PABLO PICASSO 4 / 6
L’acrobate
Comme au temps de sa jeunesse Picasso retourne au cirque Medrano avec son fils Paulo qui a neuf ans
C’est en peignant des baigneuses sur la plage de Dinard que Picasso avait commencé de se passionner pour les désarticulations provoquées par leurs mouvements dans les jeux
Le corps humain est dans une élasticité d’homme-
Les positions acrobatiques ne sont pas des déséquilibres mais des prouesses d’équilibre
D’ailleurs la figure tient dans le tableau, respectant les contraintes que lui impose le peintre
1930
Picasso
1931
1932
1933
1934
1935
1936
Femme aux pigeons
L’arrivée de Marie-
Le grand pastel incarne une douceur innocente et duveteuse, tout à la tiédeur du nid
L’échelle symbolise un rite de passage : elle redonne à Picasso le goût de la vie et le plaisir de peindre
Le pigeon est l’animal fétiche de Picasso et comme son père il les a de tout temps représentés, allant jusqu’à les transformer en colombes
Le détail décoratif du galon de la tunique de la jeune femme crée une atmosphère d’antiquité
Figures au bord de la mer
Mer bleue, sable blond, cabines éblouissantes de blancheur dans la lumière dorée du soleil
Deux êtres crispés dans une étreinte instable sur cette plage désertique semblent se dévorer plutôt qu’ils ne s’embrassent
Le dos de la femme s’appuie sur une cabine de bains
On ne distingue pas facilement l’homme de la femme, signalée par deux seins sphériques, dans cet amas de formes qui ont la rondeur de la pierre polie mais qui gardent la couleur de la chair
Elle a le visage pénétré par nez phallique de son compagnon qui, lui, ouvre deux petits yeux ronds
Les langues acérées s’affrontent
Les membres s’entrechoquent plus qu’ils ne s’enlacent
Picasso donne ici une image agressive d’une charge sexuelle intense
Cruche et coupe de fruits et feuilles
Picasso célèbre le bonheur sensuel de son amour pour Marie-
La cruche pansue, le compotier et les fruits sont des allusions à la fertilité plantureuse de sa jeune maîtresse
La cruche est peinte dans le jaune soufre que Picasso utilise souvent pour les cheveux
de Marie-
Les tiges de la plante correspondent aux contours du corps renversé avec abandon
Le mauve évoque, et évoquera, dans sa peinture la présence de Marie-
Grande nature morte au guéridon
Cette nature morte est une allusion déguisée à sa nouvelle maîtresse Marie-
Picasso crée un nouveau langage pictural réservé à Marie-
La générosité des formes courbes et rondes et particulièrement les deux pommes vertes avec un point noir
Le jeu des arabesques
La dominante mauve-
De la natures morte traditionnelle il a conservé :
Le guéridon à trois pieds
Le compotier blanc et ses trois fruits
Le grand pot jaune
Il semble que tout bouge et que tous ondule dans cette toile, débordante de vitalité : la torsion des pieds, les lignes du sol ou du mur ; rien ne résiste à l’énergie dynamique des courbes
Les formes ovoïdes des fruits sont des images de fécondité et correspondent à la
vision qu’a l’artiste de Marie-
Il enchâsse ici des aplats de couleurs franches et brillantes à la façon du plomb autour du vitrail
Femme lançant une pierre
La femme est elle-
Image de l’obsession de la femme géante, divinité archaïque ?
Expression du désir de pérennité, d’exister dans une matière dure et d’acquérir ainsi une valeur d’éternité au fond des âges ?
