HENRI  MATISSE   1/2

Nous allons redécouvrir

sur deux pages l'oeuvre

d’Henri MATISSE


À partir

De 100tableaux commentés


La note ci-dessous vous présente un résumé de sa vie

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VIE DE MATISSE


ENFANCES  1869-1890


Henri Matisse est né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambresis dans le Nord.

Son père Emile travaillait comme vendeur dans un magasin de textiles

Il en conserva toute sa vie une grande connaissance des tissus

Sa mère Héloïse était modiste dans le quartier de Passy


Henri Matisse savait se montrer extrêmement attentif au choix des étoffes dont il se vêtait. Nul peinte moderne n’a consacré autant de soins à la garde robe où il choisissait les vêtements de ses modèles

Il a accompagné longtemps sa fille Marguerite chez les couturiers où elle se faisait faire ses robes pour donner son avis

Pendant les années 1900-1903, financièrement difficiles, sa femme Amélie fut elle aussi modiste

Les tissus, tapisseries, étoffes exercèrent une influence déterminante sur l’esthétique de Matisse

Matisse créera le chapeau à plumes du tableau « Les plumes blanches » et les chasubles de sa chapelle du rosaire à Vence


Son père et sa mère ont créé à Bohain une épicerie avec un important rayon « graines »

Ils ouvrirent également un rayon « couleurs » car pour compenser la modestie de leurs maisons de briques les habitants les repeignaient souvent

Madame Matisse les conseillait pour le choix des tons et préparait les couleurs

Le rayon « grains » connut un grand succès et l’épicerie disparut

Mais Madame Matisse teint à ce que soit maintenu le rayon « couleurs »


Dans la personnalité de Matisse on retrouve cette dualité : le professionnel calculateur et le peintre inspiré

L’œuvre de Matisse sera le fruit de cette dialectique entre la raison et l’inspiration qui doivent toutes deux collaborer comme dira-t-il « l’avion qui roule sur le sol avant de décoller »

Matisse dira « Tout ce que j’ai fait vient de mes auteurs, gens modestes et francs du collier »

L’autorité du père était forte ; il considérait que son fils devait lui succéder

Mais sa « fragilité de santé » le fit changer de cap


Après deux ans d’études de droit à Paris il devint clerc d’avoué à Saint Quentin. De ses études classiques et juridiques à Paris il gardera un penchant pour la démonstration et le plaidoyer, conduits en un langage clair et généralisé

Son premier tableau est une « Nature morte aux livres » où il fait figurer ses livres de droit

Il quitta Paris sans avoir eu le désir de visiter aucun des grands musées, même pas le Salon annuel de la  peinture


Il dira qu’il a été poussé vers la peinture par « une force étrangère à ma vie d’homme normal »

Le démon de la vocation pris la forme d’une boîte de  peinture qu’il reçut de sa mère en 1890 (20 ans) pour le distraire pendant une maladie qui le cloua au lit

Son père se montre inquiet puis hostile même si sur l’insistance de son épouse il verse à son fils une modeste pension quand il part étudier la peinture à Paris

A Saint Quentin avant de se rendre à l’étude d’avoué il se rendait une heure chaque matin à l’école de dessin Quentin de la Tour


Le musée de St Quentin était riche d’une trentaine d’esquisses de Quentin de la Tour, enfant du pays

Le but de l’école était de former des dessinateurs pour l’industrie textile du pays

Elle était une école d’art décoratif

Vers 1887, Matisse collégien a pu croiser dans les rues de St Quentin Gauguin qui avait fait le voyage pour admirer l’œuvre de Quentin de la Tour dont il disait « les lignes sont pures comme un Raphaël, la composition des courbes toujours harmonieuse et significative »


ANNEES D’APPRENTISSAGE  (1891-1898)


Début 1891 Matisse arrive à Paris avec une lettre d’introduction pour suivre les cours de Bouguereau

De 1891 à 1899 Matisse fut étudiant

Par économie il se nourrissait de demi-portions afin de faire durer son pécule. Puis son père lui servit une pension de 100 francs par mois

Jusqu’en 1905, 35 ans, Matisse fut en quelque sorte apprenti, fréquentant des ateliers où corrigeaient des maîtres, copiant les chefs d’œuvre du passé, sollicitant l’avis d’artistes (comme Rodin) où se faisant leur disciple (comme Signac)


La lenteur avec laquelle se dégage son originalité résulte de la grande diversité des influences auxquelles il se soumet

Matisse veut à la fois respecter le passé et s’en libérer

Il dira « Quand j’étais jeune je travaillais au Louvre, copiant les maîtres anciens, apprenant leur pensée, leur technique. Dans l’art moderne c’est indubitablement à Cézanne que je dois le plus »

Mais il dira aussi « lorsqu’on imite un maître, le métier de celui-ci garotte l’imitateur et forme autour de lui une barrière qui le paralyse »


Elève de l’atelier Bouguereau il y reste peu de temps, découragé par « la pâtisserie fadasse des nymphes, des vierges, des apôtres et des petits amours »

Il fréquente aussi l’Ecole des arts décoratifs où il fit connaissance de son  plus durable ami : Marquet

Ils habiteront côte à côte et travailleront sur les mêmes motifs dès 1892

A la fin de l’été 1893 ils deviennent les élèves de Gustave Moreau

Matisse passa cinq années à l’atelier de Moreau


Moreau était respecté. Son atelier avait les caractères d’un lieu spirituel et ses élèves se considéraient comme membres d’une confraternité

Après la disparition de Moreau en 1898 son souvenir constitua un lien durable entre tous ses élèves


Matisse marqua de l’intérêt pour l’impressionnisme en découvrant le travail en plein air lors des été passés en Bretagne en 1895,1896 et 1897

En avril 1896 il expose au Salon annuel deux tableaux  dont « La Liseuse »

Au Salon de 1897 il exposa « La Desserte » qui provoqua quelques remous mais fut défendue par Moreau


De 1895 à 1908 il habita Quai Saint Michel


Le 8 janvier 1898 Matisse épouse Amélie Parayre de Toulouse  (il a rompu avec sa maîtresse Camille Joblaud dont il a eu une fille Marguerite)


En 1898 il se rend à Londres pour voir l’exposition Turner. Il sera déçu et dira « les tableaux de Turner c’est du coton »

ANNEES DE RECHERCHE (1898-1905)


Arrivant en Corse quand les arbres étaient en fleurs Matisse ressentit un « grand émerveillement » qu’il communiquera à ses toiles où dominent les paysages

Pour justifier cette nouvelle vision il adopta la technique pointilliste de Paul Signac


Il séjourna à Toulouse où naquit leur premier fils Jean (1899)

Le second, Pierre, naîtra en 1900

Les Matisse connurent alors des années financièrement difficiles

A Paris Matisse retourna à l’Ecole des Beaux Arts où il fut sommé de quitter l’atelier car il faisait figure de trublion

Matisse exerçait une certaine autorité sur ses camarades, notamment sur Derain qui le présenta à Vlaminck

Matisse continuait à exécuter des copies au Louvre et dessinait le soir à l’Académie Calarossi

Il fréquentait aussi l’Ecole de sculpture de la rue Etienne Marcel


Matisse, plein d’énergie, explorait les Galeries, notamment celle d’Ambroise Vollard

Il acheta à Vollard un tableau de Gauguin « Jeune homme à la fleur de tiaré » et « Les Baigneuses » de Cézanne

Pour financer cet achat Matisse vendit la bague de fiançailles de son épouse, un magnifique saphir

Pour faire face financièrement il travailla aux frises qui devaient orner le Grand Palais à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900

Madame Matisse ouvrit un magasin de modiste qui ne fut pas florissant et que sa santé l’obligea à fermer

Matisse épuisé nerveusement était découragé (« L’atelier sous les toits »)

