1877 - L'Hermitage en été, Pontoise


Paysage très harmonieux

Grande richesse de la palette

Sur la colline de gauche on reconnaît les touches "constructivistes" qui marquent l'influence de Cézanne avec qui il travaille

Couleurs soulignées par un effet de lumière sur les collines et les prés

1877 - Les toits rouges, coin d'un village, effet d'hiver


La toile est recouverte d'une multitude de petites touches, produisant par leur densité un effet harmonieux

L'accumulation de touches minuscules de couleurs variées donne une richesse de gradations qui fait penser aux émaux anciens

" A mes yeux un effet atmosphérique ne peut être rendu avec vérité par de larges coups de brosse,  mais seulement par des touches subtilement différenciées qui suggèrent la délicate variété de la nature"

Heureuse harmonie des horizontales pour asseoir le paysage qu'une colline adoucit avec son découpage de champs cultivés


Maisonnettes groupées au pied de la Côte des Boeufs, près de la maison de Pissarro

L'hiver est très avancé, le printemps est proche

Le blé d'hiver semé en décembre et sorti en février-mars commence à colorer les champs tandis que les arbres fruitiers sont près de fleurir

Les vielles bâtisses au centre ont été récemment couvertes de toits de tuiles de couleurs vives dont le rouge ravive les verts du tableau

Le motif principal (le titre : Les toits rouges) est la teinte rouge des toits

La couleur est donc le vrai sujet de l'oeuvre

Le titre indique bien que le peintre s'attacha abord à la couleur, puis au lieu, enfin seulement aux variations que le temps fait subir aux formes


1878 - Le parc aux charrettes, Pontoise


Pissarro aimait la combinaison de différents éléments

La masse des édifices est opposée aux arabesques gracieuses d'un arbre

Le mouvement de quelques personnages devant un mur solide

Une vive lumière et des tonalités gaies baignent toute la scène

Les habitants sont présentés dans une continuité latérale, comme un spectacle qui se déroule


1878 - Le jardin potager à l'Hermitage


Pissarro revient sans cesse sur la richesse de la vie paysanne

Il présente l'homme dans son quotidien laborieux où tout dit la marche des saisons et le temps suspendu dans une sorte de communion avec son environnement

Tout paysage vu par Pissarro est en totale harmonie avec les personnages qui s'y meuvent et s'y révèlent dans leur situation sociale

Pissarro est plus en symbiose avec le jardinier qu'avec le promeneur


Les branches des arbres qui s'entrecroisent dans le ciel font comme un dôme d'honneur à ce jardinier bien centré dans ce paysage d'automne

1879 - Le Fond de l'Hermitage


Ce tableau évoque les sous-bois argentés de Corot et les paysages de forêts de Courbet

Les arbres forment une barrière entre le spectateur et le monde humanisé qu'il veut introduire dans ses paysages

1879 - Les boulevards extérieurs, Neige


En septembre 1878 Julie donna naissance à un autre fils : Ludovic en mémoire de Piette, mort l'année précédente

" Je dois faire tout ce qui est possible pour obtenir un peu d'argent "

N'y parvenant pas il déprima quelques temps

Il peignit les boulevards parisiens. Cette scène est totalement froide

Les quelques silhouettes sont engoncées dans leurs vêtements ou sous un parapluie, se protégeant des éléments

La petite silhouette du premier plan, tête penché et mains dans les poches résume l'ambiance de la toile

Pissarro exagère l'effet en adoptant un point de vue proche du niveau de la chaussée

Plutôt que glorifier la rue comme il le fera plus tard il exprime ses sombres sentiments intimes

1879 - La garenne à Pontoise, effet de neige


Tableau peint pendant le rigoureux hiver de 1879

Le sujet est sans attrait, la construction très particulière, voire confuse et la facture presque sale

Pissarro semble se délecter de la laideur de l'hiver

Il ne représente pas le moindre rayon de soleil où reposer l'oeil de ce qui n'est guère plus qu'un fouillis de végétation sous la neige maculée

Pissarro a minutieusement rendu l'inclinaison de chaque tronc d'arbre, tous les accidents du terrain et l'occupation quotidienne de l'homme solitaire ramassant du bois pour se chauffer

1880 - Chaumière au Valhermeil


Paysage dominé par les formes douces des chaumières, la belle courbe de la route et le brillant foisonnement des branches

