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BAGATELLES DOUCES
« Je ne vois pas de différence essentielle entre ce qu’on appelle une ligne « abstraite » et un poisson
La ligne isolée et le poisson sont des êtres vivants qui possèdent leurs forces propres
Tout être possède un « visage » qui impressionne et se manifeste par son expression
C’est l’entourage des lignes et du poisson qui produit ce miracle grâce auquel les forces latentes deviennent vivantes »
194 -
ENSEMBLE MULTICOLORE
« L’homme ne saurait se passer du monde ambiant mais il peut se libérer de l’objet
L’affirmation que le choix de l’objet ne joue aucun rôle dans la peinture est basée sur une erreur … Un cheval blanc ou une oie blanche provoquent des émotions tout à fait différentes
Une limite géométrique laisse à la couleur une possibilité plus grande de provoquer une vibration pure que les limites d’un objet quelconque … qui provoque une vibration propre à lui »
Au cours des années 1930 les œuvres de Kandinsky témoignent de son intérêt croissant pour le biomorphisme
Un nouveau modèle de composition fait son apparition : l’espace de la toile est circonscrit par une vaste surface aux lignes courbes irrégulières, peuplée de formes diverses. Cette structure fait pense à celle d’amibes ou de cellules. Plusieurs spécialistes ont trouvé des affinités avec des illustrations de livres d’embryologie
La grande figure près du bord droit semble évoquer l’embryon d’un animal. Le cercle jaune entouré de rouge peut être interprété comme l’œil d’un embryon. Les autres formes lobées à droite composent les membres, le corps jaune se termine par une petite queue
Les formes indépendantes flottent sur la surface noire recouverte de petits points multicolores. Cette agglomération de points sert de fond aux plus grosses figures colorées, donnant de la cohérence à un ensemble totalement hétérogène
C’est pourquoi Kandinsky avait donné à cette œuvre un second titre « Entassement réglé »
195 – 1939 – NEF44 – 130*195 – NNN9429
COMPOSITION X
« Si l’œil peu exercé d’un observateur ne peut percevoir la profondeur il ne saura pas s’affranchir de la surface matérielle et il sera donc incapable de ressentir l’espace indéfinissable
L’œil éduqué doit être à même de voir la surface comme telle et de reconnaître la nécessité de sa fonction. D’autre part il doit être capable d’ignorer la surface comme telle quand cette surface exprime l’espace
Une simple composition linéaire peut être soit intégrée au plan originel par cohésion ou flotter librement dans l’espace
Un point qui s’incruste dans le plan peut lui aussi se libérer de la surface et ainsi planer dans l’espace
La transformation du plan matériel et le changement de tous les éléments en relation avec le plan déclenche le changement de la notion du temps
L’espace s’identifie avec la profondeur et, de ce fait, avec les éléments tendant vers la profondeur
Un certain laps de temps est nécessaire pour suivre les éléments qui se dirigent vers la profondeur
En conséquence, la transformation du plan originel matériel en un espace indéfinissable pement l’accroissement de la notion de temps »
Kandinsky étudie à nouveau les possibilités offertes par le rapport ente la couleur
vive et le fond noir, thème qui avait caractérisé certains de ses premiers chefs-
La toile est divisée par le milieu en deux aires principales. Les deux aires semblent dotées d’une tension centrifuge : rapprochées dans la partie inférieure de la toile, elles s’éloignent au fur et à mesure qu’elles se projettent vers le haut
Ces macrostructures contiennent des formes plus petites organisées selon une méthode expérimentée par Kandinsky dans ses œuvres précédentes. La grande surface brune à gauche comprend des successions de petites figures créant un effet de progression hiéroglyphique
Kandinsky réussit à donner aux formes macroscopiques, qui englobent un univers de signes minuscules, un dynamisme animé par la tension centrifuge
Le peintre fait varier les tonalités de ses formes et les reprend dans la multitude des petits quadrilatères de tailles différentes disséminés sur la toile. Il crée ainsi un dialogue entre ces formes secondaires et les formes principales
196 – 1939 – M212 – 100*81 – DSC0400
COMPLEXITE SIMPLE -
Sur un fond originel bleu-
Le blanc translucide laisse apparaître le fond en réserve et crée ainsi des cernes irréguliers qui définissent les formes. Par la superposition des touches l’œuvre acquiert une certaine légèreté
198 – 1939 – M216 – 116*89 – DSC0950
VERS LE HAUT
Entre 1939 et 1944 les tableaux de Kandinsky n’évoquent rien des évènements extérieurs de la guerre et de l’occupation
Un thème domine : celui de l’envol et de l’ascension
Dans la plupart des œuvres de l’époque parisienne tout évoque la montée, le flottement, tout se suspend et s’élève
Les formes n’ont pas de poids et évoluent au milieu d’une effervescence de cercles minuscules et de corpuscules épars
Dans « Vers le haut » les formes sont suspendues dans le vide
Le point est l’élément primordial sous différentes apparences
Le point ne montre aucune tendande de mouvement dans quelque direction que ce soit
