1897 – LE RÊVE
Ce tableau fut exécuté pendant une période de tranquillité relative dans la vie de Gauguin
Il venait d’emménager dans la plus grande de ses habitations tahitiennes
La composition stable et le calme presque classique révèlent un Gauguin en paix avec
lui-
Un bébé dort dans un berceau sculpté
Les figures centrales évoquent « Les femmes d’Alger » de Delacroix
Regain d’intérêt de Gauguin pour le décor intérieur
Sur le mur de gauche en bas, une frise animalière et en haut un couple enlacé : la femme passive est blottie dans les bras d’un homme qui regarde le monde les yeux grands ouverts
A droite une tête de profil émerge de feuilles et de fleurs
Vue angulaire et perspective nettement fuyante
Les figures vues de près et de haut et la rencontre soudaine du sol et des murs rappellent l’impressionnisme de Degas
Gauguin admirait Degas qui lui acheta plusieurs toiles
1896 – NE TRAVAILLE PAS
La case est ouverte sur un paysage et cette ouverture crée un contraste de lumière et de chaleur à l’extérieur et d’ombre et de fraîcheur à l’intérieur
La position des deux personnages reprend celle de deux figures en relief du temple javanais de Borobudur dont Gauguin possédait une photographie
1897 – VAÏRUMATI
Le dieu Oro descendu de son Olympe de Bora Bora avait pris pour épouse une belle jeune fille Vaïrumati
Ici, reine ou déesse elle est placée devant un décor doré plus chinois que maori qui lui forme une sorte d’auréole et de trône
Les deux suivantes en haut à droite viennent des reliefs de Borobudur
Ensemble hiératique et géométrique
L’oiseau tient en sa patte un lézard qui représentes l’inutilité des vaines paroles
1897 – NEVERMORE
Gauguin « J’ai voulu avec un simple nu suggérer un certain luxe barbare d’autrefois. Le tout noyé dans des couleurs volontairement sombres et tristes »
Nevermore évoque le corbeau du poème d’Edgar Poe, mais ici, sur la fenêtre, c’est l’oiseau du diable qui est aux aguets
Nu somptueux mis en valeur par l’oreiller jaune citron et le linge rouge sang derrière la jambe gauche
Les courbes du nu se répètent dans le contour du bois de lit et dans les fleurs stylisées dessinées sur le mur
Les formes au dessin libre sont emprisonnées dans les strictes verticales de l’architecture
Cerne mat et continu de la figure
Gauguin « Chez la maorie la jambe depuis la hanche jusqu’au pied donne une jolie ligne droites ; la cuisse est très forte, mais non dans la largeur, ce qui la rend très ronde … leur peau est d’un jaune doré »
1898 – D’OU VENONS-
OU ALLONS-
En décembre 1897 Gauguin décida de se suicider. Il était malade et sans argent. Avant de mourir il décida de peindre une grande œuvre qui serait son testament.
Sa tentative de suicide à l’arsenic échoua
De ce tableau de 4,50m sur 1,70 il écrivit ses propres commentaires :
« Les deux coins du haut sont jaune de chrome avec l’inscription à gauche et une signature à droite, telle une fresque abîmée aux coins et appliquée sur un mur en or.
A droite et en bas un bébé endormi, puis trois femmes accroupies. Deux figures habillées de pourpre se confient leurs réflexions ; une figure énorme, volontairement, et malgré la perspective, accroupie, lève les bras en l’air et regarde étonnée ces deux personnages qui osent penser à leur destinée.
Une figure du milieu cueille un fruit. Deux chats près d’un enfant.
L’idole, les bras levés mystérieusement semble indiquer l’au-
A ses pieds un étrange oiseau blanc tenant en sa patte un lézard représente l’inutilité des vaines paroles.
Tout se passe au bord d’un ruisseau sous bois. Dans le fond la mer puis les montagnes de l’île voisine.
L’aspect du paysage est constamment bleu et vert véronèse.
Toutes les figures nues se détachent sur un hardi orangé.