Femme assise au fauteuil rouge
Pour la première fois Picasso présente Marie-
Il joue de l’opposition des courbes de Marie-
Il avait rencontré Marie-
Il avait lui 54 ans
Rougissant et agité Picasso la saisit par le bras et s’écria :
« Mademoiselle je vous attendrai ici tous les jours à six heures de l’après midi. Je dois vous revoir »
Avec sa sœur elle vint à l’heure dite. Le « vieil homme » était là
Le détournement de mineur était sévèrement puni en France et Picasso prit de sérieuses précautions. Il était résident étranger
Et n’oublions pas la jalousie d’Olga
Le sculpteur
Dans l’espace profond de l’atelier, suggéré par les lignes fuyantes du parquet, le
sculpteur barbu aux cheveux bouclés, qu’on voit de face et de profil, le menton appuyé
dans la paume de sa main, assis sur un cube de marbre contemple un buste de femme
dans lequel on retrouve aisément les traits de Marie-
Femme à la fleur
Entrée de Marie-
Tête en forme de haricot, seins ronds et membres semblables à des pétales ou des feuilles
Baigneuse au bord de la mer
Composition simple mais subtile
Les formes anguleuses s’opposent aux formes courbes
Les formes naturalistes jouent avec des formes abstraites
Des éléments de forme sphérique ou renflée comme des jambons, d’autres élancées, composent une figure évoquant vaguement un corps humain
Avec ses jambes jetées de part et d’autre et des bras croisés dans leur élan vers le haut, la baigneuse vient d’attraper au vol une petite balle insignifiante par rapport à sa propre masse qui remplit toute la toile
Picasso fait suivre au mouvement la diagonale ascendante du tableau
Grands motifs du maillot de bain
Femme au fauteuil rouge
La peinture laisse entrevoir les préoccupations du sculpteur Picasso qui depuis des mois gâche le plâtre
Picasso pratique le dialogue constant entre les différentes techniques
C’est Marie-
On dirait que le corps et fait de pierres ou d’ossements agglomérés qui reprennent comme autant d’éléments autonomes les différentes parties de son anatomie : tête, cou, torse avec deux petites boules pour faire les seins, bras qui encadrent la grosse boule du ventre
Instabilité de cet empilement qu’un petit déplacement d’une de ses parties ferait crouler
Violence de l’éclairage qui fait saillir les volumes devant un fond noir et bouché
Belle endormie minérale, inaccessible et inquiétante dans son sommeil
Nu couché
De 1931 à 1936, Marie-
Les formes sculpturales, pleines et vigoureuses de Marie-
La luminosité exceptionnelle et le modelé des formes sont rendus par les rehauts de peinture blanche très mat grossièrement frottés à la manière du pastel sur le corps et sur le fond
La nudité de la femme baigne dans un poudroiement solaire, dans une chaleur jaune et sulfureuse
L’intensité des variations lumineuses est suggérée par :
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Picasso associe la sexualité féminine à la fécondation organique, végétale, à des images de fertilité :
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Le rêve
Avec Marie-
Le « Rêve » est un hymne à la sensualité de la femme surprise dans la plénitude qui suit l’extase amoureuse
Multiplication des courbes pour mieux dilater la couleur rayonnante
Pour restituer l’intégralité du visage Picasso associe son profil à la face qu’il nous cache
Visage vu simultanément sous deux angles différents
Arabesques liant les bras repliés au renflement de l’épaule qu’accuse le collier
Le corsage diaphane ondule comme l’eau en dévoilant les seins
Femme au miroir
La figure de la femme est composée d’une série de lignes courbes, d’épaisseur variable, qui délimitent les zones de couleur
Elle est vive à la fois de face et de côté (le jaune d’une moitié du visage sert à mettre en évidence le profil)
Le miroir reflète le personnage
Couleurs crues et complémentaires : le jaune et le violet, le rouge et le vert
Picasso tourne autour du modèle, en saisit les formes successives et les représente toutes à la fois sur la toile
Le miroir redouble cet effet de représentation simultanée d’images saisies de différents points de vue
Juxtaposition des aplats colorés qui sont « découpés » selon des lignes souples qui accentue la féminité
Nature morte aux tulipes
Le buste peint a la blancheur du plâtre
Les yeux de Marie-
