PABLO PICASSO 3 / 6
Arlequin
1915 est une année douloureuse pour Picasso
Eva est morte le 14 décembre 1914
Jeu de plans colorés et dépouillés à la limite de l’abstraction, fondé sur un support
de base rouge-
La tête est réduite à une boule de mannequin
Inhumanité aggravée par un rictus des dents accroché à la boule
L’identité n’est marquée par le jeu des losanges colorés sur la géométrisation totale du corps
Déséquilibre de l’ensemble du personnage
Bouteille d’anis ( sculpture )
De l’humble bol de bois rafistolé avec une plaque de métal, Picasso a fait un compotier en l’appuyant sur un pied cylindrique
Le compotier penche vers l’avant
Trois morceaux de bois sont fixés au bol
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Cheminée
Le choix des couleurs (blanc, rouge, noir et turquoise phosphorescent) dénote la volonté de Picasso de révéler la violence de ses émotions
Décalage de l’axe de la cheminée par rapport au miroir
Effet de profondeur du foyer
Le foyer s’enfonce dans les ténèbres en une perspective accélérée
La glace penchée vers la gauche reflète les murs presque noirs
Le noir et les pointillés mettent en valeur la face rouge de la guitare
Picasso se sentait seul après la mort d’Eva dans l’appartement où ils avaient vécu en face des tombes du cimetière Montparnasse
1916
1917
Portrait d’Apollinaire blessé
Le portrait a été dessiné après la grave blessure du poète le 17 mars 1916, blessure qui exigea une trépanation
Olga dans un fauteuil
Portrait classique d’Olga Kokhlova, jeune danseuse de la troupe de ballets russes que Picasso rencontre à Rome en février 1917 et qu’il épouse l’année suivante
Classique à la manière d’Ingres avec ses lignes sinueuses
Grande minutie dans le rendu des détails : transparence du tissu de la robe ; motifs du tissu du fauteuil ; couleurs de l’éventail
Olga était une jeune femme distinguée et mondaine (quand même idéalisée ici)
Le tableau semble un collage comme si la figure de la femme avait été découpée et collée sur un fond sans profondeur
Le tissu du fauteuil fait penser à un papier collé
La femme et le fauteuil semble flotter dans un espace inexistant
Olga n’a pas l’air assise sur son fauteuil
Arlequin et la femme au collier
Picasso se détend et se rend à Rome pour travailler au décor de « Parade »
Il y rencontre « une vraie jeune fille », Olga, fille d’un colonel de l’armée russe et plus mondaine que bonne danseuse
Plans segmentés et motifs pointillistes alternent en une savante composition pleine de vitalité
Le couple peint semble entrer dans la danse
Arlequin au loup
Dans un espace où la perspective est barrée parla coupure du corps en haut des cuisses Picasso place son personnage devant un rideau
Le costume aux plis très marqués, comme chez Cézanne, est ainsi que le visage dans
des demi-
Le retour du baptême (d’après Le Nain)
Picasso reprend une œuvre de Louis Le Nain qu’il admirait
Il réinterprète dans son langage
Réalisme du dessin
Utilisation de couleurs vives, acides même, posées en petites touches
La forme se dilue dans la couleur
Les personnages disproportionnés flottent dans un espace sans profondeur
Il a agrandi l’homme au centre et plus encore le garçonnet à droite et diminué les deux femmes
Parade
Parade est un ballet en un acte, texte de Jean Cocteau, décors et costumes de Picasso, Ballets russes de Diaghilev, créé au Chatelet le 18 mai 1917
Le rideau de scène fait 10 m sur 17 m.
Le rideau représente un groupe de forains romantiques : deux Arlequins éveillés ; une colombine somnolente ; un joyeux marin napolitain ; un torero jouant de la guitare et une fille qui porte un chapeau pointu, servis par un nègre
A gauche une fée aux ailes blanches, debout sur le dos d’une jument ailée de blanc aussi qui allaite son poulain
La fée avance la main pour saisir un singe au haut d’une échelle bleu, blanc, rouge
Picasso trouva en cette expérience du travail avec les danseurs une occasion d’observer le corps humain en action, de dessiner librement des modèles vivants et de noter les poses et les gestes expressifs
La représentation déclencha un scandale
On était en pleine bataille de Verdun
Le cubisme était qualifié de boche
Sans Apollinaire et le bandage qui entourait sa tête blessée il y aurait eu violence
Olga à la mantille
Le ballet Parade est joué à Barcelone et Olga abandonne la troupe pour rester avec Picasso
Mantille en fine dentelle encadrant le visage de près
En l’hispanisant Picasso fait sienne la jeune ballerine russe
1918
Pierrot assis au loup
Picasso l’a surmodelé par la couleur non seulement pour accentuer les plis du vêtement
au point que celui-
Le climat dramatique est renforcé par :
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Contraste avec Arlequin au loup peint tout en demi-
Madame Rosenberg et sa fille
Il s’agit d’un portrait d’apparat de la femme de son marchand et de sa petite fille
Picasso est en voyage de noces à Biarritz chez Madame Errazuriz chez qui il rencontre le beau monde
Les Baigneuses
Depuis celles de son enfance ce sont les premières vacances de Picasso au bord de la mer
Il passe l’été 1918 avec Olga chez Madame Errazuriz dans un milieu mondain
Les plaisirs de la plage et la vie en plein air l’inspirent
Trois baigneuses que leur maillot de bain et le paysage ( voilier, phare, petits nuages) situent dans l’ambiance des bains de mer alors en vogue, tordent leurs corps déformés par un étrange étirement
La baigneuse du maillot rayé présente le devant et l’arrière de son anatomie, témoignant de la marque durable du cubisme qui voulait montrer les choses sous toutes leurs faces
Plage de rêve irréelle à cause de la précision des détails (les pierres !)