Avec ce tableau Pissarro présente une conception de la nature qui est désordre et changement permanent sur lequel l'homme n'a pas de prise

Le "Paysage à Chaponval" présente, lui, une conception de la nature qui est peut-être chaotique mais qui peut être structurée par l'esprit humain

1880 - Paysage à Chaponval


Pissarro plaçait souvent son chevalet dans les champs ou dans les prés dont les jaunes et les verts semblaient rehausser les toits d'ardoise ou de tuiles des petites maisons

Le ciel bleu aux petits nuages flottant au-dessus des collines contribue à donner à ce merveilleux pays son aspect de fertile abondance

Cette vue de Chaponval révèle une tendance à la simplification et une conception synthétique de la nature (trace de la collaboration avec Cézanne)

Autour de 1880 Pissarro, Monet et Renoir montraient une prédilection pour les tonalités bleues

Un critique leur reprochait de voir "du bleu perruquier dans toute la  nature"

Gauguin avait fait la connaissance de Pissarro vers 1877 et avait commencé à peindre à ses côtés à Pontoise et en 1879 Pissarro l'invita à se joindre au groupe impressionniste


En avril 1879 Pissarro présenta 38 oeuvres à la septième exposition impressionniste; il fut le seul à être présent à toutes les expositions

Jusqu'alors ses compositions étaient soigneusement structurées en distinguant le premier plan, le plan du milieu et l'arrière plan

Dans ce tableau il privilégie les bandes horizontales

Plutôt que de donner une illusion de réalité et de profondeur le tableau est presque abstrait dans sa composition

Comme dans une tapisserie médiévale les bandes se superposent les unes sur les autres : le champ, les maisons, les collines et le ciel

Plutôt que d'être absorbée par le paysage la gardeuse de vache s'impose au centre et à notre attention

Du bleu pour le ciel, le vêtement et les toits des maisons : on lui reprocha cette abondance de bleu

1881 - Jeune fille à la baguette


Les personnages que représente Pissarro sont des êtres simples et robustes, très proches de la nature

Il les observait avec tendresse et savait les peindre avec compréhension

Il remarquait d'un oeil vif leurs poses maladroites, leurs regards timides et leurs vêtements simples

Degas "Les paysannes de Pissarro ressemblent à des anges qui vont au marché"

1881 - Dans le potager à Pontoise, paysanne bêchant


La société du 19ème siècle est éminemment paysanne

Dans le monde rural s'incarnent les valeurs qui vont subsister jusqu'à la Première Guerre mondiale

La peinture participe à cette construction d'un mythe social et Pissarro en est l'un des artisans les plus fervents


Les touches minuscules pour certaines définissent nettement les figures (comme le dos de la paysanne ou les choux au premier plan et aussi les troncs d'arbres) et pour d'autres dans les arbres ou au sol donnent une variété directionnelle à cette composition plutôt plate

1881 - Portrait de paysanne


Malgré une technique tout à fait impressionniste de petits coups de pinceau, Pissarro ne poussa pas les effets fugitifs de lumière jusqu'au point où les formes se dissolvent dans le jeu des ombres et des lumières

Dans ce portrait il n'employa la technique impressionniste que pour enrichir de nuances  les volumes solides qui se détachent du fond extrêmement vivant

1881 - Le petit déjeuner, Jeune paysanne prenant son café au lait


Cadre intimiste : celui proche des choses de la vie quotidienne

Après une exposition à Londres sans grand succès on lui demandait de présenter ce qu'il avait de mieux

A propos de ce tableau, exposé à Londres, Pissarro dit "Je ne ferai, hélas, jamais rien de plus soigné, de plus travaillé ...Ce n'est qu'à la longue que je puis plaire ... mais pour le passant le coup d'oeil est trop prompt, il ne perçoit que la surface"

"Quand on fait une chose avec toute son âme et tout ce que l'on a de noble en soi, on trouve toujours un sosie qui vous comprend; pas n'est besoin d'être légion. N'est-ce pas là tout ce que doit désirer l'artiste ? "


Sa jupe bleue et son corsage brun nous disent qu'il s'agit d'une paysanne

La lumière qui entre par une fenêtre sur la gauche éclaire doucement son visage, sa poitrine et ses mains