L’œil est écarté du nez et surmonté par un sourcil fortement étiré ce qui donne un air rêveur à la jeune fille
Buste placé sur un tissu d’un bleu royal
Le buste évoque la déesse Perséphone qui, selon Ovide, est revenue sur terre au printemps avec sa couronne de feuilles, son panier de tulipes et les trois fruits devant son socle pour indiquer le Printemps
Perséphone a été enlevée par Hadès dieu des enfers mais sa mère a obtenu qu’elle soit libérée au printemps
Le Miroir
Non seulement les courbes si voluptueuses de Marie-
Œuvre parfaitement maîtrisée dans l’opposition des courbes avec la géométrie du décor
Buste, coupe et palette
Le buste qui pourrait évoquer Perséphone semble desséché, inquiétant, curieusement masculin
Ce tableau a été exécuté le lendemain de la nature morte aux tulipes
C’est peut-
Buste vigoureusement dessiné sur un socle fragile et aussi grossier que le compotier
Palette d’un vert cru toute seule sans pinceau ni couleur
Picasso en pensant au mythe de Hadès enlevant Perséphone a pu éprouver un sentiment
de culpabilité car Marie-
Picasso a conféré à la sculpture certains traits de son propre visage car Marie-
Leur fille Maya étonne car elle ressemble à ses deux parent à la fois
La lecture
Marie-
Profusion des courbes de ses bras, de ses seins et des deux profils parfaitement mariés de son visage
Cruche et coupe de fruits
Les lignes noires continues qui cernent les contours ont souvent suscité la comparaison avec des vitraux
Picasso a fait varier l’intensité des couleurs pour évoquer des effets de lumière ce qui donne à cette toile un caractère très décoratif
La mort du torero
Espagnol dans l’âme et le sang, Picasso, pur afficionado, est par excellence peintre de la corrida
Son père l’emmenait aux arènes de Malaga
Il aime les couleurs vives, le contraste d’ombre et de lumière
Pour lui la dualité du taureau et du cheval équivaut à celle de l’homme et de la femme
Le taureau est symbole du mâle tandis que le cheval aux entrailles ouvertes représente la femme
Tourbillons de couleurs flamboyantes : rouge sang, rose vif et jaune d’or
Le taureau soulève et emporte le torero mort et le cheval éventré dont le cou s’arrache dans un mouvement d’effroi et dans un cri d’agonie
Mouvement centripète donné par la forme elliptique du taureau dont la large courbe s’inscrit dans celle de l’arène
La scène est vue comme un gros plan et envahit totalement l’espace de la toile
Le déséquilibre vers l’avant du tableau est accentué par la différence de traitement entre les deux parties : l’une très détaillée, haute en relief, l’autre plate et esquissée
Le sculpteur et l’artiste
Picasso n’a jamais cessé de mettre en images la relation entre le modèle et l’œuvre, entre la réalité et la fiction
Dans ce dessin le sculpteur assis et accoudé à une monumentale tête d’homme barbu contemple son modèle immobile : noire statue ou femme de chair et de sang ?
La question reste posée, on ne sait pas.
Silène dansant
Les dessins qu’il fait à Cannes en juillet 1933 combinent anatomies surréalistes et références mythologiques
Dans la mythologie grecque, Silène était un vieillard jovial et corpulent, trop souvent ivre pour marcher droit ; il était fréquemment associé à Bacchus
Ici, Silène entraîne hommes barbus, femmes et adolescents, brandissant poissons et instruments de pêche, dans une sarabande effrénée
Picasso adopte la légende avec une pétulance réjouissante
Figure au bord de la mer
Cette monstrueuse figure au bord de la mer est une tête de baigneuse, géante, édentée, tous cheveux épars
Cette anatomie surréaliste est un dessin fait à Cannes
Nu dans un jardin
Picasso transforme le corps de Marie-
Œuvre d’une grande matérialité par :
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Les couleurs chantent :
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Le corps enroulé sur lui-
Le collier d’où sort un long cou flexible dessine en même temps sur le sein un profil lunaire
La souplesse et la grâce de ce nu évoquent Henri Matisse
Cette conception de la femme, fleur ou plante, terre nourricière et ensemencée, au sein de laquelle s’opère le mystère de la vie est facilitée par l’état de sommeil
Marie-
Course de taureaux
Le 30 juin l’Allemagne a été ensanglantée par la « nuit des longs couteaux » qui révèle à Picasso jusqu’où peut aller la barbarie nazie
Cette peinture reflète sa colère
