VERS 1ère Page  de PICASSO

PABLO  PICASSO  5 / 6

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Suivant (droite)

Femme couchée avec un livre

Marie-Thérèse dans ses courbes voluptueuses lit paisiblement dans une chambre fermée au monde

Elle était moins impliquée que Dora Maar dans les bouleversements politiques du monde et Picasso la faisait vivre dans un monde fermé


Le chandail jaune

En cette période où Picasso joue sur les lignes parallèles, les stries et les rayures, Dora Maar semble habillée d’une vannerie

Elle se tient droite, un peu raide, présente mais distante

Picasso dessine avec soin l’œil de la photographe qu’elle est

Sa séduction était plus intellectuelle que physique

Son allure était avant tout nette, droite, presque stoïque

Elle vivait tout entière dans son amour pour Picasso, attendant chaque matin son appel au téléphone et sacralisant ses moindres faits et gestes


Pêche de nuit à Antibes

Chaque soir en cet été où la guerre couve les pêcheurs dans le port d’Antibes préparent leur campagne de nuit avec le lamparo, la puissante lampe à acétylène dont la lumière attire les poissons

On harponne les gros poissons au trident

Pour Picasso les poissons sont liés à la cruauté

Deux spectatrices dont une lèche une glace

Cette toile dit l’attente du moment dramatique où va commencer la guerre, la troisième qu’il ait connue

En fond à gauche les deux tours du musée Grimaldi qui deviendra un musée Picasso

Polyphonie de couleurs avec des stridences jaunes de la lune notamment

Le bleu des marins se marie avec le vert émeraude

Le violet sombre et dur de vieille cité annonce les années dramatiques à venir


Femme au chapeau bleu

Nous sommes le 3 octobre 1939

Picasso vit dans l’angoisse

Il déshumanise la figure humaine complètement décharnée ne gardant que l’œil lucide de Dora Maar sous son étrange chapeau

Il garde les stries qui zébraient les précédents portraits mais elles ont un air de bandelettes funèbres


Tête de mouton écorchée

Aucun autre objet que le morceau de carcasse ne détourne l’attention

Le motif est présenté comme un morceau de chair sanglant

Les lignes tracées au pinceau nous obligent à regarder en face les dents crochues, l’ossature interne de la bouche, la tension des muscles

On dirait une âme en peine errant en enfer, impression que renforce l’ocre jaune du fond

Cette tête de mouton a été inspirée par la viande achetée pour l’insatiable chien Kazbek

Picasso aimait beaucoup les chiens qui avaient tous les droits


Café à Royan

Peinte depuis la fenêtre de son atelier sur le front de mer le 15 août 1940 cette toile est un adieu à la vie qu’il a connue avant l’occupation nazie au moment où il décide de rentrer à Paris

Cette œuvre garde l’image d’une ville entièrement détruite par l’armée allemande en 1945

Il a passé l’été 1940 à Royan avec Dora à l’hôtel et Marie-Thérèse et Maya dans une ville


Femme nue se coiffant

Une figure féminine assise croise derrière sa tête ses bras relevés

On a l’impression d’un espace artificiel, d’une « chambre noire », qui sert de cadre au sujet

Le caractère monumental de la présence suggère l’exiguïté

Le personnage ne  peut se dresser ce qui rend mal à l’aise le spectateur

Le mollet et le genoux de la jambe droite sont étrangement juxtaposés

La cuisse gauche a été omise

Le visage est la juxtaposition brutale de la silhouette et de la face

Les lèvres très rouges, les yeux en accent circonflexe, les seins et le ventre proéminents, les pieds énormes expriment plus une situation tragique qu’une scène d’intimité

Le thème de la chevelure est cher à Picasso

A la Libération les représailles s’exerceront sur les cheveux


Anguilles, araignée de mer et poisson

Par cette nature morte Picasso évoque le marché de Royan. Pourtant la scène semble se situer sous l’eau

Picasso a appliqué des couleurs opaques en couches fines de telle sorte que la surface de la toile blanche apparaît par endroit et fait songer à l’écume de la mer

L’espèce de grotte où est placée la table donne la sensation d’un décor souterrain

Les poissons semblent encore vivants

L’araignée de mer au regard triste a quelque chose de touchant

Le poisson armé d’un chapelet de dents nous tient à distance

Impression de menace accrue par de nombreux contours pointus

Les poissons et l’araignée sont saisis entre la vie et la mort


Jeune garçon à la langouste

L’enfant brandit triomphalement la langouste qu’il a saisie dans le plat

Il est fier de cette prise qu’il tient comme un spectre, fier aussi du sexe qu’il exhibe

