1884 – LES REPASSEUSES
Etude de mouvement contrasté
Deux personnages dont l’activité diffère : une des femmes est en train de s’étirer, la bouche ouverte dans un bâillement ; l’autre pèse sur son fer dans une attitude qui fait jouer tous ses muscles
Forme classique pour exprimer une scène banale de la vie quotidienne
La table coupe en diagonale le premier plan comme le faisaient les plateaux de théâtre obliques ou les planchers en raccourci et nous fait ainsi pénétrer dans le tableau
Les deux femmes sont soulignées par des contours appuyés et construites dans un rythme contrasté d’angles et de courbes
Un sens particulier de l’éclairage imprègne toute la scène
Le rapprochement au premier plan des personnages crée un dialogue avec le spectateur
Trame grossière de la toile : c’est la seule qui ne soit pas préparée dans les œuvres que nous connaissons de Degas
1885 – LE TUB
Degas veut se confronter directement à la virtuosité du dessin en acceptant le faible niveau de contenu de l’image
La femme occupée à sa toilette quotidienne est représentée comme si on l’observait « par le trou de la serrure »
Degas « Arranger des marches tout autour d’une pièce, de façon à s’habituer à dessiner les choses soit vues d’en bas, soit vues d’en haut »
Les critiques déduisent de la lourdeur des chairs, de l’usure de la baignoire et des mains gonflées du modèle une extraction populaire
Huysmans « Ce n’est plus la chair plane et glissante, toujours nue des déesses … C’est de la chair déshabillée, réelle, vive … son œuvre appartient au réalisme … tel que le conçurent certains des primitifs »
Geffroy « La femme considérée en femelle, exprimée dans sa seule animalité, comme s’il s’agissait d’un traité de zoologie »
Le dessin émerge avec une franchise inédite
Le trait des contours s’affirme avec vigueur et contribue à l’effet anguleux de l’ensemble
1884 – SCENE DANS UNE LAVERIE
Deux femmes dont les attitudes sont opposées
Fortes verticales par la fenêtre, le linge en haut et le poêle mais les deux femmes sont disposées le long d’une forte diagonale
Les deux femmes font une pose dans leur travail et soulagent leur dos douloureux
A la différence de Daumier Degas ne mettait pas l’accent sur la détresse ou la pauvreté de ses modèles
La force particulière de ce tableau viens sans doute de la tension entre un sujet d’extrême réalisme social et la joyeuse vitalité des couleurs
1883 – APRES LE BAIN
Baudelaire en 1846 se plaignait que les artistes ne peignent pas la beauté du nu moderne dans les situations quotidiennes de la vie moderne
C’est la première baigneuse présentée debout et le corps entièrement visible
Elle s’inscrit dans un espace bien définie de profondeur moyenne
Degas peignit toute une série de pastels de nus
Le personnage vu par derrière est ignorant du spectateur et absorbé dans sa toilette souvent présenté dans une situation instable au milieu d’un mouvement
Degas affectionne de représenter le corps en mouvement à un instant donné
En peignant le corps en mouvement dans l’espace, Degas ajoute la sensation du temps à celle de l’espace
Avec le temps les couleurs de Degas sont plus riches et le dessin plus relâché
La fraîcheur et la légèreté des couleurs font penser à Boucher
1883/1890 – APRES LE BAIN, FEMME SE SECHANT
Une femme nue vue de derrière, actionne activement la serviette d’un bras levé pour sécher son cou
Degas était attiré par la pose maladroite qui révèle la tension du corps
L’étirement des bras tord le modèle et crée des angles aigus
L’épaule droite levée crée un sillon d’ombre forte dans le dos et révèle la contraction des muscles du corps
L’épaule semble faire saillie et la couleur rouge des cheveux fait écho à la couleur du fond et rapproche cette zone vers l’avant
Des traits de rose traversent le dos
Le bras gauche a été modifié comme le montre une zone confuse de gribouillage
A la différence de Renoi, Degas était intéressé par les muscles du corps
1883 – LE PETIT DEJEUNER APRES LE BAIN
Degas de plus en plus étudiera le « nu » féminin non pas dans un ensemble historique
ou mythologique mais franchement pour lui-
Il se séparait ainsi des décors idylliques de Corot ou des sous-
Observation profonde de la femme dans les actes quotidiens qui mettent en relier la structure du corps et les jeux des muscles et de la chair