Le lourd bras plié gauche de la jeune femme s'inscrit parfaitement dans l'angle droit du tableau, forme en "L" reprise à gauche par l'angle de la fenêtre

1881 - Portrait de Félix


Félix-Camille, surnommé Titi, est le troisième fils de Pissarro

Le garçonnet a sept ans

Visage encadré d'un tissu serré de petites touches

Couleurs plus vives que pour les scènes de plein air

Félix mourut à 23 ans de tuberculose en1897

En 1897, Pissarro avait 67 ans, Mirbeau écrit " Autour d'une vieillesse toujours jeune et vénérée, cinq fils, tous artistes, et tous différents ! Chacun va où le mène sa propre nature. Le père n'impose à aucun d'eux ses théories, ses doctrines, sa façon de voir et de sentir. Il les laisse se développer eux-mêmes, selon le sens de leur vision et de leur intelligence personnelle"

1882 - La moisson


La troisième fille de Pissarro, Jeanne (comme sa soeur morte en 1874), naquit le 27 août 1881

Julie, harcelée par le manque d'argent souhaita que l'aîné, Lucien, trouve un emploi

Pissarro, peu favorable à ce qu'il se lance dans les affaires, le prit comme aide pour préparer ses toiles et ses expositions

Cette aide lui était nécessaire car il n'avait aucun encouragement public

En positionnant ses figues autour des lignes de piles de foin il a créé une composition paisible et rythmée

Quatre hommes et quatre femmes préparent la moisson

La concentration des figures sur le côté gauche crée un déséquilibre dans la composition et impose à notre regard la femme debout à la coiffe rouge

La botte de foin qu'elle tient est placée à un angle et par son orientation conduit notre regard vers le paysage largement ouvert à droite

1882 - Le marché aux volailles, Pontoise


En 1882 Julie et Camille décidèrent d'envoyer leur fils aîné, Lucien, 20 ans, en Angleterre pour apprendre l'anglais

Pissarro était proche de son fils et durant vingt ans lui écrivit presque chaque jour commentant les événements de la famille

Cette correspondance affectueuse, intelligente et informée est importante pour l'histoire de l'impressionnisme

Dans les années 1880 Pissarro était très intéressé par les marchés

Il les fréquentait avec Julie pour nourrir leur nombreuse famille

Pissarro était fasciné par les marchés car c'était là, que par l'échange de produits et d'argent, s'établissait la relation entre bourgeois et paysans

1882 - Femme et enfant au puits


Pissarro place les paysans dans leur cadre familier, s'efforçant de diviser son attention également entre le décor et les protagonistes

Il pose sans hésiter les verticales du puits à gauche et de la petite fille à l'extrême droite il laisse le centre de la toile vide; seul le regard qu'échangent les deux personnages établit un lien invisible

L'horizon est placé si haut qu'on aperçoit à peine le ciel

L'espace derrière la jeune femme et la fillette est grouillant de végétation où apparaissent des notes rouges qui rappellent la couleur des pierres du puits, de la coiffe de la femme et des cheveux de l'enfant

Dans le fond quelques maisons répètent ces tons rougeâtres et allègent par leurs formes solides l'enchevêtrement confus qui remplit le second plan

Le pinceau de l'artiste traite tous ces éléments de la même manière  ne créant pas d'autres contrastes que ceux de la couleur

L'artiste obtient ainsi une intégration complète de tous les éléments, répétant le processus de la nature dont la lumière couvre toute chose sans différenciation

1882 - La petite bonne de campagne


Pissarro voulait présenter ses modèles en harmonie avec leur décor

La jeune bonne est un élément de la composition parmi d'autres : le demi-cercle de la table menant à l'enfant, la porte, le mur et les deux chaises ont une part importante de la composition

Les formes circulaires de la théière, de la soucoupe sont reprises dans la courbe de la table et les dossiers des chaises

Les fortes verticales de la porte sont renforcées par les pieds des chaises et les cadres au mur

La diagonale du tapis au sol est renforcée par la diagonale du balai

On dirait une véritable nature morte

Influence de Degas qui lui aussi plaçait ses figures à l'extrême bord de la toile

L'enfant est Ludovic, quatre ans, qui plus tard réalisera le catalogue raisonné des oeuvres de son père avec l'aide de Venturi

Mais si chaque élément est disposé savamment l'artiste réussit à exclure l'artifice et à donner l'impression de spontanéité comme un instantané de photographie

A la fin de 1882 Pissarro quitte l'humide Pontoise et s'installe à Osny où Gauguin vient lui rendre visite et travailler avec lui

Les bonnes furent un problème pour le couple Pissarro et leur nombreux enfants. Lors de ses voyages à Paris pour trouver des amateurs pour ses tableaux il rencontrait quelque bonne avant de l'envoyer à la campagne où sa femme, exigeante et autoritaire se déclarait déçue de la "perle" qu'il croyait avoir trouvée

Il fallait prendre soin des enfants, travailler dans le jardin, nettoyer la maison et parfois poser pour le maître !

