même de son art.


1802  Turner commença en Suisse un petit carnet où il a croqué les personnages  locaux dans leurs vêtements usuels


1803 INTERIEUR DE LA CATHEDRALE DE SALISBURY  

Turner aimait l’architecture. En 1797, un important banquier, Richard Colt Hoare, commanda au peintre dix aquarelles de la cathédrale de Salisbury.

Dans une lumière d’après-midi finissant qui inonde l’intérieur du bâtiment, les choristes se dirigent vers la tribune de l’orgue pour l’office du soir. Amour de Turner pour la lumière réfléchie qui enrichit chaque coin sombre du bâtiment et intensifie notre perception de sa grandeur et de sa complexité.


1803  JETEE DE CALAIS, PAQUEBOT ANGLAIS ARRIVANT

POISSARDS FRANÇAIS PARTANT POUR  LA PECHE  

Le 15 juillet 1802 il traversait la Manche. Le temps était orageux et son paquebot dut attendre devant Calais la marée montante pour traverser un banc de sable qui se trouvait à l’entrée du port. Turner s’impatienta et avec un groupe de personnes loua une embarcation pour rejoindre la rive. A peine arrivé sur le quai Turner se mit à dessiner les pêcheurs français qui prenaient la mer.

Comme tous les anglais Turner se croyait supérieur aux Français. Il appela les marins français des poissards, qualificatif péjoratif

Turner savait manœuvrer un bateau. On a l’impression que l’embarcation qui s’éloigne du quai va se briser, projetée sur le quai par le vent. Pourtant l’homme au gouvernail ne fait rien pour éviter le désastre. Il tient une bouteille de cognac à la main. Personne ne hisse les voiles, il règne une confusion totale. Au contraire le paquebot anglais qui s’approche du quai montre comment on doit manœuvrer un  bateau.

Devant le paquebot, essayant d’éviter la collision, apparaît un bateau de pêche

Que ce bateau risque l’abordage après avoir quitté son mouillage est une critique de la médiocrité des français en matière de manœuvre maritime.


A l’occasion de la Paix d’Amiens signée entre la France et l’Angleterre le 27 mars 1802 Turner embarqua pour le continent.

Turner visita le Louvre en 1802  durant son séjour à Paris.

Il fut très impressionné par les œuvres qu’il eut l’occasion d’y étudier (Poussin, Titien)


1803  LA MER DE GLACE ET LA SOURCE DE L’ARVEYRON, CHAMONIX      

Après la signature du traité d’Amiens en 1802 Turner entreprit son premier voyage sur le continent. Il fit un bref séjour à Paris, acheta un cabriolet et partit avec des amis pour la Suisse, pays « regorgeant de sujets romantiques »

Il rejoignit Chamonix et escalada le Montenvers pour dessiner la Mer de glace.

Les paysages alpins devinrent sous les doigts du jeune romantique qu’était Turner, des paysages  terrifiants d’arbres déracinés, de gouffres béants, d’avalanches menaçantes et de falaises abruptes, couronnés de tourbillons de vents et d’orages.

Cette vue est l’exemple de même de la peinture de paysage romantique dont Turner fut l’un des maîtres incontestés.



1803  SAINT HUGUES MENACANT DE VENGEANCE LE BERGER DE COURMAYEUR

Saint Hugues avait confié ses mules à un berger pour les conduire à la montagne l’été. Mais le berger voulant découvrir la montagne alentour les mena toujours plus loin ce qui conduisit à leur perte.

Turner réalisa de nombreuses vues alpines qui utilisent le potentiel dramatique de l’aquarelle. Le petit drame du moine pieux et du paysan de la montagne illustrait évoquait les aspects légendaires de la scène. L’orage qui enveloppe les sommets apporte un élément de confusion romantique

Avant plan ordonné avec sa citerne carrée, sa route rectiligne et sa ville structurée de manière géométrique


1803   LA FETE DES VENDANGES A MACON

Toute sa vie Turner mêla les types de peinture de paysage qui avaient cours sur le continent à  sa propre expérience des paysages d’Angleterre

Cette toile présente une scène dont il avait été  témoin durant son voyage en France et dans les Alpes en 1802 et préfigure les vues de la Tamise qu’il réalisera quelques années plus tard. Il voulait sans doute suggérer que la Grande Bretagne pouvait offrir de quoi égaler en grandeur n’importe quel lieu européen réputé pour sa beauté. Il voulait peut-être aussi rivaliser avec Claude Lorrain, source d’inspiration de ce tableau


1803  LA SAINTE FAMILLE

Ce tableau associe des personnages grandeur nature à un paysage sombre dans l’arrière plan, exercice dans lequel il imite Titien dont il a observé la manière au Louvre.