Il n’y a pas de torero. C’est un peur affrontement entre le taureau et le cheval
Le cheval mis à mal par le taureau reviendra dans Guernica
Nu au bouquet d’iris
Marie-
Scène de cirque
Picasso retourne au cirque Medrano avec son fils Paulo
Il reprend le thème des acrobates mais sous une forme transposée
Ils deviennent des corps célestes flottants dans un milieu mi-
Course de taureaux
La violence ne s’est pas amoindrie mais elle a changé de camp : ce n’est pas le cheval qui meurt mais le taureau traversé par la lance du picador
La violence envahit toute la toile d’un fouillis de formes
Jeunes filles dessinant dans un intérieur
Dans les toiles de 1935 les figures dramatisent l’espace tout entier par la dureté de leurs traits
Jeanne, la sœur de Marie-
Marie-
Le miroir n’est pas un témoin passif : il semble poser des questions à Jeanne repliée
sur elle-
Elle se veut comme un roc, assise, le buste dressé, le visage au profil volontaire
suggérant toute la face par la seule disposition des yeux mi-
Les formes sont rigides comme cette main en lame de couteau
Cette version est apaisée et chante tout le jeu des courbes de Marie-
La muse
Cette version est plus dure
Marie-
L’inquiétude sur l’avenir est dite par les formes brouillées dans le noir du miroir
Portrait de jeune fille
Avec ce portrait de jeune fille Picasso revient à la peinture
Il ne peignit pas fin 1935, accablé par les difficultés de sa vie privée
Olga a quitté le domicile conjugal pour s’installer à l’hotel avec Paulo
Marie-
Pour gérer sa maison il appelle à l’aide Jaume Sabartes qui sera son fidèle secrétaire
Tête de femme
Au début de 1936 Picasso instaure un dialogue entre dessin et peinture
Ce portrait a été réalisé le lendemain du « Portrait de jeune fille »
Picasso travaillait vite et pensant à la postérité inscrivait sur le tableau la date exacte de sa réalisation (ici le 5 septembre 1936)
Minotaure et jument morte
Dimension mythique de la culture méditerranéenne le Minotaure est le thème central de l’univers de Picasso
Mi-
Il retient dans ses bras une jument effondrée et lève la main pour éloigner la jeune fille couronnée de fleurs qui semble prisonnière d’un mur de plâtre
A gauche deux mains suppliantes surgissent d’une grotte sombre pour évoquer la sortie du labyrinthe et une Ariane éplorée
Le Minotaure au visage humain mais triste, c’est Picasso ; la jument c’est Marie-
Minotaure déménageant
Début 1936 Eluard rend visite à Picasso accompagné d’une jeune photographe Dora Maar
Cette rencontre est un choc pour Picasso qui brutalement décide de partir pour Juan
les Pins avec Marie-
C’est au début de cette escapade secrète que Picasso imagine ce tableau
Le Minotaure tire une charrette où se trouvent pêle-
Femme nue couchée
C’est une peinture qui suit le déclenchement de la guerre civile en Espagne, ce qui explique le modelage violent de la tête et le tourbillon des formes opulentes et lourdes
Comme si la femme sous ce ciel étoilé, mais peu amical, était en proie à une agitation incontrôlable
Femme dans un intérieur
Une femme brune se penche sur son miroir avec anxiété pour essayer d’y lire l’avenir dans une interrogation inquiète
Elle cherche en vain son image dans le miroir entièrement noir
Absorbée dans sa quête elle ne semble pas apercevoir un double anonyme entouré de bandelettes qui se tient devant elle comme une momie géante
Femme à la montre
A la femme qui se penche sur le miroir pour lire l’avenir, le miroir ne renvoie qu’une ombre noire et blanche
La guirlande tombant du front penché et le peigne posé sur le coussin font lointainement allusion au thème de la coiffure
A son poignet une montre insolite rappelle le temps qui passe
Quelques traits oranges sur la robe verte et bleue ne parviennent pas à égayer le personnage
Picasso dira de cette époque « C’était la pire époque de ma vie »
Olga le harcèle, Marie-
Dormeuse aux persiennes
Marie-
Elle ignore l’orage qui menace avec l’arrivée de Dora Maar dans la vie de Picasso
Dora et le Minotaure
Pour l’artiste l’accouplement taureau-
Le modèle dessiné très délicatement est aisément reconnaissable
Le visage de Dora Maar est ce qui reste intact dans cette étreinte flamboyante qui se déroule dans un paysage au ciel rougeoyant avec des arbustes qui plient sous le poids des corps accouplés
