1775- 1800

On connaît peu de chose sur la vie privée de Turner.

On pense qu’il est né le 23 avril 1775. A 21 ans il peignit l’intérieur de l’abbaye de Westminster où il montre une dalle mentionnant « William Turner natus 1775 »


Il fut baptisé le 14 mai à l’église saint Paul de Covent Garden. L’église telle qu’elle était lors de l’enfance de Turner

On ignore le lieu exact de sa naissance car Turner se faisait passer pour un natif de n’importe quelle région qui lui plaisait. C’est peut-être sa vocation à recréer dans son art une infinité de paysages qui explique ce désir de s’associer intimement à tant d’endroits différents

Il souhaitait offrir de lui-même l’image d’un être presque désincarné, sans racines fixes. Le secret dont il entourait sa vie privée traduit une certaine honte, provenant sans doute de ses origines familiales


1786  Margate

A 11 ans il fit une vue Margate vers le port. Il réalisa alors une série de dessins qui annonçaient déjà un certain sens des principes du dessin topographique

Perspective élaborée d’une vue en descente vers la mer

L’enchevêtrement de mâts derrière les bâtiments  est sa première marine connue

Son père tenait boutique de barbier et de perruquier. Il ne perdait pas une occasion de se procurer des espèces sonnantes et trébuchantes

On peut penser qu’il ne tarda pas à accrocher ce genre d’œuvre dans sa vitrine de barbier pour les vendre

Son père était très fier et disait en coupant les cheveux « Mon fils sera peintre ».

Turner « Mais mon père ne me félicitait que quand j’avais économisé un demi-penny ». Le lien entre l’effort créatif et sa récompense pécunière lui fut inculqué à un très jeune âge. Plus tard son sens aigu des finances fut interprété comme de la pingrerie.

Sa mère, petite comme son fils, avait des accès de colère violente. Turner eut une petite sœur qui mourut à l’âge de sept ans quand lui avait dix ans

Turner a sans doute hérité de la tournure d’esprit mélancolique de sa mère dont la santé mentale était fragile.

Son père avait assez de caractère pour supporter les épreuves que lui infligeait sa femme tout en apportant soutien et encouragement à son fils. Il jouissait d’une bonne santé. C’était un vieux bavard plus gai que son fils. Pour le vieux William la carrière de son fils avait une importance primordiale. La loyauté dont il devait toujours faire preuve créa entre eux d’innombrables liens matériels et affectifs.

En 1789 il séjourna à Oxford chez un oncle boucher qui venait de prendre sa retraite et qu’il oubliera quand il aura atteint la réussite. A Oxford il découvrit les paysages des environs.


 


Il rassemble ses esquisses dans un carnet de croquis qu’il relie. Son père l’a sans doute assisté dans cette tâche de reliure. Ainsi commence leur relation d’entraide qui sera si importante par la suite. Turner devait conserver jusqu’à la fin de sa vie cette habitude de prendre des croquis au crayon sur les lieux mêmes et de finir plus tard.

En 1789 il entra en apprentissage dans les bureaux de l’architecte Thomas Hardwick qui lui faisait dessiner les bâtiments sur lesquels il travaillait afin de les insérer dans le paysage

Fin 1789 il entra dans les bureaux d’un éminent dessinateur topographique : Thomas Malton, où il apprit à imiter les perspectives raffinées des bâtiments londoniens.

LE PALAIS DE L’ARCHEVEQUE DE LAMBETH 1790

Il vient d’avoir 15 ans. Maîtrise dans la présentation d’un groupe de fabriques disposées selon des angles variés.

Influence de Thomas Malton dans les perspectives accusées des bâtiments sur la droite et le rôle des personnages dans la caractérisation de l’échelle du lieu.

Une lavandière descendant vers la Tamise, un élégant et sa jeune compagne, un jeune homme courtisant une jeune fille par la fenêtre, un cabriolet ouvert.

Le soleil matinal encore masqué crée des ombres longues et douces.

Il entra à l’’école de l’Académie Royale dans la section des plâtres puis du modèle vivant.