Il sourit de ses yeux dansants et de sa bouche édentée

Mais un voile gris salit les couleurs et éteint les roses, les bleus et les blancs

C’est l’ombre du malheur de la guerre

Le thème de la nourriture est un motif fréquent de cette période marquée par la hantise quotidienne du ravitaillement

Les traces apparentes du pinceau annoncent la manière véhémente de la dernière période


Buste de femme au chapeau

Des mains brutales ont pétri ce visage, emportant d’un côté le front, les yeux et le nez, de l’autre les joues, la bouche et le menton

La déformation est d’autant plus insupportable que subsistent des éléments réalistes qui sont comme les ultimes traces d’une beauté en train de se défaire

Dora serre convulsivement de ses doigts l’accoudoir d’un fauteuil rigide

On reconnaît Dora à ses ongles vernis


1940

1941

1942

Portrait de Nush

Ce portrait de Nush Eluard est toute douceur

La femme y est pourvue à travers sa fragilité d’une sorte de grâce adolescente

Elle semble à peine détachée de la petite fille qu’elle a été

Son regard dérobé peut dénoter une certaine perversité

Picasso fut douloureusement frappé par sa mort subite le 28 novembre 1946

Eluard a donné ce portrait au musée du Louvre


Nature morte au crâne de bœuf

Les objets sont réduits à une table, une nappe, une fenêtre et un crâne

Pendant la guerre la peinture de Picasso est austère et dépouillée

Forme sculpturale et limpide du crâne traité dans des tons gris froids éclairés par du blanc

Les cornes s’étirent vers le haut ce qui donne du dynamisme aux contours du crâne

C’est une peinture endeuillée

Pas de trace de couleur dans le crâne

A travers la fenêtre on ne voit qu’un ciel noir et des ombres violettes. Le violet est une couleur de deuil

Le bleu vert de la  nappe fait ressortir le crâne gris

Du blanc pur sur la fenêtre, au fond de la gorge, sur les dents et sous la nappe. Le blanc évoque le deuil

Cette ambiance de mort exprime les heures sombres de l’occupation

Ce tableau est aussi un hommage à son ami sculpteur Gonzales qui venait de mourir


L’aubade

C’est la plus importante peinture de Picasso sous l’occupation

Thème familier chez lui des deux femmes, l’une allongée, l’autre assise qui joue ici de la mandoline

La pièce est devenue une cellule de prison par sa géométrie écrasante qui crée un enfermement insupportable

Picasso a rehaussé l’angoisse par les hurlements des rayures brisées du sommier

Raideur cadavérique du nu au visage recomposé

Les formes acérées de la femme gardienne assise accroissent le malaise

La placidité de son visage semble ignorer les souffrances de la prisonnière

Dénoncer la violence par la peinture c’est risquer la censure, ce que signifie le cadre vide à gauche


Femme dans un fauteuil, Dora

La tension est forte en cette période d’exécution d’otages

Les distorsions du visage de Dora sont encore dramatisées par la réduction de l’atelier à la taille d’une cellule de prison


Tête de taureau

Une selle de bicyclette en cuir, un vieux guidon rouillé

« En un éclair ils se sont associés dans mon esprit » dit l’artiste qui sait métamorphoser les objets par la magie de son imagination

Ces débris abandonnés d’un vélo deviennent une tête de taureau comme si de toute éternité ils devaient se rencontrer dans cette configuration inattendue

Picasso ramassait souvent des objets hétéroclites qui s’entassaient dans ses maisons. Il disait toujours que cela pourrait servir un jour

Portrait de Dora Maar

Cette peinture de Dora à la blouse rayée exprime de façon sobre et touchante cette période d’accablement et de privations

Le visage qui ici n’est pas déformé est empreint de gravité et d’une nostalgie contenue

Toute la désolation de cette époque est restituée par la simplicité de la pose, la profondeur perplexe du regard, l’intense nudité d’un sombre décor


1943

L’enfant aux colombes

Un gros bébé joufflu, presque hydrocéphale, est assis par terre dans l’ombre, tenant son hochet à la main

En riant Picasso disait « Nous l’avons appelé Churchill »

L’espace en coin est resserré, oppressant, écrasé par le poids du plafond noir

Une lumière, qui projette sur le mur l’ombre portée de la chaise, éclaire vivement deux oiseaux blancs, symbole d’espoir aux jours sombres de l’occupation allemande

Souvenir d’enfance : le père de l’artiste peignait indéfiniment des pigeons

Les pigeons, sous le pinceau de l’artiste,deviendront l’image emblématique universellement connue : la colombe de la paix