Tâche simple et expressive de s’essuyer, de se tourner, de se courber
Il oppose l’arabesque animée des formes de la femme à la verticale calme de la servante droite comme une colonne, les deux motifs étant reliés par l’arrondi de la baignoire
Le corps nu, énergiquement modulé en couleur, montre combien Degas s’apparente à la méthode impressionniste dans l’art de traduire la lumière
Il construit avec des ombres une forme solide qui à son tour reçoit et réfléchit les tonalités brillantes de la chambre
1885 – LA BOUTIQUE DE LA MODISTE
Degas n’a jamais peint de nature morte. Le mouvement de la vie l’intéressait plus que les objets inanimés. Il cherchait à peindre l’homme dans la diversité de ses gestes et de ses attitudes
Même ici où son œil a été intéressé par la collection de chapeaux d’une modiste il centre son tableau sur un être humain
La composition est axée sur le zigzag transversal que dessine le bord de la table avec les bras de la modiste
Les masses arrondies des chapeaux s’opposent à cette ligne brisée aux verticales rigoureuses que constituent les supports des chapeaux
La touche légère nous rappelle la façon dont Degas peignait les tutus et les costumes de ses danseuses
La gamme des coloris des chapeaux ressort sur l’orange du dessus de table et sur le vert neutre de la robe
Somptuosité de la lumière et largeur de la facture
Contraste entre la mise simple de la modiste et les chapeaux luxueux qui l’entourent
Degas fit de nombreuses visites chez les couturiers en compagnie de son amie, Madame Strauss
1885 – BALLET VU D’UNE LOGE DE L’OPERA
La distance entre le spectateur et la danseuse est tellement raccourcie que l’on se sent soudain au milieu même de la représentation
Degas fut un temps poéte :
« Le ruban de ses pas s’entortille et se noue ..
Et ses pieds de satin brodent, comme l’aiguille,
Des dessins de plaisir. La capricante fille
Use mes pauvres yeux, à la suivre peinant »
1885 – LA SORTIE DE BAIN
Pour Degas un gros plan suffit à exprimer la forme avec une remarquable solidité
L’artiste a exagéré certains éléments pour accentuer davantage le geste : l’avant-
Degas joue du gonflement des draperies, les unes légères, les autres plus lourdes, contre la forme plus solide de la femme
Il donne au fond un rythme différent de celui du modèle
Teintes fortes dans leurs contrastes mais délicates dans leurs variations
Ce nu est affranchi de la sensualité : Degas est trop absorbé par la recherche de la forme expressive pour s’attarder au charme animal du déshabillé
1885 -
La "courbe" formée par les danseuses crée une suite de figures qui dessine une frise
Degas nous montre que dans les automates dansants se cachent des êtres humains
1886 – LE TUB
Chaque fois que Degas reprit le thème de la femme se lavant dans son tub il produisit une peinture entièrement différente. Il savait voir d’un œil toujours neuf
Ces femmes n’existent pas en tant qu’individus
Leurs visages sont souvent cachés par la pose qu’il leur fait prendre
L’artiste s’est en revanche penché sur les corps souples ou tendus et a rendu par son dessin le jeu des muscles sous la chair baignée de lumière
Ses nus ne sont pas voluptueux : ils n’ont pas l’animalité robuste de ceux de Rubens ou la radieuse personnalité de ceux de Renoir
Ce sont d’abord des études de la forme humaine et ensuite et subsidiairement des femmes
Composition avec répétition des lignes courbes du tub, de la tête et du dos
Le bras qui tient l’éponge ressort contre les plis anguleux de la draperie et l’oblique saillante du coude gauche
Couleur rare qui fixe le corps dans l’espace
1886 – LE TUBE
Degas étudiait chez la femme les attitudes naturelles
Le Paris de 1880 était choqué car les ablutions ressortaient plus du boudoir que des galeries de tableaux
Degas allie une observation précise de la nature et un art du dessin
Perspective osée de cette vue plongeante d’une tablette garnie d’articles de toilette formant une verticale qui s’oppose aux courbes de la femme et du tub circulaire
Extrême solidité du corps et une grande délicatesse de surface
Rythme délicat du contour du corps
Les formes rondes se font écho dans le corps et dans les pots
Le pastel se révèle souple, esquissant par endroits, insistant ailleurs
1886 – JOCKEYS SOUS LA PLUIE