Les couleurs acidulées et brillantes confèrent au tableau un caractère naïf (Rousseau)
Les corps filiformes aux membres pointus sont rares chez Picasso
1919
La Sieste
Une image expressive de l’abandon au sommeil rendu par les disproportions des membres et l’imbrication des corps dans un format très allongé
Les contrastes des couleurs entre les bleus des vêtements et les ocres jaunes du foin, du chapeau et de la terre sont très vifs donnent une image très forte de la torpeur de l’été
Nature morte devant la fenêtre
La frontalité de la composition donne une dimension théâtrale
Les vantaux et la table semblent aussi précaires qu’un décor de théâtre
Notre attention se focalise sur le trou de la palette au-
Bleu inattendu dans la bouche de la guitare cerné de noir
Les lourds pieds de la table encadrent une balustrade de fer forgé ouvragé
Les beiges et les gris doux de la pièce sont éclairés par le tapis rose et par les touches de gouache figurant les rideaux sur le mur et par le bleu du ciel
Illogisme de la partie gauche du mur gris clair et la partie droite gris fonçé
On se demande quelle est la relation entre le pot à tabac, la palette et la guitare
La fenêtre
De retour d’Italie avec Olga, sa jeune épouse, il s’inspire du ciel lumineux de St Raphaël, de la fenêtre ouverte sur la mer bleue pour réaliser cette nature morte
On retrouve la guitare qui est un élément typiquement cubiste
Mais Picasso a retrouvé le goût de la couleur claire, même dans le contre-
Nature morte au pichet
Picasso a choisi un pichet et une assiette d’aspect humble, à la silhouette épaisse et au vernis blanc fade
Sur le pichet nous avons l’impression de sentir l’action des doigts qui modèlent la glaise
Le coloris est très doux ; le pichet décline toute la gamme de gris assourdis avec juste quelques nuances ocre
Le mur est d’un gris à peine plus mauve
La table est légèrement rosée de bois de pin brut
La couleur des pommes opaques est indéfinissable
L’axe est légèrement décalé sur la gauche et le pichet se présente légèrement en biais
Une pomme est plus proche de nous ce qui crée des obliques dans l’espace
Photo de Picasso et d’Olga
1920
Olga lisant
Dessin à l’huile sur toile, sans couleur
Autre version du thème avec Olga absorbée dans sa lecture
L’espace est cubiste avec décrochage des moulures
Les morceaux du fauteuil ne sont pas raccordés
Les plis du peignoir de bain suggèrent la position assise
La Liseuse
Olga en train de lire
Cette grande toile de 166*102 montre l’intérêt que Picasso attachait à la possibilité d’intégrer la monumentalité de la statuaire romaine dans des scène d’intérieur
On remarque le grossissement des mains et des pieds
Tableau préparé par la gouache « Olga lisant »
Compotier et mandoline
Une corde de la mandoline prolonge l’axe vertical entre les deux portes du meuble : la lisière entre les deux couleurs du mur est dans le même axe
Les touches dilatées de la mandoline sont disproportionnées par rapport aux cordes tandis que quatre de ses chevilles nous dévisagent comme autant d’yeux
Le compotier grossit et déborde du buffet et projette sur le mur une ombre décorative dans deux tons de vert
Picasso a accordé beaucoup d’importance aux natures mortes
Picasso ne convoitait pas les choses mais les laissait s’amonceler
Il vivait dans un immense désordre
Des proches ont écrit « des objets hétéroclites, entassés, s’entourent d’une forêt toujours plus dense de nouveaux arrivants »
Picasso dira « l’objet le plus quotidien est un véhicule de ma pensée, ce que la parabole était pour le Christ »
Picasso dira de Cézanne « il regarde attentivement ce qu’il a devant les yeux ; il le regarde fixement comme un chasseur qui vise l’animal qu’il veut abattre »
La femme assise
On parle traditionnellement de classicisme à propos de l’œuvre de Picasso des années
1920-
Picasso a séjourné à Rome en 1917
Mais la mesure qui caractérise l’antique fait place à l’outrance
La femme assise est une géante aux mains et aux pieds énormes et déformés, figée dans une draperie qui a l’air d’être de pierre
Les volumes sont accentués par les contrastes d’ombre et de lumière gonflant à l’excès le corps et le vêtement
Malgré cette pesanteur de statue elle garde une élégance du geste : le menton appuyé sur une main nonchalante, l’autre main enserrant le coude
Paysage de Juan Les Pins
En 1920 Picasso découvre Juan Les Pins entre Cap d’Antibes et Golf Juan quand personne n’y séjournait en été
Jusqu’en 1961, date de son installation au Mas Notre Dame de Vie cette station ne cessa d’appartenir à son univers car elle était proche de Mougins, de Vallauris ou de la Villa Californie
C’est en 1920 qu’il peignit le paysage éclatant de l’été en couleurs violentes et en formes géométrisées
Baigneuses regardant un avion
Ces femmes que l’on voit étendues sont aussi anciennes que la mer
Les corps ont des membres et des proportions qui appartiennent à un âge lointain
Un seul corps suffit à occuper tout l’espace disponible de la plage et un autre pour couper l’horizon de haut en bas
Comme dans les temps anciens elles lèvent toutes ensemble la tête au passage d’un étrange oiseau qui est un avion
Guitare
La guitare se réduit à des formes élémentaires traitées en aplats
La bouche dépasse sous une partition
Nous distinguons les cordes et le manche étiré à droite
Le contour rose évoque les courbes de la caisse de résonance