Le Vert galant

Durant la guerre Picasso ne quitta pas Paris

Il vécut retiré dans son atelier des Grands Augustins travaillant à une œuvre qui représente pour lui la manière d’être présent au monde

Il dessine, il grave, il sculpte, il peint des paysages de Paris

Le paysage du Vert galant, le petit jardin blotti entre les arbres à la pointe de l’île de la Cité, non loin de son atelier, évoque l’image d’un refuge, d’un arc triomphal de verdure préparé pour saluer l’aube qui va naître de cette nuit oppressante de l’occupation


Femme assise dans un rocking chair

Picasso était préoccupé par la traduction en peinture de la notion de mouvement

Dans ce tableau le mouvement est visualisé par l’extrême simplification des plans et des volumes et la réduction de la figure féminine à un schéma signalétique

Picasso ne décrit pas une femme qui se balance, il s’attarde à l’action qu’elle accomplit, à l’espace qu’elle transforme par les rythmes qu’elle produit en se balançant

Picasso veut nous introduire dans l’espace où la femme se balance, dans le mouvement qui l’anime, qui fait chavirer le dallage autour d’elle


Grand nu couché

Alors que tout va mal en France et dans le monde, Picasso, accablé, réagit par le travail. Pour lui mieux vaut peindre quelque chose que de ne rien faire du tout.

Il dira « Mois je commençais une tableau comme ça me venait. Je me disais : même si ça ne conduit nulle part tu auras fabriqué un petit quelque chose »

Il peint ce nu avec des rythmes triangulaires, nu enfermé dans une pièce qui semble se rétrécir comme un cercueil


Nature morte à la cafetière

Le café est une denrée précieuse pendant la guerre

Les petits pains fabriqués avec de la farine de maïs sont des aliments tout aussi recherchés

Comble du luxe il a même du beurre ou de la margarine à droite et de la confiture à gauche

La gouache monochrome donne un aspect mélancolique à cette petite nature morte d’une grande simplicité


Nature morte à la cafetière

Picasso a peint deux natures mortes sur le thème du café dont il fait cadeau à Marie-Thérèse parce qu’il les a exécutées chez elle, dans l’appartement de l’île Saint Louis où il va la voir le jeudi et le dimanche

Il vouait à Marie-Thérèse une immense affection et confectionnait pour Maya des jouets ravissants

Il appréciait les tasses de café du foyer bourgeois qu’elle lui procurait

Peinture colorée et décorative

Il a divisé le mur jaune en carrés sur lesquels il fait alterner le sens des traits parallèles

Les rubans de peinture bleue autour de la cafetière laissent passer de jolies rayures jaunes, rouges et blanches sur le bec, le couvercle et le bord de la partie supérieure

Picasso a voulu éviter de laisser le moindre vide

Il voulait rendre sa peinture aussi joyeuse que possible pour remercier Marie-Thérèse


Tête de mort et cruche

La tête a une forme simple, pleine, et une couleur qui évoque le bronze

Elle fait songer à une châtaigne ronde et lisse et a comme un regard rêveur

L’austérité de l’environnement et l’exiguïté de l’espace créent une ambiance de cellule monacale

Le mur derrière le crâne est peint dans un vert doux harmonisé avec des nuances bronze doré

Les touches de couleur de la cruche sont vigoureuses et créent la vie

La dignité de la mort semble affronter la spontanéité de la vie


Cafetière et chandelier

Nous sommes au printemps 1944, les alliés progressent

Ce tableau offre un heureux antidote contre la morosité

La fermeté dynamique du dessin traduit un indéniable appétit de vivre

Les couleurs sont soulignées avec énergie

La présence du miroir évoque les motifs traditionnels des vanités

Le mur turquoise clair met en valeur le doré du chandelier et du cadre, l’orange du fruit et les grandes plages de gris et de blanc doux, bien délimitées par les lignes noires tracées à main levée

Cette toile exprime un optimisme que l’on ne retrouve pas dans toutes les natures mortes peintes à la fin de la guerre


Femme au chapeau bleu

Picasso reprend souvent le thème des femmes au fauteuil

La femme d’un bleu intense tient dans sa main une orange

Est-ce une allusion à la toute puissance de la femme qui tient le monde dans sa main ou à Eve tenant la pomme ?