Par une tendance vers une relative immobilité il se fait carré
199 – 1940 – CP190 – 100*73 – DSC0479
BLEU DE CIEL
Peinture du ravissement
Un semis de petits animaux identifiables malgré leur bigarrure flotte en chute lente et libre comme des flocons de neige
C’est la réaction de Kandinsky à la guerre qui vient de commencer. Le « Bleu ciel » signifie que l’air du printemps entre à nouveau à travers la vitre de son atelier
L’univers de petites formes qui peuplent les œuvres de Kandinsky ne naît pas de la reprise de modèles anatomiques précis offerts par la nature mais de l’agrégation de formes minimales susceptibles d’évoquer des corps organiques
Kandinsky n’est pas intéressé par la correspondancede l’image finale avec un organisme réellement existant mais par la disposition des parties
Kandinsky pense que les formes abstraites sont toutes des formes naturelles et qu’un jour les hommes de science découvriront à côté des innombrables organismes qui se sont développés au cours des millénaires d’autres formes inconnues semblables aux objets imaginaires créés par les peintres
« Bleu de ciel » est la recherche d’un modèle figuratif susceptible de suggérer ce passage entre les deux mondes
L’artiste soumet sa toile à un traitement abrasif pour lui donner un aspect atmosphérique
Sur le fond céleste il fait flotter de petits organismes multicolores aux tonalités plutôt chaudes, séparés par de petites zones vides
Le bleu, qui selon Kandinsky, inspire une sensation de paix et de sérénité spirituelle, évoque le ciel et transforme la toile en une métaphore d’un univers possible, parallèle au nôtre
Kandinsky en 1940 nie la dureté des temps. Il fuit les misères de l’existence quotidienne dans un monde onirique « occupé » exclusivement par la fantaisie
Un fond bleu laiteux faussement neutre qui vibre d’une certaine lumière
Ce bleu atmosphérique est celui de la fenêtre de Kandinsky au-
Le peintre privilégie le fond sur les formes qui l’animent
Des animaux étranges, un oiseau à grand bec, une tortue à longue queue, un cavalier enjuponné … mais nous ne saurons jamais exactement ce que c’est
Fernand Léger « Les recherches scientifiques permettent aux artistes de dégager une
nouvelle réalité : des plantes sous-
Kandinsky se rapproche de l’univers de Miro, pour lequel il a de l’amitié, par cette décoration de chambre d’enfant, le fond bleu clair et les formes en complète lévitation ni ascendante, ni descendante
« Dans l’art l’augmentation devient facilement diminution
Dans l’art abstrait cest le contraire, une diminution devient augmentation
L’objet supprimé ne diminue pas les moyens d’expression mais il les multiplie à l’infini
Mon conseil est donc de se méfier de la logique en art
Il n’existera jamais de critères scientifiques pour mesurer la qualité en art »
200 – 1940 – F219 – 97*146 – DSC0248
AUTOUR DU CERCLE
Les couleurs froides des grosses formes flottant sur le fond noir sont reprises dans les figures plus petites conférant de la cohérene chromatique mais aussi une impression de frémissement joyeuse
Le cercle rouge monumental se détache du fond avec force comme si le peintre voulait opposer la vibration de ce cercle rouge au silence profond du noyau noir à l’intérieur du cercle
201 – 1940 – CP188 – 89*116 – DSC0245
PARTIES DIVERSES
Œuvre caractéristique des années parisiennes tardives de Kandinsky
Un tournant s’opère dans son vocabulaire des formes
Caractère organique et amibien des petites structures et des micro-
Ces formes agissent comme des êtres anthropomorphes étranges et sont traitées par Kandinsky comme s’il les disséquait pour les réarranger en d’artificiels systèmes de figures en leur conférant une coloration « asiatique » factice
Tableau divisé en champs rectangulaires de différentes couleurs qui soulignent la composition géométrique des divers éléments
Le dualisme de deux moitiés et les oppositions de couleur sont un trait majeur de la création de Kandinsky
Les figures sont comme observées au microscope
La structure qui divise l’arrière-
202 – 1940 – M219 – 50*32 – DSC0403
SANS TITRE
Formes primordiales qui semblent évoquer par certaines assonances de couleurs une atmosphère asiatique, des types archaïques venant du fond des souvenirs ancestraux de l’artiste
Kandinsky s’est souvenu d’une tradition russe d’origine païenne qui consiste à échanger des oeurs colorés pour célébrer l’arrivée du printemps
Sur un fond noir opaque, le cloisonnemen des couleurs à l’intérieur d’une sorte de membrane cellulaire peut rappeler les décorations des œufs de Pâques mais aussi l’art des émailleurs bijoutiers
203 – 1941 – NEF46 – 89*116 – DSC0147
ACTIONS VARIEES
L’objectif de l’école de la pensée symboliste est double :
-
-
« La ligne est une chose ayant un sens et une finalité pratique tout aussi bien qu’une chaise et un puits, un couteau ou un livre… Cet objet est utilisé comme un moyen purement pictural grâce à sa résonance purement intérieure
Si, par conséquent, une ligne est affranchie de l’obligation de désigner un objet et fonctionne comme un objet à part entière, sa résonance intérieure ne se trouve plus affaiblie par aucun rôle secondaire et il reçoit sa pleine force intérieure.