Le T noir représenterait le chevalet
La verticale partagée en deux tout en haut serait la tête rudimentaire d’un guitariste
Les carrés rouge et orange seraient les mains
La saillie en bas à gauche et le carré bleu à droite seraient les pieds
Le fond gris foncé fait songer à une nuit romantique
Piano
Piano trapu aux tons bruns très foncés et noirs avec des effets de matière rappelant le bois
Derrière les pédales un blanc-
Dessus du piano vert
Clavier jaune moutarde
Le piano s’anime grâce aux objets disposés dessus : guitare orange, vase bleu, mandoline marron
1921
Pierrot et Arlequin
Pierrot et Arlequin sont les parents des Trois Musiciens
Ils sont stylisés avec une rigueur graphique qui nous apparaît normale mais qui était en 1920 nettement en avance sur la vision coutumière des spectateurs
C’est une œuvre représentative de l’influence exercée sur Picasso par son contact avec la danse et le théâtre par l’intermédiaire de Jean Cocteau et Erik Satie
Après Parade, Picasso exécute les décors de Pulcinella, ballet de Diaghilev sur une musique de Stavinsky
Les Trois Musiciens (Philadelphie)
Il y a deux versions : Philadelphie et New York
On pense que la première version est celle de Philadelphie, plus luxuriante
Ordre des trois personnages : Arlequin, Pierrot, Moine
Arlequin joue du violon
Le moine chante en s’accompagnant d’un accordéon
Pierrot joue de la clarinette
Espace cubiste : les personnages créent leur avancée vers nous par leur géométrisation
La musique de jazz apportée par les soldats américains déferle sur Paris
Le moine est Max Jacob qui au printemps 1921 s’est retiré au monastère de St Benoît sur Loire
Pierrot évoquerait Apollinaire mort en novembre 1918 de la grippe espagnole
Arlequin est le double de Picasso
Pour Picasso c’est la fin de la jeunesse. Il a quarante ans. Il n’a plus autour de lui ses deux poètes préférés qui l’ont accompagné dans les percées décisives de son art
Les Trois Musiciens (New York)
Version plus abstraite
Ordre des trois personnages:
Pierrot, Arlequin, Moine
Arlequin joue de la guitare
Le moine chante sans accompagnement
Pierrot joue de la clarinette
Caractère nostalgique plus marqué avec la présence suggérée d’un chien noir sous les jambes de Pierrot, une pipe et un compotier sur la table et la partition déployée
Espace cubiste, les personnages créent leur avancée vers nous par leur géométrisation
Un même aplat bleu unit le visage de Pierrot à celui d’Arlequin
La pratique des papiers collés à favorisé la simplification de sa peinture
La lecture de la lettre
On ne sait qui sont ces deux jeunes hommes affublés d’un costume, d’une cravate, d’un chapeau et de gros godillots
On y a vu l’évocation de l’amitié entre Picasso et Apollinaire que pourrait désigner le livre et le chapeau melon comme il en portait
Ils sont absorbés par la lecture d’une lettre dans le paysage inhospitalier d’un désert de rocher au bord d’une mer indéfinie
La façon dont la couleur est appliquée, particulièrement dans les vêtements, est surprenante : Picasso a cerné des surfaces, sans doute à l’aide de pochoirs, qu’il a ensuite rempli un peu comme dans ces jeux d’enfants où il faut colorier des surfaces pour faire apparaître une image
Portrait d’Olga
Son fils Paulo est né le 4 février 1921
Picasso célèbre Olga âgée de trente ans
Le visage d’Olga est traité avec un aspect monumental qui rappelle la troisième dimension de la sculpture
La tête est vue de trois quarts et est d’un volume imposant : le nez, les lèvres et les paupières sont épaissis, comme sculptés dans la pierre
La collerette avec ses échancrures profondes se dresse telle les cannelures d’une sculpture antique
Expression de douceur, de féminité et de mélancolie
L’œuvre resta inachevée. Picasso découpa la partie supérieure qui pouvait passer pour une œuvre autonome
Plus tard il réunit les deux parties, pastel et fusain
Le pur graphisme dispensé dans les bras et les mains d’Olga forme un heureux contraste aux couleurs du pastel
Trois femmes à la fontaine
Figures puissantes et géantes qui emplissent totalement l’espace monumental du tableau
Ce que Picasso cherche en se référant à l’antiquité méditerranéenne c’est de contenir trois volumes sculpturaux dans le cham unitaire de la toile
Pétrifiées dans des gestes quotidiens les trois femmes puisent leur grandeur hiératique dans la sereine majesté de leur attitude et dans leurs formes généreuses et accomplies
Les plis sévères et réguliers de leurs tuniques ont la blancheur argentée de la pierre au soleil et rappellent les cannelures des colonnes grecques
Ces plis neutralisent les modelés des corps et les intègrent dans le plan du tableau
Les corps ont de franches découpes qui épurent leur masse jusqu’à les plaquer sur le fond brun
Baigneuse assise s’essuyant les pieds
Nous retrouvons le type de la femme géante, référence classique à l’antiquité
« plantureuse déesse au nez droit et aux mains et aux pieds épais »
Cette baigneuse aurait été inspirée par Renoir
Cocteau évoquera ces « femmes colosses », des Junon dont les grosses mains retiennent un linge de pierre
1921
Photo de Picasso
Deux femmes courant sur la plage, La Course
Le choc visuel provient de l’antinomie ente le poids de ces géantes et la légèreté de leurs mouvements
Malgré leurs membres lourds elles semblent sur le point de s’envoler
Pour suggérer le dynamisme Picasso recourt à divers moyens !
