1884 – LES REPASSEUSES


Etude de mouvement contrasté

Deux personnages dont l’activité diffère : une des femmes est en train de s’étirer, la bouche ouverte dans un bâillement ; l’autre pèse sur son fer dans une attitude qui fait jouer tous ses muscles

Forme classique pour exprimer une scène banale de la vie quotidienne

La table coupe en diagonale le premier plan comme le faisaient les plateaux de théâtre obliques ou les planchers en raccourci et nous fait ainsi pénétrer dans le tableau

Les deux femmes sont soulignées par des contours appuyés  et construites dans un rythme contrasté d’angles et de courbes

Un sens particulier de l’éclairage imprègne toute la scène

Le rapprochement au premier plan des personnages crée un dialogue avec le spectateur

Trame grossière de la toile : c’est la seule qui ne soit pas préparée dans les œuvres que nous connaissons de Degas

1885 – LE TUB


Degas veut se confronter directement à la virtuosité du dessin en acceptant le faible niveau de contenu de l’image

La femme occupée à sa toilette quotidienne est représentée comme si on l’observait « par le trou de la serrure »

Degas « Arranger des marches tout autour d’une pièce, de façon à s’habituer à dessiner les choses soit vues d’en bas, soit vues d’en haut »

Les critiques déduisent de la lourdeur des chairs, de l’usure de la baignoire et des mains gonflées du modèle une extraction populaire

Huysmans « Ce  n’est plus la chair plane et glissante, toujours nue des déesses … C’est de la chair déshabillée, réelle, vive … son œuvre appartient au réalisme … tel que le conçurent certains des primitifs »

Geffroy « La femme considérée en femelle, exprimée dans sa seule animalité, comme s’il s’agissait d’un traité de zoologie »

Le dessin émerge avec une franchise inédite

Le trait des contours s’affirme avec vigueur et contribue à l’effet anguleux de l’ensemble

1884 – SCENE DANS UNE LAVERIE


Deux femmes dont les attitudes sont opposées

Fortes verticales par la fenêtre, le linge en haut et le poêle mais les deux femmes sont disposées le long d’une forte diagonale

Les deux femmes font une pose dans leur travail et soulagent leur dos douloureux

A la différence de Daumier Degas ne mettait pas l’accent sur la détresse ou la pauvreté de ses modèles

La force particulière de ce tableau viens sans doute de la tension entre un sujet d’extrême réalisme social et la joyeuse vitalité des couleurs

1883 – APRES LE BAIN


Baudelaire en 1846 se plaignait que les artistes ne peignent pas la beauté du nu moderne dans les situations quotidiennes de la vie moderne

C’est la première baigneuse présentée debout et le corps entièrement visible

Elle s’inscrit dans un espace bien définie de profondeur moyenne

Degas peignit toute une série de pastels de nus

Le personnage vu par derrière est ignorant du spectateur et absorbé dans sa toilette souvent présenté dans une situation instable au milieu d’un mouvement

Degas affectionne de représenter le corps en mouvement à un instant donné

En peignant le corps en mouvement dans l’espace, Degas ajoute la sensation du temps à celle de l’espace

Avec le temps les couleurs de Degas sont plus riches et le dessin plus relâché

La fraîcheur et la légèreté des couleurs font penser à Boucher

1883/1890 – APRES LE BAIN, FEMME SE SECHANT


Une femme nue vue de derrière, actionne activement la serviette d’un bras levé pour sécher son cou

Degas était attiré par la pose maladroite qui révèle la tension du corps

L’étirement des bras tord le modèle et crée des angles aigus

L’épaule droite levée crée un sillon d’ombre forte dans le dos et révèle la contraction des muscles du corps

L’épaule semble faire saillie et la couleur rouge des cheveux fait écho à la couleur du fond et rapproche cette zone vers l’avant

Des traits de rose traversent le dos

Le bras gauche a été modifié comme le montre une zone confuse de gribouillage

A la différence de Renoi, Degas était intéressé par les muscles du corps

1883 – LE PETIT DEJEUNER APRES LE BAIN


Degas de plus en plus étudiera le « nu » féminin non pas dans un ensemble historique ou mythologique mais franchement pour lui-même