L’art abstrait est un art « pur » comparable à la musique « pure »
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ACCORD RECIPROQUE
Une des dernières toiles de Kandinsky
Après la mort de Kandinsky le 13 décembre 1944, Nina, sa veuve, dispose cette toile près du cercueil ouvert en toile de fond avec « Mouvement 1 »
Teintes froides fondées sur le contraste du gris-
Kandinsky affronte des masses en équilibre provisoire ce qui crée la tension de la toile
Les deux grandes formes triangulaires reposent sur la fragilité de leur pointe la plus aigüe
On a parlé de coloris layette disposé en pellicule fragile
Tableau peint en février 1942 après les grands froids de l’hiver qui l’avaient obligé à se contenter de dessiner près de son poêle
C’est le dernier grand format peint par Kandinsky dans un atelier bas de plafond ce qui l’oblige à peindre plutôt en largeur qu’en hauteur
C’est une ultime expression d’énergie contre l’âge, l’isolement et l’humiliation d’être dans un pays occupé
La force de conviction entraîne une certaine gravité et même de la froideur
L’échancrure blanche de « Développement en brun » s’est élargie en une clarté qui se voulait prophétique pour des lendemains meilleurs
205 – 1942 – M220 – 89*116 – DSC0250
BALANCEMENT
Le fond bleu clair laiteux et les teintes pastel tendres confèrent à l’ensemble de la composition une tonalité joyeuse
Couleurs vives et bariolées dans la partie gauche du tableau
Les formes biomorphiques ne sont pas librement suspendues dans l’espace
Ces êtres hybrides et bouffons semblent se déplacer allègrement sur des fils tels des funambules
Pas de raideur géométrique dans ce monde libéré et ludique
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CERCLE ET CARRE
Cinq personnages animent cette fantasmagorie. Chacun d’eux est constitué par une sorte de tête et de tronc accroché sur une sorte de socle
Une silhouette soit féminine soit masculine
Le personnage central paraît appartenir à une espèce différente. Il dramatise la scène qui évoque un théâtre de marionnettes dont les acteurs seraient des êtres abstraits
Le cercle et le carré représentent le monde de la raison et le monde des sens, symbole de la terre et du ciel selon l’anciennne tradition chinoise
Géométrie rectiligne et géométrie curviligne, l’homme et la femme
Par leur chasteté géométrique et leur couleur presque élémentaire le carré rouge et le cercle vert semblent faire partie d’un monde différent
208 – 1943 – M223 – 42*58 – DSC0405
LA POINTE ROUGE
L’Orient pénètre et imprègne les œuvres de la période parisienne de Kandinsky
Son art peut être défini comme oriental parce qu’il est une émanation de cet esprit qui signifie « fécondation intérieure »
Kandinsky comme les peintres chinois ne parle pas des choses mais de leur rythme
Il peint ce qu’il sent, il aime la concision et rapporte chaque détail à l’ensemble
A la fin de sa vie le désir le plus cher de Kandinsky était de réaliser des œuvres où la sérénité aurait la plus grande part
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ELAN TEMPERE
« Les objets ne sont pas autre chose qu’un attribut occidental de la peinture. On ne doit pas considérer l’objet comme une condition sine qua non de la peinture
Il peut tout aussi être une gêne
La créativité est libre et doit demeurer libre, elle ne doit subir de pression d’aucune sorte
Méfiez-
L’art a toujours été l’expression d’une aspiration
La chance de l’artiste c’est de matérialiser cette nostalgie en une forme ».