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La vitesse est indiquée par la sensation d’étirement démesuré du grand bras lancé comme une flèche en avant et fixé dans le prolongement de la jambe rejetée vers l’arrière
Les personnages s’inspirent des études des danseuses liées à la fréquentation par Picasso des ballets russes
Les draperies indiquent aussi une référence aux sculptures de la gréce antique
Nature morte à la guitare
Picasso imite en peinture les papiers découpés
Les tumultes et les défis ne sont plus de mise
Dans la France insouciante des années folles, Pablo se repose et prend ses distances avec l’agressivité
Picasso a la nostalgie de l’Espagne et utilise les couleurs du drapeau : le rouge et l’or, le sang et le sable
La guitare est couchée sur la table
Sa caisse de résonance mi-
Elle a gardé ses cordes, sa table d’harmonie et ses chevilles
Famille au bord de la mer
C’est une toile de 18 sur 20 cm
Tableau monumental malgré son petit format
Ces trois personnages sont sans doute Picasso, Olga et Paulo qui vient de naître
Image triangulaire de la famille
La femme semble protéger autant l’enfant que le père qui s’est endormi dans un geste pudique
Intimité de la famille : les liens charnels s’expriment par le geste symbolique du doigt de l’enfant qui touche l’oreille du père et qui est soutenu par le bras de la mère
La mère a plus le visage de Sara Murphy que d’Olga
Picasso conserva ce petit tableau qui ne fut connu qu’après sa mort
On pense que Picasso a mis ce tableau au secret pour éviter la jalousie d’Olga
La danse villageoise
Les danseurs semblent plus séparés que réunis par leur étreinte et leurs doigts boudinés
Ils sont figés dans une immobilité de statue, le regard fixe et la bouche grave
Expression primitiviste des yeux ourlés
Le peintre a mêlé le pastel et l’huile sur une toile dont on aperçoit la grosse trame sous la couleur
Le pastel est un crayon fait de poudre de couleur agglomérée
Mère et enfant ( 1ère version)
Sara Murphy est une américaine qui a passé une partie de sa vie en Europe. Avec son mari et ses trois enfants elle séjourna avec les Picasso au Cap d’Antibes durant l’été 1923.
Elle frappe tout de suite Picasso par sa beauté et provoqua l’arrivée d’un nouveau type de femme dans sa peinture : visage épanoui, lignes pures des sourcils, du nez et des joues, chevelure coulant en flot sur le dos
Sara Murphy est très reconnaissable à la forme pleine de son visage, beaucoup plus serein que celui d’Olga, aux courbes si harmonieuses de ses sourcils, à son décolleté largement ouvert et lâche et à la façon de se coiffer en laissant retomber ses cheveux
Cette version est vivante, l’enfant ayant les yeux ouverts
La femme envahit toute la surface de la toile et semble s’arc-
La couleur se limite à la tonalité assourdie de la fresque, atténuant les modelés
La lumière égalise les reliefs et les creux, les plis de la robe et les membres volumineux des personnages
La femme et l’enfant se confondent à l’espace du tableau qu’ils architecturent de leurs masses simplifiées
Le format du tableau est 85*70 mais par le cadrage rapproché Picasso confère à ses figures la taille de héros mythologiques
Cette version a été vendue chez Christie’s à New York le 11 mai 1995 au prix de 13,5 millions de dollars
Mère et enfant ( 2ème version )
Dans cette version l’enfant a les yeux fermés et donne l’impression de s’abandonner davantage
Les traits sont d’une telle netteté qu’ils semblent faits à l’encre
Pureté des rythmes et légèreté de la couleur
On datant ces deux tableaux de 1922 on pense que Picasso s’est volontairement trompé de date
Il a choisi l’année précédent le séjour commun avec les Murphy à Antibes pour éviter la jalousie maladive d’Olga qui n’appréciait pas la complicité entre Sara et lui sur la plage de la Garoupe en 1923
L’enfant ne peut être Paulo qui en 1922 n’a que 18 mois
1923
Olga au col de fourrure
Il s’agit d’un dessin à l’huile
Exceptés le visage lointain et le col de la fourrure les simplifications et les géométrisations reviennent et Picasso s’éloigne des harmonies classiques
Il y a une certaine fusion entre le visage d’Olga et celui de Sara Murphy
Olga tourne la tête comme si elle esquivait notre regard, celui de Picasso dont elle s’éloigne
Portrait d’Olga
Ce portrait au pastel témoigne d’un retour au classicisme strict
Elle apparaît pensive et peut-
Pendant l’été 1922 elle a dû être transportée depuis son lieu de vacances à Paris pour y subir une intervention chirurgicale
Cet évènement marque la fin de l’intimité entre le peintre et son modèle
Picasso semble détaché de son sujet
Les relations entre les époux se détérioreront jusqu’au divorce en 1935
Picasso tend à rajeunir son visage à l’aide de celui de Sara Murphy
Olga est plongée dans ses pensées,lucide