Il se séparait ainsi des décors idylliques de Corot ou des sous-bois de Courbet

Observation profonde de la femme dans les actes quotidiens qui mettent en relier la structure du corps et les jeux des muscles et de la chair

Tâche simple et expressive de s’essuyer, de se tourner, de se courber

Il oppose l’arabesque animée des formes de la femme à la verticale calme de la servante droite comme une colonne, les deux motifs étant reliés par l’arrondi de la baignoire

Le corps nu, énergiquement modulé en couleur, montre combien Degas s’apparente à la méthode impressionniste dans l’art de traduire la lumière

Il construit avec des ombres une forme solide qui à son tour reçoit et réfléchit les tonalités brillantes de la chambre

1885 – LA BOUTIQUE DE LA MODISTE


Degas n’a jamais peint de nature morte. Le mouvement de la vie l’intéressait plus que les objets inanimés. Il cherchait à peindre l’homme dans la diversité de ses gestes et de ses attitudes

Même ici où son œil a été intéressé par la collection de chapeaux d’une modiste il centre son tableau sur un être humain

La composition est axée sur le zigzag transversal que dessine le bord de la table avec les bras de la modiste

Les masses arrondies des chapeaux s’opposent à cette ligne brisée aux verticales rigoureuses que constituent les supports des chapeaux

La touche légère nous rappelle la façon dont Degas peignait les tutus et les costumes de ses danseuses

La gamme des coloris des chapeaux ressort sur l’orange du dessus de table et sur le vert neutre de la robe

Somptuosité de la lumière et largeur de la facture

Contraste entre la mise simple de la modiste et les chapeaux luxueux qui l’entourent

Degas fit de nombreuses visites chez les couturiers en compagnie de son amie, Madame Strauss

1885 – BALLET VU D’UNE LOGE DE L’OPERA


La distance entre le spectateur et la danseuse est tellement raccourcie que l’on se sent soudain au milieu même de la représentation


Degas fut un temps poéte :

« Le ruban de ses pas s’entortille et se noue ..

Et ses pieds de satin brodent, comme l’aiguille,

Des dessins de plaisir. La capricante fille

Use mes pauvres yeux, à la suivre peinant »


1885 – LA SORTIE DE BAIN


Pour Degas un gros plan suffit à exprimer la forme avec une remarquable solidité

L’artiste a exagéré certains éléments pour accentuer davantage le geste : l’avant-bras raccourci, la courge aplatie du haut du dos, la ligne rythmée de la poitrine et de la taille

Degas joue du gonflement des draperies, les unes légères, les autres plus lourdes, contre la forme plus solide de la femme

Il donne au fond un rythme différent de celui du modèle

Teintes fortes dans leurs contrastes mais délicates dans leurs variations

Ce nu est affranchi de la sensualité : Degas est trop absorbé par la recherche de la forme expressive pour s’attarder au charme animal du déshabillé

1885 - LECON DE DANSE


La "courbe" formée par les danseuses crée une suite de figures qui dessine une frise

Degas nous montre que dans les automates dansants se cachent des êtres humains

1886 – LE TUB


Chaque fois que Degas reprit le thème de la femme se lavant dans son tub il produisit une peinture entièrement différente. Il savait voir d’un œil toujours neuf

Ces femmes  n’existent pas en tant qu’individus

Leurs visages sont souvent cachés par la pose qu’il leur fait prendre

L’artiste s’est en revanche penché sur les corps souples ou tendus et a rendu par son dessin le jeu des muscles sous la chair baignée de lumière

Ses nus ne sont pas voluptueux : ils n’ont pas l’animalité robuste de ceux de Rubens ou la radieuse personnalité de ceux de Renoir

Ce sont d’abord des études de la forme humaine et ensuite et subsidiairement des femmes