La femme est solidement campée ; les déformations assagies introduisent une dynamique dans le rythme des lignes

Les traits du visage sont moins tourmentés, avec des yeux ourlés, un nez rabattu sur le côté aux narines visibles, une bouche mince


Le plan de tomate

En août 1944 Picasso s’est installé chez Marie-Thérèse pour veiller sur la jeune femme et leur fille Maya

Marie-Thérèse cultive des tomates dans des pots pour atténuer les conséquences du rationnement alimentaire

Contraste entre l’obscurité froide des vitres de la fenêtre et la lumière dorée qui baigne la plante

Ses tomates sont fermes et charnues, certaines encore vertes mais teintées d’un rose prometteur

Ce tableau exprime l’instinct de survie qui s’affirme chez les êtres humains soumis aux rigueurs de la guerre


1944

Le triomphe de Pan

Ce tableau a été réalisé du 24 au 29 août au milieu du bruit et des fusillades

Picasso s’inspire d’une bacchanale de Poussin pour laisser éclater l’expression d’une joie collective annonçant la victoire

Une farandole de joie panique où s’entremêlent boucs et satyres

C’est la fin des années de détresse et le début d’une autre vie pour Picasso qui a 63 ans


Femme assise au chapeau piqué d’une fleur

Dès la libération l’atelier de Picasso est envahi par une foule de visiteurs, surtout américains.

Au début des intellectuels puis des touristes

Le 5 octobre 1944 « L’Humanité » annonce que Picasso a adhéré au parti communiste.

Picasso a trouvé chez les communistes la famille qui lui manquait, mais il dira « Le parti, c’est comme les familles : le fils veut être poète, les parents veulent qu’il soit notaire »

Avec ce tableau Picasso reprend son thème de la « femme assise », mais au début de cette nouvelle période il est en faveur d’un style qui fait appel à la rigueur et qui s’ordonne sur l’essentiel

Il déclare « Un art plus discipliné, une liberté moins incontrôlée, voilà la défense et la garde de l’artiste en un temps comme le nôtre »

Ce qui ne l’empêche pas de pigmenter sa rigueur d’humour en piquant une fleur dans le chapeau


Casserole émaillée

Austérité et dignité de cette nature morte composée d’une cruche blanche, d’un chandelier en laiton et d’une casserole émaillée bleue

Forme sculpturale de la cruche blanche

Simplicité et jolie couleur bleue de la casserole

Il a dit « L’objet le plus quotidien est un vaisseau, un véhicule de ma pensée, ce que la parabole était pour le Christ »


Nature morte au crâne, poireaux et cruche

Début 1945 on souffre encore à Paris des restrictions

Picasso étudie les documents sur les camps de concentration que l’on commence à diffuser

Son vieil ami Max Jacob est mort en 1944 peu après son retour d’un de ces camps

Picasso médite sur la mort et l’enfermement

Ici les poireaux sont une variation sur les os en croix qui accompagnent traditionnellement le crâne, avec leurs bouts pulpeux correspondant aux articulations

La mollesse organique des poireaux fait ressortir la dureté immuable des os et de la poterie


1945

Onze séquences du taureau

Onze séquences du taureau

C’est par un processus soustractif que Picasso réalise ses onze dessins du taureau

Cette lithographie en onze étapes illustre la volonté de rigueur prônée par le peintre pour qui « L’art suprême est de résumer »

Il passe ainsi du naturalisme initial à la quasi abstraction


Tête de mort, poireau et cruche

La tête de mort nous fait face mais sans agressivité même si elle avance une rangée de dents menaçante sur les poireaux

Le coloris est lumineux

Impression paisible créée par l’ombre qui partage le crâne en deux et par les deux énormes trous noirs implorants des orbites

Sa forme présente une certaine parenté avec des bulbes qui peuvent engendrer une autre vie en mourant


Le charnier

Picasso veut réaliser une œuvre qui dise l’empreinte de la mort laissée par les années de guerre

Ce tableau est inspiré du massacre d’une famille espagnole dans sa cuisine

L’homme tout en bas rappelle le soldat mort de Guernica

La sauvagerie est soulignée par l’intégration de la paix violentée signifiée par la casserole dans le dessin esquissé du haut du tableau

La monochromie, la linéarité et les aplats ont pour but de souligner le caractère universel du message

Le morcellement de la composition présente l’amoncellement des cadavres comme un anéantissement de l’individu dans un univers de terreur absolue


Tête de mort, lampe, poireaux et cruche

La tête de mort s’inspire d’un heaume ancien

La lampe sépare la tête du mort de la cruche et augmente la profondeur de la peinture

Le crâne revêt un air craintif

Les poireaux indolents semblent dormir dans leur jolie couleur bleu et blanc

Lumière superbe quoique sépulcrale devant un fond jaune d’or

Picasso a 64 ans et a le vaque sentiment que sa survie est purement fortuite et qu’il doit se préparer à la dure réalité de la mort