Il songea  à abandonner la peinture et postula en vain pour un emploi de « contrôleur du droit des pauvres »


Il envisage même de créer un syndicat d’amateurs auquel en échange de 2.400 francs il donnerait deux toiles par mois

Au 19ème siècle l’Art était financé par l’Etat qui achetait les œuvres des peintres primés au Salon

Avec l’exclusion du Salon des Impressionnistes est né l’influence du marchand de tableaux

Le premier marchand fut Durand-Ruel qui permit à  l’Impressionnisme de se développer

Après lui viendront Bernheim, Kahweiler et Volllard

Vollard pratiquera la politique de l’achat massif

Il videra les ateliers de Vlaminck et Derain

Vollard avait l’art de faire croire aux acheteurs éventuels que le temps travaillait pour lui


Berthe Weill ouvrit sa galerie le 1er décembre 1901 et exposa le 10 février 1902  la première toile de Matisse présente dans une galerie

Druet qui tenait un café place de l’Alma céda son fond et loua un magasin au coin de l’avenue Matignon pour son nouveau commerce de marchand

Chez lui tous les jours de 5 à7 se réunissaient les divisionnistes et les futurs fauves

Matisse y venait tous les quinze jours


En mars 1906 il exposa 55 toiles de Matisse sans succès

Vollard lui acheta peu de toiles et à vil prix

Matisse comprit pour élargir le cercle des amateurs il fallait faire espérer du profit

Il comprit que la hausse du prix de l’œuvre dépendait du bruit que l’on faisait autour d’elle, d’où l’influence des critiques

Il accordait grand soin à ce que l’on disait de lui

Toute sa vie il accueillit les journalistes

Il se préoccupait de la manière dont le collectionneur accrochait la toile qu’il lui avait acheté

Le Salon n’avait plus de fonction officielle mais était devenu un écho publicitaire et le Comité du Salon qui sélectionnait les œuvres avait un rôle déterminant

On introduisit au Comité des jeunes artistes et Matisse devint membre de ce comité ce qui lui donna des privilèges : acceptation de ses toiles et placement


Jusqu’au Salon d’Automne de 1905 Matisse en était à compter sur l’aide de l’Etat qui commandait des copies aux peintres débutants

Le Salon ouvrit le 18 octobre 1905

Grand scandale des critiques qui parlent de la « cage aux fauves »

Au premier rang du scandale « La femme au chapeau » de Matisse

Le 25 novembre, dernier jour du Salon, les Stein lui achetèrent 500 francs le tableau


Le succès de « La femme au chapeau » constitua un tournant décisif

Les Stein multipliait les acquisitions

D’autres amateurs accoururent : Marcel Sembat, le député socialiste de Montmartre, le russe Chtoukine

En mars 1906 Druet expose 55 tableaux de Matisse


Au Salon des indépendants ouvert le 20 mars 1906, Matisse présentera « La joie de vivre »

Pour réaliser ce grand tableau Matisse loua un local dans l’ancien Couvent des oiseaux, rue de Sèvres, libéré suite à l’application de la loi Combes

Avec ce tableau toute trace d’hésitation, de tâtonnement a disparu

Matisse parle en maître avec cette assurance que Gertrude Stein nomme chez lui « virilité »


En 1906 il écrit à un ami « Je suis exclusivement pris par la peinture, essayant de voir un peu plus loin et surtout de réunir et organiser mes sensations. Je me dis que le principal est d’être bien soi »

En février 1907, un jeune marchand allemand, Kahnweiler, conclut des accords avec Derain, Vlaminck, Picasso et Braque mais pas avec Matisse car dit-il « Matisse était déjà trop grand pour moi »

ANNEES DE MAITRISE   (1906-1914)


Matisse eut des élèves pendant deux ans de 1907 à 1909

« Du lundi au samedi je m’efforçais de prendre ces moutons et d’en faire des lions. Le lundi d’après il fallait recommencer. Cela me faisait donner beaucoup d’énergie. Alors j’ai réfléchi : devais-je être professeur ou peintre ? Et j’ai fermé l’atelier »


En 1908 il voyage huit jours en Allemagne

Il apprécie la bière de Munich et les vins du Rhin

Il expose à Berlin mais est mécontent car on n’expose pas la totalité de son envoi pour ne pas choquer

En 1910 il est enthousiasmé par l’exposition d’art islamique à Munich

En 1910 il se rendit à Madrid, Cordoue et Séville

Il se rendit deux fois au Maroc (1911-1912) et (1912-1913)

Il séjourna en Russie en 1911


De 1905 à 1908 il loue un atelier dans l’ancien couvent des Oiseaux au coin de la rue de Sèvres et du boulevard Montparnasse

Il avait pour voisin Othon Friez


De 1908 à 1910 il occupait un pavillon dans l’ancien couvent du Sacré Cœur au coin de la rue de Babylone et du boulevard des Invalides

Jean Cocteau qui était aussi locataire appréciait le jardin « une petite forêt vierge, un désordre végétal inextricable »

Matisse aimera toute sa vie ce type de jardin : une jungle de poche, une luxuriance clôturée qui satisfera son goût contradictoire de l’aventure et de l’ordre


En 1910 il s’installe à Issy, à 10 minutes en train de la gare Montparnasse


Matisse aimait parler peinture et fréquentait le Salon de Leo et Gertrude Stein, rue de Fleurus

Les faveurs de Leo et Gertrude Stein allaient de plus en plus vers Picasso et Matisse se rapprocha de Michael et Sarah Stein, rue Madame

Durant cette période il est en relation avec Prichard, ex-directeur adjoint du musée de Boston qui considère que les gens « croient par erreur que les musées ont à faire avec l’Art alors que leur préoccupation est le savoir »

« Par ses opérations l’artiste spiritualise les êtres, les pensées et les actions. L’homme de science découpe tout en morceaux et s’imagine que chacun des morceaux est une partie du tout ; mais il oublie que le tout avait une vie propre »


Prichard qui suivait les cours de Bergson a écrit :

« La méthode de l’artiste doit correspondre à une vision intégrale, une intuition, et non pas résulter d’une perception partielle et analytique »

C’est Prichard qui fit connaître Matisse à Georges Duthuit. Duthuit épousa Marguerite, la fille de Matisse


Dès 1908 commença la rivalité entre Matisse et Picasso, confrontation entre la couleur et le dessin

La rivalité entre les deux hommes n’excluait pas le respect

Les entourages des deux hommes s’efforçaient de dramatiser cette rivalité qui évolua en amitié vigilante et admirative

Picasso dira « Quand un de nous deux sera mort, il y a des choses que l’autre ne pourra plus dire à personne »

ANNEES DE GUERRE  (1914-1918)


Durant la guerre Matisse quitta Paris avec Marquet pour se rendre à Toulouse où se trouvait sa fille Marguerite puis à Collioure

Il rentra à Paris en novembre 1914

Le frère de Matisse, officier de réserve, fut interné à Heidelberg

Les déportés mal nourris dépendaient des colis qu’on leur envoyait. Matisse exécuta et vendit des eaux-fortes pour financer ces envois

En 1918 en évacuant Bohain les allemands firent sauter la ferme des Matisse qui était la dernière maison de la ville

La mère de Matisse mourut peu après


La guerre rapprocha des gens que les conflits artistiques avaient séparés. Derain qui était dans la mouvance de Picasso et s’était éloigné de Matisse, confia ses tableaux à Matisse avant de partir au front

D’UNE EPOQUE A L’AUTRE  (1919-1940)


En 1918 Matisse s’installe à Nice à l’hôtel Méditerranée

De 1921 à 1938 il loue un appartement place Charles Felix

Fin 1938 il s’installe dans l’ancien hôtel Regina à Cimiez, au-dessus de Nice, son médecin lui ayant recommandé de s’éloigner de l’air de la mer

Il conserva longtemps un appartement à Paris, quai St Michel et sa propriété d’Yssy les Moulineaux