Composition avec répétition des lignes courbes du tub, de la tête et du dos

Le bras qui tient l’éponge ressort contre les plis anguleux de la draperie et l’oblique saillante du coude gauche

Couleur rare qui fixe le corps dans l’espace

1886 – LE TUBE


Degas étudiait chez la femme les attitudes naturelles

Le Paris de 1880 était choqué car les ablutions ressortaient plus du boudoir que des galeries de tableaux

Degas allie une observation précise de la nature et un art du dessin

Perspective osée de cette vue plongeante d’une tablette garnie d’articles de toilette formant une verticale qui s’oppose aux courbes de la femme et du tub circulaire

Extrême solidité du corps et une grande délicatesse de surface

Rythme délicat du contour du corps

Les formes rondes se font écho dans le corps et dans les pots

Le pastel se révèle souple, esquissant par endroits, insistant ailleurs

1886 – JOCKEYS SOUS LA PLUIE


Dans les années 80 Degas revint vers les scènes de chevaux, probablement stimulé par les photos de Muybridge qui décortiquait le galop et le trop

Degas se concentre donc sur une analyse précise du mouvement

Ce tableau rend la fine élégance du pur sang qu’il décrit dans un poème « Tout nerveusement nu dans sa robe de soie »

L’espace vide peut faire croire à un instantané informel

Degas a créé un triangle d’espace vide et un triangle rempli de mouvement

L’immédiateté de la scène est renforcée par la chute de la pluie

Les longs traits en diagonal contrastent avec les griffonnages de couleurs vives des vestes des jockeys


1886 – FEMME  NUE S’ESSUYANT LE PIED


Le corps replié sur lui-même subit des contorsions anatomiques à la manière des célèbres Baigneuses d’Ingres, chères à Degas

L’espace comprimé entre la vasque et la chaise drapée traduit l’isolement dans lequel la femme vit les gestes quotidiens

C’est l’image de la prostituée et de son univers étouffant, dépourvue de toute séduction érotique et renvoyée à son archétype biologique de « femelle de l’espèce »

1886/1888 – FEMME NUE SE FAISANT COIFFER


Une femme tout juste sortie du bain, assise sur son divan, les mains sur les hanches, qui cherche à garder l’équilibre pendant que sa femme de chambre lui penche la tête en arrière, coiffant la lourde masse de ses cheveux

Degas commence par représenter la femme, le nu est dessiné au fusain, puis modelé doucement par la couleur faite de fines lignes superposées, dignes d’un peintre de fresque

Ensuite il esquisse au crayon le canapé et la femme de chambre, pour les recouvrir après d’aplats de couleur chair et jaune moutarde, qui déterminent le ton dominant de l’œuvre

Ajoutée après coup la robe de chambre qui s’étale des pieds de la femme jusqu’au tablier de la domestique dans un jeu de texture ton sur ton d’un grand raffinement

Perpendiculaire à la méridienne, elle-même placée en diagonale pour imprimer plus de profondeur à la scène, elle forme une croix au centre de laquelle domine le  nu

La méridienne, la présence de la femme de chambre, les formes pleines, les chairs lumineuses parlent le langage satisfait de la bourgeoisie

La protagoniste est l’incarnation moderne d’une héroïne biblique, Bethsabée qui emprunte la palette du tableau de Rembrandt

1888/1890 – FEMME NUE SE COIFFANT


Vers le milieu des années 80 Degas s’intéresse à la figure humaine isolée, saisie d’un point de vue rapproché et d’accessoires d’atelier qui laisseraient imaginer des développements narratifs

La femme est réduite à son animalité monumentale et Degas dira plus tard : « J’ai peut être trop considéré la femme comme un animal »


Vers la fin de la décennie les couleurs gaies des sujets de la vie moderne et le dessin simplifié des nus se rejoignent dans une ligne colorée qui ne sert plus à  délimiter les formes, mais qui s’intensifie pour les modeler

Ce tableau est un clin d’œil à Ingres (« La Baigneuse de Valpinçon »)

Cette vue de dos s’affirme dans un style concis avec des couleurs pastel posées couche après couche