Dans les années 80 Degas revint vers les scènes de chevaux, probablement stimulé par les photos de Muybridge qui décortiquait le galop et le trop
Degas se concentre donc sur une analyse précise du mouvement
Ce tableau rend la fine élégance du pur sang qu’il décrit dans un poème « Tout nerveusement nu dans sa robe de soie »
L’espace vide peut faire croire à un instantané informel
Degas a créé un triangle d’espace vide et un triangle rempli de mouvement
L’immédiateté de la scène est renforcée par la chute de la pluie
Les longs traits en diagonal contrastent avec les griffonnages de couleurs vives des vestes des jockeys
1886 – FEMME NUE S’ESSUYANT LE PIED
Le corps replié sur lui-
L’espace comprimé entre la vasque et la chaise drapée traduit l’isolement dans lequel la femme vit les gestes quotidiens
C’est l’image de la prostituée et de son univers étouffant, dépourvue de toute séduction érotique et renvoyée à son archétype biologique de « femelle de l’espèce »
1886/1888 – FEMME NUE SE FAISANT COIFFER
Une femme tout juste sortie du bain, assise sur son divan, les mains sur les hanches, qui cherche à garder l’équilibre pendant que sa femme de chambre lui penche la tête en arrière, coiffant la lourde masse de ses cheveux
Degas commence par représenter la femme, le nu est dessiné au fusain, puis modelé doucement par la couleur faite de fines lignes superposées, dignes d’un peintre de fresque
Ensuite il esquisse au crayon le canapé et la femme de chambre, pour les recouvrir après d’aplats de couleur chair et jaune moutarde, qui déterminent le ton dominant de l’œuvre
Ajoutée après coup la robe de chambre qui s’étale des pieds de la femme jusqu’au tablier de la domestique dans un jeu de texture ton sur ton d’un grand raffinement
Perpendiculaire à la méridienne, elle-
La méridienne, la présence de la femme de chambre, les formes pleines, les chairs lumineuses parlent le langage satisfait de la bourgeoisie
La protagoniste est l’incarnation moderne d’une héroïne biblique, Bethsabée qui emprunte la palette du tableau de Rembrandt
1888/1890 – FEMME NUE SE COIFFANT
Vers le milieu des années 80 Degas s’intéresse à la figure humaine isolée, saisie d’un point de vue rapproché et d’accessoires d’atelier qui laisseraient imaginer des développements narratifs
La femme est réduite à son animalité monumentale et Degas dira plus tard : « J’ai peut être trop considéré la femme comme un animal »
Vers la fin de la décennie les couleurs gaies des sujets de la vie moderne et le dessin simplifié des nus se rejoignent dans une ligne colorée qui ne sert plus à délimiter les formes, mais qui s’intensifie pour les modeler
Ce tableau est un clin d’œil à Ingres (« La Baigneuse de Valpinçon »)
Cette vue de dos s’affirme dans un style concis avec des couleurs pastel posées couche après couche
L’usage du vert et de l’abricot pour rendre la couleur de la carnation ainsi que l’association du rouge et du vert pour le divan capitonné et le papier peint confèrent au tableau une grande luminosité
L’anti-
Degas « C’est très bien de copier ce que l’on voit ; c’est beaucoup mieux de dessiner
ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire. C’est une transformation pendant laquelle
l’imagination collabore avec la mémoire. Vous ne reproduisez que ce qui vous a frappé,
c'est-
1888/1890 – CHEVAL SE DRESSANT
Le cheval est représenté dans une position contradictoire les pattes avant dressées et les pattes arrières arquées comme s’il se braquait
Le modelé rapide et souple ajoute, par ses reliefs et sa sensibilité à la lumière, un élan à l’ensemble
1888/1890 – CHEVAL SE CABRANT
Degas suit avec intérêt les recherches photographiques de Muybridge sur les mouvements des animaux, les décomposant en séquences correspondant à leurs différentes étapes
Degas utilise les échantillons de mouvements présentés dans la publication « Animal locomotion » pour une série de sculptures
Les chevaux ne sont pas qu’une simple reproduction en trois dimensions des illustrations mais plutôt une libre paraphrase
Degas sacrifie les faits scientifiques à l’expression : il modifie parfois des positions pour intensifier le dynamisme que symbolise le cheval
1889 – LA FAMILLE MANTE
Groupe de la famille d’une jeune danseuse
Degas avait si souvent vu les mères des petites ballerines fixer des rubans dans leurs cheveux ou ajuster des nœuds sur leurs épaules