La dévotion obsédante de Turner à sa carrière naissante suscita l’admiration. C’est parmi ses collègues qu’il devait toujours se sentir le plus à l’aise. Sa personnalité  n’attirait pas spontanément la sympathie. Il ne faisait pas de grâces en société. Il était très silencieux, ne se consacrait qu’à son dessin, n’aimait ni le théâtre, ni la musique


En 1791 (16 ans) il séjourna chez des amis qui lui demandèrent de se peindre en miniature. « Il ne sert à rien de faire le portrait d’une aussi petite silhouette que la mienne, cela nuirait à mes dessins, les gens diront qu’un si petit homme ne peut savoir dessiner »

Les plis de sa veste ont le rendu frémissant des arbres qu’il dessinait. L’expression est concentrée, les lèvres un peu serrées, mais les yeux grands ouverts fixent fermement leur objet.

C’était un jeune homme d’apparence et de manières très ordinaires, vêtu sans aucun soin. Il se souciait peu de ses habits qui n’avaient jamais l’air à la bonne taille. Il ne parlait jamais que de ses dessins et des endroits où il voulait aller faire des croquis.

Turner gardait un intérêt tout particulier pour la topographie où il montrait un talent précoce.


1792  LE PANTHEON INCENDIE

Il aimait un bâtiment en briques rouges connu sous le nom de Panthéon. Il le peignit après sa destruction par un incendie.

La scène journalistique, sous le givre, représente Oxford Street, le matin du 14 juin 1792, au moment où les pompes à incendie achèvent leur travail

Une foule s’est rassemblée devant le bâtiment qu’éclaire le soleil matinal et dont les fenêtres sont bordées de glaçons. L’intérêt pour l’humain n’était qu’esquissé dans les travaux antérieurs.

Dessin architectural dans le style de son maître Thomas Walton


1793  LA TEMPETE SE LEVE

Cette aquarelle n’est qu’une esquisse mais c’est la première fois que Turner manifeste la maîtrise des effets pour lesquels il s’est rendu célèbre

Il s’affronte désormais aux conditions météorologiques difficiles

A partir de 1793 il rend visite régulièrement au docteur Monro qui traite le roi durant ses attaques de folie. Le docteur lui a demandé de copier des aquarelles de paysages. Il fera des copies pendant trois ans


1794  CHAPELLE SAINTE-ANSELME  

Nous regardons depuis l’angle sud-est de la cathédrale de Canterbury. En ce lieu furent enchâssés les restes de la tête de saint Thomas Becket, assassiné dans la cathédrale en 1170. Au haut Moyen Age cette partie du monument comptait parmi les lieux de pèlerinage les plus fréquentés d’Angleterre.

La vue des angles de la partie basse du premier plan révèle l’influence de Thomas Malton. Sur la gauche du tableau chaque pierre est de couleur différente au sein d’un ton général qui s’obscurcit peu à peu en montant. Cette maîtrise des  nuances caractérisera durablement son œuvre.

A 19 ans Turner maîtrise la peinture des architectures. Cet angle sud-est de la cathédrale est difficile à peindre car il présente une série de facettes diversement orientées dont jaillissent dans toutes les directions des  tours et des arcs-boutants. En captant la lumière matinale il a saisi les ombres et les reflets qui baignent ces surfaces enchevêtrées.


Portrait de Turner exécuté par l’un de ses collègues de l’Académie vers 1795 (il a 20 ans)


1796  PORCHE DE LA CATHEDRALE DE SALISBURY

Il dessine le porche de la cathédrale de Salisbury qui était en cours de restauration. Il s’applique à traiter l’ombre et le feuillage sur une maçonnerie minutieusement rendue


1796  CHAPELLE SAINT ERASME

ABBAYE DE WESTMINSTER


L’entrée de la chapelle donne sur le déambulatoire

Sur une dalle, date et année de naissance de Turner (saint Erasme est le patron des marins)

Turner a 21 ans. L’échelle exagérée et l’éclairage dramatique annoncent les intérieurs des cathédrales qu’il réalisera les années suivantes


1796   PECHEURS EN MER  

C’est par cette toile que Turner fit ses débuts dans la  peinture à l’huile.