Si elle pensait reprendre sa carrière de danseuse la naissance de Paulo et sa récente opération l’en ont dissuadé
La sensualité tactile du vêtement et du col de fourrure est plus intense que celle des bras et du visage
La cage d’oiseau
Vue monumentale de l’atelier de la rue de La Boétie
Foisonnement de plans découpés et entrechoqués, reconstruit avec un souci décoratif marqué par des couleurs éclatantes
Sur un guéridon en face d’un balcon nous voyons une guitare, un verre, un compotier plein de pommes et une poire
On retrouve dans deux plans différents une grille de balcon
Ce tableau est une anthologie d’adieu aux formes cubistes
Les Amoureux
Ce couple de jeunes amoureux habillés est réalisé avec une légèreté de touche qui lui donne la finesse de certains pastels, tandis que les traits de contour sont si purs qu’ils semblent tracés à l’encre
Picasso nourrissait un rêve vis-
Le rouge crie vers nous, légèrement amorti à cause du buste de la femme et de ses couleurs froides
De ce rouge émane une atmosphère de sérénité
Le violet/lilas de droite fait penser à une tenture théâtrale
Le bleu derrière la fenêtre n’ouvre pas vers l’extérieur mais semble un autre rideau
Nous avons l’impression d’être à Florence dans l’Italie de la Renaissance
La femme pose la main sur celle de l’homme sans que celui-
Les rouges, les lilas, les jaunes et les verts évoquent Pompéï
La flûte de Pan
Deux jeunes hommes dont l’un joue de la flûte de Pan au bord d’une mer d’huile
Il n’y a pas d’ombre sauf celle de l’une des jambes du musicien
Décor fait de blocs géométriques ocres, dont la disposition est celle d’un décor de théâtre et qui créent artificiellement la profondeur devant un rideau de fond que deux bleus différents partagent entre ciel et mer
La flûte de Pan fait de ces deux hommes deux jeune bergers antiques dont le corps est sans grâce
Ils ont l’air étranger l’un à l’autre
Référence à Cézanne dont les Baigneurs ont ce corps massif
Œuvre de calme et de sérénité avant les orages qui menacent l’équilibre de Picasso
Arlequin, Jacinto Salvado
L’attention du peintre s’est concentrée sur le visage pour obtenir réellement un portrait
Tout mène à ce centre d’où émane l’énergie, c'est-
Picasso a fait plusieurs versions de Salvado en Arlequin
Cette version d’Arlequin de face est mélancolique
Le contraste entre les parties peintes et non peintes lui donne de la force et en fait une étape importante de la période classique de Picasso
Le costume d’Arlequin avait été apporté à Picasso en 1916 par Cocteau
Paul sur un âne
Paulo est né le 4 février 1921
Paulo souffrit des déchirements entre son père et sa mère et il fut après leur séparation élevé par Olga seule
Il revint chez son père après le départ du chauffeur Marcel Boudin en 1951 qu’il remplaça jusqu’à l’arrivée de Jacqueline
Il était passionné de mécanique, de voiture et d’alcool
Il eut deux enfants Marina et Pablito de son premier mariage et un fils Bernard de son second mariage
Il mourut deux ans après son père en 1975
Copiant une photographie Picasso fit ce portrait de son fils nerveusement juché sur son âne, chaudement vêtu avec son bonnet blanc sur la tête
Contraste entre l’âne velu et Paulo avec les lignes pures de son visage enfantin
Paulo dessinant
Picasso peint son fils en pantoufles vermillon dessinant sur une table basse
Picasso a-
Picasso fut fasciné par son bébé comme tous les pères et il ne se lassait pas de le dessiner
C’est la présence de ce bébé qui a incité Pablo à peindre des maternités
Avec son fils c’est pour Picasso une nouvelle vie qui commence
1924
Paul en Arlequin
Ce tableau représente Paul, dit Paulo, né le 4 février 1921
Il a donc trois ans
Le caractère inachevé laisse voir le fond neutre
La minutie de certains détails rappelle le portrait d’Olga dans un fauteuil ; c’est le même fauteuil
Importance du thème de l’Arlequin dans l’œuvre de Picasso
Enfant revêtu du célèbre costume à losanges ce qui crée une identification du père au fils
Il nous regarde fixement avec les mêmes grands yeux sombres que ceux de l’artiste
Fragilité de Paulo accentuée par l’instabilité de sa posture avec la jambe repliée
Il n’est ni assis ni vraiment accoudé au fauteuil
Il semble posé à plat comme une carte à jouer sur le fond sombre du fauteuil évoquant le « Joueur de fifre de Manet »
Il flotte comme une apparition puisque ses pieds ne sont pas peints
Aspect lissé et porcelainé ; finesse des traits
Ce portrait s’inscrit dans la lignée de ceux des enfants royaux représentés par Francisco Goya
Paul en Pierrot
Ce portrait est le dernier que le peintre fit de son fils
Paulo souffrit des déchirements entre son père et sa mère
Après leur séparation il fut élevé par Olga seule
Il ne revint chez son père qu’après le départ du chauffeur Marcel Boudin en 1951, qu’il remplaça jusqu’à l’arrivée de Jacqueline dans la vie de Picasso