1803  CHATEAU DE SAINT MICHEL BONNEVILLE SAVOIE

Turner réalisa deux vues du même lieu : Bonneville

Dans ce tableau la route rectiligne à gauche mène de manière dynamique le regard vers le lointain



1803  BONNEVILLE, SAVOIE AVEC LE MONT BLANC

Dans cette vue une rivière s’incurve sans grand effort en direction d’un pont et de montagnes. A la différence du précédent tableau nous nous déplaçons d’un pas tranquille à travers le paysage au lieu de la solution précédente, géométrique et précise

En France, Turner a été influencé par Poussin.


1804  LA GRANDE CHUTE DE LA REICHENBACH

Aquarelle exécutée peu après son premier voyage en Suisse. Le grand format s’adapte à l’immensité du paysage. Immensité accentuée par le contraste avec les minuscules personnages rassemblés dans le lointain autour d’un feu sur la gauche et par le chevrier solitaire escaladant la colline en face à la recherche de bêtes vagabondes. La réalité géographique de l’escarpement est apparente. Au pied des chutes nous voyons le fin brouillard dégagé par les masses d’eau qui tombent de très haut. Au premier plan tous les déchets de la création sont représentés. En faisant disparaître la Reichenbach au fond du tableau, Turner nous donne l’impression d’être au bord d’un précipice, accroissant ainsi l’espace et notre dépaysement.


1805  CARNET  D’ETUDES POUR TABLEAUX

Même ses ébauches apparemment les plus informelles, comme ces rapides croquis au crayon et à la plume, semblent contenir en germe des œuvres élaborées.

Il faisait souvent des développements sur un feuillet adjacent


1805  LE NAUFRAGE  

Sur la droite un navire marchand chaviré, en partie caché par un bateau de pêche dont l’équipage s’efforce de recueillir les passagers d’un canot de sauvetage.

Turner masquait souvent ses navires pour créer des formes abstraites complexes. Au fond sur le navire marchand des gens grimpent pour effectuer les manœuvres. La mer est une masse d’écume bouillonnante où éclatent la maîtrise du peintre et sa connaissance de l’hydrodynamique.

Etant donné que des navires chargés de passagers font encore naufrage, cette œuvre tragique demeure d’actualité. Les personnages évoquent la « petitesse de l’homme » et la futilité de son action face aux forces immenses de la nature

En 1804 Turner s’abstint quelque temps de participer aux activités de l’Académie suite à une querelle pour une question de protocole. En 1805  au lieu de préparer comme d’habitude plusieurs tableaux pour l’exposition annuelle il décida de s’occuper uniquement de sa propre galerie et envoya une invitation à ses collègues les priant de « visiter son exposition chez lui »

Les tableaux de Turner, et particulièrement Le Naufrage furent trouvés « grossiers, informes et désordonnés ».

Turner décrit l’agitation qui précède le désastre imminent à l’aide d’une multitude de lignes agitées et discordantes.

La stabilité des marines hollandaises traditionnelles est transformée par une tempête en un chaos effrayant, un tourbillon de vagues houleuses, de voiles claquant au vent, de bateaux qui coulent et d’hommes sur le point de se noyer.

C’est la conception romantique de la nature : la force des éléments submerge les frêles efforts des êtres humains.

Selon Ruskin, Turner montrait « Le plus haut degré d’angoisse et de détresse que la vie humaine peut engendrer »

Ce tableau fut un succès et de nombreuses gravures en furent faites. Ces gravures permirent à Turner de faire connaître ses œuvres à un plus vaste public, d’augmenter sa renommée et de gagner de l’argent



1806   LA BATAILLE DE TRAFALGAR VUE DU VICTORY   

Si à la fin de sa vie Turner fut le plus abstrait des peintres du 19ème siècle, au début de sa carrière il travaillait sur le réel, de documentant avant d’exécuter un tableau, surtout quand il s’attaquait à un sujet historique

Le 22 décembre 1805 le Victory ramena en Angleterre le corps de Nelson. Turner était présent et muni de son carnet de croquis examina minutieusement le navire et interrogea les hommes d’équipage, prenant des notes sur leur aspect physique et sur leurs uniformes.

Le tableau pas tout à fait fini fut exposé en 1806 dans la galerie de Turner et achevé en 1808. Turner accompagna le tableau d’une longue légende pour expliquer qui étaient les personnages principaux et pour décrire les navires de guerre anglais et français. On assiste à la bataille à tribord du Victory, au moment où Nelson reçoit une blessure mortelle. Le capitaine du bateau français le plus proche rentre son pavillon.

Le tableau fut condamné par la plupart des critiques. Un seul d’entre eux reconnut que c’était « une nouvelle sorte de peinture épique ». Nous sommes en présence d’un combat naval qui donne au spectateur l’impression d’être acteur. Dans la plupart des peintures de ce genre ; le spectateur assiste à la scène d’un canot de sauvetage et son attention se concentre sur le repêchage des hommes tombés à la mer. Turner le fait participant du chaos et de la confusion qui règne sur le navire amiral.