L’usage du vert et de l’abricot pour rendre la couleur de la carnation ainsi que l’association du rouge et du vert pour le divan capitonné et le papier  peint confèrent au tableau une grande luminosité

L’anti-naturalisme de son langage artistique lui vaut le qualificatif de « protosymboliste »

Degas « C’est très bien de copier ce que l’on voit ; c’est beaucoup mieux de dessiner ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire. C’est une transformation pendant laquelle l’imagination collabore avec la mémoire. Vous ne reproduisez que ce qui vous a frappé, c'est-à-dire le nécessaire. Là, vos souvenirs et votre fantaisie sont libérés de la tyrannie qu’exerce la nature »


1888/1890 – CHEVAL SE DRESSANT


Le cheval est représenté dans une position contradictoire les pattes avant dressées et les pattes arrières arquées comme s’il se braquait

Le modelé rapide et souple ajoute, par ses reliefs et sa sensibilité à la lumière, un élan à l’ensemble

1888/1890 – CHEVAL SE CABRANT


Degas suit avec intérêt les recherches photographiques de Muybridge sur les mouvements des animaux, les décomposant en séquences correspondant à leurs différentes étapes

Degas utilise les échantillons de mouvements présentés dans la publication « Animal locomotion » pour une série de sculptures

Les chevaux ne sont pas qu’une simple reproduction en trois dimensions des illustrations mais plutôt une libre paraphrase

Degas sacrifie les faits scientifiques à l’expression : il modifie parfois des positions pour intensifier le dynamisme que symbolise le cheval

1889 – LA FAMILLE MANTE


Groupe de la famille d’une jeune danseuse

Degas avait si souvent vu les mères des petites ballerines fixer des rubans dans leurs cheveux ou ajuster des nœuds sur leurs épaules

Contraste de l’enfant en robe de danse avec sa maigre sœur aînée en toilette de ville : celle de gauche figée dans l’attente, l’autre, la danseuse, esquissant déjà une pointe, figure presque fluide

Pastel sobre en couleurs pour un Degas

Harmonie de tons noirs et de bruns contre laquelle se détachent les tons clairs de la tenue de danse

Les coups de pastel parallèles édifient les personnages et donnent une unité de contexture à tout le tableau

La famille Mante était étroitement liée à l’Opéra de Paris : le père, joueur de basson dans l’orchestre, et les trois filles à un moment ou un autre danseuses dans le corps de ballet

La danseuse est Suzanne âgée de sept ans ; sa sœur est blanche qui a neuf ans

1889/1895 – DANSEUSES DANS LA SALLE DE REPETITION


Nous retrouvons le procédé familiers des danseuses par paires, dont les poses à la fois s’apparentent et forment contraste

D’un côté un groupe nombreux que balance un vide de l’autre

Exagération de l’espace par l’inclination du plancher

Eclairage à contre-jour par les fenêtres du fond qui fait ressortir les contours et les silhouettes

Recherche très poussée de l’unité : tons riches mais larges, les coups de pinceau ne détaillent plus, les effets de lumière jouent sur des zones étendues

Ce n’est plus le mouvement violent qui l’intéresse : le thème est pris pendant une pause

Il n’insiste pas sur le côté piquant de chaque danseuse

Degas cherche plus à exprimer qu’à dépeindre ce qui est d’autant plus sensible que tableau est inachevé

1890 – LE BAIN MATINAL


L’artiste saisit le nu entrant dans le bain, s’infléchissant en une attitude déséquilibrée

Le mouvement est rendu à la fois par le corps et par le zigzag des lignes qui partent de l’angle inférieur droit et qui se continue par la baignoire vers le mur

Au premier plan la blancheur des draps s’oppose au riche chatoiement des motifs de la cloison et des rideaux à l’arrière plan

Le corps de la femme par sa diagonale contribue à la profondeur de l’espace

Le peintre renforce certaines lignes du corps et en estompe d’autres pour faire sentir le mouvement en cours