1898 – PASTORALE TAHITIENNE
Cette œuvre reprend la structure de « D’où venons-
Le décorativisme prévaut sur le symbolisme dans cette décoration rythmée
Au sein de l’harmonie générale jaune-
Toile heureuse aux tons éclatants d’une impression joyeuse
L’horizon, le sol, les verticales et les horizontales créent un arrière plan doré sur lesquels se détachent les mouvements ou les gestes arrêtés des figures
Les têtes,les épaules et les pieds se présentent de profil pour éviter la perspective comme c’est le cas dans les frises du Parthénon que Gauguin avait étudiées
La figure centrale vient de Borobudur
1898 – LE CHEVAL BLANC
La composition de cette œuvre est faite d’un jaillissement continu de courbes de haut en bas
Les plans horizontaux (la mare et les plantes du premier plan) et les plans verticaux (le chemin et les branches tordues de l’arrière plan) s’entremêlent
La perspective montre la scène à la fois de face et de haut
Le dessin courbé du dos des chevaux et les formes des branches grimpantes rappellent les estampes japonaises
L’aplat et la perspective en hauteur des graveurs japonais avaient été parmi les sources du style breton de Gauguin
Le cheval blanc est d’un vert grisâtre, produit par le paysage de la lumière à travers le feuillage
Isolé et sans cavalier il forme à lui seul une composition particulière et son étrangeté baigne toute la toile
1898 – L’EAU DELICIEUSE
Ce tableau est une réplique fragmentaire de la partie droite de « D’où venons nous, … »
Principales modifications :
Une vibrante dominante rouge
Remplacement du cueilleur de fruits par un nu féminin debout qui représente Eve après le péché
A droite du nu ce n’est plus une figure qui se détourne du spectateur en levant le bras mais le personnage est tourné vers nous
A propos de cette toile, Gauguin rédigea une lettre sur la couleur : « La couleur qui est vibration, de même que la musique, est à même d’atteindre ce qu’il y a de plus général et partant de plus vague dans la nature : sa force intérieure »
1899 – TU ATTENDS UNE LETTRE ?
Ce tableau récapitule beaucoup d’images antérieures de la peinture de Gauguin
Cette scène est aussi imaginaire que ses accords de couleurs
Le voilier d’un type plus ancien que celui des bateaux alors en service provient d’une reproduction d’un tableau de Jonkind de la collection Arosa, son tuteur
Gauguin associe le jaune doré de la femme au rose et au bleu clair
On peut aussi voir dans ce tableau une projection autobiographique : la vie de Gauguin était très liée aux nouvelles qu’il recevait de France et il attendait toujours avec impatience l’arrivée de lettres, d’argent, de toiles et de couleurs.
1899 – LE MOIS DE MARIE
Le personnage parfaitement représenté évolue avec aisance dans un univers aux couleurs vibrantes
L’arbre et les arbustes de fleurs définissent un espace majestueux
Parfaite harmonie du bleu, du jaune et du brun
Ce tableau reprend la partie gauche d’une toile plus importante « La cueillette des fruits »
1899 – LA CUEILLETTE DES FRUITS
Pour Gauguin la couleur est un langage pour traduire des idées. Cette toile illustre ses théories sur la couleur.
Il crée un milieu chromatique vibrant, structurant l’espace à l’aide de personnages et d’éléments végétaux de manière à obtenir une composition d’un calme et d’une monumentalité absolus
Les zones colorées se transforment en paysage sans que la présence d’écorces, de feuilles ou de racines ne vienne distraire l’attention
Le cueilleur de fruits, figure traditionnelle de la tentation, est situé au cœur d’un paysage d’une beauté luxuriante
Ce tableau apparaît comme la transposition en couleurs et en formes de l’idéal contenu dans l’expression du poème de Baudelaire « Luxe, calme et volupté » (Invitation au voyage)
Ce tableau n’est jamais sorti de Russie
1900 – LE DEPART
Ce dessin est remarquable par la fluidité du trait, l’élégance du rythme et la solidité des éléments figuratifs
Le personnage masculin est inspiré d’un soldat de la colonne Trajanne
Accompagnés de leur chien ces deux êtres s’avancent vers un destin quel l’on ignore.
Il semble une autre illustration de la question « Où allons-
1899 – FEMMES AU BORD DE LA MER, MATERNITE
Malgré sa volonté de faire passer son art avant toute chose le peintre ne pardonnait pas à sa femme de profiter seule de la compagnie de leurs enfants
Cette triste désillusion lui faisait apprécier le bonheur domestique des tahitiens
Le peintre a dépouillé cette scène ne laissant que ce qui symbolise l’amour et la sollicitude : la mère allaitant son enfant, les sœurs attentives qui semblent veiller sur elle, les fruits qui symbolisent l’abondance, la fleur image de la beauté
Les teintes chaudes du premier plan, en étroite harmonie, suggèrent la chaleur et le bien être de la scène humaine qu’elles enferment
1899 – TROIS TAHITIENS, CONVERSATION
Ce tableau est un exemple de l’aspect classique de la peinture de Gauguin
Composition simple du thème antique des Trois Grâces même si le personnage central est un garçon, entre deux belles dont l’une porte un fruit et l’autre une fleur
Son dos puissant sert de pivot entre deux formes symétriques
Pointe de vert cru de la mangue et du feuillage au-
La peau est traitée comme un bronze patiné antique
Les couleurs fortes de rouge, de vert et de jaune indiquent que la grandeur n’est plus aujourd’hui dans l’occident malade mais dans le monde primitif
1899 – LES SEINS AUX FLEURS ROUGES
DEUX TAHITIENNES
Au bout du monde Gauguin regarda peu ce qui l’entourait dans sa stricte réalité : il ajouta à ce qu’il voyait des éléments de sa vision idéale
Dans ses lettres Gauguin parlait avec admiration de l’allure élancée, des larges épaules et de la force mêlée de grâce des femmes polynésiennes
Les corps sont bien modelés et les couleurs de tonalité vive
Mais contrairement aux figures de ses autres peintures elles nous apparaissent dans toute leur simplicité.