Le spectateur se rend compte que le combat ne dépend plus de la volonté humaine, que la victoire ou la défaite sont à la merci de forces aveugles et inconnues. Il n’y a pas de gestes dramatiques, seulement une masse confuse de marins dont certains cherchent à retenir le mât principal, tandis que d’autres tirent encore sur les Français, ou bien s’occupent des blessés, étourdis, épuisés ou mourants.

Le public de Turner attendait des actions héroïques. Il n’y en a point. C’est peut-être pour cette raison que le tableau ne plut ni aux critiques ni au public.


1807  LA FORGE  

La compétitivité et l’avarice étaient deux traits essentiels de son caractère. Turner était affecté par les critiques et déçu de ne pas vendre. Sa recherche du sublime ne correspondait pas au goût de l’époque. Il voulut prouver qu’il était capable de peindre un tableau anecdotique aussi bien que n’importe quel autre peintre de genre de sa génération.

Il attribua à cet essai un titre digne d’un traité d’économie : « Un maréchal-ferrant discutant du prix du fer, et le prix payé par le boucher pour faire ferrer son cheval »

Ce tableau d’une grande simplicité est aussi la preuve que Turner était capable de rendre la gradation subtile de la lumière en intérieur aussi brillamment avec la peinture à l’huile qu’à l’aquarelle

Cette toile fut vendue à Leicester mais dix ans plus tard à la mort de Leicester Turner, bien qu’il eût abandonné ce style de peinture, racheta la toile car il ne supportait pas d’idée d’abandonner à un autre cette charmante petite scène de genre

1807  LEVER DE SOLEIL DANS LA BRUME  

PECHEURS NETTOYANT ET VENDANT LE POISSON

Ce tableau exposé en 1807 était  présenté comme une scène hollandaise. Mais la scène était complètement imaginaire, car quand il peignit ce tableau il n’était jamais allé en Hollande. Les personnages contrastent avec la beauté de la nature tout en suscitant des associations d’idées avec les Pays-Bas. Contraste entre la beauté de la nature et une humanité mal dégrossie. Contraste aussi entre la paix de la mer et du ciel et le bavardage des pêcheurs. Magnifique lumière diffuse et douce de l’aurore.

Turner légua ce tableau à la National Gallery à la condition qu’il soit accroché à côté d’un tableau de Claude Lorrain : « Lever de soleil dans la brume »

Avec Didon construisant Carthage, cette peinture est celle que Turner estimait le plus, celle qui devait lui donner l’immortalité

Il légua ces deux toiles à la nation « avec les réservations et restrictions suivantes, à savoir que j’exige que les dits tableaux soient accrochés, gardés et placés, et toujours, entre les deux tableaux de Claude : Le port de mer et le Moulin »

Il voulait un tableau ayant à peu près les mêmes dimensions que Le Moulin et qui traite aussi un sujet vivant.

L’atmosphère brumeuse de la scène est bien rendue, l’eau grisâtre correspond parfaitement au bleu pâle du ciel. Pour certains critiques la peinture semble un peu pâle, presque monochrome. Par la suite il abandonnera le naturalisme et ses paysages auront des tons plus brillants.

Ce tableau fut vendu à Leicester et racheté ensuite par Turner car il aimait cette vision aurorale de la côte anglaise qui représentait un retour direct à la nature et sa passion maîtresse : l’amour de la lumière et du mystère

Le double titre met en valeur les deux pôles entre lesquels vibrait l’art de Turner : la sublimité du soleil dans une manifestation presque magique et le terre-à-terre sans intérêt incarné par les pêcheurs, à la fois beau et banal.

Le 2 novembre 1807 il fut élu professeur de perspective à l’Académie et se mit à dévorer toutes sortes d’ouvrages pour préparer ses cours. Il ne fut pas prêt à les dispenser avant 1811. Mais l’écriture ne lui venait pas facilement. Il souffrait d’un hiatus entre la pensée et les mots. Il ne maîtrisait pas le langage comme le pinceau.


1808   VILLA DE POPE A TWICKENHAM   

La villa du poète Pope (1688-1744) fut démolie en 1807 par la baronne Howe excédée par le défilé incessant des visiteurs vers la vieille maison du poète. L’arbre mort du premier plan fait allusion à l’arbre planté par Pope qui fut le premier saule pleureur d’Angleterre. L’arbre fut acheté en 1801 par un joailler de Londres qui fit une fortune en le revendant par petits morceaux aux admirateurs du poète.