L’éclat des bleus et des verts met en valeur la tonalité chaude de la peau

L’artiste fait jouer les tonalités les unes avec les autres par des hachures de couleur vivace

Influence de l’art oriental : à cette époque Degas collectionnait avec enthousiasme des tapis et des tissus

1887/1890 – FEMME SE COIFFANT


La critique ne comprenait pas le traitement iconoclaste du nu par Degas

Ses toiles étaient dépourvues de l’érotisme d’un sujet particulièrement cher à la grande tradition figurative

« Ce n’est plus la chair plane et glissante, toujours nue des déesses … C’est de la chair déshabillée, réelle, vive … son œuvre appartient au réalisme »

Beaucoup de critiques évoquaient le lieu commun de la misogynie de Degas

La coiffure est un thème cher à Degas qui l’utilise pour créer l’action et le mouvement

1885/1886 – FEMME  NUE S’ESSUYANT LE PIED


Vers 1885 le dessin de Degas s’affirme de plus en plus énergique et prévaut sur la couleur à contre-courant de la peinture rutilante de ses amis impressionnistes Monet et Renoir

Degas « Tout le monde exploite le potentiel de la couleur, moi celui du dessin. C’est un domaine beaucoup plus riche »

La figure féminine ne procède pas d’une vision en prise directe, elle est au contraire soigneusement étudiée, ébauche après ébauche, « à partir du modèle »

Degas fait ensuite les choix et les synthèses qui sont à la base de la « véracité » que lui reconnaît la critique

Le critique Fénéon « Degas ne copie donc pas d’après nature : il accumule sur un même sujet une multitude de croquis, où il puisera la véracité qu’il confère à son œuvre ; jamais tableaux n’ont moins évoqué la pénible image du « modèle » qui pose »

Dépourvue du vernis mondain la femme est réduite à l’animalité « d’une chatte qui se lèche », elle est ramenée de l’état de culture à celui de nature

1890 – DANSEUSES


Dans ce tableau dépouillé les danseuses se reposent sur un banc  sauf une debout devant la fenêtre

Degas a réduit les éléments du tableau à l’essentiel

Ce pastel est réalisé en couches épaisses tant horizontales que verticales sur les murs et sur le plancher

Les contours des danseuses sont accentués

1890 – CHEVELURE COIFFEE


Cette œuvre préfigure le fauvisme qui privilégiera l’emploi de la couleur pure

Matisse fut pendant longtemps propriétaire de ce tableau qu’il admirait

D’évidence la toile est inachevée mais nous pouvons néanmoins apprécier la clarté de la mise au point et l’étrange fermeté du dessin

Riche éclat de couleur enveloppant les figures dessinées avec force

Des mouvements angulaires créent une forte diagonale du bas à gauche au haut à droite du tableau

Contraste entre la tenue verticale de la servante et le calme de son action de coiffer avec l’extension de la fille forcée à une pose tendue et à des mouvements saccadés

1890 – DANSEUSES EN BLEU


Degas nous offre une très belle couleur bleue

L’espace est peu profond et uniquement suggéré par l’enchaînement des mouvements des danseuses

Le peintre n’a utilisé qu’un seul modèle décrit dans quatre positions successives

Les robes bleues créent un motif délicat en surface qui s’oppose aux textures variées de l’arrière plan

A cette époque Degas était presque aveugle et il frottait la peinture de son pouce et de ses doigts

Les visages sont devenus des zones d’une couleur presque arbitraire

1890 – FEMME SE SECHANT ELLE-MÊME


La vue de Degas faiblissant le dessin devient plus lâche et la couleur plus exotique

Caractère expressif et presque violent de son dernier nu présenté dans une pose compliquée

Les tensions du cops semblent artificielles, exagérées par le manque de profondeur de l’espace

Le corps de la femme est saisi entre deux espaces de lumière

On dirait un dessin abstrait d’une couleur violente appliquée presque avec brutalité et de forts contrastes de texture