Il vivra encore 28 ans


La joie de vivre

En été 46 Picasso s’installe à l’étage supérieur du château d’Antibes pour y travailler cinq mois

La « Joie de vivre » correspond au bonheur de travailler dans la paix reconquise

Ce tableau présente la lumière méditerranéenne et les mythes des civilisations qu’elle a modelées

La guerre est finie : une nouvelle humanité va naître

Les seins et la chevelure de la nymphe au tambourin s’épanouissent comme la corolle d’une fleur au soleil

Telle la déesse mère, la femme règne au centre de la composition qui s’ordonne par amples surfaces ondulantes légèrement colorées

Autour d’elle un chœur la chante et la célèbre :

- à gauche le centaure avec sa flûte

- à droite deux chevaux gambadant et le faune avec sa flûte double

Par cette allégorie Picasso crée l’image des espoirs nés de la résistance à la nuit de l’oppression


La femme fleur

En mai 1946 Françoise accepte de vivre avec Picasso avec qui elle aura deux enfants : Claude né en 1947 et Paloma née en 1949

Les peintures qui représentent Françoise exaltent la silhouette svelte et déliée de la jeune femme qui a quarante ans de moins que lui

Il représente son modèle debout car, dit-il « François n’est pas le genre passif »

Picasso lui dira « Vous voyez, une femme tient le monde –ciel et terre– dans sa main »

Le déséquilibre des seins est compensé par le rythme des bras et des ondes de la chevelure

Il cherchait une autre forme de tête que l’ovale lunaire mais il n’y parvenait pas

« Je n’y peux rien, disait-il, le peintre ne choisit pas. Il y a des formes qui s’imposent à lui »


La femme dans un fauteuil

Françoise est grande, a la taille fine et souple, la chevelure abondante

Picasso accentue l’aspect longiline du corps, augmente le volume des seins et celui des volutes de la chevelure qui fait comme une corolle de pétales autour d’un petit visage arrondi et réduit

Marie-Thérèse était la femme qui dort, Dora la femme qui pleure, Françoise devient la femme-fleur


Portrait de Françoise

Picasso met en valeur l’ample chevelure de Françoise et souligne l’un des traits particuliers de sa physionomie : le sourcil arqué qui coiffe son œil droit


1946

Crâne, oursin et lampe sur une table

Picasso qui a vu mourir plusieurs de ses amis exprime la fragilité des choses humaines face à la mort inexorable

La lampe s’est éteinte comme le souffle d’une vie qui s’achève : elle rappelle le temps qui fuit

Le style géométrisé et l’opposition des noirs, des blancs et des gris s’accordent au thème du deuil

Seuls les oursins renvoient à la réalité quotidienne de l’été heureux passé à Antibes, au Palais Grimaldi où il a créé « La joie de vivre »


Femme au collier jaune

Ce portrait souligne le cou allongé et l’abondante chevelure de Françoise

Picasso s’installe avec Françoise à Ménerbes dans la maison qu’il avait donnée à Dora Maar et que Dora lui prêtait

Là il lui lut les lettres enflammées que lui adressait Marie-Thérèse

Françoise partit pour se rendre en autostop à Marseille mais Marcel le chauffeur de Picasso la rattrapa

Picasso conclut la dispute en disant « Ce dont vous avez besoin c’est d’un enfant. Cela vous ramènera à la nature et vous mettra au diapason avec le reste du monde »


L’aiguière

En septembre 1946 Picasso vit heureux à Golfe Juan

Il vient d’apprendre que Françoise est enceinte. Claude naîtra en mai 1947

Picasso travaille chez un ami graveur. La pièce était peinte de façon originale en bleu avec des zones de blanc et une décoration d’étoiles

Picasso admire une aiguière dont la silhouette gracieuse évoque peut-être Françoise

Dans cette première gouache l’aiguière a un aspect décoratif

Le bec paraît insolent

L’anse se déploie comme la cape d’un matador

Le couvercle couronne un axe vertical

Les fleurs et les étoiles sont resplendissantes


L’aiguière

Dans cette version le mur étoilé s’estompe timidement

L’aiguière semble se dilater sous l’effet d’un pouvoir procréateur qui renvoie à la grossesse de Françoise

Raideur altière du col

Le recul du bec fait songer à un serpent prêt à mordre

La partie inférieure du récipient ressemble à une carafe


1947

Coq et couteau

La composition a la limpidité des enluminures médiévales que Picasso admire

La concision de l’image accroît son impact

L’animal domine toute la composition

Les griffes forment un motif décoratif

Les plumes grises s’ornent d’un dessin élégant

Picasso a choisi un rouge discret pour la crête et le cou tranché

Le couteau partage la vedette avec le coq

Le coq est l’animal annonciateur de l’aurore

Après la guerre une nouvelle vie commence


Monuments aux espagnols morts pour la France

L’œuvre reprend les thèmes emblématiques de la vie et de la mort (les os, les plantes)