La rupture de la guerre avait affecté les collectionneurs

Les Stein rentraient à San Francisco

Les Sembat étaient morts

Chtoukine était dépossédé et exilé


Les américains soutinrent Matisse, en particulier Albert Barnes qui au fil des ans acquit de nombreux tableaux de Matisse dont « La Danse »

Barnes fut aussi à l’origine de l’ascension du marchand Paul Guillaume, introduit dans les milieux artistiques par Max Jacob


En s’installant à Nice, Matisse allait souffrir de son isolement culturel

En 1933 il fit une cure à Abano, près de Padoue. Chaque jour une voiture le conduisait à Padoue pour voir les fresques de Giotto

En été 1935 il se repose dans les Alpes de Haute Provence à Beauverger. Il écrit « Le lit du Verdon est extraordinaire »

Le 19 mai 1940 il prend le chemin de l’exode et séjourne un mois à Saint Jean de Luz

Il renonce à partir pour le Brésil « Si tout ce qui a une valeur file de France, qu’en restera-t-il de la France ? »

UNE SECONDE VIE (1941-1954)


Il s’installe au Regina mais des troubles intestinaux (cancer) l’obligent à se faire opérer à Lyon où il restera du 8 janvier au 23 mai 1941

Il est miraculeusement remis de son cancer au duodenum et des deux embolies pulmonaires  qui s’en suivirent

Il se considère comme ressuscité et écrit « Je ne veux  pas empoisonner le rabiot qui m’a été donné »


En 1943 il loue à Vence une villa « Le Rêve » pour éviter les bombardements sur Nice

Il retournera au Regina en 1949

En avril 44 sa femme et sa fille Marguerite ont été arrêtés par la Gestapo

Marguerite avait été torturée puis déportée mais avait pu s’échapper du train à Belfort

Jean, son fils, fut actif dans la Résistance. Sculpteur, il cachait de la dynamite dans ses statues

Matisse était séparé de sa femme depuis 1940


Matisse portait un corset de fer et la station, debout lui était pénible au bout d’une heure


Il fut l’objet de polémiques en acceptant de décorer à Vence la chapelle du Rosaire

Le parti communiste et les conservateurs de la hiérarchie catholique ne comprenaient pas. Le père Couturier, un ami de Matisse déclara « Le génie est une modalité de l’Esprit et celui-ci est une émanation de Dieu. Tout ce qui est beau, artistiquement vivant, est donc religieux »


Toute la volonté de Matisse est de travailler ; pour lui l’enfer sur terre c’est l’inactivité.

Il décède le 3 novembre 1954 d’une crise cardiaque à 85 ans.


1890 – NATURE MORTE AUX LIVRES (SECOND TABLEAU)


A vingt ans Matisse reçoit une boîte de couleurs.

Il écrit “Avant je n’avais goût à rien. A partir du moment où j’avais cette boîte de couleurs dans les mains, j’ai senti que c’était là qu’était ma vie”

Il a acheté un livre de Goupil, manuel populaire à l’usage de ceux qui veulent apprendre à peindre sans maître.

La recette du succès dit Goupil, c’est l’observation, la persévérance

“Le succès n’est souvent qu’une longue patience”

“L’éducation de l’oeil et de la main demande une attention entière”

C’est son second tableau.

Peinture presque en trompe l’oeil à la manière des peintres du 17ème siècle français.

Oeuvre peinte à l’époque où sa famille s’opposait farouchement à sa vocation

Grande habileté technique

Ce tableau rassemble quelques objets d’usage quotidien pour un clerc d’avoué : des livres et un chandelier de cuivre sur un tapis de table rouge tissé


1895 – LA LISEUSE


Matisse remporta son premier succès quand il exposa cet intérieur simple et intime en 1896 au Salon du Champ de Mars

Le succès de ce tableau lui valut d’être membre associé de la Société Nationale

Ce tableau fut accroché dans la résidence du Président Félix Faure au château de Rambouillet

Cette toile est influencée par les tableaux de Chardin qu’il avait vu à Lille quand il y étudiait l’art en 1891

Le thème de la liseuse apparaît dans sa peinture jusqu’en 1940

L’intérieur pareil à un atelier avec de nombreuses toiles au mur sera un sujet qui reviendra tout au long de sa carrière

Quand il peignit ce tableau Matisse ne connaissait pas les tendances de l’art contemporain

Cette toile est le résultat de sa fréquentation des musées

S’il s’inspirait des oeuvres du passé il ne succomba pas à la simple adaptation de la composition d’un autre (sauf pour “Luxe, calme et volupté” qu’il emprunta à Signac en 1904


La jeune femme est Camille Joblaud, sa compagne, mère de Marguerite.

A l’époque il était considéré qu’un jeune peintre étudiant à Paris ne pouvait se tirer d’affaire sans le concours d’une jeune ouvrière astucieuse, réaliste et indépendante

Marguerite naquit le 31 août 1894

Elle sera aussi sensible et nerveuse que sa mère dont elle aura la fragilité mais aussi la fine ossature délicate et les yeux sombres

Quand Matisse aura quitté Camille pour épouser Amélie Parayre, Marguerite sera élevée par Amélie avec laquelle elle s’entendra toujours parfaitement

De son père elle aura sa volonté passionnée, son courage, son orgueil, son horreur du compromis

Elle inspira à Matisse l’un des plus profonds attachements de son existence


Camille lit, assise en robe noire, dans un intérieur sombre, le dos tourné de sorte que la lumière tombe sur la nuque et les pages blanches du livre

Matisse a improvisé un arrière-plan à fleurs vertes en se servant d’un morceau de tissu qu’il aimait

Ses amis admirèrent la composition de vases, de statuettes et d’éléments ornementaux divers disposés sur une étoffe de velours  au-dessus du placard

C’est une impulsion qui a poussé Matisse vers le portrait : attendant à la poste il griffonna machinalement et à sa grande surprise reconnut le visage de sa mère


1896 – ROCHERS À BELLE-ÎLE


Matisse est encore impressionné par l’étude directe de la nature, à peu près sans transpositions ni simplifications

Il use beaucoup de tons violacés et bleus dans ses lointains

L’horizon haut placé, le très petit espace donné au ciel, sont sans doute dus à des influences japonaises


1896 – LA SERVEUSE


L’été 1896, Matisse séjourna à Belle Île, il écrira “La Bretagne a un côté intime et fin. Sa lumière est particulièrement argentée et ses ciels sont de nacre”

Cette nature morte sera son dernier hommage aux maîtres hollandais et à Chardin

Une serveuse se penche au-dessus d’une table recouverte d’une nappe froissée sur laquelle reposent du pain, du vin et des fruits

Nous sommes dans un café rudimentaire près de la grotte de l’Apothicairerie

Le tableau rend les détails caractéristiques : tablier noir de Clotilde, coiffe en triangle ornée de rubans (modèle du Palais), trois bouteilles de vin ouvertes sur la modeste table (on buvait du vin à volonté chez le patron, le père Huchet)

En dépit de son réalisme à la flamande la toile montre déja le flot de lumière, les surfaces nues lumineuses, l’assouplissement des tons et de la texture


1897 – LA DESSERTE


Ce tableau qui est sa première composition importante est un hommage à son maître Moreau

La serveuse qui se penche sur la table porte la petite coiffe avec des tortillons en arrière

Matisse emprunta des verres, de la vaisselle et des sièges à l’épouse d’un de ses cousins

La vaisselle coûteuse de la classe moyenne aisée s’allie avec la simple tenue de travail d’une fille de la campagne, les plinthes grossières de l’hôtel breton et l’absence de rideaux à la fenêtre

Pour acheter des fruits et des fleurs, Matisse dans l’hiver parisien dépensa au-delà des ses moyens pour se procurer des produits de serre

Pour conserver la fraîcheur des fruits, Matisse travaille en manteau, gants aux mains

Matisse avait entamé son travail avec sa palette traditionnelle de bruns de terre

Matisse fut surpris devant le résultat final qui donnait un grand rôle à la couleur

La tonalité générale de la toile est lumineuse

Cette clarté est exaltée par les tons chauds du vin rouge des carafes, du corsage marron de la servante et du fond vert bleuté

Ses amis, Camille au premier rang, convaincus qu’un tel tableau ne se vendrait jamais le suppliaient de peindre comme ses amis

Durand Ruel lui explique qu’il ne doit rien avoir de commun avec l’invendable Paul Cézanne

Seul Pisarro l’encourage “Très bien mon ami, vous êtes doué. Travaillez et n’écoutez personne”

Son maître Gustave Moreau est content car “les carafes sont bien d’aplomb” et qu’il peut poser son chapeau sur les bouchons. “C’est l’essentiel” dit-il.