Contraste de l’enfant en robe de danse avec sa maigre sœur aînée en toilette de ville : celle de gauche figée dans l’attente, l’autre, la danseuse, esquissant déjà une pointe, figure presque fluide
Pastel sobre en couleurs pour un Degas
Harmonie de tons noirs et de bruns contre laquelle se détachent les tons clairs de la tenue de danse
Les coups de pastel parallèles édifient les personnages et donnent une unité de contexture à tout le tableau
La famille Mante était étroitement liée à l’Opéra de Paris : le père, joueur de basson dans l’orchestre, et les trois filles à un moment ou un autre danseuses dans le corps de ballet
La danseuse est Suzanne âgée de sept ans ; sa sœur est blanche qui a neuf ans
1889/1895 – DANSEUSES DANS LA SALLE DE REPETITION
Nous retrouvons le procédé familiers des danseuses par paires, dont les poses à la fois s’apparentent et forment contraste
D’un côté un groupe nombreux que balance un vide de l’autre
Exagération de l’espace par l’inclination du plancher
Eclairage à contre-
Recherche très poussée de l’unité : tons riches mais larges, les coups de pinceau ne détaillent plus, les effets de lumière jouent sur des zones étendues
Ce n’est plus le mouvement violent qui l’intéresse : le thème est pris pendant une pause
Il n’insiste pas sur le côté piquant de chaque danseuse
Degas cherche plus à exprimer qu’à dépeindre ce qui est d’autant plus sensible que tableau est inachevé
1890 – LE BAIN MATINAL
L’artiste saisit le nu entrant dans le bain, s’infléchissant en une attitude déséquilibrée
Le mouvement est rendu à la fois par le corps et par le zigzag des lignes qui partent de l’angle inférieur droit et qui se continue par la baignoire vers le mur
Au premier plan la blancheur des draps s’oppose au riche chatoiement des motifs de la cloison et des rideaux à l’arrière plan
Le corps de la femme par sa diagonale contribue à la profondeur de l’espace
Le peintre renforce certaines lignes du corps et en estompe d’autres pour faire sentir le mouvement en cours
L’éclat des bleus et des verts met en valeur la tonalité chaude de la peau
L’artiste fait jouer les tonalités les unes avec les autres par des hachures de couleur vivace
Influence de l’art oriental : à cette époque Degas collectionnait avec enthousiasme des tapis et des tissus
1887/1890 – FEMME SE COIFFANT
La critique ne comprenait pas le traitement iconoclaste du nu par Degas
Ses toiles étaient dépourvues de l’érotisme d’un sujet particulièrement cher à la grande tradition figurative
« Ce n’est plus la chair plane et glissante, toujours nue des déesses … C’est de la chair déshabillée, réelle, vive … son œuvre appartient au réalisme »
Beaucoup de critiques évoquaient le lieu commun de la misogynie de Degas
La coiffure est un thème cher à Degas qui l’utilise pour créer l’action et le mouvement
1885/1886 – FEMME NUE S’ESSUYANT LE PIED
Vers 1885 le dessin de Degas s’affirme de plus en plus énergique et prévaut sur la
couleur à contre-
Degas « Tout le monde exploite le potentiel de la couleur, moi celui du dessin. C’est un domaine beaucoup plus riche »
La figure féminine ne procède pas d’une vision en prise directe, elle est au contraire soigneusement étudiée, ébauche après ébauche, « à partir du modèle »
Degas fait ensuite les choix et les synthèses qui sont à la base de la « véracité » que lui reconnaît la critique
Le critique Fénéon « Degas ne copie donc pas d’après nature : il accumule sur un même sujet une multitude de croquis, où il puisera la véracité qu’il confère à son œuvre ; jamais tableaux n’ont moins évoqué la pénible image du « modèle » qui pose »
Dépourvue du vernis mondain la femme est réduite à l’animalité « d’une chatte qui se lèche », elle est ramenée de l’état de culture à celui de nature
1890 – DANSEUSES
Dans ce tableau dépouillé les danseuses se reposent sur un banc sauf une debout devant la fenêtre
Degas a réduit les éléments du tableau à l’essentiel
Ce pastel est réalisé en couches épaisses tant horizontales que verticales sur les murs et sur le plancher
Les contours des danseuses sont accentués
1890 – CHEVELURE COIFFEE
Cette œuvre préfigure le fauvisme qui privilégiera l’emploi de la couleur pure
Matisse fut pendant longtemps propriétaire de ce tableau qu’il admirait