Une place de choix est donnée au clairon. Françoise a dit :

« Il avait conservé un vieux clairon de l’armée, orné d’une cordelière bleue, blanc, rouge et ne laissait jamais un jour s’écouler sans en sonner deux ou trois coups, aussi fort que possible »


La cuisine (1ère version)

C’est une œuvre monumentale en grisaille quasi abstraite

Françoise explique

« C’est la cuisine de la rue des Grands Augustins. Elle était peinte en blanc. Elle contenait outre l’équipement habituel trois assiettes accrochées au mur et des oiseaux dans leur cage.

La cuisine était essentiellement un cube vide, tout blanc

Pablo dit un soir « Je veux faire une toile de ça, c'est-à-dire de rien »

Cette première version, la plus radicale et la plus dépouillée, est réduite au pur schéma linéaire d’organisation de l’espace


1948

La cuisine (2ème version)

Cette version de la cuisine contient des détails précis et colorés comme les feuilles de la plante grasse à droite, le décor de plats et les silhouettes des oiseaux avec la cage

Il insère des plages de couleur dont l’assemblage suggère une profondeur et donne de la densité et du relief au tableau


1949

Femme à la mantille

Picasso a rencontré Suzanne et Georges Ramié qui dirigent une fabrique de céramique à Vallauris

Avec enthousiasme Picasso explore les ressources de ce nouveau métier, produisant des œuvres nombreuses

Plusieurs pièces comme cette « Femme à la mantille » ont l’aspect de sculptures en terre cuite

De ses doigts il modifie la terre d’un vase pour la transformer en une femme

Les couleurs du céramiste ne se révèlent qu’à la cuisson. Picasso aime cet effet de surprise

Picasso a fait la fortune de Vallauris

Les époux Ramié disaient « un apprenti qui travaillerait comme Picasso ne trouverait pas d’emploi »


Picasso et Aragon

1950

La chèvre

Chiffonnier de génie, Picasso récupère au dépotoir de Vallauris des objets de rebut imprévus

Un vieux panier d’osier a servi pour le ventre gonflé (la bête était pleine)

Des morceaux de bois (dont les nœuds ressemblent à des articulations) et de la ferraille pour les pattes

Une feuille de palmier retaillée pour l’échine

Des ceps de vigne font les cornes et la barbiche

Deux pots à lait de céramique débarrassés de leur anse font le pis


Bouteille femme

Picasso se passionne pour la céramique

Il métamorphose des vases ou des bouteilles en petites femmes qui une fois colorées deviennent des Tanagras ainsi surnommées à cause de leur ressemblance avec les statuettes antiques


Petite fille sautant à la corde

Faire une sculpture sans pesanteur c’est le rêve qu’il réalise ici, saisissant au vol une petite fille qui saute à la corde au moment où la corde touche le sol

A partir d’objets dérisoires il crée la vérité mystérieuse de la vie

L’empreinte du couvercle rond d’une boîte de chocolat fait le visage encadré de cheveux

Les cheveux sont l’empreinte d’un carton ondulé

Des anses de céramique font les oreilles délicates

Une corbeille plate en osier fait le buste

Les jambes courtes en bois se terminent par deux pieds énormes partant des chaussures dépareillées trouvées au dépotoir

Image qui restitue la réalité de l’enfance : une petite fille bien coiffée à l’air sage saute à la corde sans se soucier de sa courte jupette qui se soulève


Portrait d’un peintre selon Greco

Greco était un peintre espagnol qui vécut de 1541 à 1614

Picasso admira toute sa vie l’œuvre du Greco et particulièrement ses portraits

A partir de 1950 Picasso entreprend de dialoguer avec les grandes œuvres du passé pour éprouver la capacité du langage moderne de la peinture à n’exprimer que l’essentiel

Ici Picasso utilise la technique des traits redoublés


Les demoiselles au bord de la mer

Picasso reprend « Les demoiselles des bords de la Seine » de Courbet

Il ne copie pas ; il déchiffre le langage de Courbet pour le transcrire dans le sien

Il supprime la profondeur de champ et réduit le paysage à ses intrusions dans le cadrage des deux figures étendues

Les volumes corporels des personnages se déploient par plans linéaires qui s’imbriquent l’un dans l’autre