1883 - La charcutière - Le marché


Pissarro s'intéressait aux scènes de marché ruraux

C'est Eugénie Astruc, la fille de la soeur de sa femme, qui pose

Ce tableau est composé d'éléments étudiés séparément : la femme de droite était à l'origine vue de profil, celle du premier plan avait un visage plus âgé auquel le peintre substitua les traits de sa nièce

Le tablier blanc de la figure centrale est un élément structural solide et les personnages se détachent délicatement du fond tout en faisant corps avec le décor animé


En rapprochant les figures de la toile Pissarro nous fait entrer dans la scène

Pissarro a modifié le personnage de droite qui regardait vers la charcutière ce qui créait une scène plus statique qu'en dirigeant son regard vers la droite

884 - Lavoir et Petit-Moulin à Osny


Pissarro "fait" du Cézanne par l'emploi de touches parallèles distinctes

Sur la rive les touches sont verticales ou obliques

Profusion dense de touches rapides

L'eau de la rivière est peinte en rafales de coups de pinceau

Teintes brillantes et saturées

1885 - Gisors, quartier neuf


Dans le dialogue établi entre Pissarro et Cézanne ce tableau est une réponse de Pissarro à la méthode de plus en plus systématique de Cézanne qui divisait et reconstruisait ses toiles en rangées de touches rythmiques parallèles

Paysage sans présence humaine

1886 - Vue de ma fenêtre, Eragny


En 1884 avec six enfants et attendant un septième Camille et Julie cherchait une maison plus grande

A Eragny il trouva une grande maison avec un immense jardin

Les enfants avaient beaucoup d'espace pour jouer, Julie aimait le jardin et Camille découvrait de nouveaux motifs

A son fils il écrivait à propos de ce tableau " Mon tableau ne plaît pas. Le sujet n'est pas populaire. Ils n'aiment pas le toit rouge et la cour, ce qui justement donnent du caractère au tableau qui a le cachet d'un primitif moderne ... "


En 1886 il découvre par l'intermédiaire de Signac la théorie pointilliste pratiquée avec rigueur par Seurat, théorie qu'il aborde avec enthousiasme car il est toujours avide de nouveautés

Les jeunes pointillistes sont pour la plupart de fervents militants anarchistes et ils considèrent Pissarro comme leur chef

Mais il s'éloignera rapidement des pointillistes car cette technique va à l'encontre de sa sensibilité vive, de sa force instinctive

1887 - Jardin


En 1884 Pissarro quitte Pontoise pour s’installer à Eragny sur Epte

Un an plus tard il rencontre Signac et Seurat qui lui font découvrir la technique du pointillisme

Il adopte lui-même ce nouveau procédé

Décomposant l’espace pictural il le remplit de petites touches de couleurs qui renforcent l’impression d’une lumière éclatante

Scène animée d’une infinité de reflets

La figure humaine est reléguée à l’arrière-plan, comme aplatie contre le fond, pour donner plus d’importance à la végétation

1876 - Le jardin des Mathurins, Pontoise


Ce sujet particulier est exceptionnel dans l'oeuvre de Pissarro

Il s'agit sans doute d'une commande de son ami le député Desraimes avec lequel il partageait ses idées politiques

Il se fait ici le chroniqueur de la vie bourgeoise, retrouvant l'esprit des jardins chers à Monet

La présence féminine (la maîtresse de maison) donne à ce tableau une touche de grâce à laquelle il est d'ordinaire plutôt étranger

Les masses clairement définies assument leur place dans un paysage qui donne une impression de bon volume

Petites touches de brosse encadrées par les formes qu'elles décrivent

1876 - La moisson à Montfoucault


Peu après son arrivée en France venant de Saint-Thomas Pissaro avait fait la connaissance du peintre Ludovic Piette qui devint son ami