La position acrobatique de la femme tordue entre les bras et les cuisses du Minotaure exprime la violence du désir mais aussi la cruauté qui lie le monstre à sa victime
L’artiste a utilisé trois feuilles de papier juxtaposées et a gratté le support pour obtenir plus d’expressivité dans le trait
Chapeau de paille au feuillage bleu
Picasso pousse ici la dislocation de la figure humaine à l’extrême
Le triangle de chair rose avec ses deux gros yeux en demi-
Une telle désorganisation du visage fut souvent interprétée comme le besoin de destruction de Picasso envers les femmes
Mais l’image atteint son but de provocation, d’humour et de dérision grâce à la part d’humanité qui demeure dans ces formes incongrues
Le choc serait moindre si l’œuvre était totalement abstraite
Guernica
Le 28 avril 1937 l’aviation nazie bombarde Guernica ; c’est le premier bombardement massif d’une population civile
Picasso répond à la demande de la république espagnole de participer à son pavillon de l’exposition universelle qui ouvrira en juin 1937 à Paris
« Toute ma vie d’artiste n’a été qu’une lutte continuelle contre la réaction »
Il a réalisé 70 études préalables
La composition forme approximativement un triangle dont :
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Le sommet du triangle est signalisé par le soleil d’une lampe électrique et le flambeau que tient à bout de bras une femme
Le visage de cette femme jaillit comme une flamme de la fenêtre de la maison incendiée à droite
Devant cette maison incendiée, une autre femme terrifiée, se lamente, les bras levés au ciel
A gauche, la bouche creusée par le cri de rage qui la torture une mère protège encore son enfant mort sous la masse belliqueuse et impassible du taureau
Les interprétations sont diverses, contradictoires et inépuisables
La femme ployée paraît progresser lentement vers le cheval pour l’encourager à muer sa souffrance en ultime révolte
Le soldat est mort pour défendre la vie
L’enfant n’a pas eu le temps de vivre et la mère défigurée par la douleur se retourne contre le taureau pétrifié pour lui crier sa haine
A l’endroit où l’épée du guerrier s’est brisée un frêle rameau ouvre ses premières feuilles
Picasso a choisi le noir et le blanc pour cette dramaturgie de la mort
Des zones d’ombre et de lumière divisent le champ de l’action comme elles divisent la vie
Le taureau symbolise la force brutale de l’auteur du massacre
C’est le monstrueux Minotaure qui introduit dans l’œuvre de Picasso une présence ambiguë et menaçante
1937
Portrait de Dora Maar
Photographe d’origine yougoslave, Dora Markovitch, amie de Paul Eluard est la nouvelle femme dans la vie de Picasso
Pendant plusieurs années alternent la blonde Marie-
Dora assise dans un fauteuil apparaît majestueuse et souriante, la tête appuyée sur une longue main fine aux ongles peints
Visage de face et de profil, un œil rouge dans un sens et l’autre vert à contresens
On reconnaît certains signes particuliers du modèle :
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Portrait de Marie-
Le langage concernant Marie-
Tout le corps est souple et les longs doigts sont semblables à des palmes
Les teintes froides bleu et vert baignent son visage dans une atmosphère lunaire de rêverie poétique et de tendresse
Le motif des stries, évoquant le carton ondulé, contraste avec la simplicité dénudée du fond auquel la perspective faussée donne l’apparence d’une boîte
On reconnaît le grand nez proéminent dans la ligne du front
Les yeux sortent des paupières fendues comme des pièces de monnaie
La grande baigneuse au livre
Le corps semble architecturé
L’air circule entre les bras semblables à des piliers
Alternance de formes courbes et d’arêtes tranchantes
L’aspect érotique a disparu pour faire place à de scènes de fantaisie et de mystère
Le corps a une apparence rugueuse et friable
Le livre est semblable à un bloc de pierre triangulaire
L’écriture y apparaît comme l’empreinte digitale d’un pouce
La femme qui pleure
Le thème de la femme en pleurs coïncide avec une période de drame tant d’ordre privé que politique
Elle est le symbole de la détresse des femmes espagnoles durant la guerre civile
Son visage exprime l’horreur que subit l’Espagne
C’est aussi le visage de Dora Maar dont le tempérament exalté est enclin aux orages et aux éclats
Il est vrai aussi que Dora Maar est une compagne politisée