L’éclat de la lumière et le mouvement de la mer caractérisent Turner.

Vue représentant des bateaux de pêche secoués et emportés par une tempête à l’ouest de l’île de Wight.

 « Les bateaux sont légers et glissent à merveille sur la mer dont les ondulations sont admirablement suggérées »

Turner était encore peu familiarisé avec la peinture à l’huile : les nuages semblent se rejoindre derrière la lune.

Sensibilité pour la force dynamique de l’eau et pour la lutte de l’homme contre cette force élémentaire, deux thèmes qu’il affrontera tout au long de sa vie. Pour Turner le destin de l’homme est de livrer une bataille contre les forces supérieures.

Malgré sa maîtrise de l’aquarelle, celle-ci ne devait jamais lui permettre de traduire pleinement ses sentiments devant la mer. Il pouvait cerner d’un dessin  la majesté des montagnes, pas celle de l’océan.

Le public lui accorda un soutien enthousiaste


1797   PRIEURE D’EWENNY

Scène brumeuse du transept du prieuré d’Ewenny. Majestueux intérieur architectural


1798  LE LAC DE BUTTERMERE, UNE AVERSE   

En juin 1797 Turner fit un voyage dans le nord de l’Angleterre pour visiter les sites romantiques du Yorshire et pour dessiner les paysages pittoresques des lacs anglais. A son retour il peignit ce tableau à partir d’un de ces dessins. Un confrère peintre jugea « Un homme timoré qui a peur de prendre des risques ». Pourtant Turner a innové par rapport aux paysages du 18ème siècle en saisissant la grandeur de ces montagnes en pente douce enveloppées par un arc-en-ciel qui se reflète dans les eaux calmes.

Pour présenter son tableau il reprit les vers d’un poète écossais : (poésie guindée et conventionnelle)

« Tandis qu’à l’occident le soleil à son déclin

Devient éclatant – une splendeur soudaine frappe

Les montagnes illuminées – dans un brouillard jaune

Enjambant la terre – le grand arc impalpable

Se déploie largement et nous montre ses couleurs »

Turner aimait beaucoup les vers et connaissait bien la poésie du 18ème siècle. Il appréciait Byron mais pas les grands poètes de sa génération qui étaient pourtant proche de lui par leur sentiment de la nature.

Turner a bien exprimé la transfiguration que nous éprouvons parfois quand, après une averse, le soleil apparaît soudain, illuminant un coin de campagne encore couvert d’ombre par les montagnes.

Pour étendre ses connaissances de topographie botanique il répondit aux invitations et fit plusieurs voyages


1798  ETUDE DU CHATEAU DE DOLBADARN

Après avoir pris de nombreuses esquisses durant son excursion il expérimenta dans son atelier de nouvelles palettes de teintes


1798  VUE DU CHATEAU DE DUNSTANBURGH

Turner commença à  travailler au couteau à palette pour cette vue située sur la plage orageuse de Northumberland


1799   LE SNOWDON

En 1799, lors d’une seconde visite au Pays de Galles, il s’intéressa surtout à la géologie et aux effets de lumière en travaillant sur les lieux mêmes avec de la couleur


1799   LLANBERIS

Reprenant ses esquisses, il fit cette étude d’une grande puissance, d’une vue plongeante dans un jet de lumière. Maîtrise du jeune peintre (24 ans) pour rendre l’étendue du paysage


1799  CAERNAVON

Turner découvrit « Le port de mer » de Claude Gellée (Le Lorrain) dans la collection Angerstein. Quand celui-ci entra dans la pièce il découvrit Turner troublé, agité, en larmes. Il ne put que dire « Parce que je ne pourrai jamais rien peindre d’égal »

Le tableau eut une influence considérable sur Turner qui demanda dans son testament que l’on accroche à côté dans la National Gallery son « Didon construisant Carthage » (1815)