Il écrivit « L’Eve de mon choix que j’ai peinte en formes et en harmonies d’un autre monde, cette Eve peut rester nue devant nos yeux »
1899 – BOUQUET DE FLEURS
Les fleurs par leurs tons contrastés (opposition du rouge et du bleu) rappellent la facture délicate de Redon, peintre que Gauguin admirait
Le vase est une des céramiques faites par Gauguin
Le masque placé derrière apporte une note de mystère exotique
Les tons éclatants et même acides des fleurs sont rares parmi les œuvres tahitiennes de Gauguin
1901 – FLEURS DE TOURNESOL ET MANGUES
De toutes les natures mortes de Gauguin comportant des tournesols, celle-
Une fleur-
Le vase est une création de Gauguin car si l’aspect primitif des figures et des anses renvoie bien à la sculpture tahitienne on ne connaît aucun exemple de vase tahitien analogue
1901 – FLEURS DE TOURNESOL SUR UN FAUTEUIL
A la demande de Vollard Gauguin peignit des fleurs qui étaient plus faciles à vendre mais il considérait la nature morte comme un genre secondaire
Les graines de tournesol reçues de France et ses souvenirs d’Arles et de son amitié avec Vincent auront le pouvoir de vaincre ses réticences
La réalité des fleurs coexiste avec l’artificialité de leur agencement
Présence inquiétante de la fleur-
1902 – NATURE MORTE AUX OISEAUX EXOTIQUES
Dans cette toile l’exotisme est suggéré par les fruits, le décor du fond et la couleur
Les objets symbolisent une fin prochaine : la malle de voyage qui sert de support, la gourde tirée d’une courge, les oiseaux morts et l’idole
1901 – CAVALIERS, LA FUITE, LE GUE
Ce tableau a été interprété comme une allusion au voyage vers l’outre-
L’homme sur une monture noire flanquée d’un chien qui lui court entre les jambes à son origine dans une gravure de Dürer
Le cavalier à capuchon du cheval blanc est un tupapau, démon polynésien, qui conduit
le jeune homme sur l’autre rive, vers l’au-
1902 – CAVALIERS SUR LA PLAGE – 1
Gauguin peignit à deux reprises des hommes chevauchant le long des grandes plages roses
Ces tableaux évoquent les courses de chevaux peintes par Degas
Gauguin a remplacé la configuration d’îles et d’énormes escarpements montagneux plongeant sur des plages de sable noir par de vastes plages de corail rose
Les deux formes caracolant sur des chevaux blanc gris sont des tupapau, esprits qui
symbolisent la mort et chevauchent vers l’au-
1902 – CAVALIERS SUR LA PLAGE – 2
Dans cette deuxième version de cavalcade, Gauguin introduit deux femmes
La femme en chemise à gauche semble saisie sur le vif, comme le jeune marquisien torse nu à droite
Les scènes de chevauchée à cru devaient être courantes à Hoa Hoa, où il y avait beaucoup de chevaux
Nous retrouvons en haut à droite les chevaliers de l’Apocalypse qui chevauchent vers la mort
Les mortels sur la plage ne s’en préoccupent pas
Quand il peignit ces tableaux en 1902 Gauguin était dans un moment privilégié ; sa nouvelle maison était achevée et il parcourait le village en cabriolet, conversant avec ses voisins
1902 – LA SŒUR DE CHARITE
Si Gauguin était souvent violemment anticlérical dans ses écrits, ses tableaux religieux témoignent d’une certaine sympathie
Au teint cireux de la religieuse on reconnaît une européenne oeuvrant avec les missionnaires que Gauguin détestait
Derrière la religieuse une femme apporte de la nourriture en offrande à la visiteuse
Gauguin a essayé de dissuader les parents marquisiens d’envoyer leurs filles à l’école religieuse
Ces hommes sont peut-
Les indigènes sûrs d’eux veulent-
1902 – PANNEAUX DE LA « MAISON DU JOUIR »
Ces panneaux encadraient la porte d’accès à la chambre et à l’atelier de l’artiste : la « Maison du jouir »
Les motifs de nus et les formes animales et végétales sont traités dans un style primitiviste
Les deux femmes ont un charme naïf et leur naturel s’oppose au contenu symbolique des représentations d’Eve
Harmonie entre les personnages et les tiges grimpantes qui s’enroulent autour d’eux
1902 – LES AMANTS
Un homme aux longs cheveux entoure d’un geste protecteur les épaules d’une fort belle femme nue
Les visages et l’attitude des personnages expriment la crainte et la culpabilité