D’évidence la toile est inachevée mais nous pouvons néanmoins apprécier la clarté de la mise au point et l’étrange fermeté du dessin
Riche éclat de couleur enveloppant les figures dessinées avec force
Des mouvements angulaires créent une forte diagonale du bas à gauche au haut à droite du tableau
Contraste entre la tenue verticale de la servante et le calme de son action de coiffer avec l’extension de la fille forcée à une pose tendue et à des mouvements saccadés
1890 – DANSEUSES EN BLEU
Degas nous offre une très belle couleur bleue
L’espace est peu profond et uniquement suggéré par l’enchaînement des mouvements des danseuses
Le peintre n’a utilisé qu’un seul modèle décrit dans quatre positions successives
Les robes bleues créent un motif délicat en surface qui s’oppose aux textures variées de l’arrière plan
A cette époque Degas était presque aveugle et il frottait la peinture de son pouce et de ses doigts
Les visages sont devenus des zones d’une couleur presque arbitraire
1890 – FEMME SE SECHANT ELLE-
La vue de Degas faiblissant le dessin devient plus lâche et la couleur plus exotique
Caractère expressif et presque violent de son dernier nu présenté dans une pose compliquée
Les tensions du cops semblent artificielles, exagérées par le manque de profondeur de l’espace
Le corps de la femme est saisi entre deux espaces de lumière
On dirait un dessin abstrait d’une couleur violente appliquée presque avec brutalité et de forts contrastes de texture
Longues verticales qui strient les contours ronds des fesses
Dessin en zigzag sur le dos
Le corps tordu de la femme crée un conflit entre le premier plan et l’arrière plan qui ne se distinguent pas nettement
1890 – UN CHEMIN SUR LA COLLINE
En octobre 1890 à l’occasion d’un voyage à Bordeaux Degas réalise pour la première fois une série de paysages
Ces paysages déçoivent les attentes du public par leur hermétisme
Ils se proposent comme des « paysages imaginaires » par :
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Degas « Le fruit de mes voyages de cet été. Je me tenais à la portière des wagons, et je regardais vaguement. Cela m’a donné l’idée de faire des paysages »
1890 – FORET EN MONTAGNE
Imaginés de mémoire le monotype ne donne aucune prise à l’interprétation figurative
Degas parlera d’une volonté de renoncement, renoncement à la figure humaine, aux référence topographiques, à la composition classique
A son ami Ludovic Halévy qui pour décrire ce paysage proposait la formule : « d’états d’âmes », il répondit « des états d’yeux »
Il s’agit de fragments échoués et recomposés dans la mémoire
La revue symbolique Mercure de France est enthousiaste et parle de « lieux chimériques recomposés avec l’imagination »
Degas, poète de l’artifice, notamment hostile au travail sur le motif inspire à un critique ce commentaire « Pour arriver à cela, il fallait avoir réfléchi longtemps au cœur de la nature … il fallait connaître la nature profondément pour pouvoir en exprimer au moins un peu »
1890 – DANSEUSES EN ROSE ET VERT
Ce tableau illustre le principe du modelage par la ligne et la couleur
L’artiste revient au thème des danseuses exploré dans les années 1870
L’intérêt curieux pour la physionomie a disparu
Il n’y a plus de place pour le charme de l’anecdote
Le répertoire des poses se réduit à un éventail restreint
Le format carré resserre les danseuses en groupes compacts
La figure du protecteur du ballet se dilate dans une silhouette floue
Composition verticale soulignée par les piliers du décor et les troncs d’arbres
De profond l’espace est devenu superficiel
Degas veut donner à la peinture à l’huile l’opacité du pastel : il mélange les couleurs avec le blanc, met la dernière touche à sec, applique la couleur couche après couche et retouche directement du doigt
Opposition des couleurs complémentaires : l’orange sur le bleu du justaucorps, le vert des tutus sur le rose des collants
Degas « C’est très bien de copier ce qui se voit ; c’est beaucoup mieux de dessiner
ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire. C’est une transformation pendant laquelle
l’imagination collabore avec la mémoire. Vous ne reproduisez que ce qui vous a frappé,
c'est-
1893 – REPOS
Si à la fin de sa vie Degas marquait son intérêt pour les mouvements du corps nu il n’en négligeait pas pour autant les attitudes de repos