Son père, Hippolyte Matisse, se mit en faction au Salon devant la toile et toute la journée entendit les gens en dire tout le mal possible

La réponse de Matisse fut “C’est moi qui ai raison”

Matisse cédé pour 200 francs la toile à Vollard qui la revendit aussitôt 1.500 francs à un amateur berlinois


1903 – L’ATELIER SOUS LES TOITS


Dans la pièce mansardée on aperçoit une toile installée sur un chevalet, la palette de l’artiste posée sur une caisse d’emballage et à côté une table pliante et le vase de dahlias

Sentiment de claustrophobie donné par l’espace confiné et sombre

Le petit paysage aperçu à travers la fenêtre accentue les couleurs sombres qui nous ramènent à la palette brune de ses premières créations

L’artiste abandonne les diagonales et les obliques pour une composition frontale avec de larges espaces vides

L’espace ainsi structuré donne l’impression d’être aplati comme vu d’un point d’observation placé très haut et annonce la série des grands ateliers

Pour la première fois il donne de l’importance au thème de la fenêtre ouverte qui l’occupera toute sa vie

Ce thème de la fenêtre sera exploité aussi par Picasso et Dufy

Matisse a trois enfants de deux, quatre et huit ans et cette responsabilité qu’il ne peut assumer financièrement risque de briser sa carrière

“Ces charges que je me suis décidé à supporter courageusement, tout cela joint au peu d’argent que produit l’exercice de notre profession m’avait presque décidé complètement de lâcher la peinture”

Il envisage d’aller travailler dans une fabrique de tapis comme coloriste

Matisse était en conflit avec son père, humilié des sarcasmes adressés à son fils

Il quittera donc la maison paternelle à Bohain où il s’est réfugié et s’installera à 15 km pour que son père puisse loin les lieux qu’il occupait à un locataire payant


1903 – CARMELINA


Composition très structurée dans laquelle chaque partie s’imbrique d’une manière parfaite

Le sujet dominé par les ocres est traité d’une manière brutale et les surfaces peintes créent elles-mêmes leurs propres structures

Le corps du modèle est perdu dans les draperies

Les rondeurs du corps s’opposent aux objets rectangulaires tels que cadres et miroirs

Fort contraste des ombres et des lumières qui frappent le corps vigoureux et souple du modèle

Ces contrastes le rendent plus raide et plus anguleux qu’il n’est en réalité

La pose frontale accentue la dureté

Matisse développe le thème de l’artiste et de son modèle se reflètant dans le miroir


1905 – LUXE, CALME ET VOLUPTÉ


Cette oeuvre est un tournant de grande importance dans l’oeuvre de Matisse

Le style est néo-impressionniste, travaillé et raide

Ce tableau ne correspond pas au tempérament de Matisse même si les couleurs employées sont celles qui seront utilisées pour les oeuvres fauves

Ce style est dû à l’influence de Signac avec lequel il passe l’été 1904 à Saint Tropez

Le titre est extrait du poème de Baudelaire “L’invitation au voyage” :”Là, tout n’est qu’est ordre et beauté, luxe, calme et volupté”

Au  premier une plage qui s’étend vers la gauche tandis qu’à droite s’ouvre une baie

Le tronc d’arbre est lié par une technique presque cézannienne au mât du bateau échoué sur la plage

Un groupe de femmes dans des attitudes paresseuses et détendues occupe le rivage

Les restes d’un pique-nique traînent sur une nappe, ce qui rappelle certaines compositions de Cézanne

Les nymphes de Matisse évoluent en toute liberté dans un Eden fabuleux dont la composition parfaitement décorative marie les couches molles des collines à la  diagonale sinueuse qui délimite la plage et au ferme contrepoint de la verticale de l’arbre à droite

Matisse ne présente que des femmes, pas de connotation érotique

L’ombre noire derrière le personnage proche de l’arbre et les ombres verdâtres sous les figures assises et couchées annoncent une  technique qu’il emploiera plus tard

La touche qui ici est très travaillée sera remplacée par une plus grande spontanéité dans “ La joie de vivre”


Le divisionnisme apporte à Matisse une invitation pratique à la primauté de la couleur

Le principe fondamental du divisionnisme est que c’est l’oeil lui-même qui anime et mélange les couleurs demeurées distinctes sur la toile

La technique pointilliste de Signac fait chanter les couleurs sur la toile en les imprégnant de lumière en un jeu continuel de reflets scintillants

Il ne peint pas comme Signac à l’aide de petites touches rondes

Il décompose et recompose les objets, les gens et les végétaux en employant des  touches rectangulaires de couleur pure et flamboyante

Composition rigoureuse appuyée sur des triangles

Le tronc d’arbre vertical qui coupe l’horizon apporte un calme absolu

Tableau longtemps médité et précédé de nombreuses esquisses et études préparatoires

La mise en relation d’éléments contradictoires rappelle “Le déjeuner sur l’herbe” de Monet

Signac a écrit qu’avec ce tableau Matisse s’arroge le pouvoir de transposer , de transformer “De cet arbre chevelu, supprimant branches est feuillages, il fait un cylindre nu, ne ressemblant en rien à ce que la nature lui offrait”

Ce tableau fit sensation au Salon des Indépendants de 1905 et Signac acheta la toile qui pendant 40 ans décorera la salle à manger de sa villa “La Hune” à St Tropez


Matisse écrira en 1929 : “Le morcellement de la couleur amena le morcellement de la forme, du contour. Résultat : une surface sautillante.

Il n’y a qu’une sensation rétinienne mais qui détruit la tranquillité de la surface et du contour. Les objets ne se différencient que par la luminosité qu’on leur donne. Je ne suis pas resté dans cette voie et je peignis par aplats en recherchant la qualité du tableau par un accord de toutes les couleurs plates”


Dufy en 1930 : “Devant ce tableau j’ai compris toutes les nouvelles raisons de peindre et le réalisme impressionniste perdit pour moi son charme à la contemplation du miracle de l’imagination introduite dans le dessin et la couleur”


1905 – FEMME AU CHAPEAU


La critique de 1905 est unanime à honnir cette toile

Marcel Sembat a écrit “Le bon public voyait en lui le Désordre incarné, la furieuse rupture avec toute tradition”

Elle figure au Salon d’Automne avec les toiles flamboyantes du groupe que Vauxcelles a appelé “Les Fauves”

Leo Stein “Voilà le plus vilain barbouillage que j’ai vu de ma vie”

Mais une semaine avant la fin du Salon la toile est achetée par Leo et Gertrude Stein qui demandent à Matisse de baisser le prix de 500 à 300 francs

La situation financière de Matisse n’a jamais été aussi critique mais Madame Matisse insiste pour ne pas céder sur le prix fixé


La technique doit beaucoup aux aquarelles de Cézanne, surtout dans la manière de traiter les plans colorés

Pourtant ce tableau a surpris par:

- l’ombre portée du chapeau sur le front

- l’ombre portée du nez sur la joue

- les cheveux vermillon

- le chapeau violet aux plumes multicolores

- le fond qui montrait des plaques de couleur juxtaposées arbitrairement

La couleur qui va du jaune au vert pour le visage, opte pour le rouge s’agissant des cheveux et vire au mauve et au violet quant au chapeau

Elle a pourtant un côté pastel et réjouissant, jamais brutal ou élémentaire comme chez Vlaminck

Aujourd’hui ce tableau paraît comme un arc en ciel harmonieux, un bouquet champêtre séduisant


Francis Carco souligne “les lignes tracées comme au charbon sur un mur et les tons froids qu’on eût crus appliqués au pochoir”


1905 – MADAME MATISSE, PORTRAIT À LA RAIE VERTE


La présence d’Amélie s’affirme avec force au centre de l’oeuvre de Matisse

Ici, elle est l’élément clé d’une composition colorée – orange et violet, vert turquoise et rouge – où sa tête est surmontée d’une masse de cheveux bleu noir, et son visage partagé en deux par une large bande verte qui donne son titre au tableau

Equilibre des couleurs totalement saturées

Peu de toiles fauves reposent aussi complètement sur la seule couleur

Puissante sérénité qui émane du regard tranquille du modèle, de la courbe bien dessinée de ses sourcils, de la fermeté de son menton et du haut chignon qui se dresse sur la tête

L’unité formée par la tête et les surfaces de couleurs qui l’entourent est maintenu par l’interférence des tons chairs : le côté gauche du visage répond au vert du côté droit du tableau; le côté droit plus rose correspond à l’orange du côté gauche

Mais malgré ces effets chromatique l’artiste veut faire un portrait ressemblant, il ne se contente pas d’étudier les plans et les structures

Il nous communique le port digne et l’équilibre assuré du modèle


1905 – VUE DE COLLIOURE, L’ÉGLISE


Le  16 mai 1905 Matisse arrive à Collioure

Avec 120 bateaux Collioure est un port de pêche actif et possède le monopole de fait de la vente d’anchois et de sardines conservés dans l’huile et la saumure

Surtout le coût de la vie y est modique


Le style néo-impressionniste existe à l’état de vestige

Le point de vue élevé semble indiquer que Matisse s’était placé sur une terrasse


1905 – LES TOITS DE COLLIOURE


C’est l’un des paysages les plus lumineux et les plus fermement maîtrisés de Matisse en 1905

Dessin préalable très soigneux destiné à mettre en place les grandes lignes de la composition avant les couleurs

La combinaison du rouge et du vert offre la possibilité de transcrire les ombres et les lumières avec le plus petit écart de valeur


1905 – LA PLAGE ROUGE


Paysage peint de la fenêtre de l’atelier

A la différence de Derain avec qui il travaille à Collioure, Matisse introduit peu de personnages dans ses vues du port

A propos de ce tableau Matisse a écrit : “Vous vous étonnez sans doute de voir une plage de cette couleur, en réalité elle était de sable jaune. Je me rendis compte que je l’avais peinte avec du rouge. Le lendemain j’essayai avec du jaune. Ca n’allait plus du tout, c’est pourquoi j’ai remis du rouge”


1905 – PORTRAIT D’ANDRÉ DERAIN


Portrait irradié de soleil et d’une force explosive où les coups de pinceau s’affirment indépendamment de leur fonction descriptive.


1905 – LA FENÊTRE OUVERTE À COLLIOURE


Ce tableau exprime le sentiment fort chez Matisse que le peintre donne accès à un autre monde : à travers une fenêtre ouverte se laisse entrevoir le mystère qu’il avait contemplé, adolescent, du fond d’une étude d’avoué à Bohain

Ce tableau est un des principaux chefs d’oeuvre du mouvement fauve

Matisse se libère des contraintes néo-impressionnistes

La vue du port de Collioure est une toile dans la toile

Le lierre qui s’accroche au balcon souligne les préférences de Matisse pour la nature cultivée

Différence de facture entre l’intérieur et l’extérieur pour séparer deux mondes distincts

Dans cette toile, le cadre est plus important que la vue

La diversité expressive de la touche est une riposte aux plaidoyers de Signac pour une trame régulière de petits coups de pinceau uniformes


1906 – LA JOIE DE VIVRE


L’été 1905 à Collioure a eu une grande influence sur Matisse

Il se libère de la technique néo-impressionniste adoptée l’année précédente à St Tropez

Dès 1906 Matisse est résolument fauve, sa couleur de vive devient flamboyante

Il aime les larges aplats de couleur pure

D’autres peintres sont en même temps atteints du même virus du fauvisme : Derain, Vlaminck, Marquet, Braque, Friesz …


Pour réaliser cette grande composition (1,74*2,38) Matisse a loué un local au couvent désaffecté des Oiseaux, rue de Sèvres

Il reprend le sujet pastoral de “Luxe, calme et volupté” : des nus dans un paysage

Mais l’artiste n’emploie que des tons plats

Influence de Gauguin pour les couleurs

Son dessin est brutalement serti et même souligné d’un trait sombre

Matisse a longuement préparé cette oeuvre avec des études de nus faites sur nature dans les bois


Au centre de la toile, six figures dansent une ronde échevelée

Cette danse constitue un habile contraste avec la sérénité dont est empreinte le reste de la composition

L’oeuvre illustre ce que le peintre attend d’un tableau qui selon lui doit être “ pour l’homme d’affaires, aussi bien que pour l’artiste, un calmant cérébral, quelque chose d’analogue à un fauteuil qui délasse”

La composition construite en forme de triangle constitue un véritable repos intellectuel

Au Salon des Indépendants de 1916 la toile fut critiquée notamment par Paul Signac qui ne peut admettre que Matisse ait si vite abandonné les théories pointillistes qui lui sont chères

Il écrit “Matisse s’est complètement fourvoyé. Il a entouré des personnages étranges d’une ligne épaisse comme le pouce. Puis il a couvert le tout de teintes plates, nettement définies,qui, si pures soient-elles, paraissent dégoûtantes … Ah ! ces tons rose clair; Ca rappelle … les enseignes multicolores des quincailliers”


Avec “La joie de vivre”, Matisse réussit à dépasser l’opposition traditionnelle entre d’une part la ligne et le pouvoir intellectuel et d’autre part, la couleur et  le rôle passionnel


1906 – MARGUERITE LISANT


La composition du tableau est presque conventionnelle mais le dessin anguleux et brutal, souligné d’un trait sombre, ainsi que la couleur vive font de ce portrait de sa fille une oeuvre fauve


Marce Sembat dira “Quelle lumière ce Vélasquez ! Sur le dos de la main, quel vert audacieux !”


1906 – AUTOPORTRAIT


Tableau sculptural

Le modelé par la couleur fait songer aux aspects les plus énergiques du style de maturité de Cézanne

Les coups de pinceau témoignent de la réalisation concrète du tableau avec une force qui attire autant notre attention sur l’acte de peindre que sur le visage représenté

La tête de Matisse dont les traits semblent taillés au burin emplit l’espace du tableau et nous fixe du regard sans ciller

L’artiste a ôté ses lunettes

Son maillot de bain lui tombe un peu sur l’épaule, lui donnant une allure insouciante, un rien désinvolte


1906 – LE JEUNE MARIN    1 ET 2


Plusieurs oeuves de Matisse ont deux versions

Ici l’évolution va d’une vision réaliste vers la synthèse

Les deux version ont été peintes à Collioure l’été 1906 à quelques semaines d’intervalle


Première version

Le dessin un peu anguleux est souligné de traits sombres, le visage et les mains sont rougeâtres, avec des ombres vertes, la vareuse bleu foncé, le pantalon vert

Le fond rappelle celui de la femme au chapeau

Deuxième version

Le cerne est exclu pour n’utiliser que l’aplat triomphant

Simplification accrue du dessin qui devient schématique tandis que la couleur s’unifie et devient presque plate