Longues verticales qui strient les contours ronds des fesses

Dessin en zigzag sur le dos

Le corps tordu de la femme crée un conflit entre le premier plan et l’arrière plan qui ne se distinguent pas nettement

1890 – UN CHEMIN SUR LA COLLINE


En octobre 1890 à l’occasion d’un voyage à Bordeaux Degas réalise pour la première fois une série de paysages

Ces paysages déçoivent les attentes du public par leur hermétisme

Ils se proposent comme des « paysages imaginaires » par :

- l’absence de repères figuratifs

- l’absence de toute trace de présence humaine

- pas d’équilibre de la composition du fait de la répartition des masses


Degas « Le fruit de mes voyages de cet été. Je me tenais à la portière des wagons, et je regardais vaguement. Cela m’a donné l’idée de faire des paysages »


1890 – FORET EN MONTAGNE


Imaginés de mémoire le monotype ne donne aucune prise à l’interprétation figurative

Degas parlera d’une volonté  de renoncement, renoncement à la figure humaine, aux référence topographiques, à la composition classique

A son ami Ludovic Halévy qui pour décrire ce paysage proposait la formule : « d’états d’âmes », il répondit « des états d’yeux »

Il s’agit de fragments échoués et recomposés dans la mémoire

La revue symbolique Mercure de France est enthousiaste et parle de « lieux chimériques recomposés avec l’imagination »

Degas, poète de l’artifice, notamment hostile au travail sur le motif inspire à un critique ce commentaire « Pour arriver à cela, il fallait avoir réfléchi longtemps au cœur de la nature … il fallait connaître la nature profondément pour pouvoir en exprimer au moins un peu »

1890 – DANSEUSES EN ROSE ET VERT


Ce tableau illustre le principe du modelage par la ligne et la couleur

L’artiste revient au thème des danseuses exploré dans les années 1870

L’intérêt curieux pour la physionomie a disparu

Il n’y a plus de place pour le charme de l’anecdote

Le répertoire des poses se réduit à un éventail restreint

Le format carré resserre les danseuses en groupes compacts

La figure du protecteur du ballet se dilate dans une silhouette floue

Composition verticale soulignée par les piliers du décor et les troncs d’arbres

De profond l’espace est devenu superficiel

Degas veut donner à la peinture à l’huile l’opacité du pastel : il mélange les couleurs avec le blanc, met la dernière touche à sec, applique la couleur couche après couche et retouche directement du doigt

Opposition des couleurs complémentaires : l’orange sur le bleu du justaucorps, le vert des tutus sur le rose des collants

Degas « C’est très bien de copier ce qui se voit ; c’est beaucoup mieux de dessiner ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire. C’est une transformation pendant laquelle l’imagination collabore avec la mémoire. Vous ne reproduisez que ce qui vous a frappé, c'est-à-dire le nécessaire. Là, vos souvenirs et votre fantaisie sont libérés de la tyrannie qu’exerce la nature »

1893 – REPOS


Si à la fin de sa vie Degas marquait son intérêt pour les mouvements du corps nu il n’en négligeait pas pour autant les attitudes de repos

Composition qui fait sentir sous l’étude de draperie la force sculpturale du corps abandonné sur le lit

La femme a plus de personnalité que d’habitude

L’intensité du tableau provient de sa couleur presque électrique

Degas a été un des premiers peintres à exploiter les qualités de l’éclairage artificiel

Il s’attachait aux problèmes de la lumière dans un intérieur

Harmonie puissante obtenue par une couleur extrêmement dépouillée et saturée

1893/1898 - DANSEUSES LACANT LEURS CHAUSSONS


La vie des petites jeunes filles de l'Opéra n'était pas toute brillante et pour réussir il fallait beaucoup de souffrance

Le poète Rilke a écrit " ... Elles surprennent ces jeunes filles à qui toute la vie tombe peu à peu dans les jambes de sorte que sur leur front ne revient que le reste d'un souvenir de ce qu'elles n'ont jamais connu, qui se perdra bientôt dans un sourire appris. Elles se tiennent là, la plupart du temps en groupe sur le sol désertique des salles de ballet, et lacent leurs chaussons ... "