Sur un fond mauve hâtivement brossé se détache comme en relief le visage gris sombre, semblable à de la terre, de la femme dont les traits sont creusés pareils à des sillons
Le grand triangle pointu du mouchoir, tel un objet menaçant, crée une trouée blanche dans la composition
Les rehauts de vert et de jaune sur le nez et sur les mains accentuent cette vision de désespoir et de détresse
Le dessin du visage est simplifié ; les yeux sont en forme de larmes
Figures sur la plage
Des formes au bord de l’eau pliées en deux pour jouer avec une barquette
La tête démesurée d’une compagne se détache là-
Ce sont des formes contenues dans des volumes précis, géométriques, monochromes, se détachant en ocre sur la bande bleu azur de la mer
Les trois visages féminins sont réduits aux « signes » du nez, des yeux et de la bouche, à peine suggérés sur les formes géométriques
Marie-
Malgré sa nouvelle liaison avec Dora Maar le peintre continue d’être ému par le visage
de Marie-
Ce portrait la présente à la fois de face et de profil avec une guirlande de fleurs
Femme au miroir
Ce portrait de Marie-
On retrouve les caractéristiques du décor déjà utilisé par Picasso : le miroir posé à même le sol et la fenêtre ouverte avec sa balustrade en fer forgé
Marie-
Marie-
Portrait de Nush Eluard
Nush Eluard connut une jeunesse assez misérable
Actrice en Allemagne dans les années 20 on lui confiait malgré son jeune âge des rôles de vieille femme
A Paris pour survivre elle pose pour des cartes postales
Paul Eluard que Gala vient de quitter pour Dali la rencontre en 1929 et l’épouse six ans plus tard
Eluard pratiquait l’échangisme et la rumeur dit qu’il avait souhaité que Picasso passe une nuit avec elle
Beau portrait où elle apparaît coiffée d’une toque, le visage auréolé de jaune d’or, arborant avec élégance un vêtement à grands revers noir, vert et bleu
Ce tableau illustrera un poème d’Eluard ayant pour titre « Je veux qu’elle soit reine »
Femme assise devant la fenêtre
Portrait de Marie-
Même dans le jeu de superposition des couleurs et des formes la psychologie du modèle
transparaît toujours : c’est toujours la blonde et sereine Marie-
Nature morte à la pomme
Picasso incorpore des objets dans la construction de cette toile : une boîte pour la bouteille de vin, de la paille de fer pour le fruit, des détritus pour le verre, le couteau et le plat, une nappe pour la nappe
A gauche un trapézoïde ressemble à un miroir dans lequel se réfléchissent les plis de la nappe
La nappe a une grande force d’expression
Le fruit en paille de fer présente une face en bois qui permet de reconnaître immédiatement une pomme
Tige de métal plantée dans la boîte pour figurer le goulot de la bouteille
La suppliante
Ce tableau reprend le thème de la mère qui implore et évoque la figure de droite de « Guernica » dont les bras sont dressés dans une pose pathétique
La guerre d’Espagne assombrit l’humeur de Picasso qui veut exprimer la douleur des mères qui ne peuvent que supplier
On dit aussi que Dora Maar était d’humeur inégale et par ses pleurs prenait souvent une attitude suppliante
1938
Verre et bouteille
La bouteille est revêtue de morceaux de bois qui lui donnent l’apparence d’un humble catafalque
La coupe du verre sur la droite a un profil dédaigneux
Cette œuvre est un peu une parabole sur les méfaits de la boisson
L’artiste devant sa toile
Dans son autoportrait Picasso reconstruit le visage avec les deux yeux placés l’un derrière l’autre à se toucher dans un même profil
Auparavant les yeux demeuraient écartés
Ce rapprochement des yeux provoque une certaine dramatisation de l’image qui ne peut être séparée de l’inquiétude croissante que provoqua chez lui l’annexion de l’Autriche par Hitler le 13 mars 1938
Dora à la coiffure
Picasso a réalisé ce tableau le lendemain de « L’artiste devant sa toile »
Le visage de Dora avec ses deux yeux agrandis dans le même profil se trouve entre les mains de quelqu’un, hors tableau, qui la coiffe
Cette petite toile dégage une impression de violence subie qui s’explique par l’actualité de l’Anschluss de l’Autriche par Hitler
Femme à la résille
Dora Maar porte un chapeau qui met le visage en valeur
Pour souligner l’élégance de Dora Maar Picasso met en valeur son vêtement