Version réalisée en l’absence du modèle ce qui lui a permis de prendre du recul par rapport à ses perceptions immédiates

La matière brute de la vie est transposée en un assemblage de formes planes aux sinuosités élégantes


1906 – PORTRAIT DE MARGUERITE


Matisse accentue le caractère purement expressif

Il élimine progressivement le détail et tend vers la synthèse des formes et du trait et un style tout en aplats, quasi enfantin

Matisse a offert cette toile à Picasso en automne 1907


1906 – LES OIGNONS ROSES


Peinture de l’été 1906 à Collioure

Simplification d’expression, de composition et de couleur

Pot blanc décoré en bleu

Vase arabe noir et ocre

Quatre gros oignons

Fond tour à tour bleu intense et vert cru

Ni modulation ni demi-teinte

Tout concourt à aplatir les objets : agencement subtil dans un espace abstrait où il n’y a ni angle de vue, ni atmosphère, ni ombre, ni lumière

Cette peinture a le caractère d’une peinture d’enfant  et la simplification des moyens picturaux perturbe Matisse au point qu’il essaie en vain de faire croire qu’elle est l’oeuvre du facteur de Collioure

Toile acquise par les fidèles admirateurs de Matisse : Michel et Sarah Stein


1906 – LA GITANE


Lourdeur animale, empâtement sensuel

Matisse n ‘a employé que les tons les plus violents de sa palette

Les parties éclairées du modèle sont rendues avec des jaunes; les parties dans l’ombre avec des verts, des rouges et des roux

Beaucoup furent choqués par l’indifférence de Matisse à la beauté physique

Matisse a écrit “Ce qui m’intéresse le plus c’est la figure. C’est elle qui me permet le mieux d’exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que je possède de la vie. Je ne m’attache pas à détailler tous les traits du visage, à les rendre un à un dans leur exactitude anatomique”

Matisse veut présenter les lignes d’un visage “qui traduisent  le caractère de haute gravité qui persiste dans tout être humain”


1907 – NU COUCHÉ, AURORE


Au début de 1907 Matisse crée cette sculpture et le tableau “Nu bleu, souvenir de Biskra”

Il est alors à Collioure et partage un dialogue constant avec Maillol

Maillol avait façonné un type féminin à la solide ossature, avec des épaules carrées et une taille impressionnante

Matisse consacre beaucoup de temps à la sculpture

Le modelage de la terre lui sert d’abord à mettre de l’ordre dans ses idées de peintre

Matisse s’inspira des physiques noueux et musclés créés par Michel-Ange pour les tombeaux des Médicis ( Aube de Michel-Ange )

La figure de Matisse génère un mouvement visible sous presque tous les angles

La partie supérieure du corps s’incurve ce qui diminue l’importance de la taille


1907 – NU BLEU, SOUVENIR DE BISKRA


Dans ce nu bleu, figure au modelé sculptural, exécuté d’imagination après un séjour en Algérie, Matisse applique les enseignements tirés de l’expérience acquise en façonnant le Nu Couché

La seule note locale est apportée par les palmiers de l’arrière plan

Il obtient ainsi les deux effets de solidité et de dynamisme

La composition s’organise autour d’une série d’arcs et de courbes qui se répondent les unes aux autres et relient le nu au paysage, soulignant ainsi les circulations d’énergie entre la femme et le sol

La touche est puissante, le modelé rudimentaire et les transitions brutales

La dilatation du personnage dans l’espace ambiant assure l’unité de l’image

Les “repentirs” qui redoublent ses bras, ses seins, ses fesses et ses cuisses projettent sa force brutale dans la nature environnante


La rotation de la partie supérieure du corps destinée à offrir une approche frontale, parallèle au plan du tableau, accorde au bas du buste et à la taille une importance majeure d’ample courbe musclée


1907 – LES TROIS BAIGNEUSES


Cette composition rappelle l’oeuvre de Cézanne que Matisse avait dans sa collection personnelle

Des personnages de pastorale dans un décor moderne

Connotations symboliques des poses qui semblent illustrer une sorte d’extension progressive du champ de conscience

Le personnage accroupi à gauche est replié sur  lui-même

Celui qui est assis à droite commence à s’ouvrir

Le personnage debout au centre se dresse à la verticale

Ces positions différentes correspondent à des attitudes mentales : passive, contemplative et active


1907 – LA COIFFURE


Matisse supprime l’élément individuel de ses modèles, fait ressortir la forte expressivité des visages, donne aux personnages une forme épurée, agrandie, dépourvue de relief

Etirement michelangelesque du bras gauche de la femme assise

Schéma de composition en triangle qui rappelle les oeuvres de le Renaissance par la compression de l’espace

Le tableau montre Amélie devant Germaine qui se penche sur elle pour piquer une fleur dans ses cheveux

Germaine Thieleux était la cousine de Matisse

Elle était orpheline et malade

Espérant que le soleil lui ferait du bien elle vient de Bohain à Collioure

Dix jours après son arrivée elle succombe à une tumeur au cerveau


1907 – LE MADRAS ROUGE


Tableau aux rouges saisissants cernés d’un épais contour

Portrait de sa femme

Matisse abandonne la facture lâche et spontanée souvent employée dans ses oeuvres précédentes au profit des aplats décoratifs qui caractériseront ses oeuvres majeures des années à venir

“Madras rouge” frappe par son graphisme appuyé, sa couleur rutilante et l’absence presque totale de relief ombré

La surface lisse et brillante, la planéité de la composition et la simplicité du dessin rappellent Gauguin, les émaux byzantins et les décors islamiques


1907 – LUXE 1


Cette toile de 2,10 m sur 1,38 est une des premières grandes compositions de Matisse

Dans un paysage de montagnes violette, ocre rouge et brun, et de mer émeraude surplombée d’un ciel bleu outremer et vert pâle, trois femmes s’échelonnent, nues, sur la rive

Leurs corps sont des aplats de couleur rose, vert, jaune pâle

Une première femme accroupie, enroulée sur elle-même comme une dune de sable occupe au premier plan le bas du tableau

La seconde, une géante, se déploie sur toute la hauteur de la partie gauche. Sa jambe frôle la chevelure de la femme accroupie. Son corps massif cerné de noir, son visage en volume, son expression figée, le crin foncé de ses cheveux évoquent la sculpture africaine

C’est l’époque de la découverte par les artistes modernes de l’art nègre

La troisième femme sur la partie droite est une petite silhouette de profil

Sa taille réduite donne l’impression de son éloignement

Elle avance une jambe qui par sa position repliée donne l’impression qu’elle monte sur un relief

Le bouquet qui éclot presque au milieu de la toile rappelle ces temps anciens où fruits et fleurs poussaient sans le recours à une main humaine

Sans utiliser les effets de perspective, Matisse a créé un espace en trois dimensions, une profondeur qui naît des aplats colorés, de la place et de la taille des motifs représentés

Représentation d’un monde sans homme d’un monde calme

A partir de cette époque les personnages masculins sont rares dans l’oeuvre de Matisse


Luxe I garde des traces impressionnistes qui disparaîtront dans la seconde version : l’ombre qui court le long du dos de la jeune fille aux fleurs disparaîtra ainsi que le pâle bleu-vert cuivré du personnage accroupi

Les arabesques stylisées des  personnages, leurs contours gracieux montrent la direction que va prendre Matisse


1907 – LUXE II


Toile de sujet identique à “Luxe I” mais définitivement matissienne

Les trois corps sont pareillement ocre

La terre, le ciel et l’eau sont peints à l’aide de tons plats

Les corps sont cernés de sombre

La tache des cheveux est sombre


A cette époque la préoccupation de Matisse est de résoudre le dualisme de la perception spontanée et la synthèse durable