1894 - APRES LE BAIN


La femme veut passer de l'élément mouillé à l'élément sec  mais Degas ne restitue pas les traces d'humidité sur son corps

Il estompe la partie droite de la serviette

La serviette entoure le corps nu comme un vase ouvert

Degas veut mettre en valeur non l'acte de se sécher mais la dignité du corps auquel la serviette donne une aura profane

1896 – APRES LE BAIN


De 1895 à 1890 l’œuvre de Degas est fortement marquée par son intérêt pour la photographie

Avec un appareil Kodak il immortalise ses amis

Les épreuves photographiques deviennent des points de départ pour des tableaux


Le nu ressort en diagonale dans une composition carrée inusitée

Une première diagonale créée par l’angle que forme les deux murs du fond qui sont réduits à de simples rideaux décoratifs

Une seconde diagonale marquée par la baignoire grise coupée en bas à droite du cadre

L’étirement du nu signifierait l’extase ou le tourment

1896 – APRES LE BAIN


Dans cette toile la force dramatique du clair-obscur se traduit par une palette monochrome ocre et terre de Sienne brûlée

Domination du contour gras et grisé tracé en noir de fumée


1896/1898 – SAINT-VALERY-SUR-SOMME


En 1898 Degas s’essaie aux paysages en parcourant certains lieux de son enfance à Saint-Valéry-sur-Somme

L’imbrication des maisons et de la ligne d’horizon soustraient la représentation à des lignes de fuite abstraites

L’atmosphère chaude de l’automne et la structure de la représentation de la petite ville balnéaire de la Manche révèlent des accents cézanniens

La simplification géométrique est accentuée par la liberté du trait qui souligne les toits et les murs : la chaleur de la saison se traduit dans l’empâtement de l’huile

1896/1898 – JOCKEY BLESSE


Dans ce tableau il  ne reste que le jockey à terre et le cheval en liberté à ses côtés

Ils sont isolés et figés dans l’instantanéité d’un reportage photographique

Allégorie vers la mort tendant vers l’abstraction propre à la dernière période de Degas

La puissance de ce tableau tient au paysage sobre et rudimentaire

Un champ vert qui domine la toile en s’élevant en diagonale de gauche à droite et qui confine le ciel changeant dans une bande qui va en se rétrécissant

Le cheval se découpe, effrayé, dans un violent clair obscur qui dessine sa silhouette

Le jockey git à terre, tel un cadavre, détouré par un trait dense

Aucun élément narratif mais la scène s’impose par sa capacité à rendre la dimension tragique du sujet

1898 – TROIS DANSEUSES DERRIERE LA SCENE


Sa passion pour la photographie lui fait reprendre l’étude de la couleur

Il achète un appareil Kodak et harcèle ses amis pour qu’ils prennent la pose dans des intérieurs à l’éclairage très contrasté

Les danseuses sont réétudiées à partir des épreuves photographiques

Le clair-obscur dramatique confère une dimension théâtrale au sujet

Avec les « Danseuses » de la dernière période l’espace se resserre, figeant les gestes dans des poses mécaniques

La surface qui n’est plus rythmée par les points d’appui de la perspective s’impose souveraine dans un « tout » décoratif

Les « Fauves » qui apparaîtront lors du Salon d’Automne de 1905 exploreront totalement le potentiel expressif de l’affranchissement de la couleur par rapport à la ligne

1899 – DANSEUSES RUSSES


La dernière période de Degas se caractérise par la couleur saturée et crue, la trame dense des lignes et la violence du trait

Degas a une véritable vénération pour l’Orient des tapis et des miniatures, l’Orient exotique et romantique de Delacroix

En 1889, à l’âge de 65 ans, il entreprend un voyage à Tanger


Degas présentant ce tableau à Julie Manet « une orgie de couleurs »

Compte rendu dans le journal :