Composition qui fait sentir sous l’étude de draperie la force sculpturale du corps abandonné sur le lit
La femme a plus de personnalité que d’habitude
L’intensité du tableau provient de sa couleur presque électrique
Degas a été un des premiers peintres à exploiter les qualités de l’éclairage artificiel
Il s’attachait aux problèmes de la lumière dans un intérieur
Harmonie puissante obtenue par une couleur extrêmement dépouillée et saturée
1893/1898 -
La vie des petites jeunes filles de l'Opéra n'était pas toute brillante et pour réussir il fallait beaucoup de souffrance
Le poète Rilke a écrit " ... Elles surprennent ces jeunes filles à qui toute la vie tombe peu à peu dans les jambes de sorte que sur leur front ne revient que le reste d'un souvenir de ce qu'elles n'ont jamais connu, qui se perdra bientôt dans un sourire appris. Elles se tiennent là, la plupart du temps en groupe sur le sol désertique des salles de ballet, et lacent leurs chaussons ... "
1894 -
La femme veut passer de l'élément mouillé à l'élément sec mais Degas ne restitue pas les traces d'humidité sur son corps
Il estompe la partie droite de la serviette
La serviette entoure le corps nu comme un vase ouvert
Degas veut mettre en valeur non l'acte de se sécher mais la dignité du corps auquel la serviette donne une aura profane
1896 – APRES LE BAIN
De 1895 à 1890 l’œuvre de Degas est fortement marquée par son intérêt pour la photographie
Avec un appareil Kodak il immortalise ses amis
Les épreuves photographiques deviennent des points de départ pour des tableaux
Le nu ressort en diagonale dans une composition carrée inusitée
Une première diagonale créée par l’angle que forme les deux murs du fond qui sont réduits à de simples rideaux décoratifs
Une seconde diagonale marquée par la baignoire grise coupée en bas à droite du cadre
L’étirement du nu signifierait l’extase ou le tourment
1896 – APRES LE BAIN
Dans cette toile la force dramatique du clair-
Domination du contour gras et grisé tracé en noir de fumée
1896/1898 – SAINT-
En 1898 Degas s’essaie aux paysages en parcourant certains lieux de son enfance à
Saint-
L’imbrication des maisons et de la ligne d’horizon soustraient la représentation à des lignes de fuite abstraites
L’atmosphère chaude de l’automne et la structure de la représentation de la petite ville balnéaire de la Manche révèlent des accents cézanniens
La simplification géométrique est accentuée par la liberté du trait qui souligne les toits et les murs : la chaleur de la saison se traduit dans l’empâtement de l’huile
1896/1898 – JOCKEY BLESSE
Dans ce tableau il ne reste que le jockey à terre et le cheval en liberté à ses côtés
Ils sont isolés et figés dans l’instantanéité d’un reportage photographique
Allégorie vers la mort tendant vers l’abstraction propre à la dernière période de Degas
La puissance de ce tableau tient au paysage sobre et rudimentaire
Un champ vert qui domine la toile en s’élevant en diagonale de gauche à droite et qui confine le ciel changeant dans une bande qui va en se rétrécissant
Le cheval se découpe, effrayé, dans un violent clair obscur qui dessine sa silhouette
Le jockey git à terre, tel un cadavre, détouré par un trait dense
Aucun élément narratif mais la scène s’impose par sa capacité à rendre la dimension tragique du sujet
1898 – TROIS DANSEUSES DERRIERE LA SCENE
Sa passion pour la photographie lui fait reprendre l’étude de la couleur
Il achète un appareil Kodak et harcèle ses amis pour qu’ils prennent la pose dans des intérieurs à l’éclairage très contrasté
Les danseuses sont réétudiées à partir des épreuves photographiques
Le clair-
Avec les « Danseuses » de la dernière période l’espace se resserre, figeant les gestes dans des poses mécaniques
La surface qui n’est plus rythmée par les points d’appui de la perspective s’impose souveraine dans un « tout » décoratif
Les « Fauves » qui apparaîtront lors du Salon d’Automne de 1905 exploreront totalement le potentiel expressif de l’affranchissement de la couleur par rapport à la ligne
1899 – DANSEUSES RUSSES
La dernière période de Degas se caractérise par la couleur saturée et crue, la trame dense des lignes et la violence du trait