La force et la rapidité du trait rendent l’expression efficace et dramatique
1902 – MARQUISIEN A LA CAPE ROUGE
Le marquisien se tient dans un bosquet près du lit ombreux d’une rivière
Il fixe sur le spectateur un regard presque hypnotique et son visage est dépeint avec soin
Il avait le rang de prêtre indigène avant l’arrivée des missionnaires
Il devint ensuite organisateur et maître des cérémonies et festivals
L’homme efféminé était courant dans la société polynésienne
1902 – FEMME A L’EVENTAIL
Les œuvres de la dernière période trahissent un détachement de la réalité objective au profit d’une dimension évocatrice du rêve
La femme à l’éventail, superbe créature rousse, était la femme d’un ami marquisien de l’artiste
Assise dans un fauteuil de style exotique la jeune femme tient un éventail de plumes, signe de noblesse et porte à la place de son pareo d’origine un vêtement blanc qui laisse sa poitrine découverte
Il ne s’agit pas d’une séductrice
Au lieu de regarder le spectateur elle arbore une expression distante voilée de nostalgie
C’est la couleur qui anime l’image : le blanc du tissu, l’orange rosé du buste et du visage, le rouge des cheveux, l’ocre tirant sur le vert du fond
1902 – CONTES BARBARES
« Contes barbares » est un tableau mystérieux. Nous ne savons ni de quels contes il s’agit ni qui est le narrateur
c’est la juxtaposition de mondes différents :
A gauche la figure un peu diabolique de Meyer de Haan représente l’homme occidental obsédé par sa soif de connaissances
La femme du centre dans une posture boudhiste détient la sagesse de l’Orient
La jeune femme rousse couronnée de fleurs incarne la calme beauté et l’exubérance de la nature exotique avec sa végétation luxuriante
1902 – L’APPEL
Gauguin peignit cette toile aux Marquises lorsqu’il vivait dans un vaste atelier avec un petit coin pour coucher, un hamac pour faire la sieste à l’abri du soleil, tamisé par les cocotiers
Il laisse la poésie du lieu le pénétrer au point que la nature et les personnages ne font qu’un
La figure de droite dont le geste donne son titre au tableau est emprunté à la frise du Parthénon
Belle harmonie de couleurs qui sont les couleurs de Gauguin : rouges, roses, mauves et violets
Il disait de ce paysage « Je suis bien ici dans ma solitude »
1902 – FEMMES ET CHEVAL BLANC
Gauguin peignit très peu les quelques mois qui précédèrent sa mort
Ce tableau est sans doute son dernier tableau
Superbe paysage de Hoa Hoa avec ses grandes montagnes descendant à pic dans la mer, sa végétation luxuriante et flamboyante
En haut la croix blanche est le toit de la mission d’Atuona
Dans la culture marquisienne le blanc était associé au pouvoir mais aussi à la mort
Gauguin écrivait « Ici tout s’obscurcit, les danses sont finies, les douces mélodies se sont éteintes … «
1901 – NATURE MORTE AUX PAMPLEMOUSSES
Nature morte proche du travail de Cézanne : même facture des fruits, même façon de rendre par des nuances de couleurs le blanc de la nappe, même fond de papier peint et surtout même organisation claire et nette
Mais différence par la couleur solaire et l’exotisme du sujet
1896 – THEIERE ET FRUITS
Le marchand Vollard a demandé à Gauguin de lui fournir des tableaux de fleurs
Gauguin a traduit au moyen d’objets, d’un décor et de couleurs tropicales un modèle de nature morte essentiellement cézanien
Les mangues, la théière et le vase de forme exotique sont disposés sur un même plan en partie recouvert d’un torchon contre un fond de papier peint à fleurs stylisées
Les couleurs de Cézanne, ses bleus, ses verts et ses bruns y acquièrent la splendeur des tableaux tahitiens de Gauguin
1902 – BAIGNEUSES
Cette composition fut influencée par les « Baigneurs » de Cézanne
Les figures à peine ébauchées, campées dans un paysage sommaire aux couleurs vives, rose fuchsia, rouge orangé, bleu, suggèrent une opposition générale entre l’état d’innocence originelle de l’enfant nu, et les notions conventionnelles de pudeur chez l’adulte qui se couvre
A cette époque Gauguin avait des activités de journaliste pamphlétaire pour défendre les traditions tahitiennes contre les autorités coloniales