Fortuné, il aida Pissarro et l'invita dans sa propriété en Mayenne quand les soucis d'argent devenaient excessifs

Pissarro y peignait de nombreux paysages

Grâce au voisinage de l'Atlantique, la Mayenne possède des verts plus frais et ciel plus clair que les environs de Pontoise

L'artiste a abandonné les petits coups de pinceau en faveur d'une technique plus large mais sans lourdeur

Le champ de blé et les arbres contre le ciel sont fortement modelés


Une employée de la ferme, sa tâche terminée, regarde le spectateur comme pour lui faire admirer le résultat de son travail

Les bottes de foin liées à la main sont réunies pour former une meule qui se détache sur un arbre immense et un horizon boisé de petites collines

La paille est jaune, les arbres sont d'un vert foncé et profond, le ciel bleu et le nuages blancs

Pissarro rendit dans cette oeuvre la netteté et l'autonomie de chaque forme par une couleur particulière

Il y a peu de transitions lumineuses

Cette toile fut exécutée avec de larges pinceaux mais aussi un couteau à palette ce qui permet à la matière de sculpter les formes du paysage

Toile achetée par Caillebotte et léguée au Musée du Louvre

1877 - La diligence sur la route d'Ennery à l'Hermitage, Pontoise


De nouveau Pissarro a placé sa toile à l'horizontale et composé sa peinture avec une route comme axe central et des maisons et des arbres sur les deux côtés

En 1877 Pissarro souffrait de manque d'argent pour entretenir sa nombreuse famille

Le pâtissier Murer acheta une toile dès sa première rencontre avec Pissarro et continua les années suivantes. Cette toile fut acquise par lui

Pour aider Pissarro il mit un de ses tableaux en loterie mais si peu de personnes s'intéressèrent que la gagnante dédaignant le tableau préféra un gâteau à la crème

1877 - Un coin de jardin à l'Hermitage, Pontoise


Le caractère particulièrement humain de celui que Cézanne appelait "l'humble et colossal Pissarro" est sensible dans cette scène d'aspect intimiste qui semble être un échange de confidences

Pissarro adoptait la technique de Monet de la fragmentation de la touche

L'influence de Cézanne se manifeste par le sens de l'espace et une construction rigoureuse en différents plans

1875 - Le semeur, Montfoucault


Tableau du Semeur inspiré de Millet

Pissarro situe son Semeur dans à la mesure du geste qu'il célèbre

Au fond le laboureur

Etroite imbrication des éléments qui donne toute sa force à la toile (le champ fait les deux tiers de la toile, la charrue est loin et la partie du champ sur lequel il sème à sa droite justifie un geste ample du paysan)


Enfant de la bourgeoisie, Pissarro aurait pu vivre dans le confort de l'argent

Il a fait le choix de l'austérité ce qui lui donne une acuité de vision sur les sujets les plus humbles

1875 - Effet de neige à l'Hermitage


Pour peindre Pissarro ne s'éloignait pas beaucoup de chez lui

Il sélectionnait dans un paysage qu'il connaissait bien un angle qu'il traitait selon les saisons

Ici il a "hivernisé" un secteur de l'Hermitage qu'il a peint à plusieurs reprises

La saison était pour lui un des éléments du langage du paysage lui permettant à partir du même motif de travailler avec des styles variés

Le style, le motif et le format étaient des variables indépendantes lui permettant de créer une grande diversité de paysages



1875 - Vue sur la maison des Mathurins, Pontoise


Toujours le thème de la route incurvée

L'usage du couteau alterne avec celui du pinceau c'est pourquoi la surface est plus rugueuse et les surfaces plus abruptes

La masse inclinée de la colline aux riches couleurs nuancées atténue les verticales des arbres

1876 - Après la pluie, Quai à Pontoise


Pissarro attire l'attention du spectateur sur le lampadaire, un élément de progrès qui est plus "innocent" que le nuage de fumée de l'usine avec lequel il institue un dialogue de verticales

A la différence de tableaux précédents Pissarro offre au spectateur un large espace de premier plan