1951

Massacre en Corée

Picasso a ressenti le besoin de donner à son travail la marque de l’engagement politique ; mais il provoque souvent la désapprobation des militants

On lui a reproché de ne pas représenter de façon assez réaliste le massacre de Guernica

Les communistes lui reprochent de ne pas être dans la ligne du réalisme socialiste

Avec « Massacre en Corée » Picasso dénonce l’intervention américaine en Corée en montrant des soldats qui fusillent des femmes et des enfants sans défense

Ce tableau déplut

Le parti communiste boycotta une image qui au lieu d’exalter « les vaillants combattants chinois et coréens » montre des femmes nues abandonnées à la soldatesque


Fumées à Vallauris

Paysage mi-urbain, mi-industriel qui montre les fumées noires s’échappant des fours des potiers

Cette peinture solidement construite répond au souhait de Picasso disant « Quand je peins de la fumée, je veux qu’on puisse y enfoncer un clou »


La guenon et son petit

Deux petites autos, des joujoux offerts au petit Claude pour faire la tête

Deux boules de plâtrer dans le pare-brise pour faire les yeux

Des anses de cruche en céramique pour faire les oreilles

Du plâtre strié au couteau fait la fourrure du cou

Une grosse jarre donne forme au corps

Une barre de fer recourbée fait la queue

Picasso est un grand bricoleur


Femme dessinant

En 1951 Picasso commence à s’éloigner de Françoise

Ici elle apparaît recroquevillée sur sa table à dessin, les yeux vides, morts (ce qui est particulièrement cruel pour le peintre qu’elle était)

La femme radieuse s’est transformée en une petite chouette aveugle

Plus tard elle déchaînera la colère de Picasso en racontant dans un livre leur vie commune « Vivre avec Picasso »


Françoise et ses enfants

Françoise avec son chignon tendu et son visage en double profil tient Paloma et Claude dans ses bras


1952

Portrait de Madame H.P.

C’est le portrait d’Hélène Parmelin, femme d’un ami peintre

Il exprime la connivence entre celui qui regarde pour peindre et celle qui se laisse prendre pour modèle mais dont les yeux continuent d’interroger

Assise comme un roc, jambes pliées en angle droit, Picasso décline clairement ses formes dans l’espace

Les aplats contrastés s’affirment avec franchise selon une composition sévère que contredit le torrent fougueux d’une chevelure dénouée

Hélène Parmelin a beaucoup écrit sur Picasso, voulant donner de lui une « idée directe »


La guerre et la paix

Deux panneaux réalisés pour un temple de la paix à Vallauris

La guerre oppose au guerrier de Guernica bien debout à présent, avec la colombe sur son bouclier, le char porteur des miasmes de la guerre bactériologique

La paix ramène en son centre le cheval Pégase de Parade conduit par un enfant, sous un soleil-œil aux rayons d’épis du tableau « La joie de vivre »

On retrouve aussi à gauche le faune joueur de flûte

A droite un déjeuner sur l’herbe où une jeune mère allaite son enfant

A gauche un jeune garçon réalise des équilibres impossibles

A droite un arbre offre ses pommes d’or


Crâne de chèvre, bouteille et bougie

Palette limitée à du blanc, du noir et du gris

Austérité de la composition

Le crâne délicat tire sa force du traitement anguleux de ses contours

La bouteille contenant une bougie présente des courbes plantureuses

Les formes abstraites rappellent les lignes qui structuraient « La cuisine »


1953

Portrait de Staline

Le 6 mars 1953, Aragon lui envoie un télégramme « Staline est mort. Fais ce que tu veux » pour le journal « Les Lettres Françaises », journal du parti communiste

Picasso choisit une photographie de Staline jeun, en élimina les demi-teintes en la réduisant à de larges traits picturaux

Les militants communistes ressentirent ce portrait comme une agression ne voulant voir dans le défunt que le vieillard bienveillant, le « Père des peuples »

Le parti communiste publia un communiqué désapprouvant la publication « du portrait du grand Staline par le camarade Picasso »

Picasso : « J’ai apporté des fleurs à l’enterrement. Mon bouquet n’a pas plu. C’est toujours comme ça dans les familles »

En 1953 pour le 30ème anniversaire de la mort de Staline, l’Humanité republia le portrait avec une légende s’excusant du communiqué d’autrefois


Bouteille et compotier

Le 30 septembre 1953 Françoise part avec ses enfants

Picasso avait rencontré Françoise au restaurant « Le Catalan », où il lui avait offert des cerises

La bouteille joue le rôle masculin

La forme verticale ressemble à un couteau dont le tranchant est tourné vers le compotier