En 1799 Turner s’essaya pour la première fois à peindre un port au crépuscule à la manière du Lorrain. La composition équilibrée et la chaude tonalité imitent l’artiste français

En décembre 1800 sa mère souffrit de façon accrue de sa maladie mentale qui la rendait difficile à vivre. Elle fut transférée dans un asile privé où elle finit ses jours. Avant son départ l’ambiance était devenue presque intolérable. Turner se réfugia à la campagne dans le cottage d’un ami. Durant se séjour il alla se promener dans la forêt pour étudier les arbres d’après nature, à l’huile sur papier

1799  Portrait de Turner à l’âge de 24 ans, par un ami


1799   ETUDE POUR LE CHATEAU DE DOLBADARN

La tour isolée du château tient sur un promontoire. Comme de nombreuses ruines galloises, elle marque durablement l’imagination de Turner.

Turner médita longuement sur le thème de la tour cylindrique noire s’enfonçant dans les nuées orageuses. Cette étude est un dessin aux craies de couleur


1800   ABBAYE DE FONTHILL

Turner peignit des vues de la nouvelle abbaye de Fonthill construite par William Beckford, qui était alors en construction

Le patronage offert par les mécènes et le prix qu’ils étaient disposés à payer indiquent  la haute estime dans laquelle les connaisseurs tenaient Turner

Les académiciens avaient beaucoup de considération pour Turner. Si humbles que fussent ses origines (fort accent londonien) il se conduisait avec bienséance. Il souffrait d’une éducation défectueuse et trop pris par son art, trop emporté par le tourbillon de sa créativité il n’était pas pointilleux sur l’étiquette mais ses collègues avaient appris à connaître ses sautes d’humeur


1796  TIVOLI

Cette vue de Tivoli a été copiée à la mine de plomb chez le Dr Monro par son ami Gurtin et mise en couleur par Turner



1798  MATIN AUX CHUTES DE CONISTON   CUMBERLAND

En 1797 Turnet découvrit les paysages montagneux et romantiques qui l’incitèrent à développer les ressources techniques de la peinture à l’huile. Le choix d’un format à la française fut motivé par le souhait de présenter l’échelle verticale des collines, des vallées et des ravins gorgés d’eau aux sommets embrumés


1799  OXORD CATHEDRALE DE CHRIST CHURCH


Turner n’acheva jamais cette grandiose aquarelle qui pourrait être le commencement d’une étude pour explorer les moyens techniques dont il dispose pour évoquer un intérieur roman brumeux avec ses ombres oppressantes et son échelle suggestive



1799   FORET DE  HETRES

En octobre 1799 il peignit des hêtres. Il n’avait jamais auparavant peint à l’huile en plein air. Il en tirait l’effet apaisant qu’il devait trouver plus tard dans la pêche à la ligne

Puis il quitta sa famille et s’installa au 64, Harley Strett

Il fit la connaissance de la jeune épouse d’un compositeur et organiste catholique nommé John Danby. Son mari mourut en mai 1798 et elle devint la maîtresse de Turner peu après. Elle lui donna deux filles les années suivantes, Evelyne et Giorgiana. Les attentions de la jeune femme ont contribué à le renforcer dans sa propre estime

Il répugnait à s’installer dans une existence rangée et refusait d’envisager le mariage. Sarah avait déjà quatre enfants. Il la tint à distance dans une autre maison et maintint toujours une soigneuse distinction entre vie professionnelle et vie privée. Il gardait avec soin le secret sur tout ce qui concernait sa vie privée.



1800   CHATEAU DE DOLBADARN

Craies de couleur sur papier bleu

Le prince gallois Owen était enfermé dans ce château.

Turner « Quel lugubre silence dans ces déserts

Où la nature lance ses montagnes vers le ciel

Contemple, ô majestueuse solitude, la tour où l’infortuné

Owen, longtemps reclus, se tordit les mains

Et pleura en vain sa liberté perdue »

Paysage sublime enrichi d’une dimension historique sans que soit compromise la simplicité du traitement


WILLIAM  TURNER


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