On a même l’impression que le vêtement est présenté devant un buste de Dora Maar qui ne porte pas le vêtement
Dora Maar assise
Nous retrouvons le chapeau de Dora Maar qui met son visage en valeur
Ce dessin au pastel et à l’encre de chine annonce le style qui va caractériser plusieurs tableaux de 1938 faits de stries, de lignes parallèles ou entrecroisées en une trame serrée
Comme le chapeau, le fauteuil met en scène la femme assise lui donnant un cadre dans le cadre du tableau
Ce fauteuil jouera un rôle constant au cours des années40
Femme assise au chapeau
Ce portrait de Dora Maar évoque un totem, un fétiche en vannerie
Faire de la femme un fétiche c’est tout à la fois reconnaître ses pouvoirs et prendre ses distances avec elle en la réduisant à un objet
Dans cet exercice Picasso introduit l’humour : le chapeau de Dora est un bateau en papier confectionné pour un enfant
Le coq
Picasso a dit « Il y a toujours eu des coqs, mais comme toute chose dans la vie nous devons les découvrir comme Corot a découvert le matin, ou Renoir les femmes … »
Femme assise dans un jardin
Grande toile très colorée sur fond de nature printanière comme pour conjurer la tristesse de cet automne où s’annonce la défaite de l’Espagne républicaine
Le graphisme unit la femme au bois de la chaise
La femme est assimilée à sa chaise dont le cannage est extrêmement insistant
Son corps et son vêtement sont découpés en contrastes de rayures qui accentuent sa réduction à une chose
Le visage n’est ni celui de Dora Maar, ni celui de Marie-
Femme assise
Etude réalisée à l’encre de chine, à la gouache et à la craie de couleur
Cette étude a pour thème l’autonomie de la ligne
La combinaison du profil et de la vue de face y circonscrit le buste d’un personnage féminin
La ligne a pris son autonomie comme moyen destiné à rendre les formes
Toutes les parties sont couvertes d’une trame de fins faisceaux de lignes et de configurations de traits
Ce n’est pas la ligne qui sert la configuration d’une femme assise mais la figure assise qui est au service du jeu avec les lignes
La plupart des formes sont soit pointues soit anguleuses
Homme au chapeau de paille et cornet de glace
Cet été 1938 à Mougins, sucettes et cornets de glace sont à la mode
L’amateur de glaces peint en bleu et roulant des yeux jaunes se dètache sur un fond noir
Il ressemble à un homme-
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Femmes à leur toilette
Gigantesque papier collé de 3 mètres de haut sur 4 de large
Une femme assise en tailleur sur le sol se fait coiffer par une autre cependant qu’une troisième lui présente un miroir où elle peut contempler son image
A gauche un vase de fleurs sur un guéridon
Sur un fond de papier beigne Picasso colle des morceaux de papier peint du commerce
et des papiers qu’il a peint lui-
Le papier imite le bois pour les lattes du plancher et la bordure du miroir ; il imite la pierre pour le mur du fond ; il imite la peau rose de la femme assise qui est peu vêtue
Le papier est tantôt découpé suivant un tracé aigu qui rappelle le cubisme, tantôt déchiré en petits morceaux recollés les uns sur les autres
Seules les parties noires sont peintes à la gouache dans une technique un peu floue qui contraste avec l’aspect précis du papier imprimé
Maya à la poupée
La présence de la petite fille blonde aux cheveux tressés est discrète dans l’œuvre du peintre
Sa liaison avec Marie-
Picasso porte sur elle le regard attendri et complice qu’il a pour la petite enfance
Il déforme son visage en le montrant de face et de profil mais la ressemblance est maintenue avec une impression de vie
Seule la poupée, chose inerte, a le nez et les yeux à leur place
Les jambes se croisent étrangement, héritage de la dissociation cubiste
Le bras droit est peint comme aurait pu le faire un enfant
Maya au bateau
Nous retrouvons Maya dans un jeu de triangles et de couleurs vives
Picasso avait créé un monde pour lui et pour Marie-
Il ne mélangeait pas les mondes résultant de ses différentes liaisons
Olga n’apprendra qu’en 1945, dix ans après leur séparation, la liaison de Picasso
et de Marie-
Elle su gré à Picasso de cette discrétion qui lui permettait de garder son rang dans son milieu social
Olga cherchait plus la responsabilité que la fortune
Lors de la séparation de biens elle ne fit pas exécuter le jugement de partage qui lui permettait de recevoir la moitié des œuvres de Picasso