« Des femmes en habits russes avec des fleurs dans les cheveux, portant des chemises blanches, des jupes aux couleurs flamboyantes et des bottes rouges, qui dansent sur le fond d’un paysage imaginaire qui ne saurait être plus réel. Les mouvements sont tracés de manière extraordinaire, les couleurs des costumes sont magnifiques »


La ligne épouse en souplesse les contours d’un trait continu, donnant du relief et de la matière aux vêtements avec la texture grasse et pleine du pastel

La palette – rose, mauve, bleu, vert, jaune – unit l’ensemble, conférant une homogénéité aux figures réduites aux touches chromatiques d’une partition abstraite


Le spectacle de la Compagnie des ballets russes de Diaghilev fait un énorme succès aux Folies Bergères en 1895

Le public est captivé par la gaité folklorique des costumes et l’énergie primitive de la danse


1899 – DANSEUSES AJUSTANT LEURS ROBES


La vue de Degas diminuant son style devint plus violent et plus expressif

Les formes des danseuses sont pleines, presque sculpturales

Les traits de pastel font vibrer la surface qui est d’une couleur violente

Les danseuses attendent dans les coulisses avant la représentation

Degas était fasciné par l’attitude de la danseuse levant son bras pour ajuste la bretelle de sa robe

Cette position apparaît dans plusieurs pastels et dessins

Il juxtapose trois vues du même geste

Il réunit ces trois figures en une sorte de tresse autour de la figure qui à l’arrière lève son bras au-dessus de sa tête

1899 – DANSEUSES


A la fin de sa vie Degas a souvent traité un groupe de danseuses vues de près, parfois se reposant entre deux figures de danse, parfois ajustant leurs vêtements

En vieillissant il se désintéressait des mouvements violents des danseuses en scène, il n’allait plus que rarement au théâtre et les tableaux de danseuses étudiées en atelier d’après des modèles sont plus posés

Zola critiquait un homme qui s’était enfermé toute sa vie pour dessiner des danseuses. Degas avait abandonné la recherche du réalisme que pratiquait Zola : il exprime plus qu’il ne décrit les effets de la lumière derrière la scène

Il étudie la façon dont plusieurs couleurs jouent entre elles

Il dessine largement ses personnages

Il superpose des rangées de coups de pastel pour obtenir de nouveaux effets de contexture

Le résultat est un renforcement de la couleur

1903 – QUATRE DANSEUSES


Beaucoup des derniers pastels de Degas sont plus peints que dessinés

Il utilise couche sur couche des coups de craies colorées, les humectant et superposant une surface à l’autre jusqu’à ce que ces œuvres prennent un caractère de fresques en miniature

Plus d’accent sur la silhouette ou les contours

Plutôt les accords sonores des couleurs de Venise que les dessins de Florence qu’il avait d’abord admirés

La couleur riche et dense exprime un sentiment nouveau, passionné chez l’artiste

Eclatement de force romantique chez un homme qui a froidement passé la plus grande partie de sa vie à poursuivre la perfection classique

En entassant et en écrasant des couleurs éclatantes, Degas, à la fin de sa carrière touche à l’école moderne

Son expressionnisme va influencer Bonnard

1903 – FEMME SE SECHANT


Audace et violence de la couleur

Brillante lueur expressionniste qui atteint son paroxysme dans la chevelure rouge de la baigneuse

On ne distingue plus ce qui est mur de ce qui est draperie

Le relief est aplani par un échantillonnage de teintes criardes traversées d’autres coloris qui les recouvrent

Aucun souci d’étudier les lumières réfléchies naturelles : Degas préfère tisser une trame irréelle de couleur pour servir de fond à son personnage

L’action de la femme est tout à fait simplifiée et n’est conservé que ce qui se rapporte au mouvement dominant du corps

Le fusain sert largement pour les contours

Le corps tire une puissance de toutes ces couleurs posées à traits véhéments

Ce pastel annonce les expériences de Kandisky et les expressionnistes allemands qui rejetteront toute référence à l’objet, libérant lumière, ligne et couleur et fondant sur elles les nouvelles bases de la peinture

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