Le compotier représente Françoise avec des contours plus anguleux que voluptueux

A l’intérieur les cerises sont rangées dans quatre compartiments bien différenciés

La bouteille et le compotier se rejoignent en un unique point de contact

Gamme de couleurs restreinte

La teinte claire du mur semblable à du miel est apaisante

Le compotier et la bouteille se limitent sobrement à du noir et blanc

Cette composition maîtrisée est aussi un constant de séparation inévitable

Son caractère décoratif rappelle Matisse que Picasso et Françoise admiraient


Nu assis

Picasso a peint ce tableau quand il espérait une réconciliation avec Françoise

Ce nu monumental qui retrouve et magnifie les découpages du premier cubisme a beaucoup de force

En quittant Picasso, Françoise lui dira « J’étais peut-être esclave de mon amour mais pas de vous »


L’ombre

C’est la chambre à coucher de Picasso et de Françoise devenue absente

Picasso « C’était notre chambre à coucher. Vous voyez mon ombre ? Je venais de quitter la fenêtre ; à présent vous voyez mon ombre et la lumière du soleil tombant sur le lit et le plancher ?

Vous voyez le jouet en forme de charrette sur la commode et le petit vase sur la cheminée ? Ils viennent de Sicile et sont encore dans la maison »


Nu dans l’atelier

Picasso change de lieu, passant de l’intimité d’une chambre à la clarté de l’atelier

Il installe le modèle dans un luxueux décor où s’imbriquent différents espaces, fenêtres et portes, tables et chevalets

Somptuosité colorée

Nous retrouverons la structure complexe de l’espace rythmée par les éléments du mobilier dans la série des ateliers de « La Californie »

Nous retrouverons la mosaïque des tapis et la chaleur des couleurs dans « Les femmes d’Alger »


Femme et chien jouant

Picasso a dit « Le rôle de la peinture pour moi, n’est pas de peindre le mouvement … mais plutôt d’arrêter le mouvement »

Cette toile donne en effet une impression d’instantané

Le mouvement est suggéré par la juxtaposition de deux blocs de volumes disloqués qui se heurtent

Le dessin par aplats évoque les compositions cubistes

Ce tableau plein de colère témoigne sous son apparence de jeu des tensions qui l’opposent à Françoise


1954

Jacqueline aux mains croisées

Jacqueline Roque entre dans la vie de Picasso

Elle était la cousine de Madame Ramié de la poterie de Vallauris où Picasso l’avait remarquée

Jacqueline vécut une période probatoire car au début les relations furent difficiles, Picasso (73 ans) ne se refusant pas au début de 1954 des escapades

Mais à partir de septembre elle ne l’a plus quitté

Ce tableau célèbre marque l’entrée en peinture de Jacqueline

Elle a l’air mystérieux d’un Sphinx avec ses grands yeux en amande, son long cou et sa position accroupie. Jacqueline affectionnait cette position


Jacqueline aux fleurs

Depuis que Jacqueline est entrée dans sa vie, Picasso n’a jamais cessé de la  peindre

Profil dessiné d’un trait ferme et assuré

Espace rouge et bleu où fleurissent des roses légères

Le corps est géométriquement simplifié pour accentuer l’élancement du cou

Visage au regard clair franchement découpé

Regard clair intensément ouvert sur le monde


Portrait de Sylvette

Picasso était sensible à la coiffure des femmes qui change avec la mode

Au début des années 50 la queue de cheval fait son apparition

Dans les rues de Vallauris Picasso rencontre Sylvette qui a 20 ans et qui incarne à la perfection ce nouveau type de femme

Ne ressemble-t-elle pas un peu à Brigitte Bardot ?

Des plans imbriqués permettent de la voir de face et de profil


Portrait de Sylvette

Sylvette de profil et sa belle queue de cheval

Pour pouvoir peindre Sylvette Picasso a dû accepter les conditions du fiancé qui exigeait d’être présent à chaque séance

Picasso avait 73 ans mais la séduction n’exclut pas le nombre des années


Jacqueline à l’écharpe noire

Jacqueline est assise, hiératique dans un fauteuil

Son type méditerranéen avec les grands yeux en amande et le nez droit dans le prolongement du front fait d’elle la digne héritière des paysannes de Gosol

Effet accentué par le fichu noir


Jacqueline dans un rocking chair

Jacqueline est accroupie, position qu’elle affectionnait et qui fera d’elle l’odalisque des « Femmes d’Alger »

Elle sera la compagne idéale du peintre durant les vingt dernières années : épouse, modèle, secrétaire, photographe, cuisinière, chauffeur

VERS 1ère Page  de PICASSO

PABLO  PICASSO  5 / 6

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