Il eut deux enfant de son premier mariage (Marina et Pablito) et un fils de son second mariage (Bernard)
Il était complaisant, passionné de mécanique mais écrasé par la personnalité de son père
Nature morte aux fruits
Jolie bouteille bleue avec son ombre noire, penchée d’un air désinvolte vers le compotier et mise en valeur par le fond rouge
Le compotier asymétrique s’incline vers la bouteille comme pour s’éloigner des boudoirs
Belle variation des nuances de bleu
Registre moins gai de la couleur kaki de la table qui semble parfois arrachée pour dévoiler des variations sur un motif de feuilles
Elégance du verre délimité par un contour noir derrière les boudoirs
Le cadre peint enserre l’œuvre dans des limites étouffantes même s’il y a une échappée de bleu vers la table
Mur divisé en panneaux rose et gris
Nature morte à la mandoline
La table dotée de pieds en fer forgé se trouve sur un balcon avec une vue sur la mer
Deux nuances de bleu (clair et fonçé) pour le paravent
Couleur turquoise du ciel à gauche
Dominante rouge brique de la table et du sol
Le tissu semble collé au-
Picasso n’a pas cherché à briser la planéité en jouant sur la perspective
Gris sableux du compotier à gauche, de la tête de la mandoline et du petit cercle au centre ; gris qui se retrouve en bas à droite
La caisse de résonance toute blanche de la mandoline semble suspendue dans l’espace
Limpidité des objets observés dans l’atmosphère du bord de mer
Nature morte et guitare
Une des plus grandes natures mortes de Picasso (140*220)
Espace largement déployé : les nuages dans le ciel deviennent palpables
Pièce organisée comme un décor de théâtre : le deuxième balcon sous la table ressemble au trou du souffleur
Eclat de la lumière et des couleurs méditerranéennes
Chaleur provençale du carrelage rose
Une mandoline, une bouteille, des pommes et une guitare
La nappe scintille d’étoiles sur fond blanc, jaune ou bleu clair
La mandoline appuie son manche sur un prolongement invisible de la table
Le rouge qui entoure la mandoline évoque le romantisme de l’Espagne et de sa musique
La guitare a le haut du corps qui enfle de désir
La bouteille noire recule pour mieux examiner la guitare avec une certaine admiration et tourne le dos à la mandoline étendue
Picasso témoigne plus de respect pour le désir que pour la passivité
Nature morte à la mandoline
Ciel nocturne bleu à gauche et brun à droite
La lumière forte sur les objets fait ressortir la frise en fer forgé de la table et le pilier à droite de la mandoline
Seule la nappe aux nervures verticales défie l’obscurité romantique de la nuit
Compotier et bouteille tendrement penchés l’un vers l’autre
La mandoline se repose dans sa solitude
Le compotier d’un blanc éclatant contient un fruit vert
Complicité affectueuse du compotier et de la bouteille
Guitare
Cette guitare cubiste est reproduite dans le premier numéro de la revue « La révolution surréaliste »
Picasso en déclarant la guerre à l’imitation illusionniste a rendu possible une nouvelle approche de l’art
Guitare découpée dans une seule feuille de tôle pliée et peinte
Caractéristiques de la sculpture cubiste : forme ouverte, jeu sur les creux et les pleins
Manche beige plissé afin d’indiquer les touches
Axe légèrement penché ce qui lui donne un pouvoir de séduction féminin
Sa surface fait songer aux somptueuses voitures des années 20 conduites par son chauffeur Marcel Boudin
La bouche ressemble un peu à un radiateur de voiture
Les rayures horizontales peuvent indiquer le mouvement du véhicule tout autant que les vibrations de l’instrument de musique
Trois passions de Picasso : les femmes, les guitares, les voitures
L’atelier
L’organisation de l’espace intérieur semble avoir pour but l’intégration de l’espace extérieur
Les deux espaces se construisent par associations et ruptures de plans, par étagements successifs géométriquement différenciés
Le décor s’approprie les objets et les imbrique entre eux à la manière des papiers collés : les motifs du tapis, des murs et de la boiserie
Les maisons qui s’encadrent dans l’embrasure de la fenêtre annulent toute profondeur de champ
Les moulages de la tête et des bras ne se perdent pas dans le complexe ornemental
Le profil de la tête se dédouble dans une vue de trois quarts et dans l’ombre qu’elle projette
Le Baiser
Depuis 1917 certains espéraient que Picasso s’était rangé : il s’était marié à l’église et vivait dans un quartier chic
Nous retrouvons la violence et le besoin de transgression des codes de la peinture et des tabous moraux
Embrassement ardent d’un couple
L’imbrication complexe des formes ne permet pas de préciser la posture des amants
L’homme enserre sa compagne qui a la tête renversée en arrière ; ses pieds qui dépassent sous la robe à losanges semblent ne pas toucher terre
Une bouche unique les soude l’un à l’autre
Le nez ressemble au sexe d’un homme, la bouche à celui d’une femme