Turner accentue la mélancolie de la scène en la peignant à la lumière du soir et en plaçant l’arbre mort au premier plan. Nous contemplons la maison mourante d’un poète défunt à l’heure où meurt le jour, pendant la saison où l’année se meurt, avec au premier plan un arbre mort qui fait penser au saule mort de Pope.


1809  LONDRES

Ce tableau exposé dans la galerie de Turner en 1808 est un hymne à la splendeur aussi bien qu’à la misère de sa cité natale et de son grand fleuve, la Tamise

Il composa les vers suivants pour l’entrée dans le catalogue

« Là où sur la Tamise se pressent les navires

Règnent le dur labeur et les soins du commerce ;

Leur voile de fumée, s’élevant vers le ciel,

Obscurcit ta beauté et désavoue tes formes ;

Mais çà et là tes flèches percent les ténèbres,

Telles des lueurs d’espoir dans un monde accablé.


1809  LA HARPE EOLIENNE DE THOMSON

Turner avait une grande admiration pour le poète écossais James Thomson. Il citait souvent ses vers. Dans cette scène imaginaire donnant sur la Tamise à Twickenham, Turner lui rend hommage en faisant figurer la « Harpe éolienne », instrument que fait vibrer le vent 

Il écrivit « Sur la tombe de Thomson, la rosée va distillant ses larmes. Les vers suscitent encore de tristes souvenirs qu’une mode trompeuse ne peut ensevelir. Coule sans bruit, belle Tamise, car tout est dit ; sa flûte silencieuse et sa harpe tarie ne résonneront plus au bois de Twickenham »

Turner aimait faire des vers mais avec son esprit brillant et ses grandes capacités créatrices, il ne pouvait admettre qu’il n’était pas aussi capable d’écrire.


1810   COTTAGE DETRUIT PAR UNE AVALANCHE   

Turner avait pour but d’atteindre une splendeur héroïque. Sept ans auparavant un peintre avait peint une avalanche alpine. Turner avait le goût de la compétition. On peut l’imaginer se disant  à lui-même : « Voilà comme il faut peindre l’explosion de la nature. C’est un sujet que je suis seul à maîtriser »

Turner, sans aucun personnage, nous fait voir le dynamisme terrifiant de la nature. Les masses de neige, de glace, de rochers semblent animés d’un pouvoir démoniaque de destruction. Leur énormité est soulignée par la petitesse du chalet et des pins au premier plan.  Turner exprime le choc violent et écrasant de forces déchaînées.

Sa peinture atteint les sommets dans la représentation du désastre mais les vers qu’il cite (les siens) pour faire écho à la chute tumultueuse de rocs et de glace sont loin de l’équivalent verbal de cette horrible cataracte.

« Le soleil couchant luit d’une tristesse d’adieu,

Sinistre et blafard derrière l’orage qui se prépare ;

La neige épaisse s’amoncelle,

Et son énorme poids défonce la barrière rocheuse ;

Elle se précipite dans la vallée, les forêts de pin,

Et les glaciers s’écroulent, le travail des siècles,

S’abat avec fracas ! Le néant suit,

Et le labeur, l’espoir des hommes – est englouti. »

Turner nous propose un tumulte fracassant qui secoue la terre. Les coups de couteau à palette sont hardis. Cette façon brutale d’appliquer les pigments correspond à la violence de la neige et des rocs qui dévalent avec fracas.


1802  LA MER DE GLACE REGARDANT L’AIGUILLE DU TACUL

Le plus grand des carnets européens comporte plusieurs études où Turner utilise une palette réduite de gris et de bleus rehaussés de blanc. Ces moyens minimalistes permettent d’évoquer la grandeur des paysages de montagne avec une grande puissance

La surface torturée du glacier et les pics hostiles créent un paysage menaçant, à l’image du sublime naturel que recherche Turner



1804  VENUS ET ADONIS

ADONIS PARTANT POUR LA CHASSE

Turner présente Vénus couchée sur un banc couvert d’une draperie sous de hauts arbres. Son corps tourné vers le spectateur apparaît entièrement  mais la tête est presque complètement cachée par la silhouette d’Adonis, debout, vu de dos, en train de prendre congé avant de partir à la chasse.

Cette image d’une chair rebondie et désirable mais dépourvue de tête et donc de toute individualité est surprenante. Il exprime, peut-être sans le vouloir, ses véritables sentiments pour Sarah Danby. Il avait pu trouver en Sarah une compagne nécessaire mais elle n’était pas une amie indispensable. Il avait besoin de s’échapper vers d’autres lieux.



1804   LE PONT DU DIABLE AU SAINT GOTHARD

A son retour des Alpes Turner des aquarelles parfois très grandes où il a su rendre l’austère noblesse des montagnes. Elles ne contiennent pratiquement pas de personnages ce qui est inhabituel chez lui. Avec cette aquarelle Turner innove dans les techniques de grattage et de réserve




WILLIAM  TURNER


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