Mais elle défendit toujours âprement son titre d’épouse
Maya au bateau
Nous retrouvons Maya dans un jeu de triangles et de couleurs vives
Picasso avait créé un monde pour lui et pour Marie-
Il ne mélangeait pas les mondes résultant de ses différentes liaisons
Olga n’apprendra qu’en 1945, dix ans après leur séparation, la liaison de Picasso
et de Marie-
Elle su gré à Picasso de cette discrétion qui lui permettait de garder son rang dans son milieu social
Olga cherchait plus la responsabilité que la fortune
Lors de la séparation de biens elle ne fit pas exécuter le jugement de partage qui lui permettait de recevoir la moitié des œuvres de Picasso
Mais elle défendit toujours âprement son titre d’épouse
Palette, chandelier et tête de Minotaure
En novembre 1938 Picasso est perturbé par les événements extérieurs : Hitler a annexé l’Autriche et sa mère se meurt à Barcelone
Picasso pose une palette et trois pinceaux tordus sur un livre ouvert entre le chandelier et un buffet sculpté
Derrière la table verte l’espace est aussi indécis qu’il peut l’être dans la nuit
Violet saturé au-
Explosion décorative de rayons autour de la bougie
Le bleu mat du Minotaure domine la composition
On dirait une tête grossièrement sculptée dans de la pierre dure ou du ciment
Sa face droite tire sur le vert comme si elle reflétait la couleur de la nappe et de la bougie
L’ombre bleu dur délimite deux profils plus humains que bovins
Le profil de gauche a un nez qui exprime la curiosité
Le profil de droite a la bouche charnue et des yeux un peu tristes et très doux
La tête est ronde et lisse comme la pleine lune
Nature morte à la tête de taureau rouge
Nous retrouvons les éléments d’un « memento mori » : bougie, livre et palette
La bougie donne à penser qu’il fait nuit mais cela n’est pas sûr
La table est à usage décoratif et donne peu de stabilité aux objets
Le chandelier et sa bougie sont graciles
Pas de peinture sur la palette
Une vraie tête de taureau, rouge écorchée, très réaliste, avec des couleurs criardes
Mais une certaine stylisation nous évite l’horreur d’une décapitation
Sa bouche est triste et ses narines aplaties
Le taureau pourrait représenter la chute imminente de l’Espagne républicaine
Femme au chapeau de paille
Pour représenter Marie-
Marie-
Marie-
C’est l’image de sa vie
Devenue très jeune la muse de Picasso, dépourvue de toute ambition sociale, n’ayant pas fait d’études, ce qui explique son absence de culture artistique et sa naïveté, elle vit avec Picasso loin du monde
Elle dira « Ma vie a toujours été secrète avec lui »
Toute sa vie elle restera prisonnière de sa cage dorée
Son « geôlier » disparu en 1973, elle ne pu vivre seule et en mourut quatre ans plus tard
Femme assise au chapeau
On ne reconnaît guère la blonde Marie-
A la vannerie du fauteuil répondent les rides du visage
Des surfaces anguleuses occupent la joue ou le menton
Le front soucieux, les yeux cernés, et la bouche sans sourire traduisent une sorte d’hébétude
La vivacité des couleurs du chapeau et l’éclat du fond blanc ne peuvent dissimuler la tristesse d’une femme qui partage Picasso avec Dora Maar
Chat saisissant un oiseau
En Espagne les républicains sont tombés face aux franquistes
Hitler est entré à Prague
La mère de Picasso est morte au début de l’année
Des images de violence et de mort surgissent dans la peinture de Picasso
L’animal griffu au pelage maculé de boue qui tient entre ses dents l’oiseau sanglant qui s’égosille et bat de l’aile est l’image de toutes les violences brisant les faibles et les innocents
La raison du plus fort est toujours la meilleure
1939
Buste de femme au chapeau rayé
La dislocation du visage humain est poussée à son comble
Le visage de la femme « chosifiée » reste malgré tout humain car il n’est pas abstrait ; il garde une expression individuelle
Le visage a absorbé les motifs graphiques de son environnement :
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La tête tordue se décompose en trois volumes distincts :
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Buste aux larges seins blancs et ronds dont les rayures grises répètent les motifs du visage
La moue de la bouche, le regard fixe, la forme ridicule du chapeau conférent au personnage une expression d’hébétude
PABLO PICASSO 4 / 6