« L’art n’est jamais chaste » disait Picasso
La violence du spasme est traduite par la virulence des couleurs brillantes et la férocité des déformations excessives
La Danse
Ce tableau exprime la prise de conscience du fait que depuis son mariage avec Olga il rejette me monde du ballet
Frénésie neuve des rythmes du jazz
Déchaînement du rythme face à la femme nue qui figure un pas de danse classique
La grande figure noire à droite représente Pichot qui vient de mourir et la femme
de gauche qui perd tout contrôle d’elle-
Ce tableau exprime la crainte de Picasso devant la femme destructrice qui gêne sa création
Olga aussi n’est-
Fenêtre ouverte sur le vide au-
Simplification angulaire de la tête de la danseuse
Le crâne pointu de Pichot évoque un masque africain
1926 – Guitare
Picasso pensait que les objets de rebut avaient leur beauté et qu’il fallait transgresser les lois de la peinture pour les intégrer dans une œuvre d’art
Guitare faite d’une serpillière, de papier journal, de cordes et de clous
Les longs clous forgés qui pointent vers le spectateur donnent de l’agressivité
Ces clous évoquent la pratique de la sorcellerie consistant à jeter un sort à quelqu’un en transperçant sa représentation
Certains ont interprété cette œuvre comme un désir de meurtre vis-
La bouteille de vin
Une des dernières natures mortes cubistes résumant tous les objets familiers de cette période : la guitare, la bouteille de vin, les pommes sur la table et dans le compotier, la partition de la musique, les découpages de la nappe, la dénivellation cubiste des moulures pour signifier le volume de la pièce, le contraste formé par la lumière de la fenêtre, les aplats de couleur gaies et arbitraires
Le peintre et son modèle
Cette grande toile grise et blanche inaugure un graphisme courbe et sinueux
Le trait s’emmêlant comme les fils d’un écheveau dessine au fur et à mesure des figures
Le réseau de traits entrelacés qui définit les deux figures révèle la complexité des liens qui unissent le peintre et son modèle
A travers le fouillis seul un pied énorme reste identifiable
Le peintre et son modèle est l’un des thèmes essentiels de l’œuvre de Picasso : il confronte l’homme à la femme, le peintre au modèle, le désir au regard, la vie à l’art
L’artiste à droite est repérable grâce à sa palette
La femme à gauche est réduite à une tête minuscule, un grand cou, des mains de taille inégale et un énorme pied
Au fond petit tableau représentant une tête noire et blanche
Femme assise
Amples contrastes de courbes
Profil méchant que la couleur claire impose dans le reste de la face sombre
La cruauté l’emporte avec les doigts qui finissent en clous
Femme dans un fauteuil
Picasso décompose en de longs arcs courbes les profils du corps et du visage
Il replie le côté gauche, sein compris, sur le droit dans des contrastes puissants
La bouche est verticale comme un sexe de femme
L’espace est cubiste avec les lambris qui ne se raccordent pas
Deux femmes à la fenêtre
Encadrements de fenêtres qui sont suggérées dans la mobilité de leurs reflets et de leurs transparences
Simplification de la figure dans l’espace
Ces deux figures établissent entre elles un réseau de rapports graphiques tendu
La première : concision de la découpe tranchante et anguleuse
La seconde : démultiplication diversifiée de son profil saisi sous différents angles
Pour toutes deux, précision et clarté du trait
Nu sur fond blanc
Figure agressive avec sa chevelure effilée et sa longue bouche verticale, redoutable avec ses rangées de petites dents
Bouche qui est un écho de la fente du sexe qui barre le ventre
Le pied énorme est proéminent au premier plan alors que le bras mince qui brandit une sorte de peigne s’amenuise dans le lointain
L’arabesque devient par endroit une ligne acérée aux pointes aigües (doigts de pied à gauche)
A cause des différence d’échelle la figure est distordue dans l’espace à la manière d’images hallucinatoires
Baigneuses au ballon
Picasso dira « Quand j’étais petit je faisais souvent un rêve qui m’effrayait beaucoup. Mes bras et mes jambes étaient soudain énormes puis se mettaient à rétrécir et devenir minuscule. Tout autour de moi d’autres personnes subissaient les mêmes transformations devenant gigantesques ou petits. Ce rêve me causait toujours de terribles angoisses »
Ce tableau est l’une des œuvres les plus caractéristiques par les élongations dues à l’expression du mouvement de la série de tableaux exécutés à Dinard en été 1928
Disproportions anguleuses pour recréer les mouvements des jeux sur la plage
La lumière des plages bretonnes, les coups de brosse vifs et en relief accentuent l’atmosphère joyeuse et poétique
Picasso était à Dinard avec Olga et Paulo mais il observait de loin sa jeune compagne
Marie-
Baigneuse ouvrant une cabine