“Sous cette succession de moments qui composent l’existence superficielle des êtres et des choses on peut rechercher un caractère plus vrai, plus essentiel, auquel l’artiste s’attachera pour donner de la réalité une interprétation plus durable”

Sa surface nette, ses couleurs, ses formes résolument aplaties et ses contours linéaires rappellent les fresques des primitifs italiens qu’il venait de voir en Toscane

Pour ne pas nuire à l’organisation de l’ensemble il a renoncé à ajouter un cinquième doigt au pied droit de la grande figure

Ce tableau annonce la technique des gouaches découpées qu’il inventera quarante ans plus tard



1907 – VUE DE COLLIOURE, LE VITRAIL


A cette époque les paysages de Matisse se caractérisent par l’application de peinture en fine couche transparente et les tons de terre

Le dessin sinueux des arbres compose en surface une trame noire disloquant chacun des éléments horizontaux du paysage : ciel rose, mer bleue, sable ocre, terre brune du sous-bois

Les masses du feuillage créent un effet de compartimentage qui a suscité le titre de vitrail

La fermeté des arabesques noires et la liquidité vibrante de la couleur créent un contraste quelque peu forcé que Matisse ne reprendra pas


1907 – NU DEBOUT


Toile aux contours massifs et angulaires

Toile quasi cubiste

Ce nu s’inscrit dans la tendance générale de l’époque d’éloignement du fauvisme

1907 est l’année des “Demoiselles d’Avignon” de Picasso

C’est Matisse qui offrit à Picasso sa première statuette nègre qui le conduisit sur le chemin des Demoiselles

Matisse ne poursuivra pas ses recherches dans ce sens : il inventera un style de dessin anticubiste qui souligne la force de structure de l’arabesque

Sous l’influence de Cézanne Matisse se sent libre d’accentuer la lourdeur le manque d’harmonie du corps

Contours pesants et modelage grossier

Le modèle provient d’un document photographique


1907 – BOUQUET D’ASPHODÈLES


Ce tableau nous surprend à cause de son exubérance alors que nous associons Matisse à une sensualité prolongée plus qu’à l’expression d’un sentiment ou d’une émotion


1908 – BAIGNEUSES À LA TORTUE


Les baigneuses se détachent sur un fond réduit presque à l’abstrait : trois  bandes de couleur plate chargées de suggérer le sable, la mer, le ciel

Composition pyramidale formée de trois corps de femme, exprimés le plus simplement du monde à l’aide d’un trait lourd de couleur foncée

L’attention des trois femmes est attirée par la petite tortue d’un brun rouge très fort


1908 – LA DESSERTE, HARMONIE ROUGE


L’Harmonie rouge représente un énorme pas en avant par rapport à la Desserte de 1897

La servante est schématisée, l’armée des verres et des carafes a fui

La perspective en diagonale est remplacée par l’absence de profondeur

Le mur semble prolonger la table

Au mur toile de Jouy aux arabesques hardies telles qu’on en verra si souvent

Ces arabesques ont tout envahi et sont devenues le véritable sujet du tableau

On voit par la fenêtre un paysage flamboyant exalté par la blancheur d’un arbre en fleurs

L’angle droit rigoureux de la fenêtre apporte du calme dans cette débauche de courbes

Ce rectangle vert s’oppose à l’étendue rouge qui remplit tout le reste de la toile

Matisse s’exprime maintenant librement à l’aide du vocabulaire qui lui est propre : simple, direct et brutal


Devant cette oeuvre Picasso a dit “Il a du soleil dans le ventre”


Le collectionneur russe Chtoukine ayant acheté à Matisse une Desserte bleue reçut à la place la même toile mais entièrement en rouge

Matisse avait modifié le tableau car l’harmonie bleue n’offrait pas suffisamment le contraste qu’il souhaitait avec le paysage printanier visible à travers la fenêtre


Matisse “Je sens par la couleur et c’est donc par elle que ma toile sera toujours organisée.

Encore convient-il cependant que les sensations soient condensées  et que les moyens utilisés soient portés à leur maximum d’expression

J’aime ce mot de Chardin “Je mets de la couleur jusqu’à ce que ce soit ressemblant”


1908 – NU NOIR ET OR


Les lignes sinueuses du modèle exagérées par leur simplification composent avec le cadre forcément orthogonal du tableau un contraste où les courbes de chair sont accentuées


1909 – L’ALGÉRIENNE


Matisse peint des choses en se retirant à quelque pas d’elles. Il recueille la sensation qu’elles lui donnent et, s’étant éloigné, lentement recompose des images dépouillées bien qu’y tressaille encore la sensation primitive

Matisse combine l’impact sensuel et la force décorative

Toile caractéristique de l’époque fauve de Matisse

Le dessin aux fortes lignes noires est anguleux et brutal

Le fond est constitué de tons plats : rouge, bleu-gris, qui mettent en valeur l’algérienne habillée d’une robe de soie vert clair aux dessins roses

La masse compacte des cheveux du modèle peinte sans aucune modulation, à l’aide d’un noir pur, fait chanter les couleurs vives de la toile


1909 – LA DAME EN VERT


Matisse révèle l’intensité de la vie, le caractère d’un visage tout en lui enlevant son particularisme d’apparence

Il pratique le plus strict apurement des formes et des moyens

Tout en restant fidèle à son principe d’exalter toutes les couleurs en ne sacrifiant aucune d’entre elles il s’empresse de revenir aux nuances

Il introduit davantage de noirs qui l’aident à graduer ses contrastes

Il utilise aussi le fond blanc de la toile


1910 – LA DANSE  1 ET 2


L’idée de danse est traitée comme un phénomène sacré

Le dessin définit les formes qui ne sont pas seulement celles de créatures humaines mais qui deviennent la cambrure, le balancement, l’élan, le geste en soi

Ce qui compte c’est le mouvement de la ligne qui est portée par les trois tons dont il semble qu’on ne puisse rien retrancher (tons plus saturés dans la deuxième version)

Pour Matisse, la ligne et la couleur doivent être libérées de tout mimétisme naturaliste

Matisse ne s’intéresse pas aux danseuses comme à des femmes, il s’intéresse au rythme qu’elles produisent ensemble

Analogie avec la ronde au centre de la “Joie de vivre”

La ronde s’inscrit exactement dans le cadre

Cet agrandissement de l’échelle des personnages magnifie la violence triomphale de cette farandole endiablée tournant de droite à gauche

L’arabesque formée par les bras des cinq danseuses et le rythme des jambes donnent son intérêt à l’oeuvre

Tout attrait extérieur est exclu: l’austérité de la couleur, l’absence presque totale de modelage, le schématisme du dessin exaltent la notion de rythme


Les lignes expriment le mouvement plus que la substance et ce qui existe de substance n’est là que pour rendre visible le mouvement


Dorgeles écrira le 1er décembre 1910 “Monsieur Henri Matisse accueille les louanges les plus déraisonnables avec la gravité d’un derviche. Nous ne tenons nullement rancune à M. Matisse de peindre à la manière de décorateurs malgaches puisque le métier est bon, mais une chose nous navre, c’est de penser que certains étrangers crédules peuvent juger l’art français d’après ces stupéfiantes productions. M. Matisse peint comme un nègre en parlant comme un mage”


Dans la seconde version la couleur est saisissante : les corps sont brun rouge, le sol vert cru et le ciel d’un bleu profond

Ce tableau a été exécuté pour Chtoukine pour décorer avec “La Musique” son appartement à Moscou

Chtoukine ne voulant pas choquer les habitudes bourgeoises russes lui demande dans un premier temps “la même ronde mais avec des jeunes filles en robe”

Puis il se ravise et écrit “Je trouve votre panneau d’une telle noblesse que j’ai pris la résolution de braver notre opinion bourgeoise. Il me faudra un deuxième tableau dont le sujet serait très bien la Musique”