Degas a une véritable vénération pour l’Orient des tapis et des miniatures, l’Orient exotique et romantique de Delacroix
En 1889, à l’âge de 65 ans, il entreprend un voyage à Tanger
Degas présentant ce tableau à Julie Manet « une orgie de couleurs »
Compte rendu dans le journal :
« Des femmes en habits russes avec des fleurs dans les cheveux, portant des chemises blanches, des jupes aux couleurs flamboyantes et des bottes rouges, qui dansent sur le fond d’un paysage imaginaire qui ne saurait être plus réel. Les mouvements sont tracés de manière extraordinaire, les couleurs des costumes sont magnifiques »
La ligne épouse en souplesse les contours d’un trait continu, donnant du relief et de la matière aux vêtements avec la texture grasse et pleine du pastel
La palette – rose, mauve, bleu, vert, jaune – unit l’ensemble, conférant une homogénéité aux figures réduites aux touches chromatiques d’une partition abstraite
Le spectacle de la Compagnie des ballets russes de Diaghilev fait un énorme succès aux Folies Bergères en 1895
Le public est captivé par la gaité folklorique des costumes et l’énergie primitive de la danse
1899 – DANSEUSES AJUSTANT LEURS ROBES
La vue de Degas diminuant son style devint plus violent et plus expressif
Les formes des danseuses sont pleines, presque sculpturales
Les traits de pastel font vibrer la surface qui est d’une couleur violente
Les danseuses attendent dans les coulisses avant la représentation
Degas était fasciné par l’attitude de la danseuse levant son bras pour ajuste la bretelle de sa robe
Cette position apparaît dans plusieurs pastels et dessins
Il juxtapose trois vues du même geste
Il réunit ces trois figures en une sorte de tresse autour de la figure qui à l’arrière
lève son bras au-
1899 – DANSEUSES
A la fin de sa vie Degas a souvent traité un groupe de danseuses vues de près, parfois se reposant entre deux figures de danse, parfois ajustant leurs vêtements
En vieillissant il se désintéressait des mouvements violents des danseuses en scène, il n’allait plus que rarement au théâtre et les tableaux de danseuses étudiées en atelier d’après des modèles sont plus posés
Zola critiquait un homme qui s’était enfermé toute sa vie pour dessiner des danseuses. Degas avait abandonné la recherche du réalisme que pratiquait Zola : il exprime plus qu’il ne décrit les effets de la lumière derrière la scène
Il étudie la façon dont plusieurs couleurs jouent entre elles
Il dessine largement ses personnages
Il superpose des rangées de coups de pastel pour obtenir de nouveaux effets de contexture
Le résultat est un renforcement de la couleur
1903 – QUATRE DANSEUSES
Beaucoup des derniers pastels de Degas sont plus peints que dessinés
Il utilise couche sur couche des coups de craies colorées, les humectant et superposant une surface à l’autre jusqu’à ce que ces œuvres prennent un caractère de fresques en miniature
Plus d’accent sur la silhouette ou les contours
Plutôt les accords sonores des couleurs de Venise que les dessins de Florence qu’il avait d’abord admirés
La couleur riche et dense exprime un sentiment nouveau, passionné chez l’artiste
Eclatement de force romantique chez un homme qui a froidement passé la plus grande partie de sa vie à poursuivre la perfection classique
En entassant et en écrasant des couleurs éclatantes, Degas, à la fin de sa carrière touche à l’école moderne
Son expressionnisme va influencer Bonnard
1903 – FEMME SE SECHANT
Audace et violence de la couleur
Brillante lueur expressionniste qui atteint son paroxysme dans la chevelure rouge de la baigneuse
On ne distingue plus ce qui est mur de ce qui est draperie
Le relief est aplani par un échantillonnage de teintes criardes traversées d’autres coloris qui les recouvrent
Aucun souci d’étudier les lumières réfléchies naturelles : Degas préfère tisser une trame irréelle de couleur pour servir de fond à son personnage
L’action de la femme est tout à fait simplifiée et n’est conservé que ce qui se rapporte au mouvement dominant du corps
Le fusain sert largement pour les contours
Le corps tire une puissance de toutes ces couleurs posées à traits véhéments
Ce pastel annonce les expériences de Kandisky et les expressionnistes allemands qui rejetteront toute référence à l’objet, libérant lumière, ligne et couleur et fondant sur elles les nouvelles bases de la peinture