Touches de couleurs vives, approximatives et presque violentes

La pluie a rendu le sol brillant

Pissarro aime le progrès mais il pressent qu'il souillera les paysages

Large plan ouvert à l'immensité du ciel


1874 - Rue de l'Hermitage, Pontoise


Motif d'une grande simplicité, quelques maisons banales dans une rue de banlieue : la rue où l'artiste habitait depuis 1872

Le bleu d'un ciel nuageux revêt d'un voile bleuté tout le paysage

On retrouve cette teinte bleutée sur les murs des édifices, sur la route et même dans le feuillage des arbres à gauche

Principe de base de l'impressionnisme : l'important n'est pas la couleur de la réalité, c'est à dire la couleur "locale" d'un objet, mais la couleur "apparente", c'est à dire le coloris résultant des différentes réflexions et des conditions atmosphériques ambiantes, telles que l'artiste les perçoit à un moment donné

A un autre moment de l'année ou à une autre heure de la journée le motif aurait présenté un aspect différent (ce principe devait conduire Monet à réaliser des séries de toiles)

Les critiques écrivirent que les artistes "louchaient du cerveau"


1874 - La carrière, Pontoise


Vers 1874 retourna à l'usage du couteau à palette

Il se servit d'une spatule flexible avec laquelle il étale la couleur sur de plus grandes surfaces sans trop d'égards pour les détails

Ce petit outil laisse souvent des bords inégaux de sorte que la surface est un mélange de textures lisses et rugueuses tout à fait différente de la surface obtenue par la brosse

Sous le couteau à palette les touches de couleurs successives tendent à se confondre selon la pression exercée

Le couteau à palette supprime fréquemment les limites précises des formes

Courbet avait employé cette spatule pour rendre des rochers, des vagues et des nuages, c'est à dire des sujets dépourvus de contours linéaires et se prêtant à l'interpénétration des teintes

1875 - Chemin montant à l'Hermitage, Pontoise


Le couteau à palette facilite l'interpénétration des plans picturaux

Il semble lier tous les éléments du paysage, annuler les distances aussi bien que l'apparence propre à chaque matière

Le résultat n'est pas très différent d'une tapisserie bien que l'on ait la sensation que l'air circule librement entre les formes

Le chemin montant à droite semble échapper aux lois de la pesanteur : comme un ruban lumineux, il orne les verts des buissons et des arbres

La paroi d'un rocher, à peine visible au milieu des verts, apparaît à gauche du chemin, dominant ce qui pourrait être une pièce d'eau derrière les arbres

Le couteau à palette tend à une telle unification que le chemin, les rochers, la mare et la végétation sont à peine distincts les uns des autres

Seules les maisons aux toits colorés constituent un accent net dans cet assemblage de couleurs vives et de formes diffuses


Pissarro a planté son chevalet à moins de cinq minutes de chez lui ce qui lui permettait de retourner sur le site aussi souvent que le temps et la luminosité le permettaient

A cette époque il était difficile de trouver un ensemble de maisons rustiques authentiquement anciennes

Les plus récentes, enduites de crépi blanc ou crème, comportaient des portes ou des fenêtres réparties régulièrement

Les maisons neuves dominaient leur voisinage par leurs dimensions et leurs couleurs, leurs formes géométriques et leur aspect pimpant

1875 - Femme cardant la laine


1874 fut pour Pissarro une année émotionnellement épuisante : sa fille Jeanne mourut prématurément et les peintres impressionnistes souffraient de l'incompréhension du public

Avec cette toile il rend hommage à Millet mort en 1875

Nous avons l'impression de surprendre cette femme prise dans ses pensées : image de concentration de cette femme qui prend la laine dans le panier et la fait tomber de l'autre côté

La femme assise est bien au centre du tableau et fermement encadrée par deux maigres troncs d'arbres

Symétrie de peinture : en haut l'arbre touffu, en bas la laine qui tombe sur le sol et au milieu le torse de la femme crée la forme d'un sablier, le bras horizontal de la femme étant l'axe central de cette symétrie


1875 - La mare à Montfoucault


Pissarro fit la connaissance de Ludovic Piette en 1859 à l'Académie Suisse à Paris

Piette exposa régulièrement au Salon dans les années 1860

Il vivait à Montfoucault, petit village de la Mayenne et invita souvent Pissarro qui s'y réfugia en 1870 avant de partir pour Londres

Pissarro s'attacha à peindre des images de la vie rurale

Tableau d'une gardeuse de vaches avec son troupeau au bord de la mare de la propriété de Piette