1910 – LA MUSIQUE


La Musique est le pendant de la Danse pour orner l’escalier de l’hotel particulier de Chtoukine

La musique traduit, elle, la notion de calme et de paisible harmonie

La composition coupe la  toile en diagonale

Quatre personnages y sont disposés selon un ordre parfaitement rigide, ordre rompu au premier plan par la présence d’un personnage accroupi

L’oeuvre est dépouillée de tout attrait extérieur


Le panneau repose non plus sur un irrésistible mouvement mais sur un subtil équilibre des corps immobiles, ramassés sur eux-mêmes et disposés comme des notes sur une portée


La Danse et la Musique se complètent parfaitement dans le contraste de leurs aspects dynamique ou statique


1910 – MARGUERITE AU CHAT NOIR


A l’instar du mosaïste byzantin, Matisse tend vers une vision globale de son sujet

Il se rapproche de Byzance quand il déclare rechercher avant tout le caractère général et “pour ainsi dire religieux” des êtres, le caractère d’un visage dessiné qui ne dépend pas de ses diverses proportions mais d’une lumière spirituelle


1911 – LA FAMILLE DU PEINTRE


La femme de Matisse est au fond à gauche, ses fils Pierre et Jean jouent aux dames, Marguerite est debout à droite en robe noire avec col blanc et manchettes blanches

Dominante du rouge et du rouge brique

Le thème du damier intéressait les peintres cubistes comme Juan Gris

Le point de départ de Matisse reste toujours le monde vécu et réel

Matisse “Sur le mur j’ai mis des fleurs comme sur le papier du tapissier”


1911 – LA FENÊTRE BLEUE


Cette composition qui frise l’abstraction est une symphonie de bleu

La dissonance est obtenue grâce à la présence d’un oeillet rouge

Cinq taches d’ocre fournissent la complémentaire que l’artiste a cru nécessaire d’introduire afin d’apporter un élément de chaleur

Composition lisible de verticales et d’horizontales

Les objets sont dispersés les uns à côté des autres sans recherche d’arrangement comme dans une naïve peinture d’enfant

Cette oeuvre commandée par le couturier Paul Poiret fut trouvée par lui si osée et incompréhensible qu’il préféra ne pas en prendre livraison


1911 – L’ATELIER ROSE


Le rose n’est pas écrasé par les autres couleurs de la toile

Les surfaces de vert et de bleu renforcent sa luminosité

L’artiste n’a plus besoin d’inventer un monde imaginaire pour essayer de nouvelles couleurs et un nouveau dessin : il redécouvre le pouvoir d’inspiration de son ambiance naturelle

On est frappé par la douceur de la toile

Son atmosphère pénétrante suggère l’harmonie


1911 – L’ATELIER ROUGE


Matisse relie le passé (atelier de Courbet) au présent qui explore le domaine des couleurs

Belle qualité du rouge

L’impression de profondeur est à peine suggérée

Les objets ne jouent aucun rôle individuellement et pourtant l’ensemble accapare l’attention

Le modèle de l’artiste ou le peintre lui-même est absent de cette composition

Sensation de présence bien que la toile soit vide et inhabitée


1909 – LA SERPENTINE


L’élément décoratif qu’utilise Matisse en permanence est l’arabesque

Les bras et les jambes s’entrelacent comme les éléments dynamiques d’une tresse

Elle est la représentation du mouvement en liberté

L’intention est d’amincir les formes en sorte que le mouvement puisse être saisi sous tous les angles

Le point de départ est une photographie dans un album de nus publiés comme documents destinés aux artistes

Posture familière d’Hercule dans la sculpture classique

Cuisse, bras et buste sévèrement émaciés par contraste avec les mollets et les pieds qui sont  de bonne taille

Gravité prise en compte dans l’inclinaison et le contact du petit coude sur le piedestal

Cette statue assume les codes de la séduction par la pose avec le doigt porté à la bouche


1912 – LE RIFAIN DEBOUT


Dans beaucoup de ses toiles marocaines le peintre donne chair à ses souvenirs du grand art figuratif byzantin

Traitement expressif de la figure humaine et effet décoratif

Effet aussi de majesté hiératique

Traitement en réserve des touches de couleur formées par les boutons et les broderies du manteau sur le fond vert de ce manteau

Analogie avec les émaux cloisonnés byzantins

Matisse veut exprimer le sentiment d’autorité de cet homme comme les portraits des empereurs sur les monnaies byzantines


1912 – PAYSAGE VU DE LA FENÊTRE


Vue sur Tanger de la chambre d’hôtel

Paysage de nature morte car sur le rebord de la fenêtre sont posés deux vases garnis de fleurs

Premier plan coloré donnant de l’éloignement au fond très simplifié


1912 – NATURE MORTE A LA DANSE 1 et 2


Matisse craint que le séduisant monochromatisme de La Danse et de La Musique conduise à un art évanescent ou à la pure abstraction

Il s’empresse de restaure l’autorité du graphisme et des cernes

Il utilise la surface entière, la recouvre d’un véritable canevas décoratif destiné à engendrer l’espace

Les décors sont luxuriants comme un tapis persan et font songer à des miniatures persanes agrandies


Le décor est simplement rendu par la présence d’un trépied de sculpteur en bois et d’une estrade de modèle

“Danse” occupe à peu près les deux tiers du tableau

Les bleus ont une qualité douce et donnent une impression d’espace


Version 1 : impression de frontalité et ambiance flottante, aérienne

Version 2 : les mouvements sont plus tendus, plus dynamiques


Gaston Diehl “Matisse a emprunté à l’esthétisme oriental jusqu’aux moindres détails : principe du décor continu, des surfaces garnies intégralement et divisées en registres verticaux et horizontaux, superposition des objets, des personnages et effets de vue plongeante; composition des formes ornementale, tendance au géométrisme et parfois présence d’entrelacs végétaux”

1912 – INTERIEUR AUX AUBERGINES


Matisse séjourne à Munich en hiver 1910/1911 où il est impressionné par l’exposition d’art islamique

A partir de ce moment il renonce souvent à l’ascétisme de Danse et Musique pour se donner à la joie d’un décor bariolé, ne laissant aucun élément de la toile exempt d’ornement

Matisse représente ici son atelier de Collioure

Il meuble sa grande toile (2,10*2,45) de rectangles : paravent, fenêtre ouverte, cartons à dessin, cheminée, miroir au mur

La fenêtre laisse apercevoir un paysage

Le miroir reflète le mur fleuri où est accroché un tableau rectangulaire

Le paravent offre un décor exubérant ainsi que le tapis au sol et le tapis de table

Les trois aubergines tiennent peu de place; leur ton plat, violet foncé, donne la note grave et forte indispensable à l’harmonie de l’ensemble


1912 – LA CONVERSATION


Retour au monochromatisme

Un monsieur en pyjama bleu rayé, cause, non sans raideur, avec une dame en noir uniformément cirage sur un fond bleu

Aucune tension dramatique

Cet évènement ordinaire devient monumental et pondéré, tel une antique sculpture assyrienne

L’art de Matisse est en retrait par rapport aux problèmes de son temps et aux passions de la vie

Chtoukine qui acheta le tableau “Je le trouve comme un émail byzantin, tellement riche et profond de couleur”

A l’intérieur dans la pénombre dominent les tons froids, bleu et  noir; à l’extérieur livré à la lumière les tons chauds rouge et vert

Devant l’humain, dehors le végétal

Ce tableau exprime le dualisme qui est le signe de la personnalité de Matisse “Je suis un romantique mais avec une bonne moitié de scientifique”

Opposition de l’homme et de la femme

Droites de l’homme, courbes de la femme

Dans le paysage : perpendiculaire de l’arbre et rondeurs des parterres de fleurs

La frontière marquée par la balustrade en fer forgé reprend l’affrontement des droites et des courbes


HENRI  MATISSE   1/2

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