C’est la dernière œuvre que Kandinsky ait terminée avant sa mort. Il l’a réalisé en mars 1944
Une grande figure ondulée se déploie en diagonale sur le fond uniforme, du bas de la toile à gauche au bord supérieur droit
Les ondulations souples de ce ruban divisé en bandes colorées évoquent un mouvement lent et calme
Le dernier élément en haut à droite ne tend pas vers le coin supérieur du tableau mais replonge vers le bas
Ce changement de direction est mis en évidence par les deux grandes flèches orangé à l’intérieur de l’élément
En haut à gauche et en bas à droite deux figures d’allure zoomorphe servent de contrepoids au mouvement transversal de la composition
Chaque élément coloré est défini avec précision, entouré d’un très fin contour blanc
Certains ont vu dans cette œuvre une évocation d’un des thèmes classiques de Kandinsky : le cavalier qui s’élance dans l’espace. L’artiste a souvent rendu l’idée du mouvement impétueux par une forme disloquée sur une des diagonales de la toile
L’élan est tempéré par la cohérence des couleurs jouant sur les tons bruns et orangés de la forme principale, atténués par les teintes froides du fond et de la figure de droite
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MILIEU ACCOMPAGNE
« Parmi les qualités nouvelles de l’homme il faut savoir apprécier cette faculté croissante d’entendre un son dans le silence »
En peinture l’homme bruyant fut remplacé par le paysage plus silencieux et le paysage
lui-
Aujourd’hui un point en dit parfois en peinture plus long qu’une figue humaine.
Une verticale associée à une horizontale produit un son dramatique.
Le contact de l’angle aigu d’un triangle avec un cercle n’a pas d’effet moindre que
celui du doigt de Dieu avec le doigt d’Adam chez Michel-
190 – 1937 – PPV395 – 81*100 – DSC0243
TRENTE
Trente dessins mais pas trente carrés car il ne s’agit pas d’un damier. Peu de cases sont carrées
Trente tient de l’alphabet. Une collection de pictogrammes à usage purement domestique, une sorte d’esperanto
Composition bâtie sur le contraste négatif-
Selon Kandinsky toute forme peinte noir sur blanc paraît plus grande que celle qui est peinte blanc sur noir
Il ne s’agit pas d’un dessin peint mais d’une peinture dessinée
191 – 1937 – NEF40 – 116*85 – DSC0141
STABILITE ANIMEE
Construction schématique rigide : deux verticales soulignées
Un haut à droite un cercle, forme qui est dure et tendue, rigide et souple à la fois
L’énergie concentrique du cercle est soulignée par la couleur violet foncé du cercle et par le vert placé tout à côté
Différentes formes obliques, carrées et ovales dont l’une es le grand carré rouge dans la partie inférieure de gauche
Assemblage de blanc, de noir et de rouge à l’intérieur du carré rouge
Les trois longs rectangles verticaux sont faits surtout de fines horizontales et de très peu de diagonales. Ainsi des tensions plus douces sont créées
KANDINSKY
TABLEAUX DE 1937 A 1944
197 – 1939 – M214 – 89*116 – DSC0401
LE ROND ROUGE
Kandinsky « Cercle noir » : un tonnerre éloigné, un monde pour soi qui semble ne se soucier de rien, un « me voilà » dit lentement et un peu froidement
« Cercle rouge » tient ferme, garde sa place, approfondi en soi-
Eclair et tonnerre en même temps : un « me voilà » passionné
Merveilleux est le cercle »
207 – 1943 – M222 – 58*42 – DSC0406
ASCENCION LEGERE
Dans « Ascencion légère », les formes reliées entre elles par une fine ligne blanche
s’envolent vers la droite et se libèrent sans effort tel un cerf-
Le ton brun de la surface picturale et les couleurs assourdies des formes sont d’une douce tristesse
L’art abstrait possède la qualité de déceler « demain » dans « aujourd’hui », c’est une force créatrice et prophétique
En signifiant la vie même et l’avènement d’un nouvel ordre de l’univers, il était capable d’en dire plus que l’art non abstrait
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LE PETIT CERCLE ROUGE
L’atmosphère qui caractérise les dernières œuvres de l’artiste, dominées par des bruns et des violets mélancoliques, a fait dire qu’elle était un présage de sa mort imminente
Peu avant de mourir il confiait à un ami son désir de se consacrer à des travaux « où la joie sera l’élément le plus caractéristique »