1874 - La Causette, Chemin du chou à Pontoise


Pissarro travaillant avec Cézanne se mit à cultiver l'ordre géométrique

Il marque son intérêt pour l'équilibre et la structure

Mais chez Pissarro les maisons sont comme fondues dans la nature qui met davantage en valeur les paysans et leurs activités

Les tableaux de Pissarro sont presque toujours habités par une forme de présence humaine


1874 - La Maison Rondest sous la neige, Pontoise


Equilibre chromatique des arbres et des maisons qui sont fondues dans le paysage

Mais Pissarro crée une profondeur et le chemin entre les maisons conduit le regard vers l'arrière plan de campagne d'hiver

Sur le pignon de la maison de droite un rayon de soleil d'hiver réchauffe les bleus du toit et du ciel

Touche large et diffuse mais la géométrie des maisons donne de la solidité à la composition

1874 - Maisons à l'Hermitage, Pontoise


Travaillant avec Cézanne, Pissarro semble tenté par l'ordre géométrique abstrait

Dans une vue comme celle-ci où l'architecture ne présente aucune caractéristique remarquable il accentue les lignes

Les murs sont en harmonie de couleur avec le ciel d'hiver

Même si elle est discrète, toujours une présence humaine


1874 - Paysage, plein soleil, Pontoise


On remarque dans pré du premier plan que les touches sont parallèles selon la technique chère à Cézanne avec lequel il travaillait alors

Mais à la différence des paysages de Cézanne, les maisons semblent fondues dans la nature

On reconnaît la technique de Pissarro qui construit souvent ses tableaux à partir de bandes parallèles : le ciel, les maisons, la rivière, le chemin

Horizontalité atténuée par l'inclinaison de l'arbre à droite

Toujours une présence humaine


1874 - La barrière du chemin de fer au Pâtis, près Pontoise


Sujet d'une banalité presque choquante

La barrière du passage à niveau ferme brutalement l'espace

Du temps de Pissarro ces barrières étaient beaucoup plus hautes qu'aujourd'hui et elles restaient abaissées tant qu'il n'était pas nécessaire de les relever, plutôt que l'inverse

Deux paysans vont au devant l'un de l'autre sur une large route en pente

Un mur et une maison de garde-barrière à droite et un épaulement herbu à gauche arrêtent notre vision et la dirige directement vers la barrière et au-delà, vers les collines

Cette vue est totalement dénuée de références émotionnelles ou historiques

Elle est implacablement moderne

1874 - Paysage avec rochers, Montfoucault


Pissarro séjourne à Montfoucault

La nature est sauvage et l'homme y est quasiment en état de lutte pour survivre

Son ami Piette précise " Tout sauvage comme un siècle ou deux après le déluge "

Les paysages sauvages sont ancrés dans la profondeur du temps qui les a modelés tout en préservant leur authenticité


1874 - Rue de la Côte du Jalet, La maison Rodest, Pontoise


La maison est comme fondue dans la nature

Le haut de l'arbre cache le toit de la maison qui paraît absorber le prolongement de la colline

La colline semble presque aussi verticale que la maison

Toujours un personnage pour humaniser les paysages de Pissarro


1874 - Paysanne poussant une brouette, Maison Roudest, Pontoise


La force de ce tableau vient de la franche application par Pissarro de la technique de construction par oppositions de couleurs

Pissarro était familier avec les aspects exacts des choses et des êtres de la campagne

Un critique l'a défini comme "l'historien des champs"

Jean-Baptiste Rondest était un épicier qui acceptait  d'être payé par des oeuvres de ses clients artistes. Il se constitua une belle collection de Pissarro et de Cézanne

Il y a chez Pissarro de la rudesse, le sens d'une ruralité travailleuse


1874 - La récolte des pommes de terre


Tableau topographiquement imprécis

La colline a été rehaussée pour servir de fond aux figures

Les figures sont plus construites qu'observées

Le sujet du tableau évoque Millet

La couleur est appliquée en surfaces épaisses et témoigne de l'intérêt de Pissarro pour créer une structure par la couleur

Le corsage jaune de la femme agenouillée au centre supporte une ombre violette et son tablier orange une ombre bleue