Cette petite toile est devenue célèbre à cause de son aspect freudien
Baigneuse maniant une grosse clé noire pour ouvrir une cabine
C’est paraît-
La cabine est l’image du corps vécu comme refuge, sans cesse menacé, de l’intériorité
La clé est le symbole de l’accès au sens caché, au monde invisible
L’atelier
Ici c’est l’atelier comme lieu de travail, lieu de refuge, loin d’Olga
Le modèle en face de lui avec les yeux superposés évoque l’art nègre
Les cadres vides au mur, la toile qui reste vierge, créant des sources d’angoisse
comme si Picasso témoignait que la vie risque d’être bannie de son atelier parce
que la présence de Marie-
Ces réductions géométriques vont être reprises dans les sculptures en fil de fer à la fin de l’année 1928
Jeu de ballon sur la plage
Trois figures se découpent sur le bleu de la mer et du ciel où s’encastre la masse sombre des rochers
Trois figures rayées de couleurs vives se désarticulent dans la frénésie du jeu
Le mouvement qui les agite semble les avoir taillées hâtivement au ciseau dans le papier
Les personnages semblent détourés dans l’espace
La cabine de bain, et sa clé, est un partenaire constant des baigneuses
Femme assise au bord de la mer
Démembrée, évidée, ajourée, cette femme n’a plus rien d’humain
Sa fantastique croissance qui prolifère sur le bleu tranquille de la mer semble avoir été moulée dans le béton
Son ossature décharnée fonctionne avec la précision d’une étrange mécanique
Ce grand nu articulé tel un squelette semble exorciser la femme terrifiante et terrorisante
qu’Olga est peut-
Plus question de jeux de plage, la femme aux seins protubérants se trouve naturalisée en une sorte de mante religieuse sèche et décharnée
Grand nu au fauteuil rouge
Ce tableau est un cri d’angoisse muette. Il fait allusion au conflit conjugal entre Pablo et Olga
Elongation des membres flasques comme des viscères pendants terminés en moignons enchevêtrés comme les tentacules d’une pieuvre et jetés sur le fauteuil
Réduction de la tête à un gouffre denté, à une sorte de tenaille
Rétrécissement du corps comme vidé de sa substance
Stridence des tons (rouge, violet et jaune) contrastant avec la trouée noire
La mollesse du corps et du fauteuil est contre balancée par la composition géométrique qui contient de part et d’autre la figure
Eluard a dit de Picasso « Il aime intensément, et il tue ce qu’il aime »
La grande baigneuse
Cette baigneuse semble taillée grossièrement dans le bois
Les trois trous noirs qui perforent son visage et l’indication des côtes sur son torse évoquent l’image de la mort, menaçante avec ses bras énormes qui soulèvent le voile noir sous lequel elle se dissimulait
1929 – L’atelier
Picasso oppose un visage déformé frénétiquement par la fureur à, d’un côté, la sérénité de son ombre en profil et de l’autre côté la représentation géométrique peinte sur la toile
Le visage déformé en spiral avec les yeux de chaque côté d’une large bouche dentée est présenté sur une table comme une sculpture
Un cadre vide au-
1929 – Nageuse
Totalement désarticulée, parfaitement en apesanteur, plus poisson que femme, cette toile appartient au déchaînement surréaliste des fantasmes de Picasso qui la conservera toujours
Les membres se délient et s’étirent jusqu’à risquer de se disloquer : une main est prête à se détacher d’un bras dangereusement aminci
On dirait un être sans tête muni de deux jambes, de deux bras et d’une paire de fesses
La tête identifiée par les petites narines au bout du nez, ressemble à une main
Buste de femme et autoportrait
Picasso a recouvert son autoportrait par le buste de la femme monstrueuse, toutes dents dehors avec sa langue poignard
La femme semble être un danger pour l’homme, un piège
La Crucifixion
Une des œuvres essentielles de Picasso
On repère certains motifs traditionnels :
Le Christ en croix
Deux petites croix vides (à droite sur fond rouge et à gauche en bas dans la partie bleue)
Le corps des deux larrons en bas à gauche
Le porteur de la lance semblable à un picador
Le personnage en haut de l’échelle plantant un clou
Les centurions jouant la tunique aux dés sur un tambour
Mais aussi des figures de l’univers de Picasso
La tête bleue de la mante religieuse est celle de la « Baigneuse assise »
Cette tête s’articule à deux bras jaunes liées par deux mains jointes qui se dressent vers le ciel dans un geste de déploration
La figure blanche centrale collée à celle du Christ est celle de la Vierge Marie. On retrouve la bouche dentée du « Grand nu au fauteuil rouge »
Le visage lunaire, face et profil, inscrit sur un triangle jaune à droite du Christ
est celui de Marie-
La crucifixion est interprétée comme un sacrifice rituel proche du taureau sacrifié et du symbolisme solaire
Les couleurs sont à l’unisson : rouge sang et jaune soleil opposés aux corps livides du Christ et de sa mère.
PABLO PICASSO 3 / 6