1874 - Route d'Ennery près Pontoise


Ennery est un petit village situé à huit kilomètres de Pontoise

Calme et peu passante cette route serpentait dans une vallée pittoresque et boisée avant de gravir la colline pour atteindre le plateau où se trouvait Ennery

Schéma géométrique de la composition où chaque oblique répond à une autre et où chaque zone colorée est nettement délimitée

La construction parallèle au plan du tableau empêche le spectateur d'y pénétrer; l'oeuvre reste une vision fugitive

Pissarro était fasciné par tout ce qui était éphémère et donc par les transitions

La voiture tirée par un cheval est semblable à celles utilisées dans les campagnes pendant des siècles

Les personnages ne sont  pas des promeneurs mais des ruraux ou des paysans qui vont à leur champ ou qui en reviennent

La lenteur contraste avec la vie saccadée et trépidante des citadins

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1875 - Le petit pont, Pontoise


Pissarro peignait systématiquement les paysages qui entouraient sa maison

Mais la campagne autour de Pontoise comptait de grandes demeures et des châteaux appartenant à la haute bourgeoisie que Pissarro que Pissarro ignora superbement

Ce pont était dans le domaine du château de Marcouville mais en l'appelant "Le petit pont", Pissarro a choisi d'ignorer toute suggestion de grandeur associée au château

Il s'est souvenu d'un tableau de Courbet représentant un cours d'eau sous le dense sous-bois d'une forêt

Il utilise une palette de verts et de bruns appliqués dans le style typique de Courbet avec un couteau plutôt qu'avec une brosse


1877 - Potager et arbres en fleurs, printemps, Pontoise


Ce tableau fut exécuté à Pontoise derrière la petite maison de l'artiste

Pissarro a réussi à capter la fragile beauté des branches couvertes de neige

Mélange de petites taches et de hachures qui donnent une texture vivante

La réussite d'une telle oeuvre dépend d'une averse ou d'un coup de vent trop violent

Pissarro parlait des "difficultés toujours inattendues qui viennent vous assaillir en plein air"

Cézanne peignit avec Pissarro les mêmes motifs "Pissarro fut un père pour moi. C'est un homme à consulter et quelque chose comme le bon Dieu"


Cette composition apporte le souffle et l'optimisme du printemps

Le grand arbre dépasse le sommet de la colline pour venir frôler le haut du tableau

Cet arbre, un pommier, constitue le motif du tableau

Des centaines de petits coups de pinceau se chevauchent, soit de couleur pure appliquée directement, soit mélangés au préalable sur la palette

Toile achetée par Caillebotte et léguée au Musée du Louvre

1887 - La gardeuse de moutons


Dans les années 1880 Pissarro peint le monde paysan et les travaux des champs

Il admire Millet qui célèbre la vie des paysans

Les œuvres de Pissarro inspireront Gauguin qui à Pont-Aven peindra des paysannes bretonnes

Le choix de l’aquarelle permet à Pissarro de renforcer la luminosité et la transparence des couleurs

1888 - L'île Lacroix, Rouen, effet de brouillard


Au cours de l'hiver 1886-1886 Pissarro décida d'adopter le système divisionniste de Seurat car celui-ci lui donnait le moyen de remplacer le "désordre" des coups de brosse impressionnistes par une exécution méticuleuse de petits points soigneusement appliqués

Il voulait reproduire plus fidèlement les différentes interactions des couleurs selon la théorie du contraste simultané établie par Chevreul

Mais la lenteur de travail exigée par cette méthode s'opposait à toute interprétation spontanée de la nature

Les tableaux devaient être peints à l'atelier car les sensations directes devenaient moins importantes que la soumission aux rigueurs des lois optiques d'après lesquelles chaque ton posé sur la toile dicte les couleurs qui doivent l'entourer

L'exécution pointilliste était appropriée à l'effet de brouillard qui efface toutes les formes tranchées et jette un voile à peine transparent sur le sujet

Mais la cheminée, le mât, la péniche et l'usine sont des masses qui résistent à la brume et constituent des accents de couleur et de forme rompant la monotonie de cette composition régie par des tonalités pâles

Les verticales s'affirment en dépit de l'opacité de l'atmosphère et forment un contraste avec le brouillard environnant

La lenteur de cette technique d'exécution gênait sa liberté d'expression et il devait l'abandonner quelques années plus tard


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CAMILLE  PISSARRO   page  3 / 4